áãÔÇßá ÇáÊÓÌíá æÏÎæá ÇáãäÊÏì íÑÌì ãÑÇÓáÊäÇ Úáì ÇáÇíãíá liilasvb3@gmail.com






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ÇáÊÓÌíá

ÈÍË ÈÔÈßÉ áíáÇÓ ÇáËÞÇÝíÉ

ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


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LinkBack (1) ÃÏæÇÊ ÇáãæÖæÚ ÇäæÇÚ ÚÑÖ ÇáãæÖæÚ
ÞÏíã 10-12-08, 09:54 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 11
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ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
ÇáÚÖæíÉ: 62582
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 72
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de rien ma chérie
merci a toi aussi
et j'attend la suite

 
 

 

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ÞÏíã 12-12-08, 02:43 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 12
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ÇáÊÓÌíá: Apr 2008
ÇáÚÖæíÉ: 71788
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 417
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ÇÝÊÑÇÖí

 

La suite

Plusieurs tunnels s’ouvraient sur la galerie principale et elle imaginait assez bien le labyrinthe de passages et de cavernes qui constituait ce monde souterrain. Des endroits tels que celui-ci l’avaient toujours fascinée et rebutée à la fois. Elle se souvenait encore de sa première visite à Inglewhite, dans son pays ; de son étonnement mêlé d’effroi devant les énormes stalactites et stalagmites. Mais ce qui l’avait le plus impressionnée, c’était le lac, si profond que personne n’en avait jamais sondé les abîmes, et si glacé que le plus aguerri des plongeurs ne pouvait rester bien longtemps sous sa surface.
Le guide les menait à présent à travers un étroit couloir. C’était un jeune étudiant en géologie, enthousiaste naïf mais captivant.
Je n’aimerais pas me trouver là-dedans pendant une inondation, commenta quelqu’un.
Et Livvy perçut l’élan de peur qui s’emparait du groupe.
Nous sommes en sécurité, ici, assura le guide en souriant. Il y a d’autres endroits de ce réseau souterrain qui sont dangereux, cependant. Les visiteurs n’y sont pas admis, bien entendu…
Tandis qu’il expliquait les consignes de sécurité, la jeune femme laissa vagabonder ses idées.
Ce matin-là, lorsqu’elle était partie, Richard avait déjà quitté la ferme. Tant mieux, avait-elle songé. Elle n’était pas fâchée, au bout du compte, qu’il ait autant de préjugés à son endroit. Sinon… Sinon quoi ? Ce n’était tout de même pas pour un simple baiser que…
Bouleversée par le tour que prenaient ses pensées, elle les refoula aussitôt et s’attacha à suivre les propos du guide, qui décrivait à présent les diverses étapes géologiques de la formation des grottes. A ce moment-là, un autre groupe de visiteurs arriva dans la grande caverne : des enfants bruyants, tout excités par l’écho que leurs voix faisaient naître dans les profondeurs des lieux. Livvy éprouva un élan de sympathie pour la jeune femme à l’air tendu qui les accompagnait, et qui était certainement leur professeur.
L’un des garçonnets, marchant le nez levé vers la voûte, heurta accidentellement Livvy. Lorsque son professeur se précipita pour le gronder et s’excuser de sa maladresse, Livvy lui sourit avec sympathie.
Ne vous inquiétez pas, dit-elle. Je sais ce que c’est.
Vous êtes enseignante ? demanda la  jeune femme.
Elle avait à peu près l’âge de Livvy, était toute petite et très française d’allure, avec ses cheveux bruns coupés court, sa chemise blanche et son jean, ses mocassins de cuir souple. Non sans un élan de jalousie, Livvy songea qu’elle n’aurait jamais eu l’air aussi chic dans une telle tenue.
Oui, bien que mes élèves soient sensiblement plus âgés, répondit-elle.
Elles bavardèrent quelques instants et ce fut seulement lorsque la Française se présenta et s’enquit de la matière qu’enseignait Livvy qu’elle prit conscience de ne pas avoir affaire à une compatriote. Son étonnement flatta Livvy, qui s’empressa cependant d’expliquer les raisons de son excellente connaissance du français, révélant ses origines et ses fréquents séjours dans le pays.
Son interlocutrice s’appelait Marie-Louise Fermier et avait recommencé à enseigner à mi-temps après la naissance de son fils, expliqua-t-elle. Quand elle sut que Livvy séjournait dans les environs, elle lui proposa aussitôt de venir la voir à l’école.
Nous pourrions déjeuner ensemble. Ça me ferait très plaisir.
Livvy accepta avec enthousiasme. Sa collègue était sympathique, et il ne lui déplaisait pas non plus de voir de près comment on pratiquait l’enseignement en France.
Demain, ça te conviendrait ? demanda Marie-Louise. En fait,  c’est mon dernier jour de classe. Après, ce sont les grandes vacances.
Livvy accepta et, une fois que Marie-Louise, dont l’école se trouvait tout près de Beaulieu, lui eut indiqué comment l’y rejoindre, les deux jeunes femmes se Livvy s’empressant de rejoindre son groupe, qui s’était déjà séparèrent éloigné.
Elle aurait plaisir à échanger son point de vue avec Marie-Louise et se sentait soulagée d’avoir un projet qui lui permettrait d’oublier Richard, et les émotions perturbantes qu’il éveillait.
Tu es venue en France seule ? avait demandé Marie-Louise.
Et Livvy car c’était la vérité, n’est-ce pas ? Bien sûr, s’était empressée d’acquiescer sur le plan strictement technique, Richard Field partageait la même maison qu’elle…
La journée a été bonne ?
En entendant cette question, Livvy ne put dissimuler son étonnement et se tourna vers Richard.
Il était entré dans la cuisine quelques minutes auparavant et, bien qu’elle eût fait mine de ne pas l’avoir remarqué, elle se sentait si sensible à sa présence que cela lui mettait les nerfs à vif. Elle n’aurait pas eu de réaction plus impulsive s’il l’avait touchée, pensa-t-elle, sur le qui-vive. C’était tout de même ridicule !

