chapitre 14
Le premier moment de surprise passé, Kit reprit ses esprits et commença à se débattre.
— Lâchez-moi immédiatement, Joshua Parker ! ordonna-t?elle.
Elle roua les épaules musclées de coups de poing, mais Joshua paraissait ne rien sentir.
— Chut ! souffla-t?il, voilà les photographes ! J’aimerais autant que la photo soit réussie.
Kit entendit les flashes crépiter. Oh non ! N’y avait-il donc personne pour lui venir en aide ? Les gens au-dehors les observaient, les uns riant aux éclats, les autres arborant des mines outragées. Cameron prenait des photos et… riait lui aussi !
— Cameron ! hurla-t?elle. Dis-lui de me lâcher ! Fais quelque chose !
Son frère haussa les épaules en signe d’impuissance, puis agita la main en signe d’adieu en lui criant :
— Souviens-toi des paroles de papa ! Sois raisonnable, Kit !
— Cameron…, gémit-elle.
La minute suivante, Joshua la déposait devant le vestiaire. Sitôt sur ses pieds, elle entrevit la possibilité de fuir, mais il l’en dissuada.
— N’y pensez même pas, Kit ! Récupérez vos affaires et sortons discuter, rien que vous et moi, dit-il en tendant son ticket à la jeune femme du vestiaire. Je vous retrouverai ici. Et si j’étais vous, je ne bougerais pas de là !
Il tourna les talons sur ces paroles. Kit le suivit des yeux. Il ne manquait pas de culot ! Pas question qu’elle reste plantée là. Si par le passé, au casino par exemple, elle lui avait obéi, ce soir, c’était différent. Elle était parfaitement sobre et n’avait pas l’intention de se soumettre aux quatre volontés de Joshua. Elle présenta son ticket de vestiaire à la jeune femme.
— Beau garçon, commenta celle-ci alors que Kit jetait quelques pièces dans la soucoupe posée sur le comptoir.
— N’est-ce pas ? répondit-elle en souriant. Dites-lui je vous prie que je suis aux toilettes et que je le retrouverai ici.
— Comptez sur moi.
Sans cesser de sourire, Kit boutonna son manteau et s’éloigna. Elle disposerait ainsi de quelques minutes d’avance. Elle décida de prendre l’ascenseur et se retrouva bientôt dans le hall.
Un froid mordant l’accueillit quand elle sortit de l’hôtel. Malheureusement, aucun taxi ne stationnait devant l’entrée. En revanche la limousine qui les avait conduits, elle et Cameron, à la soirée était garée tout près. Après tout, son frère, ce lâcheur, ce traître, n’aurait qu’à se débrouiller pour rentrer !
Lyle, leur chauffeur, la salua lorsqu’elle approcha d’un pas décidé de la voiture. Elle regarda derrière elle. Parfait, aucun signe de Joshua !
Elle prit place sur le siège arrière et attendit. Quelques secondes s’écoulèrent. Des rafales d’un vent polaire s’engouffrèrent dans la voiture. Mais que faisait donc Lyle ? Pourquoi ne refermait-il pas cette satanée portière ? pesta-t?elle en frissonnant.
Elle se pencha et tendit la main vers la poignée pour rabattre elle-même la portière, quand elle entra en contact avec des mains gantées de cuir. Une masse sombre s’invita à ses côtés, puis un paquet atterrit sur ses genoux. Sa petite robe noire.
*
* *
— Alors, pouvons-nous discuter à présent ?
Kit rampa à l’autre bout du siège arrière, tandis que Joshua retirait lentement ses gants. Il semblait calme, comme s’il s’était attendu à sa tentative de fuite.
— Je n’ai rien à vous dire ! Sortez de ma limousine immédiatement ! hurla Kit en pressant sur le bouton pour rabattre la vitre qui les isolait de Lyle.
Comme rien ne se passait, elle cria pour attirer l’attention du chauffeur. En vain. Elle se tourna alors vers Joshua, désemparée.
— Mais que… ? Ce n’est pas Lyle qui est assis là ?
