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ÇáÊÓÌíá

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ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


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ÇáÊÓÌíá: Aug 2006
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27







Emmanuelle ? C’est vraiment toi ! D’où appelles-tu

De tout près, mais modère ton enthousiasme, je n’ai pas le temps de passer vous voir... à peine celui de récupérer mon visa

Ton visa ? Tu t’envoles pour où

Ça ne va pas te plaire... pour l’Australie... Tout le monde va bien

Oui, comme d’habitude. Cela fait deux mois que tu nous manques. Alors, après le froid de la Scandinavie, les terres humides des Pays-Bas, les vertes régions d’Irlande, c’est au tour de l’Australie ? Où exactement

Adélaide, Melbourne, Sydney pour le plaisir, ensuite le centre et le nord du pays, jusqu’au Golfe de Carpentarie, puis la région de Kimberley. Un tour complet, et une échappée dans le désert si Paul est d’accord. Mais tu me connais, quand j’ai une idée en tête.... il me suivra

Longtemps



Emma, réponds... Combien de temps encore

Trois mois, Patrick. Deux mois sur place au moins, ensuite nous envisageons une escapade en Nouvelle-Zélande. Je suis navrée, tu sais, mais j’aime tellement ce que je fais en ce moment. Tu m’en veux

Est-ce que cela te ferait revenir ? Comptes-tu le faire un jour

Idiot, évidemment

Pour de bon

Je ne sais pas. C’est... c’est trop tôt. Paul m’appelle, il est dans un taxi, je vais lui coûter une fortune. Je vous embrasse tous. Tu reçois bien mes lettres

Toutes, il n’en manque aucune. Emma, ne tarde plus trop

Pat... Il faut que j’y aille, je t’écrirai. Je t’aime

Attends, encore deux secondes, quelqu’un est avec moi en ce moment et... il aimerait te parler

Qui ? Richard, papa

Non, Emmanuelle, il ne s’agit pas d’eux

Avec toi ? Il.. il est là... si près

Je t’en prie

Patrick, ne me fais pas ça... Pas toi... Dis-lui

Parle-lui, juste deux mots... Il t’attend... il ne fait que t’attendre

Il ne faut pas... Je ne veux pas. Demande-lui de... de m’oublie

Emmanuelle ! Allô ! Emma

Devant la fenêtre ouverte sur le soleil, jaillissant du cœur paisible du jardin, un envol de pigeons effarouchés par des cris d’enfant... ombre d’une fuite jumelle, ailleurs, sous un même ciel, vers un autre espace

Des rires qui ricochent sur la muraille indifférente d’un silence tendu, sans même une griffure, une joie sereine qui s’effiloche sur les débris d’un rêve inattendu et insensé, une innocence éphémère qui recule sous les vagues d’une déception ourlée d’amertume, des courses et des jeux, invisibles et impuissants à distraire deux hommes... Des images de vie, indécentes de trop d’insouciance face à des mirages, fragiles de trop d’espérance

Je suis désolé, Brice

Il ne fallait pas lui parler de moi, pas ainsi, sans qu’elle s’y soit préparée... Vous n’avez pu que l’attrister

Et vous aussi... Et pourtant, après toutes ces semaines

Le temps n’y fera rien... Combien encore, trois, quatre mois ? Avec Paul Denay

Vous le connaissez, je crois

Oui, un type bien. Très bien même. Elle est entre de bonnes mains. Vous n’avez pas à vous inquiéter à son sujet, pas pour sa sécurité du moins. Il est amoureux d’elle, le saviez-vous ?

Vous êtes jaloux de lui, Brice ? Pensez-vous qu’elle pourrait se tourner vers lui

Non, tout ça c’est fini... S’il gagne son cœur, je m’inclinerai, mais rien n’est dit là-dessus. Et puis, je n’y crois pas. Elle et moi... je ne peux nous concevoir l’un sans l’autre. Seulement...