Oui, excellente. Et vous ? répondit-elle sans le regarder.
Je suis allé à la pêche. 
La jeune femme sentit une rougeur diffuse envahir ses joues. Le mot « pêche » n’évoquait en soi rien d’érotique, et pourtant, lorsque Richard l’avait prononcé, elle avait éprouvé le plus étrange et le plus intense des émois sensuels.
Un instant, elle recouvra les sensations qu’elle avait ressenties au bord de la rivière, alors qu’elle se tenait debout auprès de lui sur la pierre, le cœur battant, les sens exacerbés par sa présence, par son contact, par sa bouche si proche de la sienne…
Et vous, où êtes-vous allée ? 
Euh…, balbutia Livvy.
Elle avait le vertige, tant elle était troublée. « Reprends-toi, bon sang », se dit-elle. Si la voix de Richard avait eu, pour une fois, des intonations douces et gentilles, presque taquines, comme s’il se remémorait lui aussi la scène de la rivière, ce n’était pas une raison pour perdre la tête comme elle le faisait…
J’ai visité les grottes.
Moi, je pense aller à Cahors, demain, lui dit-il.
A sa profonde surprise, il ajouta :
Vous aimeriez peut-être venir avec moi. Nous pourrions déjeuner quelque part…
Désarçonnée, abasourdie par le choc, Livvy le dévisagea un instant sans mot dire. Puis elle finit par énoncer :
Non… non, je suis désolée, je ne peux pas. J’ai déjà d’autres projets… je déjeune avec quelqu’un…
Elle se rendit compte qu’elle bredouillait, mais à sa place, n’importe qui en aurait fait autant, sans doute. Il était inouï que Richard lui propose de passer quelques heures en sa compagnie, lui qui l’avait toujours traitée avec tant de mépris !
Tandis qu’il la regardait et que son visage se fermait peu à peu, reprenant une expression hostile et dure, elle réprima difficilement une envie de s’écrier qu’il se méprenait du tout au tout… qu’elle n’avait pas voulu refuser son invitation, mais avait été dominée par son sentiment de surprise.
Je vois…, lâcha-t-il. 
Il se détourna et s’en fut, mettant de nouveau de la distance entre eux. Livvy réprima son désir de le rappeler. Ce qu’il pensait était évident : il était persuadé qu’elle avait rencontré un homme et s’était arrangée pour le revoir… Elle éprouva une douleur sourde, à laquelle elle refusa pourtant de céder. Ne valait-il pas mieux qu’il ait une piètre opinion d’elle ? Ne valait-il pas mieux ignorer ce désir ridicule d’entendre une fois encore l’inflexion presque tendre que sa voix avait eue… et qui n’était bien sûr qu’une illusion, née de son imagination exacerbée ?
Après tout, il était impossible qu’il éprouve la moindre tendresse envers elle, elle le savait.
Le déjeuner a été excellent, j’imagine?
Livvy se raidit en percevant l’intonation sarcastique de Richard Field.
Elle était rentrée à la ferme vingt minutes plus tôt, pour découvrir qu’il était revenu avant elle.
Oui, en effet, répondit-elle. C’était très agréable.
En disant cela, elle se reprocha de chercher à le provoquer, et se demanda pourquoi elle se comportait avec aussi peu de sang-froid chaque fois qu’elle avait affaire à lui.
Elle savait fort bien de quelle façon il croyait qu’elle avait occupé son « repas ». Avait-elle donc l’air de revenir d’une rencontre torride avec un homme, et non d’un sympathique déjeuner en compagnie d’une amie, suivi d’une passionnante discussion sur les diverses méthodes pédagogiques ?
Et le vôtre ? lui lança-t-elle pourtant.
Le regard qu’il lui décocha lui fit comprendre qu’elle avait poussé le bouchon trop loin.
Oh, bon sang ! s’exclama-t-elle avec humeur. Ecoutez, je sais ce que vous pensez, mais vous vous fourvoyez entièrement. J’ai déjeuné avec une femme… une consœur. Nous avons sympathisé hier, pendant que je visitais les grottes. Elle m’a invitée à venir voir son école.
Comme il restait impassible, elle haussa les épaules et poursuivit d’un ton agacé :
Très bien, ne me croyez pas si ça vous chante… je m’en fiche.
Pourquoi ne m’avez-vous rien dit hier ?
Livvy se détourna, mal à l’aise. Elle ne savait que trop pourquoi elle ne l’avait pas détrompé, et n’ignorait pas non plus qu’elle ne consentirait jamais à révéler ses véritables motivations. Comment en effet aurait-elle pu primitifs, ataviques, dire à cet homme que tous ses instincts de femme impossibles à maîtriser, la mettaient en garde contre lui ? Lui soufflaient qu’il serait périlleux de se laisser apprivoiser ? Oui, elle trouvait plus sécurisant d’être prise pour une « femme facile » ; cela érigeait entre eux une barrière infranchissable, qui la protégeait contre la séduction retorse que Richard exerçait sur elle.
Elle haussa donc de nouveau les épaules, laissant tomber :
A quoi bon ? 
Comme il gardait le silence, elle ajouta :
Ça ne m’a pas paru important. 
— Ah oui ? Alors, pourquoi me le dites-vous maintenant ?
Richard avait l’esprit vif, il fallait bien l’admettre, songea Livvy, prise au dépourvu.
Sans raison précise, mentit-elle. 
Il lui adressa un regard si railleur qu’il eut raison de son insouciance feinte.
Très bien, je vais être franche. Je n’aime pas être méjugée, prise pour une sorte de… de… de nymphomane.
Ce que vous voulez dire, c’est qu’il vous déplaît que je sache la vérité sur votre compte, rétorqua Richard sans indulgence.
Ah, en voilà assez, à la fin ! s’écria Livvy. Ce que vous avez vu à l’hôtel n’est pas du tout ce que vous imaginez… Je sais que vous ne voudrez pas me croire… que vous avez un problème qui vous empêche de considérer les femmes autrement que sous le jour le plus défavorable et en fonction des préjugés les plus ridicules… Mais l’homme avec lequel vous m’avez vue ne bénéficiait ni de mon consentement, ni de mon désir. Loin de là ! Il m’avait suivie et agressée par surprise en empruntant l’issue de secours. Ce que vous avez pris pour un duo sensuel était en réalité une tentative de viol. Ce n’est certes pas grâce à vous qu’elle a échoué ! Franchement, je me moque de ce que vous pensez, mais je vous conseille vivement d’apprendre à décoder les signes qui indiquent si une femme accepte ou non les avances d’un homme ! Si j’avais voulu de ce… de ce porc, croyez-vous vraiment que je lui aurais permis de me brutaliser de cette façon, en public ? Mais bien entendu, vous faites sans doute partie de ces hommes qui prétendent qu’une femme qui se fait agresser a toujours une part de responsabilité et…
Non, c’est faux ! 
La véhémence de cette protestation réduisit Livvy au silence ; sa colère retomba d’un coup, la laissant étrangement affaiblie et proche des larmes.
Elle n’avait pas voulu se livrer ainsi, laisser voir combien l’attitude de Richard la blessait ; à présent, dans le silence soudain qui régnait dans la cuisine, elle regrettait d’avoir parlé.
Avec lassitude, elle songea qu’il ne la croyait sans doute pas. Il était certainement trop habitué au confort de ses préjugés hostiles pour accepter de les remettre en cause.
Elle se détourna, se dirigeant vers le seuil.
Pourquoi n’avez-vous rien dit, ce jour-là ?
La jeune femme s’immobilisa et, sans se retourner, demanda d’une voix rauque :
Dit quoi ? « S’il vous plaît, aidez-moi. » 
Et cette fois, se détournant à demi, elle lui adressa un sourire amer.
Ce fut en parvenant sur le seuil qu’elle sentit les mains de Richard se poser sur ses épaules. Tandis qu’il la faisait pivoter sur elle-même, l’amenant face à lui, elle se tendit de nouveau. Il était crispé, lui aussi. Cela se voyait au pli de sa mâchoire ; cela se sentait à la chaleur qui émanait de lui.
Cela vous plaît, hein ? demanda-t-il entre ses dents serrées. Vous êtes *******e de me tourmenter… de…
Il s’interrompit en entendant le petit cri étranglé de Livvy.
Mes bras… vous me faites mal…, protesta-t-elle.
Pourtant, c’était le choc plus que la douleur qui la faisait trembler, ainsi que le contact des mains de Richard, sa chaleur et sa force, qui provoquaient en elle des sensations bien éloignées de celles qu’elle prétendait ressentir.
Excusez-moi. 
Il semblait en pleine confusion, amer, et même angoissé, semblait-il. Le regard de Livvy se posa sur la bouche de son compagnon et une émotion intense la submergea. Elle dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas clore les paupières et se laisser aller vers lui, tête renversée en arrière, lèvres offertes.
Très vite, elle s’écarta de lui en priant le ciel qu’il n’ait pas deviné ce qu’elle ressentait.
Peut-être avait-il raison, au bout du compte. Peut-être était-elle à son insu une femme sans vergogne et sans pudeur. A moins que ce ne fût lui qui possédât une sorte de pouvoir magique, qui l’avait transformée du tout au tout et la rendait incapable de lui résister.
« Ça s’appelle de l’attirance physique », pensa-t-elle dans un élan de lucidité, tandis qu’il s’éloignait de quelques pas, la laissant libre d’ouvrir la porte et de s’éclipser.
De toute évidence, il n’avait pas cru un mot de ce qu’elle avait dit.
Et c’était probablement aussi bien.
Alors, tu n’as pas encore réussi à joindre George ? demanda fébrilement Livvy à Gail.
Tandis que la porte de la cuisine livrait passage à Richard, elle rapprocha le récepteur de son oreille pour qu’il ne puisse deviner à qui elle parlait.
Il y avait près d’une semaine, à présent, qu’ils étaient tous deux arrivés à la ferme et à mesure que le temps passait, la jeune femme était de plus en plus désireuse de voir se dénouer la situation. Ce n’était pas parce que Richard la perturbait ; ou parce qu’elle était de plus en plus troublée par sa virilité et les émotions nouvelles qu’elle éprouvait, non… C’était pour le bien de Gail. N’est-ce pas ?
Tout en songeant cela, elle se surprit pourtant à se détourner légèrement pour regarder Richard, qui se mettait en devoir de préparer du café.
George m’a téléphoné hier du Japon, expliqua Gail. Mais il a raccroché avant que j’aie pu aborder la question de la ferme. J’ai bien envie d’aller dire deux mots à Robert Forrest. Je me demande à quoi il joue… George a des responsabilités envers les siens, pas seulement envers son entreprise.
Livvy fronça involontairement les sourcils en percevant le léger tremblement de la voix de Gail. De toute évidence, sa cousine était plus angoissée qu’elle n’avait bien voulu l’admettre au départ.
Livvy, je ne sais vraiment plus quoi faire, avoua-t-elle en effet. George ne s’est jamais comporté comme ça. Il a toujours placé sa famille en premier. Je sais que son job est important… mais il a manqué la séance de fin d’année du conseil d’orientation, pour les enfants, et ça ne lui était jamais arrivé. Les garçons étaient perturbés par l’absence de leur père. Roderick m’a même demandé si… si nous allions divorcer. Je lui ai répondu que non, mais vu que George n’est pratiquement jamais à la maison, nous pourrions aussi bien être séparés.
Sous l’intonation véhémente de Gail, Livvy percevait des accents d’étonnement et de chagrin. Sa cousine tenait à George et elle avait besoin de lui, c’était clair.
L’autre est toujours là, j’imagine, reprit Gail en changeant de sujet. J’espère que tu lui as bien fait comprendre qu’il n’aurait jamais la ferme sans mon consentement. Franchement, ce type est têtu comme une bourrique…
Il connaît la situation, coupa Livvy, consciente du fait que Richard risquait de percevoir les propos de Gail.
Mmm… Eh bien, quand George rentrera, il va m’entendre ! Il aurait dû m’en parler, bon sang. Donner une clé à cet individu sans me mettre au courant, sans tenir compte de la situation où il te plaçait… C’est tout de même un comble !
George ignorait que je devais venirici, intervint Livvy, poussée par son honnêteté foncière.
Puis, changeant délibérément de sujet, elle enchaîna :
Au fait, je crois que tout est pratiquement réglé avec le plombier. Je lui ai demandé de t’envoyer le devis. Mais j’ai l’impression que ça va coûter cher. Vu les circonstances, tu ferais peut-être mieux d’attendre…
Attendre ! Je ne fais que ça avec George ! coupa Gail. Non merci. Bon, écoute, je te téléphonerai dès que j’aurai pu discuter avec lui et comprendre ce qui se passe. Pour l’instant, je dois te laisser : j’accompagne Roderick à son cours de tennis.
Lorsque Livvy eut raccroché, elle précisa sans nécessité à Richard que c’était Gail qui venait d’appeler.
L’odeur du café qu’il venait de faire vint lui titiller les narines, mais elle n’osa pas lui en demander une tasse. Sans en discuter entre eux, ou établir de règles de conduite, ils avaient instauré une sorte de routine tacite, qui les amenait à être aussi peu que possible en contact l’un avec explorant l’autre. Richard passait le plus clair de son temps hors de la ferme la région, sans doute. Aujourd’hui, cependant, il n’était pas sorti.
