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Emmanuelle n’est qu’à quelques centaines de mètres de l’intersection qui mène à Florensac. A peine une semaine d’écoulée, deux jours depuis Chamonix, Brice ne la sait pas aussi proche, elle ne l’a pas prévenu et elle rit par avance d’imaginer sa réaction. Elle n’a distrait de sa hâte d’arriver que le temps d’embrasser ses parents, de réunir quelques affaires, de décrocher son portrait, et de ramasser le coffret de bois. Les deux objets les plus précieux pour elle, désormais
Elle y est, entame la montée de la route entièrement dégagée, mais trop étroite pour se risquer à augmenter l’allure. Il va se fâcher de sa désobéissance, de ne pas l’attendre au bas du chemin, mais tant pis... si elle l’avait fait, il n’y aurait pas eu de surprise. Elle aborde les derniers virages, et devine déjà la tache de la remise, au bord de la route, entre les arbres. D’autres véhicules stationnent à côté. Elle reconnaît celui qu’il a conduit pour la rejoindre en Haute Savoie, un autre encore avec un écusson des Eaux et Forêts, un troisième enfin. Elle va débouler là-haut en pleine réunion ! Du moins si elle arrive à trouver un endroit où garer le sien. Elle déteste manœuvrer dans la neige... Le faire, tout court, d’ailleurs. Il devrait y avoir partout un emplacement assez grand pour elle et elle ferme les yeux au grincement du pare-chocs qui frotte contre un rocher. Quelle idée, aussi, d’en placer un justement là ! Elle verra plus tard
Ses bagages ? Elle reviendra les prendre, ils ne pourront que la ralentir et elle n’a plus de temps à perdre. Devant elle, Gus et Flamme arrivent, alertés par le bruit du moteur, et ils aboient... Les idiots ! Ils vont la trahir
Il sont déjà sur elle, à sauter, à lui faire mille fêtes
Taisez-vous, je vous adore tous les deux, venez, mais le premier qui grogne, gare à lui
La maison est à portée de voix... encore quelques mètres, et... et lui qui n’en sort pas
Elle se glisse à l’intérieur, en silence, attentive aux bruits qui lui parviennent, et elle hésite aux sons qui s’évadent par la porte entrebâillée de l’atelier, au-delà de laquelle elle n’ose s’aventurer, se souvenant à temps qu’il ne l’y a jamais invitée, jalouse de Gus qui la bouscule et qui, totalement ignorant des scrupules qui, parfois, agitent une âme humaine, s’y faufile sans se poser de question
Et elle sursaute devant l’intensité de la colère qui éclate dans la voix qui gronde le chien, lui intimant l’ordre de quitter les lieux
Et elle recule d’un pas, stupéfaite, de voir Brice apparaître devant elle, ramenant après lui un Gus tout penaud, fermement tiré par le collier, autant effrayée par la rage contenue qui crispe les traits de son visage, que déconcertée par l’incrédulité du regard qu’il pose sur elle, et qui se mue, sans qu’elle puisse deviner pourquoi, en presque désarroi
Emmanuelle ! Seigneur
Derrière lui, dans l’encadrement de la porte entièrement ouverte, elle peut voir les toiles pendues aux murs, et sur toutes... un visage... toujours le même dont elle ne parvient pas à détacher les yeux
Depuis quand es-tu là
Je viens d’arriver... à l’instant. C’est
Ne regarde pas, éloigne-toi, je ne veux pas te mêler à tout ça
A quoi donc
Viens, suis-moi, allons ailleurs
Pourquoi ? Pas de secret entre nous, ni de question sans réponse, tu te souviens
Brice, laissez-la entrer, il ne sert à rien de lui cacher quoi que ce soit, et elle a le droit de savoir... ceci la concerne autant que vous
Le docteur Bonnel ? C’est bien lui qui se tient au centre de la pièce en compagnie de deux hommes qu’elle ne connaît pas
Doc ! Que fait-il ici ? Et, toi, que veux-tu dissimuler
Viens, mais ne t’inquiète de rien
Un baiser du vieil homme, qui la réconforte un peu, tout autant que la lueur amicale qui danse dans un regard d’eau transparente et le sourire bousculant l’or roux d’une barbe embroussaillée au-dessus de la main tendue de l’un des deux inconnus
