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Dans le tourbillon d’émotions qui agitait son esprit, Lara s’arrêta à peine sur la petite pointe de vexation que lui valut l’idée que Graeme ne l’avait pas reconnue. Elle constata vite que c’était finalement une situation extrêmement libératrice. L’anxiété qui jusque-là lui tenaillait l’estomac s’était envolée et il ne lui restait qu’une envie folle de se laisser aller aux sensations, sans plus réfléchir.*
Elle était venue à Las Vegas pour exorciser les démons du passé, non*? Eh bien, c’était ce qu’elle allait faire. Dans les bras de Graeme. Ce n’était pas ce qu’elle avait initialement prévu, mais, en pressant son corps contre le sien, elle se dit que cette manière était aussi bonne, et peut-être même meilleure, que celle qu’elle avait si soigneusement planifiée.*
Dans les histoires qu’elle écrivait depuis bientôt deux ans, elle mettait en scène Kip Corrigan et ses prouesses sexuelles. Au gré de l’inspiration, elle pouvait le décrire comme un gentleman tendre et dévoué ou bien comme un homme dominant et sauvage, mais, quelle que soit la situation choisie, elle en faisait toujours un amant infatigable, qui comblait l’héroïne au-delà de ses attentes les plus impensables. Mais ces nouvelles érotiquesn’étaient que le fruit de son imagination et, si elle était persuadée que Graeme était plus que capable de satisfaire une femme, elle doutait qu’il soit à la hauteur des exploits qu’elle lui prêtait dans ses fantasmes.*
Pendant longtemps*–*trop longtemps, elle le comprenait maintenant*–,*elle avait vécu dans un monde de chimères. L’heure était venue de prendre une salutaire dose de réalité. A condition, bien entendu, qu’elle oublie toute velléité romantique. Elle ne pouvait se permettre une seule seconde de croire que Graeme allait retomber amoureux d’elle. Ni elle de lui.*
L’amour n’avait plus rien à voir dans la brève aventure qu’ils étaient en train d’ébaucher. C’était juste une affaire de désir. Une affaire de sexe.*
Graeme lui faisait toujours un effet fou, physiquement, ça oui… Elle l’avait compris à l’instant même où il était entré dans l’ascenseur. Non… A l’instant où il avait surgi de derrière le rideau de scène. Mais quelque chose d’étrange se passait en elle*: le fait de porter ce déguisement donnait des ailes à son audace. Elle se sentait puissante et irrésistible, courageuse et sexy. Comme la princesse Leia. Elle était capable de tout, même de séduire un Graeme Hamilton devenu une icône sexuelle, et qui n’avait plus rien en communavec le jeune homme qu’elle avait fréquenté. L’alcool lui était certainement monté à la tête, aussi, mais elle n’avait même pas l’ombre d’un complexe en pensant aux femmes éblouissantes qui l’accompagnaient lors de galas, qui posaient à ses côtés pour les magazines et qui, très probablement, couchaient avec lui.*
Ce déguisement qu’on lui avait envoyé par erreur était, à la réflexion, une bénédiction. Car si Graeme l’avait reconnue, il ne serait pas dans cet ascenseur avec elle, ses bras de part et d’autre de son visage, ses yeux rivés à sa bouche, en train de la défier avec sa voix sensuelle et profonde.*
Ça fait très longtemps que je n’ai pas rencontré une femme qui ait su me satisfaire pleinement…*
Eh bien, cette nuit, elle comptait devenir la femme capable de combler chacun de ses désirs, d’incarner chacun de ses fantasmes et quelques-uns de ceux qu’elle nourrissait, par la même occasion…*
La peau de Graeme brûlait sous ses doigts et elle crut l’entendre gémir doucement, lorsqu’elle l’embrassa au coin des lèvres.