Comment va-t-elle ? lui demanda-t-il soudain. 
Sa question la surprit et elle le dévisagea, quêtant les signes d’irritation ou d’hostilité qu’elle avait toujours lus sur son visage lorsqu’il était question de sa cousine. Non sans étonnement, elle n’en discerna aucun.
Elle est bouleversée et inquiète, lui dit-elle posément, renonçant à esquiver la discussion. Elle commence à comprendre qu’elle ne peut vraiment pas se passer de George. Les garçons se sentent privés de leur père, eux aussi… J’ai l’impression qu’elle est vraiment désespérée. Elle parlait même de joindre le patron de George…
La jeune femme s’interrompit en voyant se rembrunir son compagnon. Aussitôt sur la défensive, elle reprit :
Vous devriez pouvoir comprendre qu’elle ait besoin de parler à George. Je sais bien que vous avez piètre opinion du sexe « faible », mais Gail est la femme de George et elle a le droit…
Elle s’interrompit en voyant qu’il se détournait, et un élan d’indignation la traversa. Il aurait au moins pu se montrer courtois, au lieu de lui tourner le dos. Même si ses propos lui déplaisaient ! Cependant, avant qu’elle ait eu le temps de lui reprocher son impolitesse, il avait saisi une deuxième tasse et y versait du café. Quand il se retourna enfin et la lui tendit, elle en resta bouche bée.
Tenez. Si nous allons avoir une discussion en règle sur le mariage en général et celui de votre cousine en particulier, autant que vous avaliez un petit remontant. Pendant que vous buvez, ça me donnera au moins la possibilité de développer mon point de vue.
Livvy le dévisagea d’un air interdit. On aurait dit qu’il se réjouissait d’avoir une joute oratoire avec elle… d’être avec elle. S’efforçant de dominer la sensation de vertige qui s’emparait d’elle, de revenir à des pensées rationnelles, elle observa :
En tant qu’épouse de George, Gail est en droit d’attendre qu’il discute de ses projets avec elle. Qu’il partage…
Partager… On voit bien que vous n’avez jamais été mariée, ou engagée dans une longue relation avec quelqu’un. Interrogez ceux qui en ont vécu une : ils vous diront bientôt que seuls les idéalistes s’imaginent qu’un couple est basé sur le partage. En réalité, il n’y est question que de pouvoir et d’ascendant. Gail domine George et leur relation de couple. Et en ce moment, ayant peur que George échappe à son contrôle, elle panique.
C’est faux ! s’écria Livvy.
Le cynisme de Richard l’épouvantait. A quoi son mariage avait-il bien pu ressembler, pour qu’il soutienne de telles choses ? Il n’avait certes pas dû connaître une union heureuse.
Gail aime George, même si elle ne le montre pas toujours. Elle passe pour la plus forte, la plus assurée des deux, mais en fait…
Allons donc ! Elle le traite comme un enfant, lui donne des ordres et l’humilie en public. C’est comme ça qu’on montre son amour à quelqu’un ?
Bon, j’admets qu’elle est parfois plutôt dominatrice. Mais ce n’est qu’une façade. Au fond d’elle-même…
Il faut croire que vous êtes une incurable romantique, si vous pensez ça, coupa Richard.
Une incurable romantique. Moins d’une semaine plus tôt, il l’avait accusée d’être exactement le contraire. Comme s’il s’en souvenait, lui aussi, il ajouta avec brusquerie :
Au demeurant, il n’est pas étonnant que vous soyez du côté de Gail. La solidarité féminine joue à plein.
Je ne cherche pas du tout à la défendre. J’essaie simplement de vous faire comprendre qu’elle a besoin de son mari.
Sur le plan financier, soit. En revanche… 
Cela n’a rien à voir avec l’argent, voyons ! C’est affectivement qu’elle a besoin de s’appuyer sur lui. Mais bien entendu, vous ne pouvez pas comprendre. Vous semblez obsédé par l’argent, résolu à croire que c’est le pivot d’une relation. Eh bien, moi, pour ma part, je ne placerais jamais l’argent avant…
Avant quoi ? demanda doucement Richard. 
Livvy comprit tout à coup qu’elle s’était aventurée sur un chemin périlleux. Cependant, elle refusa de battre en retraite.
Avant mes sentiments, soutint-elle en redressant le menton d’un air de défi.
Son interlocuteur se mit à rire.
Alors, si vous vous engagiez exclusivement envers un homme, ce serait par amour ?
Eh bien, oui. 
Il la regarda longuement, avant de commenter d’un ton rude :
De deux choses l’une : ou vous mentez, ou vous êtes d’une naïveté confondante. Et sachant ce que je sais sur les femmes…
Il n’acheva pas sa phrase. C’était inutile, songeait amèrement Livvy une demi-heure plus tard, tandis qu’elle quittait la ferme en voiture.
Mais aussi, pourquoi s’était-elle livrée de cette manière ? Ne savait-elle pas à quoi s’attendre de sa part ? Il semblait ne plus la considérer comme une fille facile et une allumeuse. Cependant, rien ne pouvait, sans doute, l’amener à remettre en cause ses préjugés injustes envers les femmes en général.
Tout en s’engageant sur la départementale, Livvy s’avoua qu’elle avait eu elle aussi une attitude tendancieuse. Il n’avait guère apprécié son ultime défi, lorsqu’elle lui avait lancé que si son mariage à lui s’était soldé par un échec, cela ne signifiait pas que le bonheur était impossible dans un couple.
Que savez-vous de mon mariage ? lui avait-il lancé avec agressivité.
Rien de plus que ce que vous m’en avez dit, je l’admets. Mais visiblement, ça n’a pas marché. Votre femme…
Ma femme ne m’avait épousé que pour une seule raison, qui n’avait rien à voir avec l’amour. Elle avait déjà prévu notre contrat de divorce avant même que nous ayons consommé notre union.
L’amertume de Richard l’avait réduite au silence et elle n’avait pu dissimuler sa compassion. Elle avait beau être en désaccord total avec ses idées, elle ne pouvait qu’éprouver de la sympathie pour lui en songeant à la souffrance qu’il éprouvait sans doute, bien qu’il la dissimulât sous une attitude brusque et rude.
Vous deviez vraiment l’aimer, avait-elle lâché presque sans y penser.
Aussitôt, elle avait compris qu’elle avait commis un nouvel impair. Il lui avait décoché un regard embrasé, où flambaient la désillusion et la souffrance.
Je croyais en effet que je l’aimais, et qu’elle m’aimait aussi. Je me trompais. Ce que je prenais pour un sentiment amoureux s’apparentait plutôt à du désir, en réalité ; seulement, j’étais trop jeune et trop idéaliste pour m’en rendre compte.
Le ton de sa voix avait fait frissonner la jeune femme. « Alors, pourquoi l’avez-vous épousée ? » avait-elle failli lui demander. Pourtant, la prudence l’avait emporté sur la curiosité, et elle s’était tue.
Je sais ce que vous pensez, lui avait-il lancé. Eh bien, allez-y, dites-le.
Elle avait rougi ; puis, reposant sa tasse de café et s’apprêtant à se retirer, elle avait déclaré posément :
Ce ne sont pas mes affaires.
Sûrement pas, en Elle avait aussitôt balayé cette éventualité. Elle, jalouse du pouvoir de séduction de l’ex-femme de Richard ? C’était absurde !
*
* *
Elle fit ses courses et s’arrêta effet, mais je vais vous le dire quand même. Sexuellement, c’était la plus…
Livvy avait baissé la tête. Cela lui avait fait mal, d’entendre Richard s’exprimer ainsi. Mais pourquoi ? Etait-elle… jalouse ?
ensuite pour déjeuner dans un café situé sur une petite place ombragée.
Non loin d’elle, un couple accompagné de deux fillettes déjeunait également sur la terrasse. La jeune femme était visiblement enceinte et Livvy l’entendit dire à un moment :
J’espère que ce sera un garçon, cette fois.
Un garçon, une fille, je m’en moque, pourvu que tu sois heureuse, lui répondit son mari.
Le petit groupe dégageait une impression de bonheur si vive que Livvy regretta que Richard ne fût pas là pour les voir. Puis elle songea en frissonnant qu’elle commençait à être vraiment obsédée par cet homme.
Et si tu tombes amoureuse ? lui avait lancé son amie Jenny.
Elle avait ri, tentant peut-être ainsi le destin. Pourtant, le sort ne pouvait être cruel au point de la laisser s’éprendre d’un individu tel que Richard Field. Quant à elle, elle avait plus de bon sens que cela, n’est-ce pas ?
Elle retarda son retour à la ferme le plus longtemps possible. Quand elle arriva, Richard était au téléphone. Elle ne traîna pas dans la cuisine, se *******ant de déposer ses paquets sur la table avant de se retirer avec tact.
Le dos tourné, Richard s’exprimait par monosyllabes, presque comme s’il voulait éviter qu’elle entendît ses propos. Cela l’irrita : il n’avait pas à la traiter en indiscrète…
Vu l’endroit où était placé l’appareil, elle dut repasser près de lui pour retourner dans le vestibule. Elle le fit en maintenant la plus grande distance possible entre eux ; pourtant, tandis qu’elle franchissait le seuil, elle ne put s’empêcher d’entendre la « Non, ce ne serait pas une bonne idée » phrase qu’il prononçait à voix basse et de percevoir aussi la voix de son interlocuteur.
Ce fut seulement après avoir gagné sa chambre qu’elle sut pourquoi les sonorités de cette voix masculine lui avaient paru familières. Cessant aussitôt de se brosser les cheveux, elle redescendit l’escalier quatre à quatre et, voyant que Richard avait raccroché, elle lui lança sans préambule :
C’était George, hein ? Là, à l’instant, au téléphone, vous parliez à George, non ? Pourquoi est-ce qu’il vous téléphonait ? Lui avez-vous dit que Gail était bouleversée, au moins ?
Vous ne croyez pas que Gail est parfaitement capable de le lui dire elle-même ?
Comment le pourrait-elle ? répliqua Livvy.
Elle se laissa tomber sur une chaise, songeant qu’elle avait donc vu juste et qu’il s’était bel et bien entretenu avec George.
Il est au Japon et il n’a même pas jugé bon de lui parler plus d’une minute. Pourtant, il prend le temps de discuter avec vous ! reprit-elle.
Amère, elle ajouta, comme pour elle-même :
Je suppose qu’il tenait à savoir si vous voulez acheter cette maison.
Elle était profondément choquée de découvrir que George, qui lui avait toujours paru si fiable, se comportait de cette façon ; même si sa conscience lui soufflait que Gail était parfois difficile à vivre et que Richard voyait juste en affirmant qu’elle infantilisait son mari.
Gail et les enfants ont besoin de George, reprit-elle. Vous ne voyez donc pas ce que vous faites, en l’encourageant dans son attitude ? Ce n’est tout de même pas parce que vous avez une dent contre les femmes que vous devez vous permettre de… de détruire ce couple. Vous n’êtes pas un homme… vous êtes un enfant gâté !
Elle n’alla pas plus loin. Il l’avait saisie et la hissait hors de son siège, sans lui laisser l’ombre d’un espace pour se débattre ou s’écarter de lui.
Alors comme ça, je ne suis pas un homme ?
Un mélange de peur et d’excitation envahit Livvy.
Lorsque Richard l’embrassa, ils savaient tous deux sans vouloir l’avouer que ce qui avait lieu en cet instant n’était nullement dû à l’éclat de car au fond Livvy. La dispute n’était qu’un prétexte, un alibi commode d’eux-mêmes, ils déniaient avec obstination les motivations infiniment plus obscures et primitives qui les animaient.
Cette fois, la jeune femme goûta pleinement la saveur et la douceur des lèvres de son partenaire, et les mains qu’elle avait levées contre lui pour le repousser abandonnèrent la lutte pour s’aventurer sur son torse, dans un geste qui allait bien au-delà de la simple caresse. De son côté, il l’embrassait, et ses doigts dessinaient les contours de son dos et de ses hanches.
Elle se laissa aller contre lui avec un gémissement, se livrant tout entière à ses sensations. Elle avait été, jusque-là, si étrangère à de telles manifestations ! Si étonnée par les récits de ses amies lorsqu’elles tentaient de lui expliquer l’intensité des élans sensuels et la façon dont ils oblitéraient la prudence, le bon sens, et même la réalité.
Elle frémit et Richard imprima plus de passion encore à son baiser, tandis qu’elle éprouvait un regain de sensations toutes plus vertigineuses les unes que les autres. Jamais auparavant, non jamais, elle n’avait eu ainsi envie d’un homme, jusqu’à l’obsession, à en avoir mal.
La main de Richard remonta vers sa nuque, cherchant la fermeture Eclair qui retenait sa robe d’été, et elle voulut se délivrer de ses vêtements, sentir les doigts de son partenaire sur sa peau nue.
Confusément, elle entendit un léger bruit et ouvrit les yeux. La chatte venait de s’introduire dans la cuisine, en sautant par la fenêtre.
Comme dans un état second, Livvy contempla Richard. Il avait des yeux sombres et dilatés. En le voyant, en percevant l’intensité de son désir, trahi par son regard presque hypnotique, elle éprouva un trouble si vif que son corps en refléta aussitôt la violence.
