Victor, furieux après eux, dans sa première lettre, comme il fallait s’y attendre, d’avoir permis à « son » bout de chou un tel voyage vers l’inconnu, ne cesse de les en remercier dans les suivantes. C’est grâce à eux qu’il a réalisé combien sa puce lui manquait, combien surtout elle lui est précieuse. Pas un signe dans ces mots-là
Il raconte son camp au milieu de nulle part, ses malades, ses emballements, ses tournées, les dernières trouvailles de son incroyable Sylvie, leurs découvertes, et surtout l’Afrique
Sylvie, toujours rieuse, toujours espiègle. « J’avais bien dit que j’en ferais mon affaire. »
De son écriture ronde d’enfant appliquée, elle décrit les anecdotes amusantes, dessine des grimaces de clown, fait résonner leurs fous rires, ceux de toute l’équipe. Elle s’ingénie à minimiser par un trait d’humour, les choses tristes, cruelles, qui se devinent, et qu’elle estompe avec courage. Elle caricature Victor en garde du corps, armé jusqu’aux dents, prêt à tout pour mieux veiller sur elle. Pas un autre indice ici
Francie s’épanouit, avec Xavier à son côté. Il l’isole de la moindre attaque et lui assure la paix qui lui est indispensable pour se reconstruire
Jacques l’a poursuivie, jusque chez lui. Devant la colère de Fran au premier appel, Xavier filtre les communications téléphoniques, se charge de tenir à distance celui par qui elle a souffert
Lui, ne veut la forcer en rien. Un matin, il le sait, elle retrouvera le goût du théâtre, reprendra le chemin de la scène. Il s’est promis d’être toujours là, de veiller sur elle, de préserver sa fragilité, de lui donner le temps de se découvrir et de s’affirmer. Il veut aussi lui apporter le meilleur. Qui est d’ailleurs prêt pour elle, et déjà en place
Et il a raison d’attendre. Le temps, pour tout, passe et efface les blessures. Celles que Francie a ramenées n’étaient pas si profondes, sinon la déchirure de laisser si loin d’elle un bonheur tout neuf
Elle est de plus en plus présente aux répétitions de la pièce en préparation. Son regard revêt des voiles de rêves et se perd au loin, elle pose question sur question, joue, pour Xavier, quelques passages, et se laisse aller à improviser, devant lui uniquement, sur un mot, sur un geste. Seulement un peu de patience, pour lui, pour elle. Et tout lui rendre
Un soir, déjà, en elle, une envie plus précise. Qui la pousse à fureter dans cette corbeille oubliée ou s’entassent les manuscrits reçus. Où elle en prend un, au hasard, le feuillette, distraite, puis un autre pour le survoler d’un regard curieux. C’est avec l’un d’eux qu’elle reprend sa place habituelle, qu’elle se pose sur ce fauteuil, à deux pas de Xavier. Un soir, puis un autre, et elle rit, le prend à témoin. Elle lui porte un mot, une phrase, tout un passage à lire avec elle
Et Xavier attend, qu’elle s’arrête sur l’un d’entre eux, un en particulier, mis là, tout exprès pour elle, mêlé aux autres, caché par lui. Comme un cadeau à découvrir. Il guette un silence, un recueillement, qui la dénoncent envoûtée. Il espère ne pas s’être trompé, avoir choisi la bonne méthode. Il faut que tout vienne d’elle
Comme en ce moment ? Alors qu’elle n’est que mystère, tête penchée sur une couverture qu’il reconnaît, cheveux remparts entre leurs regards
Qu’il la devine absente, loin de lui, de ce lieu même, et qu’il observe le mouvement de ses mains, tournant page après page, avec retenue, avec tendresse
Et qu’il reçoit, enfin, en plein dans son regard, cette lumière, ni bleue ni verte, et qu’elle dessine sur ses lèvres un sourire d’enfant éblouie
Xavier, c’est si beau
Quoi donc
Ca, et je ne l’avais pas vu
Il t’attendait, peut-être. Montre-moi
Attends, je veux tout lire avant. Tu vas aimer, oh. oui, tu vas le faire
Puisque tu l’aimes toi, nous sommes pareils, je viens
Non, je te ferai voir. C’est moi, tu sais. Et je ne sais d’où ça vient. اa me ressemble tellement
Alors, tu as raison, je ne pourrai qu’aimer. Tu me raconteras
Demain, sur scène, avant la répétition
Demain ? Si vite, et tu vas tout apprendre ce soir
L’essentiel, et... Tu te moques de moi
A peine, ma douce. Demain, tu feras ce que tu veux, c’est promis. Mais pour le moment... si tu venais me rejoindre
Il la reçoit, contre lui, déjà pleine de ce qu’elle a absorbé de magique
Riche de nouveaux rêves
Demain, il vibrera à sa voix
Demain ? Non, ce soir, déjà, elle n’est que renaissance