Seulement

Il va me falloir apprendre à patienter encore. Un risque à courir, peut-être, mais un délai qui me donne toute latitude pour ce que je vais faire

Toujours pour demain

Oui. Je vous remercie de vous occuper de Gus et Flamme. Pas de problème avec Sam

Vous aurez de la chance s’il consent à vous les rendre. Je viendrai aux nouvelles

Ce n’est pas la peine, l’endroit n’est pas agréable et je n’y resterai pas assez longtemps pour m’ennuyer.. De plus, Doc me tiendra compagnie. Je vous laisse, Patrick, merci pour ces lettres, j’en prendrai soin

Comptez sur les prochaines. Vous voyez, elle y parle sans cesse de vous, sans rancune et avec beaucoup de tendresse. Si elle venait à apprendre que vous les lisez, elle m’étranglerait.

Je ne saurai jamais vous rendre tout cela

Si demain le veut ainsi, la voir heureuse suffira. A bientôt, Brice

Ils ont suivi son voyage, image après image

Ils sont partis à quatre pour une espèce de reportage en photos sur des endroits insolites de la planète... Un autre regard, deux pages dans une revue, et un livre au bout... Un long périple, qui peut durer bien davantage que prévu à leur départ, qui peut les emmener plus loin qu’ils ne le pensaient, chaque découverte leur faisant espérer la suivante plus belle encore... Après l’Australie... ce sera peut-être l’Inde ou le Japon... Avec ou sans Emmanuelle ? Rien n’est décidé. Elle a déjà bouclé quatre chapitres alors qu’elle comptait ne participer qu’aux deux premiers, dans l’unique but de prendre un peu de recul, et de reconstituer ses forces pour affronter le nouvel aspect de sa vie... ou en reprendre le cours, là où il en était resté... avant son détour là-bas, au milieu des bois. Elle l’a gribouillé dans sa dernière lettre

Et Brice les lira, demain, bientôt... tous les mots écrits, des mots qui vont alimenter son espoir et attiser son besoin d’elle, qui vont l’aider à modérer l’impatience d’une attente et tempérer la douleur d’une absence. Il les lit déjà... il les entend... des mots qui dansent sur sa voix, à elle, des mots qui dérident un silence... et ses rires qui éclaboussent de lumière les ombres de sa solitude

Des mots, écrits pour d’autres et qui l’emmènent, lui, près d’elle, des mots qui le rassurent et le désolent

Elle voudrait rentrer... mais elle n’est pas certaine de ne pas courir aussitôt vers une maison cachée, perdue à flanc de montagne... et elle a peur... elle n’en trouve pas le courage... et il ne peut en accepter l’idée

Elle voudrait une distance infinie entre elle et hier... oublier la souffrance... et il la voudrait contre lui, l’absorber, la porter en lui

Elle ne reste jamais seule, à aucune de ses escales près de Clermont, s’accrochant à l’un de ceux qui l’accompagnent, se protégeant d’une éventuelle défaillance par une présence... par leur ignorance... la nécessité de ne rien leur livrer, s’interdisant la fuite pour se refuser d’en livrer la raison... et il aimerait oser la leur arracher

Et il y a Paul... qui sait et qui est trop présent, sans doute attentif et plein d’égards pour une détresse qui se dissimule sous des grimaces de sourire... Paul... qui comprend... et qui la pousse, sans cesse, à offrir une chance au passé... Paul... qu’il souhaiterait remercier pour cela autant que l’éloigner d’elle

Paul... qui, pour l’instant, est heureux, dans un véhicule qui fonce sur une route interminable, en direction d’un aéroport... vers un oiseau blanc qui va les emporter, Emmanuelle et lui

Paul... qui s’applique à faire renaître un sourire et rendre des couleurs à des joues trop pâles sous un hâle terni par le chagrin. Elle a changé, sa famille même ne la reconnaîtrait pas... Sa peau s’est dorée sous le soleil, elle a coupé ses cheveux, et elle a pris l’allure d’un lutin espiègle

Sans rien perdre de sa féminité, plus troublante ainsi, par le contraste du regard ou la douce nonchalance des gestes, avec les tenues sportives, faites pour les randonnées. Mais quand elle abandonne ses shorts, ses polos difformes et ses grosses chaussures de marche, elle redevient femme... Femme, au-delà du possible... au-delà du soutenable