J’ai tellement envie  de toi…, murmura-t-il.
Et ces mots ne furent qu’un écho de ce qu’elle ressentait elle-même. Elle éleva une main, caressant avec des doigts tremblants les lèvres de son compagnon. Bientôt, il la soulèverait dans ses bras, l’emmènerait là-haut, dans la chambre, et la déshabillerait…
Elle se figea en entendant une camionnette s’engager dans la cour. Aussitôt, Richard la libéra.
C’est M. Dubois, lui dit-elle, étonnée par le son de sa propre voix, étrangement tendue et déformée.
Oh, Seigneur, mais que lui était-il arrivé ? Comment avait-elle pu réagir ainsi… l’encourager ainsi ?
Un sentiment de honte l’envahit, qui fut comme une douche froide sur ses sens embrasés.
Tandis que Richard sortait pour discuter avec le fermier, elle se retira dans sa chambre. Elle songea qu’elle aurait dû faire ses bagages sur-le-champ, au lieu de rester figée, le regard perdu dans le vide. Mais comment aurait-elle pu partir, après avoir juré à Gail de rester sur place ?
D’ailleurs, ne devait-elle pas essayer au moins de savoir ce que s’étaient dit Richard et George ?
Ou bien, était-il déjà trop tard pour s’inquiéter de tout cela ? Qu’était-il donc advenu du couple autrefois si uni que formaient Gail et son mari, si George pouvait trouver le temps de parler à un ami qui était loin d’être un intime et n’avait par ailleurs pas la moindre seconde à consacrer à sa femme ?
Depuis la fenêtre de sa chambre, Livvy pouvait voir la cour et l’endroit où Richard et M. Dubois discutaient. Le fermier s’exprimait avec volubilité, gesticulant en direction du ciel ; pour finir, cependant, il haussa les épaules et regagna sa camionnette.
Richard attendit qu’il fût parti pour revenir dans la maison. Tandis qu’elle le regardait, un profond sentiment d’abattement s’empara de la jeune femme. Elle se sentait anéantie.
Elle n’était pas seulement troublée par Richard. Elle était amoureuse de lui. Voilà pourquoi son hostilité envers les femmes la plongeait dans un profond désarroi ; voilà pourquoi elle éprouvait le besoin éperdu de lui entendre prononcer quelque parole sensible, qui lui permettrait d’entrevoir que, sous ses dehors cyniques, il était encore capable d’éprouver des sentiments.
Comment avait-elle pu s’éprendre de lui ? Elle s’était toujours considérée comme une personne sensée, qui plaçait sa dignité avant tout et qui n’aurait jamais pu se trouver piégée dans une situation aussi destructrice. Même s’il lui avait rendu son amour.
Rendu son amour ? Allons, il fallait aussi qu’elle sombre dans le ridicule. Comme si Richard avait pu éprouver les mêmes sentiments qu’elle ! Il ne l’aimait pas, ne pouvait pas l’aimer. Ce qu’il éprouvait à son égard, c’était de l’antipathie et du mépris… et du désir aussi.
Elle l’entendit monter à l’étage, ralentissant le pas avec hésitation devant sa porte, puis finissant par frapper contre le battant en l’appelant par son prénom. A contrecœur, elle alla ouvrir.
C’était M. Dubois, lui dit-il inutilement. Il voulait nous mettre en garde contre les intempéries. On a annoncé de gros orages et il pourrait y avoir une inondation.
Mais… nous sommes trop loin de la rivière pour que cela atteigne la ferme, non ?
Ce n’est pas la rivière qui le tracasse, c’est le chemin d’accès. C’était le lit d’un ancien ruisseau, semble-t-il. Et bien que le ruisseau ait disparu, par temps de pluie, le chemin fait office de canal naturel et se métamorphose, paraît-il, en une vraie fondrière. Il a parlé d’un tracteur…
Ce doit être la machine qu’il voulait revendre à Gail. Elle a cru qu’il essayait de lui forcer la main pour s’en débarrasser et elle a refusé.
Livvy s’exprimait d’un ton aussi distant que possible. Il ne lui était pas possible de regarder Richard sans songer à ce qu’elle avait ressenti dans ses bras.
Nous devons parler, dit-il soudain.
Ces mots énoncés avec calme la démontèrent. Elle le regarda, rougit et se détourna.
Je… je n’en vois pas la nécessité. 
Nous sommes des adultes, Olivia, pas des gamins. Nous savons très bien l’un et l’autre ce qui nous arrive.
La jeune femme en eut le souffle coupé. Il lui sembla que son cœur s’était arrêté de battre. Passé le premier choc, l’émotion, puis l’espoir l’envahirent tour à tour.
Etait-il possible qu’elle se fût trompée ? Pouvait-il réellement partager ses sentiments ? L’aimer autant qu’elle l’aimait ?
Elle sentit qu’elle se mettait à trembler, et son cœur s’emballa tandis qu’elle attendait que Richard reprenne la parole.
Nous ne pouvons nier qu’il existe une très forte attirance même si nous ne l’acceptons ni l’un ni l’autre. physique entre nous
Livvy eut l’impression qu’elle allait se trouver mal. Comment avait-elle pu ressentir un espoir aussi stupide, aussi naïf ? Il ne l’aimait pas, bien sûr, et à en croire ses propres paroles, il était même très éloigné d’éprouver des émotions d’ordre affectif ou sentimental.
Sa fierté eut raison de la souffrance qu’il venait de lui infliger, et elle énonça :
Si c’est un stratagème pour me persuader de coucher avec vous…
Elle n’eut pas le loisir de poursuivre, car il l’interrompit sans aménité.
Ne soyez pas grotesque. Ce que je veux, c’est que cela n’arrive pas, au contraire. Je ne nie pas notre attirance ; cependant, si nous y cédons, cela ne nous mènera qu’à des complications. Et ce n’est sûrement pas ce que nous souhaitons l’un et l’autre.
Livvy s’empourpra. Richard augmentait son malaise, au lieu de le soulager. Quel genre d’homme était-il donc, pour être capable d’avouer qu’il la désirait et s’empresser d’affirmer que ce désir n’aurait pas de suites ?
« Il est honnête et prend ses responsabilités », lui souffla sa conscience. Mais son amour et le sentiment de rejet qu’elle éprouvait étaient si forts qu’elle refusa de l’écouter.
Si vous craignez de ne pas savoir dominer vos pulsions, eh bien, ce n’est pas mon cas, dit-elle avec froideur.
Vraiment ? Si M. Dubois n’était pas arrivé, j’aurais pu vous prendre séance tenante, là, sur la table de la cuisine, sans qu’aucun de nous deux ne se soucie de l’endroit où nous nous trouvions.
La jeune femme rougit plus vivement encore. Ce n’était ni la scène qu’il venait de dépeindre ni la crudité de ses mots qui la choquaient. C’était l’élan de désir brutal qui l’avait saisie tandis qu’il parlait, et qui la confrontait à une part d’elle-même qu’elle aurait voulu fuir.
Comme je le disais, nous sommes trop intelligents l’un et l’autre pour ne pas comprendre ce qui nous arrive et trop mûrs pour ne pas en concevoir le danger. Je ne tiens pas du tout à donner dans la luxure.
Mais moi oui, peut-être ? rétorqua Livvy.
A présent, elle était vraiment furieuse, surtout contre elle-même. N’avait-elle pas assez de jugeote pour admettre qu’il serait destructeur et vain de se laisser entraîner dans une relation avec cet homme ? N’était-elle pas assez impliquée comme cela ? Puisqu’elle l’aimait…
Après tout, poursuivit-elle d’un ton mordant, nous savons quelle opinion vous avez de moi. Je suis même étonnée que vous soyez prêt à admettre votre désir. Je me serais plutôt attendue que vous m’accusiez de chercher à vous séduire.
J’aimerais pouvoir le faire. Au moins, comme ça…, lâcha-t-il, laissant cependant sa phrase en suspens. Si cela continue, reprit-il, nous finirons par coucher ensemble. La situation est explosive et périlleuse, mais indépendamment du plaisir que nous pourrions avoir, nous n’ignorons pas…
Elle ne put en entendre davantage.
Puisque vous êtes si tracassé par ce qui pourrait arriver, il y a une solution évidente, coupa-t-elle.
Vraiment ?
Oui. Il suffit que vous partiez. Comme cela, il n’y aura ni tentation, ni danger, ni problèmes.
Ainsi, c’est moi qui dois m’en aller ?
Moi, je ne partirai pas, dit-elle avec force. C’est vous qui pensez… qui ressentez…
Elle trébucha sur les mots, incapable de trouver ceux qui traduiraient sa pensée, et agacée par sa propre confusion.
Pourquoi les hommes sont-ils si vains, si obsédés par leur toute puissance sexuelle et la vulnérabilité des femmes à cet égard ? demanda-t-elle soudain. A votre arrivée, vous vous êtes empressé de me faire savoir que vous n’étiez pas dupe de moi, que j’étais une sorte de droguée du sexe n’ayant aucun respect pour elle-même et prête à se livrer à n’importe quel homme… Et tout à coup, vous décrétez que c’est vous qui avez éveillé mes désirs, lui lança-t-elle. En toute honnêteté, vous vous croyez vraiment si irrésistible que ça ? Eh bien, navrée de vous détromper, mais ce n’est pas le cas.
Le regard qu’il lui décocha amena des larmes dans les yeux de la jeune femme. Il la contemplait comme si elle l’avait déçu, laissé tomber. Ne comprenait-il donc pas qu’elle était réduite à cette extrémité pour se défendre… pour les protéger tous deux ?
D’une voix égale, il déclara :
Vous savez que je ne pense rien de tel. Je vous ai méjugée au départ, je le reconnais. Mais on dirait que j’ai également eu tort de croire que nous pouvions discuter entre adultes responsables et tolérants.
Là-dessus, il s’éloigna d’elle, quitta la pièce et referma la porte derrière lui.
« Je n’avais pas le choix », pensa Livvy. Mais alors, pourquoi restait-elle plantée là, malheureuse et en larmes, et pourquoi sa victoire ne lui procurait-elle que de l’amertume ?
« La pluie ne s’arrêtera donc jamais », songeait lugubrement Livvy, le regard perdu au-dehors.
L’orage annoncé par M. Dubois avait éclaté dès les premières heures de la matinée, au lendemain de sa confrontation avec Richard. La jeune femme avait prévu de sortir, mais la pluie l’en avait dissuadée ; elle tombait si dru qu’on ne pouvait même pas voir au-delà de la cour. Alors, à quoi bon s’en aller en excursion dans la région ?
Elle car elle évitait le plus s’était donc mise au travail dans sa chambre possible, maintenant, d’aller dans la cuisine. Désormais, Richard et elle s’évitaient avec soin.
Lorsqu’elle entendit démarrer la B.M.W., elle se leva d’un bond pour gagner la fenêtre. Richard sortait. Mais où diable allait-il, par cette tempête ? Cela avait-il un rapport avec le coup de fil qu’il venait de recevoir ? Car elle avait entendu la sonnerie du téléphone, quelques minutes plus tôt.
Pour une raison inconnue, son absence mit la jeune femme encore plus mal à l’aise et augmenta sa nervosité.
un vrai Dehors, il faisait très sombre et la pluie tombait sans discontinuer déluge. Lorsqu’elle descendit dans la cuisine, Livvy constata que la chatte s’était réfugiée près du fourneau. Elle vint se frotter contre ses jambes tandis qu’elle se faisait du thé bien chaud.
Ensuite, Livvy pensa profiter de l’absence de Richard pour appeler Gail et composa le numéro de sa cousine. Ce fut l’un de ses neveux, Roderick, qui lui répondit. Il était immobilisé à la maison par une grippe. Après lui avoir remonté le moral, sa tante patienta, attendant qu’il ait averti sa mère.
Alors, tu as pu parler à George ? demanda-t-elle dès que Gail fut en ligne.
Non, c’est impossible, répondit Gail en toute hâte. Il est toujours au Japon, dans une région plutôt reculée, semble-t-il. Tout ça devient vraiment grotesque, tu sais. Il a beau être mon mari, j’ignore pratiquement où il est et comment le joindre. Il y a trois semaines que nous ne nous sommes pas vus, maintenant. Ce matin, j’ai téléphoné à Robert Forrest. Enfin, j’ai essayé : à en croire sa secrétaire, il n’était pas au bureau. Mais elle a promis de lui demander de m’appeler.
Crois-tu qu’il soit bien prudent de t’adresser à lui ? Après tout, c’est le patron de George.
Justement. Et d’ailleurs, je ne vois pas d’autre moyen d’entrer en contact avec mon mari, figure-toi. J’ai bien essayé de parler à sa secrétaire, mais peine perdue. Elle est encore plus bornée que celle qu’il avait avant. Ah, celle-là ! Une vraie dévergondée. Et comme on parle toujours du démon de la quarantaine, j’ai même cru pendant un moment que George… Enfin, lorsque Robert Forrest a repris la boîte, elle est partie et celle-ci l’a remplacée. C’est une fille agréable, cela dit, très différente de la première. Bon, écoute, Livvy, je ne veux pas immobiliser la ligne trop longtemps, j’attends l’appel de Robert Forrest… Au fait, il est toujours là, ton Richard-je-ne-sais-plus-comment ?
Oui, soupira Livvy. Gail, tu me préviendras dès que tu auras pu parler à George, hein ? La situation est plutôt tendue, ici, et…
Surtout, ne pars pas, s’il te plaît ! Tu m’as promis. 
Oui, oui, je sais. Je resterai, ne t’inquiète pas. 

