Là-bas, chez lui, une autre quête l’attend. Ces quelques jours, perdus pour Francie, mais si importants pour Sylvie. Victor, il lui doit bien plus que ces heures à fouiller la région. Victor, un ami, un vrai, un frère. Il a confiance en lui, comme en lui-même. Certain de le voir accourir, du bout du monde si besoin est, pour lui. Pour Francie et lui. Auprès de Victor, demain, il pourra se libérer
Stéphane roule, très vite. A faire la course contre le soleil qui décline à l’horizon. Déjà, en vue, les premières tentes. Le pilote est là, les attend, s’avance vers Xavier qui saute du véhicule
Nous pouvons partir immédiatement. Nous avons beau temps et très peu de vol. Ce n’est pas trop loin. Une heure, un peu plus mais à peine. Alors, d’accord
Bien sûr. Stéphane. Je vous confie Sylvie
Partez tranquille, et soyez prudents
Mais, Xavier... Attends ! Stéphane, il ne prend pas même le temps de se reposer un peu
Allez viens, tu vas voir, ils vont revenir avant que tu ne t’en rendes compte et n’aie pas peur, il sait ce qu’il fait. Un chic type
Oui. Bien plus que cela. Ils sont partis
Je vois, viens te reposer. Tu dois dormir, pour être toute fraîche demain matin
Le pilote a raison, pas un long vol, un simple saut dans l’espace. Il a réuni toutes les coordonnées et il sait pouvoir atterrir à une centaine de mètres du camp où se trouve Victor. Dès qu’ils l’auront ramené avec eux, ils repartiront sur Adis Abeba. Demain. Trop tard pour cette nuit. Mais quand tout sera réglé ici, Xavier rentrera chez lui, il ne peut plus attendre
Chaque instant qui passe l’éloigne un peu plus de Francie. Toutes ces heures devant elle pour prendre encore plus de distance, pour mieux se dissimuler
Autour d’eux la nuit étend des rideaux d’ombre alors qu’en bas, en droite ligne devant eux, deux sillons de lumières prennent forme
Ils marquent la piste. Dans cinq minutes, vous serez avec votre ami. Je vous l’avais bien dit, un simple coup d’aile. Nous pourrons repartir demain matin très tôt. La petite dame, elle sera *******e de vous voir avant que prévu
Oui, bien avant. Merci, pour tout
Accrochez-vous, il y a autant de trous que de bosses par ici
Le petit appareil tremble sur le sol inégal, gémit de s’arracher aux broussailles qui le freinent
Xavier, à peine l’avion immobilisé, en sort, saute, se reçoit debout devant un groupe dont dépasse une haute silhouette
Victor. Tu es plus grand que dans mon souvenir
Penses-tu, c’est eux qui ne le sont pas de trop. Alors, tu es venu respirer l’air du pays
Bien sûr, je ne savais plus quoi faire de mon temps. Un petit bonjour en passant. Tout va bien
Maintenant, oui. J’ai provoqué un joli remue ménage
Il fallait au moins s’attendre à cela de toi
Je suis navré, j’ai pourtant pris toutes les précautions nécessaires
Tu n’as pas pensé aux distraits. Je suis heureux de te voir
Et moi. Comment va Sylvie
Presque morte de peur, mais ne lui dis rien à ce sujet. Elle a été très courageuse. Elle va t’appeler
Ma puce. J’ai compris tellement tard, Xavier. Elle
« Je suis tout à toi »
Il ne m’est rien venu d’autre à l’esprit
Un « je t’aime » aurait suffi
Trop banal. Parce que l’aimer, il ne fait que cela, et depuis toujours. Déjà, quand il la surveillait, à peine sortie de ses langes de nourrisson, courant avec maladresse sur la collerette d’or et de corail dont se pare l’atlantique. Davantage pendant qu’ils glissaient sur les pentes mouvantes des dunes. Tout autant alors qu’ils se cachaient dans l’univers complice de leur forêt magique. Et bien plus aujourd’hui. Trop banal, parce qu’il y a une infinité de formes d’amour. On peut aimer son chien, une pâtisserie en particulier, un air de musique qui émeut plus qu’un autre. On peut aimer le vent, la mer, le soleil, jusqu'à la solitude... Tout peut s’aimer, d’un amour à chaque fois total et absolu... Mais qui n’a rien à voir avec celui qu’il ressent, lui. Comment, pour le décrire, peut-il utiliser un terme qui évoque tout et rien à la fois ? Un nouveau mot, voilà. Il faudrait créer un mot tout neuf, et pour qu’il le soit tout à fait, ajouter des lettres à l’alphabet
Victor, tu m’inquiètes. Il était temps que je te ramène. Fini, ici