Joshua éclata de rire, avant de répondre :
— C’est bien Lyle. Il ne fait qu’obéir aux ordres.
— A vos ordres ? s’écria-t?elle, exaspérée. Il n’a pas à vous obéir. Peu importe que vous ayez déboursé des millions pour m’acheter ! Vous n’avez pas le droit de donner des ordres à mon chauffeur !
— Oh, je n’y suis pour rien. C’est votre frère qui a demandé à Lyle de ne pas vous laisser partir jusqu’à ce que je considère que vous étiez devenue raisonnable.
Etrangement calme soudain, Kit marmonna :
— Vous avez manipulé mon frère.
— Allons, pas de gros mots, Kit. En réalité, toute cette histoire a commencé avec Mark et Donna. Ils connaissent Cameron depuis des années. Sitôt que nous avons été certains que vous n’alliez pas épouser Blaine, nous avons ourdi notre complot.
— Vous avez donc rencontré Cameron, dit-elle au bout d’un moment, pestant intérieurement contre son traître de frère.
— Oui, admit Joshua en soutenant son regard. Kit, nous devons parler.
— Oh, mais que craignez-vous pour que vous soyez si grave ? répliqua-t?elle, hautaine. Ne vous en faites pas, je ne suis pas enceinte ! Et si je suis restée cloîtrée chez moi toutes ces semaines, c’est pour m’occuper de mon père, pas pour pleurer sur vous !
— Je sais. Je n’ai pas la prétention d’être le nombril du monde, rétorqua Joshua. Kit, j’ai besoin de vous dire certaines choses. Je voulais vous parler bien avant, mais notre séjour à la ferme s’est achevé de manière si abrupte…
Il s’interrompit et plongea ses yeux dans ceux de la jeune femme.
Elle tressaillit, subjuguée par la beauté de cet homme. Oh oui, elle comprenait la béatitude de certaines de ses fans rencontrées lors de la croisière.
— Joshua…, commença-t?elle, la voix mal assurée, avant d’enchaîner, désabusée : Il n’y a rien à rajouter à ce que vous m’avez dit le jour de notre séparation. Vous aviez raison. Notre relation était une erreur. Sans doute nous sommes-nous laissés griser par la magie de la croisière…
— Kit ! J’étais furieux. Je me sentais trahi. Ensuite, j’ai repensé à tout ça. J’ai compris que vous n’aviez pas l’intention d’écrire quoi que ce soit à mon sujet. Jamais vous n’auriez fait une chose pareille.
— Non, murmura-t?elle. Jamais…
— J’avais tort, Kit. J’ai refusé de vous écouter, je ne vous ai pas laissé la moindre chance de vous expliquer. J’ai cru que vous alliez exploiter ce qui était arrivé entre mon père et moi et…
— Non, Joshua. Je ne suis pas Marilyn Roth.
— Lorsque j’ai vu que vous jetiez les coupures de presse et vos notes dans les flammes, j’ai compris que je me trompais sur vous. Mais vous étiez déjà partie, avec Blaine.
— Oh, soupira Kit en le fixant.
— J’ai cru que vous étiez comme les autres. Je suis impardonnable. Je vous ai fait du mal et cela me désespère. A croire que toute mon existence est vouée à saccager celle des autres, de mon père notamment…
Dans la pénombre de la limousine, Kit tendit la main vers la sienne. Joshua avait avoué s’être trompé sur elle. Oui, il avait confiance en elle.
— Oh, Kit, aidez-moi, je vous en prie. Vous savez, mes relations avec mon père sont si précaires… Je me suis promis de me rapprocher de lui, de tout faire pour renouer avec lui. Mais après votre départ, j’ai également compris que ma relation avec vous comptait tout autant.
A ces mots, Kit se sentit fondre. Elle aimait cet homme, mais savait aussi que le perdre une nouvelle fois la tuerait.
— Non, Joshua. Je ne peux pas envisager une relation…
— Une relation ? la coupa-t?il, les yeux étincelants de colère. C’est ainsi que vous qualifiez ce qui s’est passé entre nous ?