5 heures sonnèrent, puis 6. Il faisait presque nuit et Richard ne rentrait toujours pas. Livvy tira parti de l’occasion, se cuisinant rapidement quelque chose à manger afin de dîner avant le retour de son compagnon. « Il vaut mieux profiter de son absence, se disait-elle. Après tout, c’est à cause de lui que tu veux quitter cette maison ; parce que tu te sens trop vulnérable. »
Son seul espoir était de voir se modifier ses sentiments dès qu’elle aurait retrouvé son style de vie et sa routine habituels. Mais cesserait-elle vraiment d’aimer Richard ? Un tel miracle était-il possible ?
Elle frémit, angoissée par l’avenir, et se crispa légèrement en entendant du bruit dans la cour. Ce n’était pas le grondement de moteur qu’elle guettait depuis plusieurs heures, mais un bruit moins sonore et moins distinct, qui évoquait plutôt les allées et venues de quelqu’un.
Gagnant la porte, elle l’ouvrit avec hésitation et se figea en voyant la silhouette qui se dirigeait vers elle, telle une apparition. Il ne lui semblait pas possible qu’il s’agisse de Richard, et pourtant c’était lui. Ses vêtements et ses cheveux détrempés étaient plaqués contre son corps par la pluie battante ; son jean maculé de boue avait un accroc.
Oubliant d’emblée ce qui les opposait, elle se précipita au-devant de lui en demandant avec anxiété :
Qu’est-ce qu’il y a ? Que s’est-il passé ?
Il chancelait un peu et, à présent qu’elle se trouvait tout près de lui, elle pouvait distinguer une entaille ensanglantée sur sa joue.
Le chemin, dit-il d’un ton brusque. C’est devenu un vrai bourbier. J’ai donné un coup de volant pour éviter un oiseau et j’ai échoué dans le fossé. Impossible de plutôt stupide, comme réaction déplacer la voiture. Pas sans remorque, en tout cas. Heureusement, elle ne barre pas la route. Je téléphonerai à M. Dubois demain matin.
Il avait raison, alors, pour le tracteur, murmura Livvy. Vous êtes blessé… Est-ce que ça va ?
Oui. Une bonne douche et il n’y paraîtra plus, dit Richard en la suivant à l’intérieur. C’est une chance que votre cousine n’ait pas encore remeublé la maison, sinon, je n’aurais jamais pu me permettre de monter à l’étage dans cet état.
Livvy s’expliqua aisément ce commentaire : déjà, une flaque d’eau boueuse s’étalait sur le carrelage de la cuisine…
Bien que Richard eût assuré qu’il ne souffrait de rien, la jeune femme ne put réprimer une grimace à la vue de l’estafilade sanglante qui lui barrait la joue.
Mmm…, fit-elle. Si Gail était là, elle vous forcerait à vous déshabiller ici.
Il lui décocha un regard sombre, lançant d’une voix rude :
Etant donné les circonstances, ce ne serait pas une très bonne idée, non ?
Puis, tandis que Livvy le dévisageait d’un air interdit, il ouvrit la porte qui donnait dans le vestibule et grimpa à l’étage.
Livvy avait eu l’intention de lui préparer une boisson chaude, mais après cette sortie, il n’en était plus question… Refoulant les larmes qui lui montaient aux yeux, elle se hâta de débarrasser la table et de faire sa vaisselle, après quoi elle gravit à son tour l’escalier pour se réfugier dans sa chambre.
A l’instant où elle s’engageait sur le palier, la porte de la salle de bains s’ouvrit, et Richard apparut sur le seuil.
Comme dans une scène au ralenti, elle vit sa silhouette, son corps… entièrement nu.
J’ai oublié de prendre une serviette.
Il s’était exprimé d’une voix rauque et voilée, et il sembla à Livvy que cette voix venait de loin, de très loin. En proie à une sorte de paralysie, elle ne pouvait ni bouger, ni cesser de le regarder.
Confusément, elle se rendait compte que ce n’était pas la nudité de Richard qui la figeait ainsi, mais sa propre réaction : l’élan insensé de désir et de douleur qui l’avait envahie à la vue de ce corps dont elle serait sevrée pour le reste de sa vie.
Il ne s’agissait pas d’un simple désir sensuel, elle en était consciente. C’était, au contraire, quelque chose de beaucoup plus profond et destructeur.
Livvy… 
Richard venait de murmurer son prénom et elle perçut le trouble de son intonation, la fièvre de son regard. Elle lui tourna le dos, chancelant un peu dans sa hâte à le fuir.
Livvy… arrête… attends… 
Elle laissa échapper un petit gémissement angoissé, puis se figea, saisie par le choc, alors que Richard posait ses mains sur elle.
La panique la submergea. Alors qu’il la faisait pivoter sur elle-même de petits pour la placer face à lui, elle lui décocha une pluie de coups gestes précipités et inefficaces qui vinrent mourir sur son torse sans même l’ébranler.
Lâchez-moi… 
Livvy, arrête… Livvy… oh, pour l’amour du ciel.
Elle se tendit alors qu’il la soulevait dans ses bras et la tenait serrée contre lui dans un geste à la fois passionné et impatienté.
Il était tendu lui aussi, elle le sentait. Elle devinait son regard posé sur elle et, tout en sachant que c’était le geste à ne pas faire, elle renversa la tête en arrière pour le contempler.
Livvy…, répéta-t-il d’une voix rauque, rude, dont l’intonation était une prière ; et ses yeux étaient sombres, dilatés par le désir.
Lorsqu’elle éleva les mains, elle aurait juré que c’était pour tenter de le repousser. Alors, pourquoi presque une le mouvement de ses doigts s’acheva-t-il en effleurement hésitant tandis qu’elle entrouvrait involontairement les lèvres, laissant caresse échapper un soupir qui était un appel ?
Quand il l’embrassa, son baiser fut différent de ceux qu’il lui avait déjà donnés, ou volés plutôt. Cette fois, c’était le baiser d’un homme qui la désirait ouvertement et se savait désiré, d’un homme qui était déjà un amant. Et qui reprenait simplement le duo explosif qu’ils avaient entamé là où ils l’avaient laissé.
Elle ne sut ni quand ni comment ils étaient entrés dans la chambre de Richard, ne se souvenait même pas d’avoir marché jusque-là. Tout ce dont elle était consciente, c’était du contact des lèvres de son compagnon sur les siennes, et de la sensation vertigineuse qu’elles éveillaient, comme si elle sombrait dans un tourbillon sensuel insondable.
Il la déshabilla et elle l’aida dans cette tâche, mais sans vraiment se rendre compte de ce qu’elle faisait. Tout ce qui importait, c’était d’être avec lui, dans ses bras ; d’être embrassée et caressée par lui…
Il lui parlait, lui disant combien il la désirait, combien il avait envie de la toucher, de la faire vibrer de plaisir, et tandis qu’il la couvrait de baisers et de caresses, elle se cramponna à lui, gémissante et grisée.
Déjà, son corps répondait sans réserve à ses attouchements et elle ne put résister à la tentation de le caresser elle aussi, d’une façon aussi passionnée et intime qu’il le faisait pour elle.
Dans un élan presque douloureux, elle voulut se donner à lui, le sentir en elle ; elle aurait voulu s’enrouler autour de lui et ne jamais le laisser partir, s’abandonner totalement au point de ne plus faire qu’un avec lui, à jamais.
Et lorsque vint le plaisir ultime, elle cria sans le savoir, et des pleurs de bonheurs lui humectèrent les paupières.
Plus tard, il lui fit l’amour de nouveau et cette fois, elle eut le sentiment d’atteindre un accomplissement qui allait au-delà des sensations physiques. C’était l’union de deux êtres nés pour être ensemble et pour répondre ainsi aux lois premières de la nature créatrice, tournées vers l’enfantement.
Un enfant… l’enfant de Richard… Alors que les vagues du plaisir refluaient en elle, Livvy eut un frisson d’émerveillement presque sacré. Cette chaleur, cette douleur qu’elle ressentait au creux du ventre… Etaient-ce les échos d’un moment d’amour, ou les prémices d’une nouvelle vie ?
Lorsque la jeune femme s’éveilla, elle était seule et elle avait froid.
En frissonnant, elle se glissa à bas du lit. Mais qu’avait-elle donc fait, et où était Richard ? Elle ouvrit la porte de la chambre et s’avança sur le palier, s’immobilisant au son de sa voix, qui lui parvenait depuis le rez-de-chaussée.
Il était au téléphone, discutant avec quelqu’un. A l’instant où elle allait revenir sur ses pas, désireuse de ne pas être indiscrète, elle entendit :
Ecoute, George, tout va bien… Tout va s’arranger…
George… Richard s’entretenait avec George, pourtant si loin de l’Angleterre et si occupé qu’il ne trouvait même pas le temps de joindre sa femme ! A l’instant où Livvy s’apprêtait à descendre pour exiger de parler au mari de Gail, Richard reprit :
Je t’ai déjà dit que tu n’avais aucun souci à te faire pour cette fille. Je me charge de régler la question. Avec plaisir, même. En fait, je sais exactement ce qu’il faut faire pour me débarrasser d’elle.
Livvy se figea sur place. Elle eut l’étrange impression de se vider de tout son sang, demeurant exsangue et anéantie. Puis soudain, elle se mit à trembler en comprenant qu’elle était tombée dans un affreux traquenard sentimental.
Il était évident que Richard parlait d’elle… que c’était d’elle qu’il entendait se « débarrasser ». Et ce soir, elle s’était prêtée à son insu à ses manœuvres.
Au bord de la défaillance, elle comprit qu’elle devait quitter la ferme séance tenante. Malgré la promesse faite à Gail, il lui était impossible de rester, désormais. Impossible d’accepter l’humiliation qui la guettait. Dire que pendant tout ce temps, en la caressant et en l’embrassant, en lui faisant l’amour, en réalité, Richard…
« Oh, folle, idiote que tu es ! » pensa-t-elle en rassemblant en hâte ses vêtements et en se réfugiant dans sa chambre. Elle ne se donna pas la peine de faire ses bagages, une fois habillée. Elle saisit son sac à main et dévala l’escalier.
La porte de la cuisine était entrouverte. Toujours au téléphone, Richard lui tournait le dos, grâce au ciel. Ainsi, il savait comment se débarrasser d’elle ? Eh bien, elle lui épargnerait cette peine. Et elle le frustrerait du plaisir de l’humilier. Car elle ne doutait pas de la satisfaction qu’il tirait par avance de cette idée, savourant sans doute déjà le moment où il lui détaillerait chaque trahison, chaque caresse mensongère, chaque baiser trompeur.
Elle se rua au-dehors. Par chance, il avait cessé de pleuvoir et dans le ciel redevenu clair, la lune était pleine. Livvy monta dans sa voiture, garée sous l’appentis, et démarra aussitôt.
Comme elle atteignait l’allée, Richard surgit en courant au-dehors.
Dans son rétroviseur, elle put le voir clairement. Il était sous le choc. Eh bien, ce serait une bonne leçon pour lui. Elle n’était pas du genre à se laisser malmener, si éperdu que fût son amour pour lui.
Il lui sembla soudain que la pluie avait recommencé. Pourtant, lorsqu’elle mit en route les essuie-glaces, rien ne vint éclaircir les ténèbres où elle était plongée. Elle se rendit compte, alors, qu’elle était en larmes. Lentement, elle roula le long de l’allée. Richard ne pouvait pas s’élancer à sa poursuite, après tout, puisque sa B.M.W. était dans le fossé. Une fois ou deux, elle faillit s’embourber comme il l’avait fait, mais s’en tira bien. L’eau s’était déjà évaporée en partie, et sa voiture était bien plus légère que celle de Richard.
La jeune femme ne savait ni où aller, ni que faire. Pour l’instant, il lui fallait seulement être loin de Richard. Physiquement, du moins.
Sentimentalement, il lui faudrait toute une vie pour oublier… Oublier ? songea-t-elle avec un sourire amer. Impossible. Elle serait hantée à jamais. Par le plaisir vécu. Et surtout, par la souffrance.
Livvy téléphona à Gail à partir d’un petit village, juste à l’aube. Laissant un message sur son répondeur, elle précisa simplement qu’elle n’avait pu rester à la ferme et qu’elle le regrettait ; qu’elle allait bien et comptait consacrer le reste de ses vacances à sillonner l’Europe.
Après tout, que pouvait-elle faire d’autre ? Elle n’était pas encore prête à rentrer chez elle : il lui fallait du temps pour se remettre. Et il était hors de question qu’elle regagne la ferme.
Elle roula sans discontinuer, ne s’arrêtant qu’au moment où elle se sentit prête à tomber de sommeil et de fatigue. Elle se gara alors sur le bas-côté d’une route vicinale, sans même savoir où elle était, et dormit dans sa voiture.
Au réveil, elle avait la bouche sèche et se sentait épuisée et sale. Ayant repris la départementale, elle trouva un hôtel où elle retint une chambre. Dans la ville toute proche, elle acheta des vêtements de rechange et quelques affaires de première nécessité, fit le plein, puis s’efforça de manger un morceau un restaurant.
Que faisait Richard, en ce moment ? Attendait-il de la voir revenir vers lui en rampant ? Savait-il qu’elle était amoureuse de lui ?