Elle l’ignore, mais tout en elle n’est qu’appel et attente... Et Paul ne saurait pas même l’expliquer, il ne fait que le deviner... Il les lit à travers chaque geste, la souffrance d’un manque qui l’habite, le désir qui la consume

Mais lorsqu’elle remonte une main hésitante sur un bras, jusqu'à l’épaule, jusqu'à venir accueillir sa tête, quand ses yeux se ferment et la dissimulent derrière leurs paupières closes, rideaux tirés sur des images d’hier, quand elle s'échappe pour un voyage immobile, que de son corps n’émane que le besoin de s’unir à l’absent, quelque part, et qu’une voix, un bruit, un mouvement la rappellent parmi eux, dans son regard elle ramène celui qu’elle a su retrouver ailleurs, pas très loin, pour le porter en elle, sans le perdre jamais, ni même l’oublier un instant

Et Paul enrage de lui découvrir autant d’obstination, de tout un temps de bonheur perdu, pour elle et pour Brice, et ne rien pouvoir faire... sinon la préserver des autres

Encore un voyage, encore un sursis, et puis... et puis il l’obligera à rentrer

Mais il doit être honnête, pas uniquement pour elle... Il y a aussi que... Elle ne doit plus fuir mais reprendre contact avec la réalité qu’elle a laissée derrière elle et décider... Ce n’est qu’ainsi que lui pourra savoir s’il peut espérer donner pleine consistance à un rêve. Pour la souhaiter sienne, mais entièrement... sans profiter d’un moment faiblesse

Et Brice ne sait pas combien il doit remercier le hasard... Parmi tous les hommes disposés à accompagner une âme vulnérable d’être à la dérive, il est tombé sur celui qui peut l’aider au mieux

Simplement parce qu’ils se sont rencontrés, parce qu’ils se sont appréciés, et que Paul n’est pas forgé pour trahir une confiance

Pour poser un doigt sur Emmanuelle, pour seulement oser une allusion sur ce qu’il éprouve pour elle, il lui faudrait obtenir son consentement

Quoique là, il ne faut rien exagérer, ce serait trop lui demander

 
 

 

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ÞÏíã 04-03-10, 12:39 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 32
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Ils sont tous dans le jardin, à guetter le taxi. Patrick est en retrait, pour mieux observer un visage, et deviner ce qu’il dissimule. Il aura tout le temps pour faire le point après avec sa sœur, pour l’instant il se prépare à capter la première expression, le premier regard, y lire l’émotion des retrouvailles et mesurer le regret de ce qui lui manque

Cela fait trois jours que Paul l’a appelé, lui annonçant le retour d’Emmanuelle tout en précisant que cette décision n’émanait pas d’elle mais de lui seul, pour ne plus la supporter afficher une apparence joyeuse et dépérir en secret

Reste à voir comment les choses vont évoluer entre elle et Brice

Ce qui l’ennuie, c’est que ce dernier semble fermement résolu à ne pas la bousculer, à attendre avec patience et résignation que le temps accomplisse son œuvre d’oubli... Il ne sait certainement pas à quel point elle peut se montrer entêtée. Quoique, dans ce domaine, ils n’ont rien à envier l’un à l’autre... S’ils mettent, demain, autant d’obstination à être heureux que ce qu’ils en montrent, aujourd’hui, à se déchirer, l’avenir ne peut que leur sourire... mais pour l’instant... c’est une autre histoire

Emmanuelle leur revient à temps pour la prochaine exposition de Brice fixée au 15 septembre... Plus que trois jours

Bien assez pour élaborer une stratégie et mettre en place les conditions idéales à une réconciliation... et faire taire toute objection en Brice ! Parce que lui... il ne la veut pas piégée, en aucune manière... Il est naïf au point de miser toutes ses espérances sur un carton d’invitation, de se persuader qu’elle ne peut qu’y répondre, lui offrant ainsi l’opportunité de la rencontrer, de lui demander et d’obtenir son pardon. Il s’imagine que cela va suffire ! Sa seule inquiétude réelle réside dans le fait d’ignorer si elle envisage repartir ou pas... A croire que sept mois d’absence et de désespérance ne lui ont pas suffi

