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Dans mes fantasmes, je suis qui je veux, je fais ce qui me plaît. Je peux écouter mes pulsions et m’abandonner à mes désirs les plus fous. Tout est permis : mes fantasmes demeurent anonymes.
Meghan défit ses valises pour la deuxième fois de la journée.
— Eh bien, cette première journée a été épique.
— Ah oui ? demanda Julie, les médailles de son bracelet cliquetant quand elle rejeta ses cheveux en arrière.
— Je me suis fait draguer par un gnome, tu m’as présentée à tous les clients comme le cas social de la semaine et, au final, j’ai dû me battre avec un pirate pour récupérer mes sous-vêtements.
Julie éclata de rire.
— Un gnome et un pirate ? Je ne me souviens pas de les avoir mentionnés dans la brochure du club.
— Oublie le gnome, décréta Meghan en rangeant sa lingerie dans un tiroir. Par contre, le pirate, c’est ce type sublime dans la suite duquel je me suis installée par erreur.
— Il n’avait pas enfilé tes sous-vêtements quand même ?
— Non… Il les a juste caressés.
L’image de la dentelle rouge sur les mains bronzées de Nick lui revint à la mémoire, et elle se prit à imaginer la prochaine fois qu’il poserait ses mains dessus — cette fois-là, c’est elle qui en serait vêtue.
— J’ose à peine imaginer ta réaction ! s’exclama Julie.
Meghan lui répondit de son ton le plus nonchalant. C’était tellement facile de la mener en bateau !
— J’ai accepté de passer la nuit avec lui.
— Pardon ?
— Il m’a proposé de dîner avec lui.
— Oh !
Julie se rassit sur sa chaise et reprit un morceau de brie.
— Tu me rassures ! J’avais cru que…
— J’ai décidé d’en faire mon amant.
— Quoi ?
S’étouffant à moitié, elle laissa tomber le morceau de fromage sur le plateau. Devant son air hébété, Meghan reprit :
— J’ai dit…
— J’ai entendu, la coupa sa sœur en secouant la tête. Tu n’es pas sérieuse !
Meghan posa ses mains sur ses hanches avec détermination.
— Je suis tout à fait sérieuse. Nick est beau, charmant et très sexy. Je pense qu’il sera un amant parfait.
— Tu ne t’es jamais écartée du droit chemin de toute ta vie. Ça m’étonnerait que tu commences maintenant, objecta Julie en brassant l’air de la main. Ce qu’il te faut, c’est un type sympa, loyal, avec une belle maison et un chien. Quelqu’un sur qui tu pourras compter.
— Autant ne prendre que le chien. Je ne suis pas à la recherche d’une relation durable.
— Parfait. Sauf que ce n’est pas du tout ton genre de prendre un amant comme ça.
— Apparemment, tout le monde a de moi une image très précise… Tu ne t’es jamais dit que je pourrais te surprendre ?
Délaissant le morceau de brie qu’elle avait repris sur le plateau, Julie la dévisagea d’un air interloqué.
— Mais tu n’as jamais été impulsive ou imprudente ! C’est toi qui nous as fait tenir, depuis le départ de papa. A quinze ans, tu es devenue le chef de famille. Maman s’est toujours reposée sur toi.
Meghan refoula son amertume. Elle aurait tant voulu avoir une adolescence plus insouciante. Mais ressasser le passé ne la mènerait nulle part. Elle se força à répondre calmement à sa sœur.
— J’ai toujours fait ce qu’on attendait de moi, rarement ce que j’avais envie de faire.
— Je sais, Meg, et je suis désolée. Je t’en serai éternellement reconnaissante, je t’assure. Maman et moi, on ne s’en serait pas sorties sans toi.
— Eh bien, maintenant que tu as dégoté ce boulot génial et que maman a enfin un petit ami, je crois que c’est à mon tour de vivre. J’ai une envie folle de me laisser aller, d’être emportée dans quelque chose de fou et d’inattendu. Je veux vivre une aventure passionnée.