Emmanuelle, voici Hervé, un ami très cher... je t’ai déjà parlé de lui, je crois
Oui... vous êtes chargé de la protection des bois et de la faune de la région
A peu près... je suis ravi de vous voir totalement rétablie
Et ce monsieur est... inspecteur de police
La police ? A cause de... Quand est-ce arrivé
En dehors des tableaux accrochés aux murs, tous intacts, le sol est jonché de toiles lacérées et maculées de peinture. Une est posée, debout contre le chevalet renversé, dénonçant, par ses blessures béantes, la fureur ou la haine de celui qui s’est acharné sur elle. Un visage déchiqueté et méconnaissable
Pendant que je rendais visite à Doc, hier... Quand je suis rentré, j’ai trouvé l’atelier dans cet état
Pourquoi
Elle s’approche du portrait tailladé, en relève les lambeaux, les rassemble de son mieux
Attends ! Ne touche à rien
Mais... c’est moi ! Brice, qui a pu faire ça
Je ne sais pas, c’est tellement... ce ne peut être que l’acte d’un dément. A leur avis, c’est l’œuvre de Thérèse, pour me punir de l’avoir renvoyée le matin même de ton départ
C’est une sérieuse possibilité... cette femme n’est plus dans son état normal depuis la disparition de... d’Eléonore
Hervé, n’insiste pas là-dessus ! Comment pourrais-je y croire alors que je ne peux pas même l’imaginer ! Après toutes ces années à la côtoyer, cela me paraît inconcevable
Thérèse ? Non, je ne pense pas qu’elle en soit capable, elle est bien trop attachée à tout qui se rattache à cette maison pour agir ainsi
C’est ce qu’il me semble également, mais n’aie aucune crainte, qu’il s’agisse d’elle ou pas, personne ne pourra te faire de mal
A moi ? Pourquoi quelqu’un voudrait-il s’en prendre à moi ? Et je n’ai pas peur, il n’y a aucune raison. Mais, ton travail, Brice... toutes ces heures perdues
J’ai toujours le modèle, c’est le plus important. Viens, suis-moi à côté, je ne veux pas que tu demeures plus longtemps dans cette atmosphère de folie
Il l’a emmenée dans le séjour, où il l’a forcée à s’asseoir
Attends-moi ici, tu y seras mieux, je reviens dans peu de temps
Brice. Je... Tu ne
Un appel... presque une prière dans l’anxiété qui tremble dans sa voix. Il est si indifférent, si loin d’elle, entièrement préoccupé par ce qui s’est produit, et elle ne peut cacher sa détresse, sa soif d’un geste pour elle
Chérie... pardonne-moi, je dois y aller
Oui, je le sais bien, mais
Mais ? Attends, laisse-moi deviner... Est-ce que je t’ai embrassée
Non, pas encore
C’est vrai ? Tu en es sûre
Evidemment ! Et je me demande si tu comptes le faire, un jour ! Autant m’en faire une raison et accepter l’idée de devoir en prendre l’initiative à chaque fois
Là, tu exagères
Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ? Au relais, devant la maison de mes parents, tout le long du retour, et au matin, là sur ce canapé... dois-je continuer
J’ai tout ça à rattraper
A se demander si tu y arriveras un jour ! A moins que
Elle ne peut plus continuer, muselée, bâillonnée
Ça, c’est pour le relais, maintenant, voyons pour la fois suivante
Monsieur D’Orval ? Excusez-moi, mais
Satané inspecteur, à deux pas, qui le distrait, l’oblige à la lâcher
Oui, je viens. Désolé, chérie...mais toi, tu restes là. Ne perds pas le compte
Aucun risque
Elle les regarde s’éloigner, elle voudrait de toutes ses forces ne traverser qu’un nébuleux cauchemar, et s’en éveiller libérée de toute appréhension, et elle frémit de réaliser soudain ce qu’une main inconnue a voulu lui infliger au travers des ravages causés à son image. Et seulement à elle