« Je m’en charge », avait-il dit à George. Et elle avait perçu dans son intonation de l’antipathie et du mépris. Mais aussi, l’envie de punir.
Bien entendu, elle était en partie responsable de cet état de fait. Si elle n’avait pas soutenu Gail aussi résolument… et si elle n’était pas tombée amoureuse de Richard… La première fois qu’elle l’avait vu, elle avait pourtant senti que c’était un homme dur et impitoyable. Alors, pourquoi, au nom du ciel, aurait-il toléré qu’elle cherche à contrecarrer ses projets et ceux de George ? Ce qu’elle avait pu être stupide !
Il voulait acheter la ferme et George était d’accord. Comme la présence de Livvy rendait la chose impossible, il avait attendu et guetté, peaufinant un plan. Puis, dès qu’il avait découvert le moyen de la frapper, il lui avait porté l’estocade.
« Je te veux », lui avait-il dit. Et elle l’avait cru, persuadée que s’il n’éprouvait pas d’amour pour elle, il ressentait du moins de la passion et du désir. Mais le combustible de sa passion, ce n’était pas elle ; c’était la volonté de la chasser de la ferme…
Elle avait réussi à remporter une minuscule victoire, en partant, car au moins, elle n’aurait plus à le revoir. Quant à la douleur qu’elle ressentait… c’était une vraie torture. Comment avait-elle pu être si faible, et si aveugle ?
La jeune femme sillonna la France au hasard pendant une semaine, puis deux, fuyant instinctivement la compagnie de ses semblables et dormant à peine quelques car ses nuits étaient faites d’insomnie. « Combien de heures pendant le jour temps cela va-t-il durer ? » se demandait-elle avec angoisse mille fois par jour. Et une petite voix lui répondait invariablement : « Toujours. »
Trois semaines après son départ de la ferme, épuisée et vidée, elle se dirigea instinctivement vers la maison qui l’avait abritée dans son enfance. Sa famille ne vivait plus là, mais le souvenir en était encore vivace chez les nouveaux occupants, qui l’accueillirent à bras ouverts et insistèrent pour la garder chez eux, dans la chambre d’amis. Trop lasse pour résister, Livvy se laissa faire.
Dans l’état où elle était, elle aurait pu tout aussi bien aller se jeter dans la rivière qui coulait tout près de là. Mais c’était une tentation à laquelle, elle le savait, elle se devait de résister.
Livvy séjourna en France presque jusqu’à la fin des vacances scolaires. Elle n’avait pris contact avec personne, en Angleterre, car elle ne se sentait pas assez forte pour cela. Cependant, elle avait travaillé et s’était convaincue qu’elle devait aller de l’avant, continuer à vivre malgré tout.
Disant adieu aux Girande, qui l’avaient accueillie, elle repartit pour sa terre natale.
Le téléphone sonnait, lorsqu’elle entra chez elle. Elle ignora la sonnerie, parcourut d’un œil distrait le courrier qui s’était amoncelé sous sa porte. L’une des enveloppes se distinguait de toutes les autres par son aspect. La jeune femme se figea en voyant son nom rédigé en travers, d’une écriture hardie et vigoureuse. Sans trop savoir pourquoi, elle sut que c’était un mot de Richard.
Elle le déchira sans même l’ouvrir. A quoi bon ? Cela n’aurait servi qu’à la faire souffrir davantage.
Elle avait des choses à faire… acheter de quoi manger, payer les factures en retard, organiser son travail. La routine, en somme. Toutes les choses ennuyeuses et ternes auxquelles se résumait sa vie, désormais.
Le téléphone sonnait sans discontinuer. Livvy s’efforça de n’en tenir aucun compte, mais le bruit persista, avec obstination. D’un geste las, la jeune femme tendit le bras par-dessous son duvet et décrocha le récepteur.
Livvy, tu es rentrée. —
Elle se tendit en reconnaissant la voix de Gail.
Il y a des jours et des jours que j’essaie de te joindre, reprit cette dernière. Mais où étais-tu passée, au nom du ciel ? Pourquoi est-ce que tu ne m’as pas téléphoné ? Ecoute, je viens te voir tout de suite.
Gail, non, je…, commença Livvy. 
Mais sa cousine avait raccroché et, telle qu’elle la connaissait, s’était probablement déjà mise en route. Gail était ainsi faite. Poussant un soupir, Livvy se glissa à bas du lit et alla faire un brin de toilette. Elle était juste en train de poser sur la table deux grandes tasses de café fraîchement passé lorsque la voiture de Gail s’arrêta devant sa porte.
Dès que Livvy la vit, elle lui trouva quelque chose de changé. Elle semblait plus douce, plus femme en un sens… Cependant, ses manières étaient restées les mêmes, elles !
Livvy, mais que t’est-il arrivé ? Tu es d’une maigreur ! Et où es-tu allée ?
Tandis qu’elle l’introduisait dans la cuisine, l’invitant à s’asseoir et lui tendant une des tasses de café, la jeune femme commença :
Je suis désolée de n’avoir pu tenir ma promesse, mais…
Oh, ne t’en fais pas pour ça. C’est arrangé, maintenant. Si tu savais, j’ai tellement de choses à te dire ! Tu te souviens de Robert Forrest, le patron de George ?
Le misogyne qui l’a transformé en esclave ? Comment aurais-je pu l’oublier ?
Eh bien, je m’étais entièrement trompée à son sujet. C’est vraiment un homme merveilleux… Tu ne peux pas imaginer à quel point. Quand je pense à tout ce que j’ai dit sur lui… Je me fourvoyais totalement, figure-toi. Il n’essayait pas de me séparer de George, c’était même tout le contraire. Il est contre le divorce.
Contre le divorce des autres, tu veux dire, observa sèchement Livvy.
Comment ça ? fit Gail, l’air perplexe. 
Tu m’as bien dit qu’il était divorcé, non ? 
Oh, oui… Eh bien, là aussi, je me trompais. Le pauvre, il a des raisons d’être amer ! A ce qu’il paraît, son ex-femme l’avait amené à l’épouser en prétextant qu’elle était enceinte… Une invention qu’elle avait forgée de toutes pièces pour se venger de son amant marié à la suite d’une querelle. Mais tu sais, Livvy, je ne peux pas te dire quel soulagement ça a été de voir que George m’aime toujours. Je reconnais que les choses n’ont pas été faciles… Quand j’ai découvert que j’avais failli le perdre, qu’il… qu’il s’intéressait à une autre femme…
Gail se mordit la lèvre inférieure, comme pour mieux contenir les larmes qui lui montaient aux yeux.
Dieu merci, c’en est resté là. Grâce à Robert. S’il n’avait pas réagi aussitôt… expédié George aux quatre coins du monde… Vraiment, j’ai été très injuste envers lui.
Livvy réprima un élan d’irritation. Elle était heureuse que les choses se soient arrangées pour Gail, bien entendu. Cependant, elle commençait à être un peu lasse de ses éloges répétés au sujet de Robert Forrest.
Tu aurais dû entrer en contact avec nous, reprit sa cousine. J’ai été si inquiète pour toi !
Ecoute, Gail, je suis rentrée seulement cette nuit et j’ai des tas de choses à faire. Je suis enchantée d’apprendre que vous avez réglé vos différends, George et toi, et que Robert Forrest est un patron merveilleux, mais pour l’instant…
Gail haussa les sourcils, parut se raviser.
Bon, si c’est comme ça que tu sens les choses, autant que je te laisse tranquille. En fait, j’étais juste venue te dire que nous donnons une petite fête samedi prochain, George et moi. C’est notre anniversaire de mariage et… enfin, tu viendras, n’est-ce pas ?
Assister à une soirée était bien la dernière chose dont Livvy eût envie. Cependant, n’ignorant pas que sa cousine insisterait jusqu’à ce qu’elle cède, elle accepta à contrecœur.
Entendu. Mais je ne pourrai pas rester longtemps. 
A l’instant où Gail se levait pour partir après avoir vidé sa tasse de café, elle reprit :
Au fait, si je comprends bien, vous avez réglé la question de la vente de la ferme, George et toi ?
En silence, elle s’en voulut d’avoir posé la question. Le soir où elle était partie de là-bas, elle s’était juré de chasser Richard de son existence à tout jamais. De le bannir de ses pensées et de son cœur. Et voilà qu’à la première occasion, elle violait sa promesse. Car, bien entendu, ce n’était pas de la ferme qu’elle voulait entendre parler… mais de l’homme qui y avait passé l’été.
Oh, oui, bien sûr, dit Gail. En fait, il y a eu malentendu. George ne voulait pas vendre. Au début, j’étais furieuse contre lui, mais après qu’il s’est expliqué et que Robert…
Robert, encore Robert, toujours Robert ! pensa Livvy, non sans agacement. A la place de George, elle se serait inquiétée de la place que son de Gail, et la conversation ! patron semblait avoir prise dans la cervelle et de l’admiration presque excessive que cette dernière lui portait.
D’ailleurs, Robert sera à la fête, bien sûr, disait à présent cette dernière.
Super. J’ai hâte de rencontrer la huitième merveille du monde. J’imagine que je le reconnaîtrai à son auréole. Il en porte une, non ? lança Livvy.
Gail parut fuir son regard et son agressivité.
Tu as changé, lui dit-elle, et pour la première fois, Livvy lui vit perdre de son assurance. Je… tu sais bien que je ne chercherais jamais à te faire du mal, hein, Livvy ? Que j’ai toujours pris tes intérêts à cœur ? Après tout, tu es de ma famille, et puis il n’y a pas que ça…
Livvy soupira, reconnaissant dans ce préambule familier l’annonce d’un sermon à venir.
Tu me diras tout ça samedi prochain, coupa-t-elle fermement en entraînant sa cousine vers la porte et en ouvrant le battant d’un geste qui n’admettait pas de réplique.
Tout en se séchant les cheveux, et en contemplant son propre reflet d’un air sombre, Livvy songeait qu’elle avait été folle d’accepter l’invitation de Gail. Les gens verraient-ils aussi nettement que sa cousine à quel point elle avait changé ? Remarqueraient-ils les cernes qui lui bleuissaient les paupières et son air de vulnérabilité, dus aux longues nuits sans sommeil que lui avaient valus son amour pour Richard et le chagrin qu’il lui avait infligé ?
L’automne s’annonçait précoce, cette année ; déjà, les arbres perdaient leurs feuilles. Ce matin, il y avait eu de la brume sur la campagne et le soleil, à présent levé, avait la pâleur caractéristique des débuts de la morte saison.
La jeune femme renonça à porter une tenue estivale, qui aurait révélé son extrême minceur. Elle n’avait aucune envie d’avoir droit aux remontrances de Gail ! Elle mit donc un ravissant ensemble de fin lainage rose pêche, composé d’une jupe droite et d’une tunique longue et ample : celle-ci dissimulerait le fait que la jupe ne lui enserrait pas la taille d’aussi près qu’il l’aurait fallu… Ainsi, on ne s’apercevrait de rien.
A moins de la toucher, bien entendu. Mais il n’y avait personne d’assez intime dans sa vie pour se permettre un tel geste, n’est-ce pas ? Pas de compagnon… pas d’amant… pas de Richard pour la prendre dans ses bras, pour l’enlacer par la taille et constater qu’elle avait maigri.
Richard… « Non, je ne vais pas pleurer, pensa-t-elle farouchement. Je ne veux pas, je ne dois pas. »
Ah, Livvy, te voilà enfin ! Je commençais à me poser des questions, dit Gail tandis que la jeune femme lui remettait le petit cadeau qu’elle avait apporté et se tournait vers George pour l’embrasser. Allez, entre. Tu connais la plupart des gens qui sont là…
Sauf Robert le Magnifique, bien entendu, marmonna Livvy.
Gail se tourna vers elle en tressaillant. Elle avait rougi et semblait soudain très mal à l’aise.
Cette fois, Livvy devint songeuse. Se pouvait-il qu’elle ait vu juste sans s’en douter et que Gail éprouve pour le patron de son mari un sentiment qui allait au-delà de l’admiration ? Décidant de placer les choses sur le terrain de la plaisanterie, elle lança :
Tu sais, George, si j’étais toi, je crois que j’aurais une petite dent contre Robert Forrest. Gail n’a plus que son nom à la bouche.
Hein ? Ne sois pas ridicule, protesta vivement sa cousine. Je suis reconnaissante à Robert et je me sens coupable de l’avoir mésestimé au départ, voilà tout. Tu sais que je me flattais de savoir bien juger les gens. Alors, je me sens tenue de…
De parler de lui à tout bout de champ pour que chacun puisse s’émerveiller de la métamorphose qui a changé le crapaud en prince ?
Ecoute, Livvy, je ne comprends vraiment pas ce qui te prend. Tu n’étais pas comme ça…
Gail s’était rembrunie et paraissait même si inquiète que sa cousine se sentit coupable.
Excuse-moi, commença-elle, c’est juste que… 
« Que j’aime éperdument un homme qui ne m’aime pas. » Ce n’était pas une chose à dire, n’est-ce pas ?
Que quoi ? insista Gail. 
Eh bien, j’ai des soucis. Je n’arrive pas à prendre une décision, pour ce changement de poste, au lycée.
Oh, je vois. Alors, il n’y a rien d’autre ? 
Et que veux-tu qu’il y ait ?
Gail eut une expression étrange, presque fausse.
Rien, rien du tout, s’empressa-t-elle d’assurer. 
Et, comme on sonnait à la porte, elle se hâta d’aller ouvrir. Livvy la suivit du regard, l’air songeur.