— Tu es une fille bien…
— Je ne veux plus être une fille bien ! s’exclama Meghan avec véhémence. J’ai vingt-sept ans et je n’ai jamais rien fait d’excitant ou d’inattendu. C’est cette semaine ou jamais.
Julie la contempla avec stupeur.
— Mais, Meg, tu ne saurais même pas comment t’y prendre !
Meghan sentit monter en elle une vague de ressentiment. Sa sœur cadette, qui avait connu plus de garçons et s’était mariée avant elle, lui donnait des leçons. Comment avait-elle pu tomber aussi bas ?
— Je me sens tellement à côté de la plaque, Julie. C’est comme si ma nature profonde était enfouie sous plusieurs couches. Je sais que je suis différente au fond de moi, mais parfois, j’ai peur d’être cette reine des glaces, hautaine et froide, que Rob m’a jetée à la figure.
— Mais tu n’es pas comme ça, Meg. Tu es douce et chaleureuse…
— Tu dois penser que je suis stupide, répliqua-t?elle en marchant résolument vers la fenêtre, mais j’ai besoin de faire quelque chose de fou, d’impulsif. Vivre une sexualité sans tabou.
Comme Elise.
— Je ne pense pas que tu sois stupide, Meg. Je pense que tu es courageuse, commenta Julie avec un sourire admiratif. Si c’est ce que tu veux, vas-y !
Bien que surprise, Meghan se sentit plus légère. Finalement, ce n’était pas si difficile que cela, de casser le mythe de la grande sœur parfaite. Elle sourit, soulagée, et saisit un morceau de quiche aux fruits de mer. Chez les Foster, on ne laissait jamais les émotions interférer avec un bon repas.
— Alors, tu veux bien m’aider à me transformer en séductrice ?
— Bien sûr. Mais il va falloir changer ta garde-robe.
Meghan s’observa dans la glace sans ménagement. Elle aurait sans doute pu perdre un ou deux kilos sur les hanches, mais sa silhouette était très agréable à regarder. Avec ses habits classiques, bien coupés, elle renvoyait une image professionnelle, sympathique — pas vraiment celle d’une séductrice.
— J’adore tes nouveaux dessous, mais il faut aussi que tu changes de style au-dessus, poursuivit Julie. L’habit fait le moine, Meg. Si tu veux être une bombe, habille-toi comme telle.
— Je viens de lâcher mon boulot, je n’ai pas les moyens de m’offrir une nouvelle garde-robe.
— Passe me voir dans mon bungalow tout à l’heure. Je te prêterai des fringues, et je te maquillerai. Tu verras, tu seras irrésistible. Tu n’auras plus qu’à dénicher l’homme de tes rêves. A Cayo Sueño, ça ne devrait pas être difficile.
Meghan retint un sourire. L’homme de ses rêves, elle l’avait déjà trouvé : beau, grand, brun, avec le sens de l’humour et de très belles fesses… Nick. Un concentré de sexe à l’état pur, dans une chemise de très mauvais goût ! Il ressemblait tellement à l’homme de ses fantasmes — mis à part la chemise, bien sûr — que c’en était effrayant.
— O.K. Essayons de définir ce M. Fabuleux, proposa Julie avec enjouement.
Délaissant le plateau, elle se dirigea vers le secrétaire d’où elle sortit une feuille de papier à lettres.
Meghan lut par-dessus son épaule.
— Que fais-tu ?
— J’établis la liste des qualités de M. Fabuleux. Comme ça, tu pourras choisir plus facilement.
— J’ai déjà choisi.
— Eh bien, tu n’auras qu’à comparer Nick avec ta liste pour voir s’il fait l’affaire. Avant tout, il doit être romantique. Tu sais, le genre à te couvrir de roses rouges ou à te faire un cadeau comme ça, juste pour le plaisir.