A l’extérieur, elle entend les chiens... ils aboient, au loin, comme au-devant d’une menace imprécise, et elle ne se sent plus à l’aise dans une pièce trop grande pour sa solitude inquiète... pas même en sécurité malgré la proche présence de Brice... de celle des hommes à portée de voix... Un abri... un endroit où se cacher d’une hostilité bien plus douloureuse pour être invisible... Deux pas, une porte à franchir, une chambre aux volets clos, là où elle espérait qu’il l’entraînerait dès son arrivée... dans une obscurité qu’elle rêvait douce et complice et qui l’accueille hostile et suspecte. Le lit et les jours durant lesquels Brice l’y a maintenue, contre sa volonté... le lit où, depuis, elle a tant aimé se fondre en lui, où il s’est raconté, où il s’est livré à elle, totalement, sans réserve, ne gardant rien de secret
Elle s’est assoupie de trop d’attente, fatiguée de guetter sa voix, son pas, un signe vers elle, de ressasser une foule de questions, ne trouvant de réconfort que dans le sentiment qu’elle éprouve pour un être tourmenté
Des bruits et des aboiements hargneux... Et la porte projetée avec force contre le mur... refermée sans douceur
Des mains brutales qui la saisissent, qui courent sur elle sans ménagement, avec force et exigence, avec avidité, la faisant naître à un élan nouveau, l’initiant à l’urgence d’un désir aussi intense qu’un instinct de vie à satisfaire, une fièvre singulière comme une brûlure à fleur de peau, qui exalte ses sens d’une ivresse qui l’engloutit, qui engourdit son esprit sous des vagues de sensations primitives
J’aime... je t’aime
Des lèvres dures et sauvages qui la bâillonnent et meurtrissent sa bouche, des doigts sans tendresse qui agressent et malmènent, qui blessent, qui se perdent dans sa chevelure, s’y arriment, se ferment poings rageurs sur une contraction qui tétanise le corps pesant sur elle
Chéri... qu’as-tu
Un spasme qui dénonce l’abandon du corps qui se détache d’elle, des doigts qui se délient, des lèvres qui glissent et tremblent contre sa joue, des mains qui la libèrent
Seigneur ! Je ne peux pas
Elle est déjà penchée sur lui, offrande et caresse apaisantes, et frissonne de voir le visage qui se détourne du sien.
Brice
Ne dis rien
Ils sont partis
Mes amis ? Non ! D’autres sont arrivés
D’autres ? Qui
Tes confrères ! La meute est là... dehors... elle attend sa pitance.
Des journalistes ? Ici
Ils sont venus trop tôt ? Quand les attendais-tu
Moi ? Tu penses que c’est moi
Je voudrais pouvoir en douter, mais j’en ai la preuve. Tiens, lis ! Je te félicite, c’est du très bon boulot
Tu crois que... non, c’est absurde
Quoi donc ? Que je connaisse enfin ton véritable visage ou bien que je ne puisse me résoudre à te chasser de ma vie ? Que j’ai peur que tu en sortes alors que je voudrais te haïr, toi, autant que ce que tu représentes... toi et ce que tu es
Je n’y suis pour rien
Sois sincère, au moins une fois
Tu n’as aucune envie de me croire
Je ne souhaite que cela et je ne le peux pas ! Je n’y parviens pas ! Tu ne sais pas combien je t’aime, à en désirer oublier tout le reste
M’aimer alors que tu me condamnes d’avance ! C’est tellement plus facile... Tu as enfin une raison valable de te conforter dans tes doutes, de te réfugier derrière eux, de quoi justifier ton refus devant ce que la vie peut t’apporter d’espoir, de bonheur. Crois-tu te préserver ainsi de toute douleur ou de la moindre déception ? Regarde où nous en sommes pour seulement me refuser ta confiance
Avec Doc, tu étais la seule... et... tout, jusqu’au plus petit fait... tu n’as rien protégé, tu as tout rapporté ! Et ce sont tes photos, les tiennes ! Pourquoi nier encore
Si tu m’aimais autant que ce que tu le dis, je ne devrais pas avoir à le faire
Evidemment ! L’amour aveugle ! Plus pour moi... j’ai assez donné ! Ça suffit maintenant, il n’y a plus rien à ajouter, sinon que... tu peux être satisfaite, tu as gagné... sur toute la ligne
Gagné ! Alors que tu risques de nous détruire, alors que tu m’enlèves l’essentiel !
Vu ce que tu as déjà déboursé pour en arriver là, il ne doit plus te rester grand-chose à perdre. J’espère que ça en valait la peine, j’aurais bien aimé prendre ma part du marché, mais...