Flamme s’agite et Gus, toujours aussi paresseux, se *******e de relever le museau, humant l’air... Ils sont là depuis des semaines... Dans un premier temps parce que Brice ne pouvait faire autrement que de les lui confier, et ensuite parce qu’elle a dit les aimer

Un bruit de moteur... Et Gus est le premier à réagir, à s’élancer d’un bond, pour s’arrêter en plein milieu du chemin, contraignant un taxi à s’immobiliser dans un grincement de freins écrasés

Gus encore, pas même effrayé et déjà dressé sur ses pattes arrières, bousculant une silhouette bronzée qui sort du véhicule, une Emmanuelle qu’ils ont tous du mal à reconnaître sous un casque de courtes boucles décolorées par le soleil et au nez piqueté de taches de rousseur inconnues, mais le rire est toujours le même, et le regard... son regard, étonné devant les chiens, qui s’illumine d’espoir, qui dérive un instant autour d’elle, avide d’une attente soudaine, et qui s’éteint de déception

Patrick a vu ce qu’il voulait. Maintenant il peut la rejoindre, se mêler aux autres, participer à la joie générale

Tu as changé. Ces éclaboussures de soleil sur ton nez, c’est nouveau

Je les dois au désert d’Australie, j’en suis revenue comme ça, et j’avoue que j’ai du mal à me reconnaître moi-même devant un miroir. Il faut que je vous présente Paul, bien qu’il ne le mérite pas... c’est à cause de lui que je suis là... J’ai été victime d’une légère insolation et depuis... il veut à tout prix que je me repose un peu

Je ne l’en remercierai jamais assez. Où est-il

Dans la voiture derrière, à moins qu’il ne se soit perdu en route. Il continue tout seul, il est attendu pour l’étape suivante... quand je pense que je devais en être ! Il arrive

Viens, allons à sa rencontre

Patrick... Les chiens ? Depuis quand sont-ils là

Cinq mois au moins

Pourquoi

J’avais accepté de m’en charger, pour quelques jours, et ensuite... ton cher neveu n’a plus voulu s’en séparer... Brice et lui ont conclu une sorte de pacte

Oh ! Pour Sam... C’est gentil de sa part

Oui, et mon bébé est très heureux. Tu es *******e de les voir, toi aussi, je suppose

Bien sûr, mais

Mais

Rien... Sinon que... il doit être très seul sans eux. Ohé, Paul ! Tu vas voir, il est adorable, un vrai garde du corps comme tu les aimes

Nous y comptions bien

Nous

Oui, nous tous. Qui veux-tu d’autre ? Alors, je peux serrer enfin la main de ce fameux Paul. Je suis heureux de vous rencontrer

Moi aussi. Patrick ? Je reconnais votre voix. Je suis désolé, je ne peux pas m’attarder, j’ai un avion dans une heure

Emmanuelle m’en a informé

Ce n’est que partie remise. Dans le cas où elle déciderait de repartir, vous savez comment me joindre, par téléphone

Quelle histoire de téléphone ? Vous vous êtes déjà parlé

Tu ne te souviens plus ? Pour tes vaccins, c’est Paul qui m’a contacté

Je sais, et une seule fois vous rendrait si complices

Ne cherche pas à comprendre, lutin, histoire d’hommes. Mais souviens-toi, si tu veux reprendre la route, appelle-moi, je serai toujours prêt à venir te chercher

Paul, tu vas me manquer, tu sais

Elle se penche vers lui, dépose un baiser sur ses lèvres, une caresse amicale, affectueuse

Seigneur, et elle me fait ça maintenant, quand elle ne risque plus rien ! A bientôt, mon cœur, prends soin de toi, toujours

Un dernier geste du bras par la portière. Et place à la fête, place à toutes les aventures à raconter

 
 

 

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Il n’en est pas question

Vas-tu cesser de te comporter en enfant boudeuse ! Il ne s’agit que d’une invitation