Meghan se fichait bien qu’il soit romantique ou pas. Tout ce qui l’intéressait, c’était qu’il lui fasse l’amour comme un dieu. Mais si ça amusait sa sœur…
— Il faut qu’il soit sensible, pour que tu n’aies pas peur d’explorer de nouvelles frontières sexuelles avec lui, enchaîna Julie. Et puis il doit être très laid. Comme ça, il sera trop ******* que tu t’intéresses à lui pour aller voir ailleurs.
Eclatant de rire, Meghan lui arracha la liste des mains.
— C’est quoi, cette liste fantaisiste, Jules ?
De son écriture ronde, sa sœur avait ajouté aventurier, audacieux et héroïque à côté de romantique et sexy. Exactement le portrait de son mari défunt. Meghan la regarda avec compassion, elle aussi envahie par une vague de tristesse.
— Moi aussi je l’aimais et il me manque, mais…
— Tu peux dire son nom, tu sais, intervint Julie avec un sourire triste. Kyle.
Les souvenirs affluèrent en Meghan, en même temps que la colère qu’elle ressentait chaque fois qu’elle pensait à la mort de son beau-frère.
— Je suis désolée, Julie. Mais je ne veux pas d’un homme qui court après le danger. J’ai besoin de me sentir en sécurité.
— Je ne te comprends que trop bien. Je ne te remercierai jamais assez pour toutes les fois où tu es venue attendre avec moi qu’il rentre de mission. Ce n’est pas facile d’être femme de flic. Vivre dans l’incertitude, se demander chaque matin si on le reverra le soir… Mais, tu sais, je n’échangerais aucun des jours passés à ses côtés, ajouta-t?elle d’une voix marquée par le chagrin. Malgré la fin.
— Oh, Jules…
Elles restèrent un instant silencieuses, unies par les souvenirs. Puis Julie essuya les larmes qui faisaient briller ses yeux et déclara :
— Mais, de toute façon, tu n’es pas à la recherche d’un mari. Alors, reprenons cette liste.
Heureuse de changer de sujet, Meghan prit une nouvelle feuille de papier.
— Tout d’abord, M. Fabuleux doit être un minimum cultivé. Je veux pouvoir discuter politique ou littérature avec lui.
— Tu rigoles ? s’écria Julie en essayant de lui prendre la feuille des mains. Tu détestes la politique et tu n’as pas ouvert un livre depuis… depuis quand ?
Meghan tint bon et poursuivit comme si elle n’avait pas été interrompue.
— Il faut qu’il soit intelligent, sensible, viril et ponctuel.
— Ponctuel ? Meghan, tu te fiches de moi ! Allez, avoue. Tout ce que tu veux c’est un type qui soit : 1) beau comme un dieu et 2) monté comme une star du porno.
Elles durent s’interrompre, gagnées par un fou rire irrépressible.
Après avoir repris son souffle, Julie jeta un coup d’œil à sa montre et grimaça.
— Je dois y aller. J’anime la soirée des célibataires au bord de la piscine ce soir, et rien n’est prêt.
Meghan la serra très fort dans ses bras.
— Merci encore. J’apprécie vraiment tout ce que tu fais pour moi.
— Je suis tellement *******e que tu sois là. Tu vas t’éclater ! assura sa sœur en faisant claquer un baiser sur sa joue. Viens me rejoindre à la fête. Si Nick ne fait pas l’affaire, je suis sûre que tu y trouveras ton bonheur.
— Nick fera parfaitement l’affaire.
Meghan sourit en refermant la porte. Elle avait hâte de jouer les cendrillon. Bien sûr, la peur le disputait à l’excitation, mais elle se savait décidée à accomplir l’objectif qu’elle s’était fixé. Elle prit un petit carnet vert dans son sac à main et sortit sur le balcon.
L’homme de ses fantasmes avait désormais un nom et un visage. Elle s’assit dans un fauteuil et se laissa aller contre le dossier, les yeux fermés. Quelques secondes plus tard, elle releva les paupières, saisit son stylo et ouvrit son nouveau journal intime à la première page.
Les mots s’égaillèrent sur le papier blanc à mesure que les images défilaient devant ses yeux.
