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C’était Lara. L’erreur n’était pas possible*! Et il se retrouvait face à elle, dans l’espace minuscule de cet ascenseur*!*
Le ventre noué comme si on lui avait donné un coup de poing, Graeme déglutit avec difficulté, en se demandant ce qu’il devait faire. Depuis cinq ans, il n’avait jamais cessé de songer à ce moment et, s’il avait imaginé des dizaines de scénarios possibles, ils finissaient toujours de la même manière*: sur un lit, avec Lara dans ses bras lui promettant que plus jamais elle ne le quitterait.*
Il n’en revenait pas encore des circonstances qui l’avaient conduit jusqu’à cet ascenseur. Quelques minutes plus tôt, il se trouvait sur scène en train de débiter les banalités habituelles pour amuser le public et, lorsque cette femme déguisée en princesse Leia avait joué une piètre performance du vieux gag de la nappe qu’on emporte avec soi, il avait pensé avant tout à faire diversion. Show must go on. Mais la blague sur les rescapés de La Guerre des étoiles qu’il s’apprêtait à lancer était restée coincée dans sa gorge. Ces yeux saphir qui brillaient derrière le masque…*
Il aurait pu reconnaître ces yeux n’importe où, en n’importe quelle circonstance.Lara…*
Le choc lui avait coupé le souffle et, le temps qu’il se reprenne, elle avait pris la fuite. Sans penser aux conséquences, il s’était lancé à sa poursuite, en luttant pour échapper aux grappes de fans déchaînées qui s’accrochaient à lui, réclamant un baiser, un autographe, une photo.*
Il avait réussi à s’en débarrasser grâce au concours des gardes de sécurité et de son manager et, lorsqu’il avait enfin aperçu la silhouette de la fuyarde au bout du couloir, sa première impression avait été confirmée. Il n’était pas devenu fou, cette merveilleuse créature vêtue de pourpre et d’or était bel et bien Lara. Son corps avait changé, mais elle était encore plus renversante que dans ses souvenirs, et elle avait toujours ces longs cheveux d’une rare nuance cuivrée qu’il n’avait jamais retrouvée ailleurs.*
En dépit de son agitation, il n’avait pas manqué de noter le regard contrarié qui voilait ses beaux yeux.*
Que diable se passait-il*? Pourquoi était-elle venue à ce festival en son honneur, si elle ne voulait pas le voir*? Cette femme, décidément, était un mystère pour lui et le restait encore après toutes ces années.*
Il se rappelait leur première rencontre comme si elle datait de la veille. A l’époque, il n’était qu’un comédien débutantparmi des centaines d’autres qui essayaient de se frayer un chemin dans le théâtre londonien, et il jouait dans une reprise bon marché du musical Blood Brothers, dans un théâtre de seconde catégorie.*
Un soir, Lara était entrée dans la salle presque vide et s’était assise au fond. Le lendemain, elle avait fait de même. Mais le surlendemain, jour de la dernière représentation, elle s’était placée au tout premier rang et, lorsque le rideau était tombé, il n’était pas allé dans la loge. Mû par un élan aussi étrange qu’irrépressible, il était sorti du théâtre et avait couru dans la rue pour la rattraper. Il ne savait pas pourquoi, mais cette jeune fille avec son allure de bonne famille, ses jupes sages et ses chaussures plates, l’avait attiré comme un aimant.*
Le coup de foudre mutuel s’était transformé en un amour profond pendant la semaine qu’ils avaient alors passée ensemble à arpenter les rues de Londres. Et s’il n’avait pas vraiment compris ce que cette créature céleste pouvait lui trouver, il avait été certain d’une chose*: il la désirait comme jamais il n’avait désiré aucune femme.*
Et comme l’amour est aveugle, il avait gobé tous les mensonges que sa bouche d’ange lui avait débités avec une facilité écœurante. Il avait cru qu’elle était étudiante…