A laquelle j’ai le droit de ne pas vouloir répondre

Fais ce que tu veux... après tout, ça n’a aucune importance. Mais c’est dommage, j’ai vu les toiles qu’il a sélectionnées... elles sont extraordinaires

Vous êtes devenus amis, à ce que je vois

Effectivement, mais cela n’a aucune influence sur mon jugement

Du moment que tu le dis

Hé ! Tu ne vas pas nier son talent seulement parce que cela n’a pas marché entre vous

Non... tu sais bien que non... mais de là à l’en féliciter

Je ne te reconnais plus... Je te croyais incapable de rancune

Il a beau jeu de faire celui qui ne comprend rien, elle ne cesse de lui répéter qu’elle ne pense plus au passé, que pour elle c’est désormais de l’histoire ancienne, que peut-il savoir du vide glacé qui l’habite, des heures durant lesquelles elle se torture l’âme avant de sombrer dans un sommeil aussi bref que douloureux, et de celles qu’elle s’active à remplir de mille activités, de gestes inutiles, de rires mécaniques

Pour lui aussi, c’est terminé

Pour lui

Evidemment ! Tu ne risques rien, crois-moi

Il m’a oubliée

Il ne s’attendait pas à un tel accent de désespoir dans sa voix, ni à déceler autant de douleur en elle, pas après de longs mois d’éloignement... Et il doit faire un effort pour se montrer décontracté, pour adopter un ton anodin

Qu’imaginais-tu ? Qu’il t’attend encore ? Comme pour toi, la séparation a accompli son œuvre. C’était bien ce que tu souhaitais, non

C’est vrai, tu as raison... Mais je ne peux pas y aller, Pat, pas comme ça

Non, j’en conviens, une autre toilette serait mieux indiquée

Qui lui parle de son pantalon... Elle n’y trouvera rien de bon pour elle, elle n’en retirera que de la souffrance. Et il n’est pas nécessaire de le revoir pour s’en assurer... Pourquoi est-elle revenue

Je vais essayer de joindre Paul

Déjà pressée de repartir ? Ça va devenir une habitude... mais ici ou ailleurs, ça ne fait aucune différence... Bon, j’ai un rendez-vous et je dois y aller

Avec qui

La réponse ne te plairait pas

Avec... avec lui

Désolé si ça te contrarie mais il a besoin de moi, surtout en ce moment

En ce moment ? Pour son exposition

Non, pour cela tout est en place, c’est lui, il ne va pas très bien... et ça m’inquiète

Brice est malade

Mais nous en avons déjà parlé... dès ton arrivée... c’est pour cela que j’ai dû m’occuper de ses chiens

Malade ? Qu’a-t-il

Je ne sais pas, Doc ne peut rien dire encore

Tu connais Doc

Bien sûr... nous avons fait connaissance pendant que Brice était à l’hôpital

Mais tu veux me rendre folle avec tout cela ! Qu’arrive-t-il à Brice

Tout ce que je sais c’est qu’il a dû être hospitalisé plusieurs fois... Pour le reste, j’attends que Doc me donne des précisions

Non, tu mens

Moi ? Pourquoi le ferais-je

Pour me forcer à le rencontrer ! Il ne peut pas, il ne doit pas être atteint par quoi que ce soit, pas lui... Et tu ne veux que me faire peur, n’est-ce pas ? Pour que, folle d’inquiétude, je me précipite vers lui... Dis-moi que c’est faux.... Je ne veux pas qu’il soit malade

Crois ce que tu veux ! Moi, je suis déjà en retard

Il ment. Rien de tout cela n’est vrai. Pas Brice ! Elle revoit son grand corps, elle ressent encore sa force autour d’elle, il est bâti pour défier le temps. Ce n’est qu’un piège dans lequel elle ne se laissera pas prendre. Elle va s’enfermer chez elle, dans son appartement déserté depuis trop de temps. Le 15 ? C’est déjà demain. Une journée, une seule à lutter contre elle, contre le désir de courir vers lui