Gail, il faut que j’y aille, je t’assure. La fête est très agréable mais…
Allons voyons, tu ne vas pas t’en aller déjà…
Livvy se renfrogna en voyant que sa cousine l’avait saisie par le bras, comme pour la retenir contre son gré.
Je t’avais prévenue que je ne pourrais pas rester plus d’une heure, souligna-t-elle. Et…
La sonnerie de l’entrée, retentissant alors, l’empêcha d’aller plus loin. Gail ayant insisté pour qu’elle ne parte pas avant qu’elle fût allée répondre, Livvy céda. Il était plus facile de battre en retraite que de s’opposer à sa cousine, aussi revint-elle dans le salon, où elle se laissa tomber dans un fauteuil vide.
De là où elle se trouvait, elle put entendre s’ouvrir la porte. La voix de Gail s’éleva, plus haut perchée que d’habitude sous l’effet de l’excitation ou de la tension, semblait-il. A moins que ce ne fussent les deux ensemble.
Robert… Nous commencions à craindre que tu ne puisses venir. Ton vol a eu du retard ?
Evidemment, pensa Livvy, il n’était guère difficile de deviner qui venait d’entrer dans la maison. La huitième merveille du monde en personne. Déjà, Gail se ruait dans le living, flanquée d’un homme grand et brun, en costume sombre.
Richard ! La jeune femme s’était levée à demi sans même en avoir conscience, le visage livide sous l’effet du choc et de l’étonnement. Elle avait l’impression d’être une poupée de chiffon, tant elle se sentait faible et chancelante. Quant à son cœur… il s’était emballé, battant sur un rythme incohérent et précipité, au point qu’elle crut en défaillir.
Livvy, lui dit Gail, je voudrais te présenter le patron de George… Robert Forrest.
Livvy la dévisagea d’un air interdit. Elle s’expliquait à présent l’air coupable et gêné de Gail, son étrange nervosité, son insistance à la retenir le plus longtemps possible !
Richard Field… Robert Forrest. Mais pourquoi, au nom du ciel, n’avait-elle pas deviné… compris ? Elle se sentait trop bouleversée pour se risquer à bouger ou parler, ou plutôt Robert se rapprochait d’elle, et si elle ne tentait pas mais Richard quelque chose, elle serait prise au piège dans quelques secondes.
Elle se tourna vers Gail d’un air outré.
De quel droit as-tu osé me faire ça ? lui demanda-t-elle avec fureur. De quel droit ?
Puis, avant que sa cousine ait pu répliquer quoi que ce fût, elle s’élança hors de la pièce et de la maison, bousculant presque Robert et Gail au passage, ignorant les regards curieux des invités et les excuses embarrassées que George s’efforçait de lui donner en la suivant jusqu’au seuil.
Dès qu’elle fut revenue chez elle, elle s’enferma à double tour et débrancha le téléphone, qui sonnait déjà. Elle avait de violentes nausées et mal à la tête. Son corps ne semblait plus vouloir lui obéir. Lorsqu’elle ouvrit le robinet pour remplir un verre d’eau froide, ses doigts tremblaient si fort qu’elle dut s’y reprendre à plusieurs fois pour accomplir sa tâche. Ses dents s’entrechoquèrent sur le verre, tant elle frissonnait. Et pourtant, elle n’avait pas froid. En fait, elle était en nage.
Richard était Robert Forrest et Gail savait… Elle était au courant du mensonge délibéré qu’il lui avait fait sur son identité. Savait-elle aussi tout le reste ?
Mais pourquoi sa cousine ne lui avait-elle rien dit ? Pourquoi ne l’avait-elle pas avertie ?
Parce que Robert Forrest lui avait demandé de ne rien en faire. « Autant pour la loyauté familiale », songea amèrement Livvy.
Cependant, Gail n’était pas la seule à blâmer, dans cette affaire. Richard Field… Robert Forrest… Que leur avait-il dit exactement, à son sujet ? Qu’il était navré, mais qu’il avait dû la détruire, briser son existence ? Qu’elle était la victime qu’il avait été contraint de sacrifier ?
Sur quoi donc ? Sur l’autel de la revanche, par besoin d’assouvir sa vengeance sur les femmes ? Sûrement pas pour sauver le mariage de Gail et de George, en tout cas ; car s’il y avait quelqu’un qui n’avait pas caché son désir de les voir se rapprocher, c’était bien elle, Livvy !
Pourquoi cet homme n’avait-il pu lui dire qui il était ? Pourquoi avait-il trouvé nécessaire de lui mentir sur son identité ?
Parce qu’il avait pris un malin plaisir à l’abuser, peut-être. Livvy ne voyait pas d’autre raison possible. Quelle différence cela aurait-il pu faire, pour elle, de savoir que l’homme qui voulait acheter la ferme s’appelait Robert Forrest, et non Richard Field ?
La jeune femme plissa le front, intriguée et songeuse. Si Robert avait eu tellement à cœur de préserver l’union de Gail et de George, pourquoi alors avait-il cherché à créer des problèmes dans le couple en encourageant George à lui vendre la propriété à l’insu de Gail ?
Amèrement, Livvy se demanda ce que penserait sa cousine, si elle venait à apprendre toutes les critiques acerbes qu’il avait faites à son sujet… Elle ne le trouverait sûrement plus aussi merveilleux, c’était sûr !
Quant à lui, pourquoi leur avait-il parlé d’elle ? Et comment leur avait-il expliqué son départ précipité ? A la suite du message qu’elle avait laissé sur le répondeur de Gail, cette dernière avait-elle insisté pour connaître les raisons de sa fuite ? Si c’était le cas, il ne lui avait certainement pas révélé la vérité…
Livvy enregistra avec un regain de tension le bruit de moteur qui venait de retentir dans la rue, au-delà de sa porte d’entrée. Ayant gagné la fenêtre, elle frémit en apercevant la haute silhouette familière qui descendait du siège du conducteur. Elle s’écarta aussitôt de la croisée pour ne pas être repérée, vit Richard, ou plutôt Robert, s’immobiliser un instant et regarder en direction de sa maison.
Elle se demanda ce qu’il faisait là et ce qu’il lui voulait. Cherchait-il à s’assurer qu’il pouvait n’attacher aucune importance à ce qui s’était produit entre eux ? Tenait-il à l’avertir que cet épisode ne signifiait rien à ses yeux et qu’elle ne comptait pas pour lui ?
Un sourire amer naquit sur les lèvres de la jeune femme. La croyait-il stupide au point d’avoir besoin qu’on lui mette les points sur les i ?
Il se rapprocha et elle l’entendit frapper à la porte. Elle s’obstina à ne pas répondre. Des heures s’écoulèrent, sembla-t-il, et non des minutes, avant qu’il ne finisse par abdiquer et repartir en voiture.
Livvy mit très longtemps à s’endormir, ce soir-là. Allongée sur son lit, dans le noir, elle ne cessa de tourner et retourner dans sa tête tout ce qui lui était arrivé depuis son départ en France. Puis, lorsqu’elle sombra enfin dans le sommeil aux premières heures de l’aube, ce ne fut que pour rêver de Richard… Robert… et se réveiller avec un horrible sentiment d’angoisse et d’oppression.
Comme une somnambule, elle se leva et prépara son petit déjeuner sans enthousiasme. Puis, dans la solitude et le silence, elle s’assit en face de sa tasse de café et de ses toasts et, au lieu de manger, resta figée à sa place, le regard perdu dans le vague.
A un moment donné, elle se rappela qu’elle avait décroché le téléphone, la veille, et décida de ne pas le remettre en service. Puis, honteuse de cette lâcheté, elle se résolut à aller rebrancher la prise. Après tout, elle ne pouvait tout de même pas se retirer du monde.
Comme elle s’y attendait, il ne s’écoula pas plus de dix minutes avant que la sonnerie ne retentisse. C’était Gail.
Je ne veux pas te parler, lui dit-elle.
Ecoute, Livvy, je sais ce que tu penses…
Une inquiétude réelle perçait dans la voix de sa cousine, mais Livvy n’était pas d’humeur à pardonner.
Je ne voulais pas le revoir et tu t’en doutais, dit-elle. Pendant tout ce temps où tu me parlais du si merveilleux patron de George, tu savais ce qu’il avait fait. Tu savais aussi que si j’avais connu sa véritable identité, je ne serais jamais venue à cette fête.
Livvy, je t’en prie… 
Tu perds ton temps. J’ai quitté la ferme pour fuir Richard Field… ou plutôt Robert Forrest, et quel que soit son nom, je refuse de le voir, Gail. Tu penses peut-être que tu l’as méjugé, mais en ce qui me concerne, je considère au contraire que je me suis montrée beaucoup trop indulgente à son égard.
Livvy, essaie de comprendre…
Mais je comprends fort bien. Il s’est donné du mal pour sauver ton mariage et tu lui en es reconnaissante. Soit. Ce qui m’échappe, c’est la raison pour laquelle il a dû me mentir, me cacher qui il était afin de vous protéger, George et toi.
Il voulait aider George, plaida Gail, l’empêcher de tomber dans le piège où il était lui-même tombé. Dès qu’il a vu Sandra, la secrétaire de George, il a compris qu’elle était comme son ex-femme. Cette fille a même joué de ses charmes auprès de lui, mais il lui a fait rapidement comprendre qu’elle perdait son temps. Il a même mis George en garde. Seulement, George s’était entiché d’elle et n’a rien voulu entendre. C’est pour l’éloigner d’elle que Robert l’envoyait si souvent en mission à l’étranger.
Et c’est pour la même raison qu’il m’a menti sur son identité… et qu’il t’a menacée d’acheter la ferme ? s’enquit Livvy, sarcastique.
Gail marqua un temps de silence.
Je… je ne peux pas t’expliquer ça, dit-elle enfin. Il faudra que tu lui poses ces questions toi-même.
Je ne veux pas connaître les réponses, figure-toi. J’en sais déjà sur son compte bien plus que je n’en voudrais savoir, Gail. Il n’aime pas les femmes, tu sais. Il fait partie de ces hommes méprisables qui s’en prennent à elles pour restaurer leur ego…
C’est faux, protesta Gail. Il était si inquiet à ton sujet ! Il est rentré tout droit en Angleterre après ton départ ; et depuis, il ne s’est pas passé un jour qu’il ne m’ait téléphoné ou ne soit passé me voir pour me demander si j’avais eu de tes nouvelles. Un homme ne se comporte comme ça que s’il éprouve des sentiments très forts, Livvy…
Vraiment ? Et si tu remplaçais « sentiments » par « sentiment de culpabilité » ?
Ecoute, ça me navre de te savoir dans cet état. Tu es bien sûre que tu ne veux pas le rencontrer… le laisser s’expliquer ?
S’il croit que je vais me laisser manipuler pour qu’il puisse soulager sa conscience, il se trompe. Je ne veux pas le voir, Gail, point final. Si pour avoir la paix je dois aussi rompre avec toi, eh bien, qu’il en soit ainsi.
Au long silence qui lui répondit, Livvy comprit qu’elle avait profondément choqué sa cousine, mais elle commençait à s’endurcir. Gail ignorait la raison profonde de son refus, de toute évidence. Elle ne connaissait pas ses véritables sentiments pour Richard… Robert. Et bien entendu, elle souhaitait qu’ils s’expliquent et se réconcilient pour que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes. « Seulement voilà, songeait douloureusement la jeune femme, je ne peux pas supporter l’idée de le revoir. »
Jamais elle ne se soumettrait de son plein gré à une aussi grande souffrance.
Un jour encore, et ce serait la rentrée. Dieu merci, le travail reprenait, pensa Livvy, qui revenait de faire ses courses. Elle aurait enfin de quoi occuper son temps et ses pensées.
Quant à son cœur… il ne fallait plus y songer.
Elle n’avait pas eu de nouvelles de Gail et, bien que sa cousine lui manquât, elle était résolue à ne pas revenir en arrière. Tant que Robert Forrest ferait partie de l’existence de Gail, elle ne pouvait se permettre de la fréquenter.