Les yeux verts de Nick brûlent d’un feu intérieur tandis qu’il dévisage Elise. Lorsqu’il ouvre enfin la bouche, sa voix est sourde. « Déshabille-toi ! » L’ordre claque et elle s’exécute, lentement, en retenant son souffle.
Alex prit une bière dans le minibar. Il allait s’installer sur le balcon quand son regard tomba sur le petit carnet bleu. Une petite voix raisonnable s’éleva dans un coin de son esprit, mais la curiosité était trop forte. Sans doute Meghan s’était-elle sentie trop bousculée tout à l’heure pour se rappeler son journal intime — contrairement à lui.
Les personnages qui batifolaient près de la cascade avaient même un visage, désormais. Celui de Meghan et le sien.
Nous nous accouplons sous la cascade. M’empoignant, il me colle à lui. Mon corps glisse et s’empale encore et encore…
Il jeta un rapide coup d’œil à sa montre et décida qu’il avait le temps de faire un peu de lecture.
Quelques instants plus tard, il tendit le bras vers sa bière. Vide. Sa bouche était devenue sèche dix pages plus tôt et il avait descendu toute la bouteille sans presque s’en rendre compte. Plutôt que de se lever pour aller en chercher une autre, il décida d’allumer une cigarette. Avant de se replonger dans le petit carnet.
Encore une page. Juste une.
Il se laissa prendre par les scènes follement érotiques qu’elle avait su créer. Au fil des pages, il ne pouvait s’empêcher de comparer l’héroïne fictive et Meghan telle qu’elle lui était apparue. Derrière l’image lisse et professionnelle qu’elle renvoyait, se cachait une personnalité ardente et passionnée qui ne demandait qu’à être révélée.
Il écrasa sa cigarette tout en se demandant s’il devait se méfier. Et si tout ça n’était qu’un numéro d’actrice ? Le journal intime, la charmante innocence, les joues qui rosissaient sous l’effet des compliments… Etait-ce un leurre pour qu’il baisse la garde ? Après le terrible fiasco d’Overtown, Braga devait être à l’affût d’une nouvelle trahison.
Alex referma le journal d’un coup sec et se massa la nuque. Posant le carnet sur la table basse, il se dirigea vers la salle de bains afin de prendre une douche.
Une fois rafraîchi, il se rasa, s’habilla et glissa le journal intime dans la poche de sa veste de sport avant de sortir. Devait-il le lui rendre avant ou après le repas ? Il prit l’ascenseur, puis se dirigea vers le bar. Ses yeux cherchaient Meghan parmi les clients.
Waouh !
Sa robe rose pâle flottait sur ses courbes comme une caresse. Très échancré, son décolleté révélait la naissance de ses seins. Sa courte jupe dénudait ses cuisses et ses longues jambes couleur caramel. Sous la table, elle avait croisé ses pieds nus, et ses sandales en cuir clair gisaient, abandonnées, sous sa chaise. Alex s’arracha à la contemplation de ses courbes pour regarder son visage. Ses magnifiques yeux bruns avaient un je-ne-sais-quoi de mystérieux, et ses lèvres pulpeuses, d’un rose glamour, ne demandaient qu’à être mordues. Il se mit à bander. Coupable ou innocente, cette fille lui faisait un effet incroyable !
Que porte-t?elle sous sa robe ? L’ensemble en dentelle noire ? Non, trop voyant. Le satin blanc, sans aucun doute.
Imaginant ses doigts sous le tissu soyeux, il s’avança vers elle avec un sourire…
Et s’arrêta net.
Il était tellement obnubilé par Meghan qu’il n’avait pas remarqué l’homme qui l’accompagnait. Un homme qu’il ne connaissait que trop. Les souvenirs l’assaillant par flashes, il dut fermer les yeux, le temps de se reprendre. Les coups de feu. Le chaos. L’odeur du sang. La douleur aveuglante.