Pas toi ! pas comme ça ! Alors à l’instant, tu ne voulais que... c’était pour me punir
Rassure-toi, c’est au-dessus de mes forces
Je n’ai jamais eu peur de toi... pas une fois, et il n’y avait rien que tu aurais dû forcer... tout en moi t’était acquis... et j’aurais aimé jusqu'à ta violence
Tais-toi
Brice
Je t’attends à côté
Tu ne vas pas laisser toute cette horreur nous séparer, tu sais que je peux pardonner... et il n’y a rien à pardonner... tu sais que je peux comprendre, que je peux admettre ta rage... pourvu qu’elle se détourne de moi... tu n’as qu’un mot à dire, un seul, et... Je t’en prie
C’est à un dos, aveugle et sourd, qu’elle a lancé sa peine. Ses mains tremblent en dépliant les feuillets. Deux pages, des textes signés Marc Morel. Marc ? Comment a-t-il appris tout cela ? Des photos ? Les siennes, sans erreur possible. Celles qu’elle a prises des chiens, de la maison, de Brice, des images innocentes, des instants qu’elle a voulu fixer dans le temps, mais pour eux, exclusivement. Une pellicule pas même développée, abandonnée dans un tiroir, qu’elle n’a pas eu le temps de traiter avant son départ, dont elle comptait lui faire la surprise. Là, c’est réussi, au-delà de ses espérances. Et il peut imaginer qu’elle est capable de tant de bassesse, de tricherie, de calculs
C’est une femme furieuse qui le rattrape et qui affronte les quatre hommes.
Un instant, toi Brice, vous Doc, après tous ces jours, vous envisagez sincèrement que je sois la responsable de ceci
Pas moi, petite, mais lui, ce... il est têtu comme une bourrique
Assez, Doc ! Tu connais Marc Morel. C’est celui qui t’accompagnait, je l’ai trouvé ici avec toi et c’est lui qui a signé cet article. Que te faut-il de plus
Du moment que cela te suffit, c’est parfait, Brice, mais j’aurai le fin mot de cette histoire. Il vaut mieux que je parte
Emmanuelle, laissez-lui le temps de se reprendre
Non, Doc. Je me suis trompée, complètement, sur lui et sur moi-même. Regardez-les, dehors, là, tous, à attendre ! Les croyez-vous tellement dangereux ? Ils font leur boulot, sans plus... C’est peut-être le prix de la célébrité et nul n’est contraint de s’en acquitter... Le mieux, c’est de les affronter, de leur donner l’illusion qu’ils vont obtenir ce qu’ils cherchent
Brice est près d’elle, la retient par le bras, pâle de colère
Emmanuelle, il n’est pas question que tu sortes d’ici
Crois-tu pouvoir me retenir ? Qu’espères-tu m’interdire ? Tu vas voir, je vais t’en débarrasser, au moins pour un temps. Un sourire et deux photos... quelques mots et ils partiraient mais c’est trop te demander, n’est-ce pas ! Tu préfères te cacher, derrière tes murs, ta cicatrice et tes certitudes mal fondées... Continue à rejeter la vie, elle finira bien par t’oublier, un jour ou l’autre. Doc, accompagnez-moi, voulez-vous, j’ai besoin d’un autre personnage dans cette comédie
Un mouvement sec pour se libérer, deux pas en avant, encore quelques-uns pour se retrouver au-delà de la porte, aussitôt entourée
Messieurs, du calme, nous avons tout notre temps, vous êtes arrivés trop tard, l’oiseau s’est envolé. Je vous présente le Docteur Bonnel, un ami très proche. A bientôt Doc, occupez-vous bien des chiens pendant son absence
Rire clair, regard espiègle, un baiser sur la vieille joue ridée, un autre signe de la main. Déjà à s’éloigner, les entraînant après elle, à peine ralentie par eux
Un bruit court à propos d’une romance entre vous et Brice d’Orval
J’ai vu ! Et je regrette que Marc Morel ne m’ait pas contactée avant de faire paraître son article
Emmanuelle, tu nies avoir une liaison avec
Fred ! Tu es là ! Le monde est petit... tu es bien placé pour savoir que je ne suis pas accessible à ce genre de situation...