Et si c’était vrai ? Une maladie sournoise, de celles qui se cachent là où on les attend le moins, dans le meilleur des êtres... Non, elle doit écarter cette idée, elle ne veut penser à lui que fort, et vainqueur. Sinon... sinon l’idée de l’abandonner, de lui faire défaut, de refuser de l’aider, tout cela va lui être insoutenable

A son retour, Patrick a retrouvé une chambre vide... Sur le lit, bien en évidence, un rectangle de carton froissé. Demain ? Il verra bien... quant à cette invitation, elle n’est pas indispensable. Emmanuelle est bien la seule devant qui les portes s’ouvriront sans sésame. Et puis, il reste « sa » solution. Pas facile de venir à bout de l’autre, aussi têtu qu’elle, mais... il n’a pas mal joué du tout sa partie

Pour Emmanuelle, cloîtrée chez elle, les heures n’en finissent plus de s’égrener. Encore un peu de patience et tout sera dit. Tout sera achevé

Voilà, maintenant, il est trop tard. Vingt heures et plus rien à craindre et personne ne la forcera à sortir de son isolement ! Elle peut remettre le combiné du téléphone en place. Demain sera un autre jour et elle va reprendre sa vie, terminer d’y mettre de l’ordre

La nuit a été mauvaise, et pas seulement pour avoir perdu l’habitude de la ville... ou pour se trouver en un lieu plus bruyant que la maison isolée de ses parents... et elle n’avait pas besoin d’un réveil en fanfare à cause de dingues qui entreprennent des travaux à sept heures du marin

Des travaux ? C’est à sa porte que quelqu’un tape ! Si tôt

Elle se précipite, déjà angoissée, et respire mieux devant Doc, puis elle pense à Brice, et tremble à nouveau, et ne veut rien entendre

Entrez Doc, vous vous levez toujours avec l’aurore ? Je suis heureuse de vous voir, vous allez rester longtemps ici

Emmanuelle... je suis désolé

Alors... c’est donc vrai ! Il ne va pas bien et je n’y ai pas cru

Disons... qu’il n’est pas au mieux de sa forme... En revanche, je peux assurer qu’il est au bout de l’espoir

Au bout ? Il n’espère plus ? Il ne faut pas, il ne doit pas cesser de lutter, il ne doit pas abandonner. Et vous, vous ne pouvez rien faire

Moi ! Emmanuelle... c’est difficile ! Je ne suis pas... je ne peux pas intervenir dans ce domaine. Et puis... il est parti... il s’est refusé à rester jusqu'à la fin et il a demandé à un ami de le reconduire chez lui... Il s’y trouve, en ce moment, seul

Le reconduire ? Il était donc si fatigué ! Il fallait le garder ici, où il recevrait les meilleurs soins. Je connais quelqu’un, dans un hôpital à Paris, on peut l’emmener là-bas

Ce n’est pas la peine, pas dans son cas... Je suis venue vous voir parce qu’il me l’a demandé, il sait que vous avez confiance en moi et il m’a prié de vous guider vers son exposition. Vous y serez seule

Je viens ! Donnez-moi deux minutes et... où est ce foutu pantalon ! Ses tableaux ? Il ne pense qu’à ses tableaux, je veux qu’il pense à vivre, seulement à vivre

Oui... je sais... mais ses toiles sont importante, et elles vous attendent. Il a besoin de votre avis, tout autant, sinon davantage, que d’un remède quelconque

Doc, c’est un cauchemar, n’est-ce pas... il ne va pas... J’en mourrais moi aussi

Seigneur ! Je ne peux pas ! Il faut

Espérer ? Dites-moi que je peux espérer, Doc, et lui aussi

Voilà... c’est ça... Il faut toujours espérer ! Vous êtes prête


Oui. C’est loin d’ici

Non, pas du tout... et dépêchons-nous, un taxi nous attend en bas, et après... après je dois me rendre auprès de lui pour lui rapporter vos impressions

Dix minutes de trajet, dans un silence total, le temps pour elle de reprendre la mesure de son amour. Elle ne peut pas le laisser, elle ne peut pas l’abandonner. Doc va le rejoindre... Oser partir avec lui ? Comment va-t-il la recevoir ? Voudra-t-il seulement qu’elle reste près de lui ? Et ces clés que lui tend Doc ? Ils sont déjà arrivés