Oui, nous allions partir d’ailleurs, tu me fais gagner deux jours de marche
C’est tout. Je repars immédiatement
Pas question. Je ne te lâche plus. Alors, et vous deux ? Comment va Francie ? Célèbre, adulée ? A Werder, avec Sylvie
Partie, disparue, en fuite
Victor s’arrête. La voix de cet homme, près de lui, un abîme de souffrance
Xavier
Elle a disparu, comme ça, sans un mot. Je ne sais pas pourquoi
Comment décrire le bonheur que Francie portait en elle quand elle l’a quitté ce matin-là. Après l’appel de Sylvie, l’appartement désert, les lieux bouleversés, il s’est accroché à l’idée de la rejoindre à l’aéroport. Elle ne s’y trouvait pas
Pourquoi es-tu venu ? Il fallait t’occuper d’elle
Et ajouter encore au désespoir de leur bout de chou, qui l’attendait, qui avait besoin de lui.Imaginer Victor, perdu, et, au pire... il ne veut pas y penser. Pouvait-il la laisser seule devant cette douleur. Francie, elle, est quelque part, chez eux, dans un coin où il finira bien par la retrouver
- Pas de querelle
Entre nous ? De vraie mésentente ? Pas une seule. Sinon, au moment de laisser partir Sylvie. Fran était tout à fait contre cette idée. Pas moi
Tu as bien fait de la laisser me rejoindre. Cette fois c’est toi qui est l’artisan de mon bonheur
Tu es sûr de toi
Inquiet pour Sylvie ? Pas besoin. Oui, plus encore que d’exister. Tu n’as aucune idée de l’endroit
Où Fran pourrait se cacher ? Pas la moindre. Je ne connais pas son passé, aucun de ses repères. Au bout du compte, venir vers vous, c’est aussi me rapprocher d’elle
Victor est en colère. Il est temps pour Francie d’entendre quelques vérités. Sa cachette Il est certain de savoir où elle se terre. Dans quelques jours, Sylvie et lui seront de retour à Aix, et, d’ici là, il n’est pas question pour Xavier de s’épuiser en recherches inutiles
Nous allons t’aider. Ne la cherche pas, je m’en occupe, j’ai ma petite idée. J’aurai ainsi l’occasion de lui dire ce que je pense de sa conduite
Que veux-tu dire ? Elle n’est coupable de rien
Si, de fuir. Toujours
Parce que j’ai dû l’effrayer
Victor ne sait rien, rien de ce que Francie à retiré de sa dernière expérience, combien elle en est sortie épuisée. Mais il a attendu pourtant. Que l’envie naisse en elle, qu’elle revienne à sa passion, d’elle-même. Peut-être qu’il est allé trop vite, qu’elle s’est sentie bousculée, traquée
Je ne sais plus que penser. Vic, c’est idiot, mais pour l’instant, ce qui me terrifie, c’est de rentrer et retrouver les lieux tels qu’elle les a laissés. Revivre ces moments-là
A écouter Xavier lui décrire la chambre en désordre, les tiroirs vidés, ce qu’ils traduisaient d’affolement, d’instinct de fuite, Victor reconnaît la Francie d’autrefois. Peur de Xavier ? Après ce que, lui, a senti naître et s’épanouir entre eux ? Non, c’est à n’y rien comprendre
Bon, demain direction Werder. Le temps de rassurer qui tu sais, de mettre en ordre les derniers formulaires de départ et en route vers Francie. Tu restes avec nous jusque-là
Non, je ne peux pas mais j’irai vous prendre à l’aéroport
Tout va bien ici pour eux. Xavier ne doit pas oublier ceux qui l’attendent en France, qu’il n’a pas le droit de laisser tomber. Et Victor a raison, seul, il ne peut rien
Si cela peut te rassurer, je pense qu’elle se cache dans les Landes, chez ses parents adoptifs
En dévoiler l’adresse à Xavier ? Si c’est de lui qu’elle redoute le pire, sans doute le meilleur moyen pour la faire fuir plus loin, pour qu’elle s’envole ailleurs, là où même lui, Victor, son ami, ne saurait la rattraper. Non, ils vont lui laisser le temps de se calmer, de réfléchir, puis ils prendront la route vers le village de Léon, chez les parents de Sylvie
A moi elle dira tout. Viens, de nous deux, c’est toi qui as le plus besoin de repos. Et maintenant, raconte moi Sylvie
Tu la connais
Si bien
Alors, tu peux tout imaginer
Imaginer ! C’est facile, surtout après avoir eu tout loisir de réaliser combien de temps il a perdu. Pour avoir confondu une amitié profonde, pleine de tendresse avec l’amour. Quand il disait qu’il faut inventer un mot différent, il savait de quoi il parlait
Mais, avec Sylvie, il va se rattraper