La cicatrice sur sa tempe se mit à pulser et il sentit une vague de nausée remonter dans sa gorge. Il se glissa derrière une colonne en marbre et étudia Rogelio Braga, très gentleman avec ses cheveux poivre et sel et ses manières raffinées. S’il n’était pas une ordure de trafiquant de drogue, Alex l’aurait sans doute trouvé charmant.
Dans la poche de sa veste, il caressa le petit carnet bleu du bout des doigts. Et dire qu’il avait eu des scrupules…
Tout à coup, elle éclata de rire à une plaisanterie de Braga. Le ventre noué, il se mit à la maudire. Est-ce qu’ils étaient en train de se moquer de lui ? Braga avait invité « Nicholas » à Cayo Sueño pour le remercier de lui avoir sauvé la vie. Mlle Foster — si du moins c’était son vrai nom — était peut-être sa récompense… Et merde !
Une part de lui voulait encore croire à son innocence, croire que l’erreur de chambre n’était qu’une coïncidence. Mais à la lecture de son journal, il devait reconnaître qu’elle avait un don pour cacher sa vraie personnalité. Comment avait-il pu se laisser berner ainsi ? Une seule explication : il avait perdu son instinct.
Il observa Braga poser sa main sur le bras de Meghan tout en lui parlant. La jeune femme hocha la tête et Braga prit congé. Elle demeura là sans bouger, puis se retourna et fouilla la foule du regard.
Sortant de sa cachette, Alex s’avança vers elle.
Elle lui fit de grands signes pendant qu’il approchait. S’il n’avait pas eu de soupçons à son sujet, il l’aurait adorée. Sauf que, là, il était en rogne de s’être laissé avoir. Méfiant, il la détailla, mais ne lut dans son sourire que de la gaieté. Rien qui n’eût l’air faux ou forcé.
Si seulement il pouvait s’être trompé !
— Salut, Nick ! s’écria-t?elle en l’invitant d’un geste à prendre le siège que Braga venait de libérer. Je commençais à me demander si vous m’aviez posé un lapin.
Nick. Exact. Chacun son rôle. Jouons un peu…
Il prit place sans cesser de la dévisager.
— Vous n’aviez pas l’air de vous ennuyer.
— Quoi ? Ah… On bavardait, c’est tout. Ne vous inquiétez pas, je ne comptais pas vous remplacer.
Elle lui adressa un sourire provocant et ses mains voltigèrent sur ses genoux. Elle avait l’air un peu emprunté, voire nerveux — coupable ?
— Qui était-ce ? demanda-t?il sur un ton qui trahissait plus d’intérêt qu’il ne l’aurait voulu.
Elle parut surprise.
— Personne. Il m’a juste reconnue grâce à la petite prestation de ma sœur, tout à l’heure.
Pas le moindre signe de duplicité, nota-t?il, toujours à l’affût.
— Vous aviez l’air plongés dans une discussion passionnante.
— Vous êtes très observateur, pour quelqu’un qui vient tout juste d’arriver.
Il laissa échapper un petit sourire appréciateur devant la justesse de sa repartie. Bon, il pouvait se détendre. Jusqu’à présent, elle lui répondait franchement, sans se montrer évasive.
— Excusez-moi, ce doit être la jalousie.
Elle aussi parut se détendre. Alors qu’elle se laissait aller en arrière, un coude posé sur le bras du fauteuil, son décolleté s’accentua, dévoilant quelques centimètres de dentelle rose.
Sa poitrine était bien pigeonnante, par rapport à tout à l’heure, songea-t?il. Le miracle du Wonderbra ? Il ne s’en plaignait pas. Elle était sublime, rayonnante. Restait une question : pourquoi ?
— Et alors, que vous a-t?il raconté ?
— Il m’a parlé des ruines qui se trouvent de l’autre côté de l’île. Apparemment, c’est un habitué du club.
— Il suivait les instructions de Julie : faire de vos vacances un souvenir inoubliable. Je croyais que c’était mon job, protesta-t?il, faussement vexé.