Tenez... il y a deux salles, la première est ouverte au public, vous y trouverez une rétrospective de son œuvre, du moins les toiles les plus importantes, et quelques-unes nouvelles... Il a beaucoup travaillé pour que tout soit au point. La seconde vous est réservée, à vous seule... Il n’a rien voulu en livrer à personne... pas même à moi ! Je crois que... c’est cette clé, celle avec la pastille bleue

Et vous, vous ne venez pas

Non, il veut que vous y alliez seule

Il n’en saura rien... Doc... J’ai... j’ai si peur

Il a insisté là-dessus. Que craignez-vous ? Ce n’est qu’un peu de peinture

Je suis folle de ne pas être venue hier, je l’aurais vu, je lui aurais dit

Je sais, mais hier appartient au passé. Allez Emmanuelle, il va être tard pour la route

Elle a du mal à trouver la bonne clé, se bat un peu avec la serrure tant ses mains tremblent. Seule, à évoluer dans un clair-obscur savamment dosé par l’éclairage mettant en valeur chaque tableau. Certains qu’elle reconnaît, pour les avoir recherchés dans des revues spécialisées, d’autres qui lui offrent de nouvelles émotions. Plus loin, sur une porte, un dessin, un portrait, son portrait au fusain, celui qu’elle lui a renvoyé

Au-dessus, l’inscription « privé - interdit au public ». De la douleur à passer au-delà. Une pièce étroite, pas très grande. Sur les deux murs, face-à-face, d’un bout à l’autre, tout ce qu’elle a vécu dans une maison d’où elle a souhaité fuir... comme ici... son regard assombri de colère... Où elle a rêvé, avec lui, sur un disque... sur ce tableau-là, l’ombre derrière elle, la main sur son épaule, lui... Et sur un autre, tout le désir qu’elle avait de lui, hier, aujourd’hui... Et là... encore... les boules de guimauve... Toute leur histoire dans des silhouettes imprécises, aux traits dilués dans des teintes mouvantes, qui s’animent et se révèlent sur son passage... Au fond, en face de l’entrée, occupant tout le mur, comme une finalité à toutes ces images, elle encore, et lui... contre elle... à peine ébauché, invisible de se dissoudre dans les couleurs, n’existant que pas son contact à elle... Plus seulement de la peinture mais la prière muette d’une attente, un appel figé dans l’éternité... pour qu’elle sache qu’il ne vit que par elle. Un cri silencieux, qu’elle ne peut nier entendre, qui la jette à l’extérieur, qui la pousse à courir vers lui

Doc ne sait plus comment la calmer, lui prend les clés, et a le souci de tout refermer derrière eux

Dépêchez-vous, Doc, je pars avec vous

Maintenant, comme ça

Vous croyez qu’il vaut mieux le prévenir ? Et s’il ne voulait pas me voir

Non, mais je... vous voulez vraiment partir avec moi

Le plus vite possible. Oh, non ! Ma voiture est au garage. Vous rentrez par le train

Non, il m’a prêté la sienne. Mais je ne roule pas vite

Le 4x4 ? Je ne sais pas le conduire

L’autre... sa Spider... Elle est garée à deux pas. Vous saurez la maîtriser

Pourquoi a-t-elle prétendu y parvenir sans problème... Un monstre ! Elle a un petit monstre entre les mains et une peur bleue qui lui torture l’estomac... Elle n’a pas l’habitude de piloter ce genre de véhicule, mais il vaut mieux ne pas l’avouer au docteur, il lui ferait une crise cardiaque et elle serait dans de beaux draps. Elle n’a fait grincer la boite de vitesses que deux fois, elle commence à comprendre comment fonctionne cet engin et elle espère y réussir tout à fait avant d’atteindre leur destination. Les y emmener intacts relèvera de la performance

Vous vous en sortez bien, vous savez, j’avais la frousse de conduire cette mécanique. J’ai même envisagé prendre le train

Ne me félicitez pas encore, Doc, attendez de poser le pied à terre. Que s’est il passé depuis mon départ