Je ne suis pas célèbre
Mais tu es hyper séduisant... ça devrait compenser, non ? Comment vas-tu ? Je suis *******e de te voir
Très bien. Alors, rien de rien ? C’est la pure vérité
Hélas ! Tu es déçu
Pas du tout, ça me laisse toutes mes chances. Et pour sa peinture, où en est-il
Je peux dire, sans me tromper, ni trahir un secret d’état, qu’il a repris ses pinceaux
Toujours le même style ? Ou bien y a-t-il une évolution ? Prépare-t-il une exposition
Tu m’en demandes trop, nous ne nous connaissons pas suffisamment pour qu’il se soit laissé aller à se confier à ce sujet. Il y a quelques jours, j’ai eu un accident, près d’ici, et il s’est occupé de moi avec le Docteur Bonnel, et depuis nous... nous sommes devenus amis... sans plus
Mademoiselle, alors il n’est plus question de mariage ni de
Derrière la vitre, Brice la voit trébucher, s’accrocher au premier bras à sa portée, il note l’ébauche d’un geste pour se tourner vers la façade de la maison, retenu, contrôlé
Je n’ai pas lu l’article dans son intégralité... Marc en a vraiment autant écrit ? Seigneur ! Je tiens trop à mon indépendance pour envisager m’enchaîner à ce point
Il se terre toujours
Comme vous y allez ! Il était à Chamonix, il y a deux jours. Devait-il vous en informer ? Et je peux vous assurer que, dans la salle du restaurant, à la vue de chacun et sans user d’un pseudonyme, il n’avait pas du tout l’attitude de quelqu’un qui se cache
Vous y étiez avec lui
Et avec d’autres amis
Tu as un moment à m’accorder
Volontiers, Fred... mais seulement pour parler du bon vieux temps
C’est bien ainsi que je l’entendais
Alors, à Grandrieu, dans dix minutes
C’est parfait, j’y vais et je t’attends... A tout de suite ! Allez, les gars, on remballe
Mademoiselle
C’est assez, il n’y a rien de plus à dire... et j’ai beaucoup de choses à faire. Je vous laisse et n’ennuyez pas le vieux Doc, il a le cœur malade. S’il devait souffrir d’un harcèlement quelconque, je vous en tiendrais tous pour responsables
Elle est trop éloignée pour que Brice puisse entendre la suite... sinon la voir accélérer le pas jusqu'à se perdre entre les arbres. Quant à ceux qui s’attardent, il les observe, totalement invisible derrière les rideaux tirés, hésiter un peu, discuter entre eux, puis ramasser leurs affaires, et il recule instinctivement devant leurs objectifs braqués vers lui pour quelques photos de la maison avant de se disperser en direction de la route
Doc secoue tristement la tête
Brice, vous avez eu tort
Hervé et l’inspecteur se tiennent près de ce dernier et regardent les lieux se déserter
Elle a bien joué, ils partent. Je crois que nous ferions mieux de les suivre. Au moins pour nous assurer qu’il n’en reste aucun, et qu’ils n’ennuient pas cette jeune femme plus bas. Brice, nous vous laissons... Elle a eu beaucoup de cran, vous savez
Sans doute, Hervé, je vous remercie d’être venu jusqu’ici. Et vous, inspecteur, je compte sur vous pour garder à l’affaire toute la discrétion voulue
Nous ferons de notre mieux, malgré ces incidents. Je suis désolé, Monsieur D’Orval. Dès que possible, je vous tiens au courant. A bientôt
Le calme est revenu. Le silence d’une maison vide... le silence de la solitude. Doc est malheureux, Brice le sent bien, et tourmenté surtout, bien trop pour un homme dans son état
Allons, Doc, vous n’allez pas vous laisser abattre maintenant
Ce n’est pas elle, Brice. Vous avez commis là une énorme erreur
Je ne sais plus, je n’arrive plus à réfléchir. L’avenir nous le dira
Déjà détaché d’elle ? De retour dans vos zones oubliées ? Elle a eu raison de vous fuir, vous n’êtes pas digne d’elle. Vous ne la méritez pas. Trop bien pour ma fille, pas assez pour Emmanuelle
Doc ! Que savez-vous de ce que je ressens en ce moment
Rien de bien profond puisque vous l’avez laissée partir
Je ne le voulais pas... elle en a pris, seule, la décision
J’en aurais fait autant. Vous n’avez rien lu de cet article
Vous oubliez que j’ai vécu tout cela... Et j’en ai déchiffré suffisamment pour savoir qu’il ne peut rien m’apprendre de nouveau
Tout ce qu’Emmanuelle sait, de qui le tient-elle
De moi, sans erreur possible. Tout. Sans rien taire
Alors elle devrait ignorer un fait qui est dénoncé dans ces lignes... lisez, et pardonnez-vous si vous le pouvez
De quoi parlez-vous
Lisez et vous saurez... Un détail vous a échappé. Thérèse était au courant... et moi-même... je le tenais de ma fille... d’Eléonore... Je ne vous ai rien avoué, parce que, après sa mort, je n’ai pas voulu salir sa mémoire, ni vous peiner davantage... Je vous demande pardon pour cela. Si je l’avais fait avant, vous en seriez sans doute libéré depuis longtemps