Devant lui, Meghan dessinait avec ses doigts des petits cercles concentriques sur la peau tendre de son poignet. Décidément, il y avait quelque chose de changé en elle ! Soit elle connaissait son rôle par cœur, soit elle avait décidé de libérer sa sensualité. En dépit de sa méfiance, il ne pouvait s’empêcher d’être excité. Meghan n’était pas la seule à vouloir explorer ses fantasmes…
— Je ne vous ai pas encore embauché, retorqua-t?elle.
Elle inclina la tête sur le côté et ses lèvres roses s’étirèrent en un sourire légèrement hautain. Elle poursuivit :
— Tout d’abord, il y a le problème de la tenue vestimentaire.
— Mais c’est ma chemise préférée ! se récria-t?il en entrouvrant sa veste de sport de façon à mieux lui montrer le motif criard.
— Ce serait dommage que vous échouiez si près du but. Il ne vous manque que le perroquet et la rapière pour compléter votre déguisement.
Si elle voulait jouer à ça, pas de problème. Il se pencha vers elle, les yeux brillants, et baissa la voix.
— Si elle ne vous plaît pas, je peux l’enlever. On pourrait jouer au pirate vigoureux et à la princesse délurée.
— Ça m’a l’air d’un fantasme intéressant…
— Ce n’en est qu’un parmi tant d’autres. Si vous voulez, je vous les raconterai tout à l’heure.
Elle se laissa aller contre le dossier de son fauteuil avec un sourire ravi.
— O.K., vous êtes embauché. A combien se montent vos honoraires ?
— Je préfère le troc. Si vous voulez, on peut négocier pendant le dîner ? proposa-t?il en se levant.
— Je vous préviens, je suis dure en affaires.
— Très bien. Que la joute commence ! déclara-t?il en riant.
Il lui tendit la main, trop heureux de la toucher enfin. S’appuyant sur son bras, elle se baissa pour enfiler ses sandales et lui donna un nouvel aperçu de son décolleté. Quand elle se redressa, elle le regarda dans les yeux avec un air de défi. Pas de doute, elle l’avait fait exprès !
Elle n’avait pas seulement changé de look, ce soir ; elle semblait aussi plus sûre d’elle, plus audacieuse. Quelle que fût la cause de cette transformation, il aimait ça. Une femme sûre de ses attraits et de son pouvoir de séduction.
Ils traversèrent le bar et rejoignirent la terrasse de Breezes, le restaurant de l’hôtel. Il ne put s’empêcher de la reluquer tandis qu’elle marchait devant lui, tête haute, épaules redressées. Ses hanches se balançaient avec grâce, telle une invitation à la suivre.
Elle se retourna et lui jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Ses yeux d’ambre pétillèrent de gaieté en interceptant son regard.
Oh, oui ! Il approuvait définitivement le changement. Beauté fatale avait ce soir un je-ne-sais-quoi de fascinant.
En même temps, sa métamorphose était si rapide et si complète qu’il se devait de rester prudent. Hors de question qu’il se compromette avec une suspecte. Les types des Affaires internes seraient trop *******s de se jeter sur lui.
Observant les convives attablés dans le restaurant, il vit Rogelio Braga s’approcher du bar de l’autre côté de la véranda, en compagnie de deux hommes. Il reconnut l’un des deux, un trafiquant de drogue dont la photo était classée dans ses fichiers, à Miami. L’autre, il ne l’avait jamais vu.
Son attention se reporta sur Meghan.
Peut-être avait-il exagéré, après tout. Sa conversation avec Braga était peut-être innocente, comme elle l’avait prétendu. Ou pas. Dans tous les cas, il allait conserver plus longtemps son journal intime — le meilleur moyen de découvrir qui elle était vraiment. Parallèlement, il demanderait à son coéquipier de se renseigner sur elle. Il fallait qu’il sache si elle avait un lien quelconque avec le cartel de Miami.
Tout au fond de lui, il se traita de sale menteur. Il se fichait bien de savoir si elle était une criminelle. Ce qu’il voulait, c’était la coucher dans son lit. Voire plus, si affinités... 0