Il saisit les mains d’Anne entre les siennes, déposa un baiser sur chacune de ses paumes puis les pressa contre son cœur. Son regard devint grave, tandis qu’il répondait à sa grande interrogation sur le souvenir qui pouvait encore hanter leur avenir.
— Anne, si je suis resté parti si longtemps, ce n’était pas uniquement pour écrire la pièce. Je doute que tu puisses croire ce que je vais te raconter, mais tu dois essayer.
La jeune femme sentit sa gorge se serrer. Sean en venait à ce qu’il n’avait pas mis dans la pièce, à son ultime secret. C’était l’instant de vérité.
— Je t’écoute, dit-elle avec une sorte d’urgence.
— Tu te souviens de ta venue à l’hôpital ?
Elle se *******a de hocher la tête, n’osant évoquer à voix haute ces moments traumatiques.
— Juste avant ton départ, je t’ai demandé de prier pour elle…
— Je l’ai fait, Sean, je l’ai fait.
— Je regardais ma femme à ce moment-là, Anne. Elle a souri en signe d’approbation envers toi.
— Non, Sean. C’était sûrement pour toi.
Il fit non de la tête.
— C’était juste après que tu as parlé de ton amour pour moi.
Un étrange petit frisson parcourut Anne. Elle se souvenait de cet instant. Avait-elle imaginé le mouvement qu’il lui avait semblé percevoir, ou les choses étaient-elles conformes à la vision de Sean ?
— Après, j’ai fait vérifier et revérifier les enregistrements des moniteurs. Le résultat était toujours le même : il ne s’était rien passé. Et pourtant, jusqu’à mon dernier souffle, je jurerai qu’elle t’a souri.
Non, cela n’était pas possible, raisonna Anne.
— J’ai cru voir quelque chose aussi, avoua-t-elle timidement. Mais quand j’ai regardé, il n’y avait rien. Et pourtant, si elle a souri, je suis sûre que c’était à toi.
— Tu l’as vu aussi ?
Anne fronça les sourcils, rassemblant ses souvenirs.
— Il m’a semblé capter quelque chose, du coin de l’œil. Et puis j’ai cru m’être trompée.
— Je suis sûr que je n’ai rien imaginé.
— Alors, c’est comme tu le dis, assura-t-elle doucement.
Sean leva une main vers le visage de sa compagne, la caressa comme si elle était infiniment précieuse à ses yeux.
— Dix ans durant, j’ai essayé de l’atteindre. Si tu n’étais pas venue ce jour-là, si tu n’avais pas parlé comme tu l’as fait, il ne me serait rien resté. Je crois que, d’une certaine façon, elle a su.
— Quoi donc, Sean ?
— Pour la première fois depuis toutes ces années, elle se sentait en paix, en sachant que ma vie pouvait continuer, que je partagerais avec toi ce que j’avais partagé avec elle, que nous aurions des enfants qui grandiraient dans la sécurité d’un amour capable de survivre à tout… à tout.
La voix de Sean se mua presque en murmure, grave et doux, lorsqu’il poursuivit :
— Quand je t’ai connue, tu lui ressemblais en bien des points. Tu lui ressembles toujours. J’ai essayé de vous séparer l’une de l’autre dans mon esprit. Et pourtant, d’une certaine façon, vous êtes indissolublement liées. Farouchement indépendantes, l’une et l’autre. Mais accordant généreusement amour et compassion. Plus courageuses que n’importe quel homme. Intensément loyales. Toujours prêtes à vous engager au maximum pour ce en quoi vous croyez.
Il l’enlaça de nouveau.
— Je t’aime, Anne. Je t’ai toujours aimée. La différence aujourd’hui, c’est que tu as tout mon amour. Et je peux, finalement, te demander de m’épouser. Seras-tu ma femme ?
Anne eut un sourire comblé, celui d’un bonheur total.
— Oui, Sean. Je désire profondément être ta femme, pour la vie.
Il lui répondit par un sourire pareil au sien.
— Puis-je suggérer que nous nous mariions le premier jour du printemps ?
— Quelle merveilleuse idée !
— Je promets de ne plus jamais te quitter. Nous serons toujours ensemble. En tout.
Il l’embrassa, alors, avec toute la passion qu’elle avait appelée de ses vœux. Une passion si grande, si merveilleuse, qu’elle était destinée à durer une vie entière.
Un cri aigu venu de la nurserie les arracha à leur contemplation mutuelle.
— Les joies de la paternité, commenta Anne en riant. Je crois que ton fils te réclame.
Le rire de Sean exprima une joie sans mélange. Enlaçant sa compagne, il se dirigea avec elle vers leur fils ; Michael-John gigotait avec une énergie furieuse et s’apprêtait à pousser un second cri de Sioux lorsqu’il vit se pencher vers lui les visages de sa mère et de son père. Alors, il écarquilla les yeux et se mit à gazouiller.
Le premier jour du printemps fut un jour magnifique. Dans la petite église du village à proximité duquel ils avaient trouvé un foyer, Anne-Lise Tolliver et Sean Riordan se marièrent. Ce fut Alex Corbett qui conduisit l’épousée à l’autel. Paula et Richard Wentworth furent respectivement dame et garçon d’honneur.
Les trois sœurs de la mariée étaient présentes, en compagnie de leurs époux respectifs. Sean avait fait venir tout le monde en Angleterre pour l’occasion. Michael-John était aux premières loges, assistant à la cérémonie sur les genoux de sa grand-mère australienne.
Leonie Tolliver versa des larmes de joie en voyant sa fille aînée marcher triomphalement vers l’autel — enfin ! Et quelle photographie elle pourrait mettre sur sa cheminée ! Non seulement Anne était la plus belle des mariées, mais en plus, de fabuleuses boucles en diamant scintillaient à ses oreilles. Elles allaient à ravir avec sa bague de mariage, réalisée par De Mestres, à Bruxelles. Voilà qui prouverait à tous les amis de Leonie que sa fille avait épousé un homme follement généreux… Beau, célèbre, et riche, de surcroît. Vraiment, quand Anne s’y mettait, elle excellait en tout