— Mais enfin, Joshua ! Comment appelez-vous ce qui est arrivé entre nous ?
Un silence pesant emplit la limousine de longues secondes, puis Joshua reprit :
— Et pourquoi ne parlerait-on pas d’amour ?
Bouche bée, Kit resta sans voix. Comme elle voulait le croire ! Sur ses gardes néanmoins, elle le dévisagea. Au ton de sa voix et à son expression empreinte de gravité, elle pressentait qu’il était sincère.
— Oh Kit, comment pouvez-vous douter de mon amour ? Jamais mon cœur n’a battu pour une femme comme il bat pour vous.
Anéantie, Kit le supplia du regard. Il devait arrêter de parler ainsi, par pitié… Joshua lui reprit la main et se glissa tout contre elle.
— Kit, je vous aime et je veux passer le reste de ma vie près de vous. Vous êtes tout pour moi. Je veux vous épouser, m’endormir avec vous, me réveiller avec vous.
Il se tut et lui déposa un tendre baiser sur le front avant de poursuivre :
— J’ai vécu l’enfer sans vous, Kit. Et puis, j’ai rencontré Cameron grâce à Mark. Votre frère a insisté pour que je ne fasse rien avant que votre père ne soit rétabli. J’ai tourné en rond durant toutes ces semaines, me maudissant pour ma bêtise et ma cruauté envers vous. Enfin, Cameron m’a averti que vous participeriez à cette soirée. Nous avons alors décidé de toute cette comédie des enchères. Mon seul espoir, à vrai dire…
Au bord des larmes, Kit lui serra la main, qu’elle couvrit ensuite de baisers.
— Joshua… Je suis désolée…, bredouilla-t?elle.
— Moi aussi, Kit.
Il entoura ses épaules et la berça un long moment, dans le silence douillet de la limousine. Puis il passa un doigt sur la joue de la jeune femme, qu’il força à le regarder. Lentement, elle approcha ses lèvres.
— Kit, je suis à vous, chuchota-t?il.
Une larme coula sur le visage de Kit.
— Oh non, ma chérie, ne pleurez pas.
— Je… Je ne pleure pas… Je suis heureuse… Mais je tremble rétrospectivement à l’idée que j’ai failli ne pas aller à cette soirée.
— Si vous n’étiez pas venue, Kit, je serai allé vous chercher.
— Oh, Joshua, comme je vous aime !
— Alors épousez-moi, Kit O’Brien. Devenez ma femme.
Kit posa les lèvres sur celle de l’homme qu’elle aimait et l’embrassa tendrement. Pour la première fois depuis des semaines, elle eut le sentiment de respirer.
— Oui, Joshua, je le veux, murmura-t?elle contre sa bouche. Je vous aime depuis le premier jour, la première heure.
— Mon amour… Je suis impatient de faire la connaissance de votre père. Et ma famille meurt d’envie de vous rencontrer. Peut-être accepterez-vous d’aller lui rendre visite avant que nous annoncions notre mariage à la presse… Qu’en dites-vous ?
Elle noua les bras derrière son cou et se pressa contre lui. Le bonheur était décidément une chose merveilleuse… et toute simple, se dit-elle.
— Me trouvez-vous raisonnable finalement ? demanda-t?elle en se nichant contre son torse.
— Je crois que oui, plaisanta Joshua.
Après un coup d’œil en direction du chauffeur, Kit plongea ses yeux dans ceux de Joshua.
— Peut-être apprécieriez-vous que je me montre un peu moins raisonnable, exceptionnellement ? suggéra-t?elle en se plaquant contre lui.
— Oh, oh, une proposition malhonnête ?
— Peu importe !
D’un geste vif, elle saisit le téléphone de la limousine et ordonna au chauffeur de se diriger vers Long Island, puis elle tira le rideau sur la vitre qui les séparait de Lyle et se tourna vers Joshua, féline.
— Kit ? Non !
— Mais bien sûr que si ! s’exclama-t?elle en lui couvrant le visage de baisers.