Elle gara sa voiture et en sortit avec lassitude. Il y avait eu beaucoup de monde, au supermarché, et elle se sentait fatiguée et courbatue. De plus, elle avait les nerfs à vif. Et à présent, tandis qu’elle déverrouillait sa porte d’entrée, elle jetait un coup d’œil inquiet alentour, s’attendant presque à voir Robert Forrest se matérialiser devant elle.
Robert… ce prénom lui allait bien, pensa-t-elle. Et, pour la énième fois, elle eut un frisson d’angoisse. Combien de temps encore allait-elle réagir ainsi ? Combien de temps lui faudrait-il pour oublier cet homme ?
Le fait de connaître son identité et sa traîtrise auraient dû lui rendre les choses plus faciles. Pourtant, cela avait accru sa souffrance et n’avait pas atténué son amour.
Elle poussa le battant d’un coup d’épaule, chancelant à demi sous le poids des lourds paquets qu’elle portait, et s’avança dans le vestibule. Il y avait quelqu’un dans son living-room. Un grand homme brun qui n’avait aucun droit d’être là.
Alors qu’il s’avançait vers elle, elle crut qu’elle allait bel et bien défaillir. Elle lut de la colère dans son regard et ne put retenir un petit gémissement angoissé.
Il lui prit ses paquets des mains et l’entraîna dans le living.
Mais qu’est-ce que tu cherches à te faire, bon sang ? demanda-t-il avec rudesse. Tu es maigre comme un coucou.
Elle aurait voulu répondre que ce n’était pas sa faute, si elle ne pouvait presque rien avaler ; pas sa faute si elle souffrait tant, accablée par le fardeau de son amour sans espoir. Mais, obstinément, elle retint les mots qui lui montaient aux lèvres, s’arrachant à lui pour demander avec amertume :
Que fais-tu ici ? Comment es-tu entré ?
Gail m’a donné sa clé. 
« Encore une trahison », pensa Livvy, profondément blessée.
Elle n’avait pas le droit de faire ça. Elle sait que je ne veux pas te voir. S’il te plaît, va-t’en. Sinon…
Sinon quoi ? Je vais m’effondrer et t’avouer que je t’aime ?
Je ne partirai pas tant que je ne t’aurai pas dit ce que j’ai à te dire, déclara Robert, l’air sombre. Et tu vas m’écouter, Livvy. Tu me dois bien ça. Partir… T’enfuir comme tu l’as fait… De quoi avais-tu si peur ? Tu craignais que je ne t’en demande plus que tu n’étais prête à donner ?
Qu’il demande plus ? Livvy sentit qu’il la plongeait en pleine confusion, cherchant sans doute à renverser la situation à son avantage. D’un air de défi, elle lui lança alors :
Pourquoi m’as-tu menti ? Pourquoi as-tu prétendu être quelqu’un d’autre ?
C’est toi qui m’a pris pour un éventuel acheteur, lui dit-il avec calme. Quand George m’a donné ses clés de la ferme pour que je puisse passer quelques jours au calme, la dernière chose à laquelle je m’attendais, la dernière chose dont j’avais besoin, c’était de me retrouver confronté à une femme très perturbante et très agressive. Il m’a paru plus sensé de rester ce que j’étais à tes yeux, un ennemi. Au lieu de…
Me mentir délibérément, c’est ce que tu appelles agir de façon sensée ?
Le regard que Robert décocha à sa compagne avait quelque chose de douloureux, presque hagard.
Oui, je sais bien, ça paraît absurde. Mais tu comprends, à ce moment-là, je ne savais pas… Tu prétends que je suis misogyne, Livvy, et en un sens tu as raison. Il est vrai que j’ai une certaine défiance envers les femmes… Mon mariage… En fait, il n’aurait jamais dû avoir lieu. J’avais vingt et un ans lorsque j’ai connu Claire, et elle en avait vingt-quatre. J’étais trop jeune et trop idéaliste, je suppose, pour savoir ce qu’était le véritable amour. Parce que je la désirais et qu’elle semblait me désirer aussi, j’en ai conclu que nous nous aimions. Et puis elle m’a annoncé qu’elle était enceinte de moi. Tout ça n’était qu’une invention, comme son soi-disant amour. Mais lorsque j’ai compris mon erreur, et lorsqu’elle m’a avoué qu’elle n’aurait pas d’enfant, il était trop tard. Nous étions mariés. J’ai cru qu’elle était aussi désespérée que moi par l’échec de notre union. Seulement, lorsque j’ai tenté de lui en parler, elle m’a ri au nez. Elle m’a déclaré qu’elle m’avait épousé pour se venger de son amant, qui refusait de quitter sa femme pour la suivre ; et pour avoir un train de vie confortable, parce que j’étais riche. Après cette discussion, je n’ai plus éprouvé le moindre désir pour elle, et je n’ai même plus supporté de partager sa chambre.
Robert marqua un temps d’arrêt, poussa un soupir. Puis il reprit :
Elle a recommencé à voir son amant. J’aurais pu demander le divorce, bien sûr,  mais par orgueil, je ne voulais pas qu’on sache que je m’étais conduit en imbécile. Quant à elle, ça ne l’arrangeait pas du tout qu’on se sépare… Elle a pourtant changé d’avis lorsque son amant a plaqué sa femme et à ce moment-là, toujours par orgueil, j’ai accepté la séparation aux conditions financières qu’elle exigeait. Elle est morte trois semaines après le divorce, en même temps que son compagnon… Je me suis senti coupable. La voiture qu’il conduisait avait été payée grâce à mon argent. Je n’aimais pas Claire, mais je ne la détestais pas non plus. Pourtant, je lui en ai voulu de m’avoir laissé ce fardeau de culpabilité à porter… Je me suis détesté moi-même, aussi. Je me reprochais d’avoir été naïf et d’avoir voulu confondre à tout prix le simple désir avec l’amour… J’étais trop fier pour admettre que j’avais pu me laisser prendre à un besoin aussi instinctif et aussi primitif, et je me suis juré de ne plus jamais retomber dans le piège de la sensualité. Et puis je t’ai vue… et j’ai su que, quoi que je dise ou fasse, je ne pourrais m’empêcher de te désirer comme un fou. J’ai été injuste envers toi, Livvy… mais je t’en prie, essaie de comprendre. C’était mon seul moyen de me défendre.
Mais de quoi ?
Longtemps, Robert regarda la jeune femme, sans répondre.
De t’aimer, lâcha-t-il enfin. 
De m’aimer, moi ? s’écria Livvy. 
Elle commençait à se demander si elle n’avait pas des hallucinations auditives. Un instant, elle fut en proie à une grande confusion. Puis, se reprenant, elle protesta :
Arrête de me mentir. Tu ne m’aimes pas. Tu m’as dit en France que…
Je t’ai dit des tas de choses, coupa-t-il avec calme, mais ce n’étaient que des mots. Je croyais t’avoir montré à quel point ils étaient creux et vides de sens. Je croyais t’avoir montré à quel point tu comptais pour moi…
En couchant avec moi ? dit Livvy.
Elle s’était efforcée de parler sur un ton railleur, mais sa voix avait tremblé d’une manière très révélatrice.
Non, en te faisant l’amour, corrigea Robert. Livvy, pourquoi es-tu partie comme ça ? Est-ce que tu as la moindre idée des tourments que tu m’as infligés ? Est-ce que…
J’ai entendu ta conversation avec George révéla la jeune femme en redressant le menton avec hauteur J’ai entendu ce que tu lui disais sur mon compte Que tu savais comment te débarrasser de moi Robert la dévisagea d’un air stupéfait Elle vit qu’elle l’avait atteint mais ce savoir ne lui procurait aucune sensation de triomphe Seulement une douleur sourde et lancinante qui lui révélait à quel point elle avait voulu croire qu’il avait dit vrai et qu’il tenait à elle Parfaitement répéta-t-elle, tu as dit à George que tu savais comment te débarrasser de moi.
Pas de toi ! Oh, Seigneur, comment as-tu pu croire… ? Oh, Livvy, Livvy… Je parlais de Sandra, voyons… Ma secrétaire m’avait téléphoné à la pour m’apprendre que elle était autorisée à le faire en cas d’urgence ferme Gail demandait à me parler. Je savais par ton intermédiaire que ta cousine était plutôt remontée contre moi. Et par ailleurs, Sandra cherchait aussi à me joindre. Il fallait donc que je parle à George. Comme tu étais sur place, je ne pouvais lui téléphoner. Alors, je suis allé en ville, où je lui ai adressé un télex. J’ai fini par entrer en contact avec lui et découvrir que ses yeux s’étaient désillés, au sujet de Sandra. Mais celle-ci avait gardé des lettres de lui et le menaçait de tout dire à Gail. Plus tard, lorsque tu m’as entendu, c’était à Sandra que je faisais allusion, pas à toi.
Livvy le regarda et comprit qu’il lui disait la stricte vérité.
Mais cela ne change rien au fait que tu m’as menti, lui dit-elle d’une voix tremblante. Tu dis que tu m’aimes… Mais comment pourrais-je te croire alors que tu…
Je t’ai menti parce que j’avais peur Livvy Tu comprends j’ai su au premier regard que tu me rendais vulnérable et c’était bien la dernière chose dont j’avais besoin dans ma vie Alors j’ai tenté de me convaincre que tu étais comme Claire… de nier ce qui m’arrivait Et comme ça n’a pas marché j’ai voulu croire que c’était une attirance purement sexuelle Pourtant je sentais que c’était faux… Tu dois bien t’en rendre compte Si ce n’avait été qu’une envie de coucher avec toi est ce que j’aurais cherché à t’éloigner de moi comme je l’ai fait De toute façon c’est arrivé quand même et je n’ai même plus essayé de lutter J’avais trop envie de toi…Tout en parlant Robert avait franchi l’espace qui le séparait de sa compagne et tendait les bras vers elle l’attirant contre lui Lovée contre l’homme qu’elle aimait Livvy se sentit fléchir Mais si je n’étais pas montée à l’étage… 
Cela n’aurait rien changé. Tôt ou tard, ça se serait terminé comme ça entre nous.
Tandis que la jeune femme levait les yeux vers lui, il se pencha pour lui murmurer quelque chose à l’oreille et elle rougit légèrement.
Tu vois, jamais je ne t’aurais laissé m’échapper, lui dit-il. Et après que nous soyons devenus amants…
Abruptement, il ajouta :
Tu m’aimes, hein ?
Livvy perçut son hésitation, son inquiétude. Ses doutes furent balayés d’un seul coup. Le serrant contre elle, elle murmura à son tour :
Oui, je t’aime. Comme toi, je ne voulais pas de cet amour…
… Mais tu as découvert comme moi qu’il y a des émotions et des sentiments qui sont plus forts que tout.
Livvy était encore blottie dans les bras de Robert, lorsque le téléphone retentit, une demi-heure plus tard. S’écartant à regret de son compagnon, elle énonça :
Je parie que c’est Gail.
Dis-lui que tu es trop occupée pour lui parler maintenant, murmura-t-il en posant ses lèvres au creux du cou de la jeune femme. Oh, et puis… préviens-là aussi qu’elle ferait bien de s’apprêter à un mariage. Un mariage imminent.

 
 

 

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ÞÏíã 12-12-08, 02:45 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 13
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je souhaite une bonne lecture a tout le monde

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ princesse.samara   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 12-07-09, 04:48 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 14
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merci bq,vraiment c est une tres belle histoire

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ al hikma   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
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ÇÝÊÑÇÖí belle histoire

 

Merci beaucoup pour le grand effort :)

 
 

 

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