Pas grand-chose. Il a repris sa vie en mains, et bien mieux qu’avant

Pour en arriver là ! Ce n’est pas juste. Pour les tableaux, l’article ? Qui ? Thérèse

Oui, ce qui s’est passé n’est pas très agréable

Mais peut-être que d’un mal est venu un bien... Sans cela Brice serait encore plongé dans les regrets du passé. Car Eléonore ne portait pas son enfant... Les résultats de son examen indiquaient une grossesse d’au moins huit semaines... un souvenir qu’elle ramenait de sa dernière escapade... Une évidence qu’elle n’a pas niée, bien au contraire... Elle comptait même lui en faire assumer la responsabilité... et elle a tout fait pour qu’il ne puisse en douter... puis elle a paniqué, et elle a envisagé l’avortement

Il le sait

Je le lui ai dit quand vous êtes partie. Il aurait dû vous rattraper, immédiatement

Il ne voulait pas que je m’en aille

Il faut essayer de le comprendre

Après la mort de sa femme, rien n’a été simple pour Brice... Il y a eu pas mal de boue remuée, à cause de querelles peu discrètes et des confidences d’Eléonore à quelques bonnes amies, à qui elle a dû présenter son époux comme un monstre d’égoïsme et de brutalité

Il n’avait jamais levé la main sur elle... jamais avant ce jour-là

Je le crois

C’est à cause de cela qu’il ne voulait plus tenir un pinceau... comme si ses doigts, coupables du pire, pouvaient souiller la pureté d’une toile... Nous en avons discuté des heures... C’est grâce à vous qu’il en a retrouvé la force

Et puis partout où il allait, son passé le poursuivait... cela a duré assez longtemps pour qu’il apprenne la méfiance. Le vide s’est fait autour de lui, certaines de ses relations l’ont même soupçonné de meurtre... Il lui est resté très peu d’amis... jusqu'à sa propre famille qui l’a tenu responsable du scandale qui nuisait à la réputation de tous les D’Orval

Son père est quelqu’un de très connu dans le milieu de la haute finance, et sa sœur a épousé un « De » quelque chose... très pointilleux sur les apparences de la respectabilité

Son père ? Il ne m’en a pas parlé... je croyais que

Je sais... Il n’aime pas évoquer une certaine période de son enfance. Pour en revenir à votre départ... il a tout brûlé, dès le lendemain, vous verrez par vous-même qu’il n’a rien gardé de tout ce que son passé lui a apporté. Rien

Il a beaucoup souffert

De tout cela ? Non, pas du tout... il en a même obtenu sa délivrance... La souffrance, elle lui est venue d’ailleurs

De sa maladie

De vous, de votre absence... depuis, il vous attend, il vous espère... et... je suis désolé, Emmanuelle, si j’avais parlé avant

Il n’y a rien à vous reprocher Doc, nous ne pouvons rien changer. C’est à moi de me faire pardonner pour l’avoir laissé seul si longtemps, pour m’être autant obstinée à refuser de l’entendre

Vous pardonner ? Alors là, c’est trop fort ! C’est bien fait pour lui, oui

Doc ! Il souffre

Et vous ? Vous n’en avez pas eu votre part ? Sans aucune raison

Moi, je ne compte pas, plus maintenant

Oh. Seigneur ! Nous voilà bien

Que vous arrive-t-il

Rien, c’est entre ma conscience et moi. Mais quand tout ira bien pour vous deux

Que vient faire votre conscience dans tout ça ? Et comment imaginer que... cela puisse aller bien désormais... ? Doc ! Il faut me dire la vérité... Brice est-il réellement

Malade ? Eh bien... oui... oui... il l’est, mais... c’est à dire que... regardez, je vois la remise... je dois vous laisser... il faut que je passe chez moi

 
 

 

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ÞÏíã 04-03-10, 12:49 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 34
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   passionnant ca roman merci pr vos efforts g aprécié


de rien ,j'espere que la fin te plaira ,il n'en reste qu'un chapitre

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ classicoofou   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 04-03-10, 06:23 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 35
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