Son masque l’oppressait.*
Elle suffoquait.*
Sa vision se brouillait et elle sentait venir en force les effets de l’alcool.*
Bredouillant quelques excuses inaudibles, elle se leva pour tenter de quitter la salle discrètement. Mais, comme dans un film au ralenti, elle s’aperçut trop tard qu’un coin de la nappe s’était accroché à l’un des anneaux de son Bikini. Dans sa hâte, elle était en train de tout entraîner avec elle.*
Assiettes, verres et nourriture tombèrent par terre en même temps que les six femmes de la table se levaient d’un bond en poussant des cris et en renversant les chaises.*
L’orchestre cessa de jouer et tous les regards se braquèrent sur elle.*
Paniquée, elle se tourna vers la scène.*
Graeme aussi avait les yeux sur elle.*
Pendant un instant, leurs regards se croisèrent. Une nouvelle vague de chaleur l’envahit, avant de se retirer en la laissant pantelante et trempée de sueur froide.*
Comment en était-elle arrivée là*?Avec un sursaut d’énergie, elle tira la nappe pour s’en dégager et s’élança vers la sortie la plus proche. La porte s’ouvrait sur un couloir de service qu’elle traversa en courant, indifférente aux regards stupéfaits du personnel de l’hôtel.*
Elle bouscula un serveur pour atteindre les portes de l’ascenseur qui se trouvait au fond du couloir et pressa impatiemment le bouton d’appel.*
–*L’ascenseur est réservé au service, princesse Leia, lui indiqua un serveur qu’elle avait failli renverser. Mais… Qu’est-ce que…*
Lara suivit son regard et crut qu’elle allait s’évanouir.*
Graeme approchait au pas de charge, poursuivi par un troupeau de femmes échevelées qui criaient son nom en tendant les bras vers lui.*
Non*!*
L’ascenseur s’ouvrit enfin et elle s’y engouffra. Le souffle court, elle appuya sur le tableau de commande désespérément alors que Graeme réduisait à grandes enjambées la distance qui les séparait.*
–*S’il vous plaît, s’il vous plaît, pria-t–elle, pour que les portes se ferment au plus vite.*
Il s’approchait.*
S’il vous plaît…*
Encore plus près.Les portes commencèrent à se refermer lentement.*
Soulagée, elle se laissa aller contre le mur… Mais, au dernier moment, une main se glissa entre les battants et en força l’ouverture. Au comble du désespoir, Lara vit Graeme se glisser à l’intérieur de la cabine et presser le bouton longuement. Une seconde avant que les fans en folie ne se jettent sur lui, l’ascenseur consentit enfin à se refermer.*
–*Seigneur… murmura-t–il dans un grand soupir.*
Graeme…*
Lara n’osait relever les yeux sur lui.*
C’était lui, bien lui, tout près.*
Si près…*
Sa carrure était plus imposante que dans son souvenir. Des larmes d’émotion nouaient sa gorge, et, serrant les poings pour contenir son envie de le toucher, elle se plaqua plus encore contre le mur de la cabine, sans même oser respirer.*
Avec un peu de chance, il ne prêterait pas attention à sa présence.*
Avec encore un peu plus de chance, grâce au masque, il ne la reconnaîtrait pas, songea-t–elle, sans vraiment y croire. Quelle situation ridicule*! Se faire surprendre par son ex-mari à une convention de fans en son honneur.*
Enfin, pas ex, justement…Mais elle n’allait pas faire confiance à la chance. Si elle avait été de son côté, la chance, leur rencontre n’aurait pas eu lieu alors qu’elle était habillée, ou plutôt déshabillée, en tenue d’esclave galactique.*
Ces retrouvailles étaient une véritable catastrophe*! Rien à voir avec le scénario qu’elle avait imaginé. Car ce qu’elle avait prévu, c’était de lui donner rendez-vous dans un salon de l’hôtel, où elle arriverait vêtue de son tailleur le plus strict afin qu’il comprenne qu’elle avait grandi et qu’elle était passée à autre chose. La vie se montrait bien ironique parfois. Tout ce qu’elle voulait, c’était se montrer sûre d’elle-même et distante, et voilà qu’elle se tenait devant lui, tremblante comme une feuille, incapable de maîtriser ses émotions et dans quelle tenue*!*
Il s’adossa nonchalamment au mur opposé à elle et lui lança un regard amusé.*
–*Il s’en est fallu de peu… La charge maximale de cet ascenseur ne doit pas dépasser les mille kilos*!*
Sa voix l’enveloppa comme un filet de miel chaud. Lentement, elle leva les yeux vers lui. Elle tressaillit. Comme la première fois qu’elle l’avait vu, un soir d’été, sur la scène d’un théâtre londonien, le monde autour sembla disparaître.*
Elle oublia l’ascenseur, les fans déchaînés, les papiers du divorce.*
Elle se fichait même d’être pratiquement nue.Elle ne pouvait que sentir sa présence, si puissante, si masculine. Son cerveau, débordé par les émotions, fut incapable de trouver une repartie brillante, et elle bafouilla péniblement un mot inintelligible.*
Il continua à la regarder d’un air sérieux.*
–*Désolé de vous l’apprendre, princesse, mais le rassemblement pour La Guerre des étoiles n’aura lieu que dans deux mois, murmura-t–il avec son accent écossais qui la faisait fondre.*
Etait-ce son imagination ou avait-il souligné le mot «*princesse*»*? «*Princesse*» était le surnom tendre qu’il lui donnait à l’époque. L’avait-il reconnue ou s’agissait-il simplement d’un hasard*?*
S’il l’avait reconnue, il ne serait pas resté aussi calme. Elle avait été malhonnête en lui cachant son âge véritable et, comme ils n’avaient jamais eu l’occasion de s’expliquer, elle s’attendait à ce qu’il lui demande des comptes. Elle s’était préparée à une confrontation amère et pleine de reproches, mais l’expression de Graeme ne recelait ni rancune ni colère.*
Rien de tout cela.*
Au contraire, l’expression de son visage était celle de quelqu’un qui apprécie la beauté d’une femme et, dans ses yeux, ne brillait que l’étincelle de l’envie.*
La tension dans sa poitrine se relâcha aussitôt et elle pinça les lèvres, hésitant entre rire ou pleurer.*Graeme ne la reconnaissait pas*! Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’homme qui se trouvait en face d’elle et qui la mettait dans cet état de trouble aussi intense n’avait pas la moindre idée de qui elle était*!*
Elle regarda ailleurs, tentant de réfléchir à toute vitesse.*
Il ne savait pas qu’elle était elle, Lara Withfield…*
Une partie d’elle ressentit douloureusement le fait qu’il ne l’ait pas reconnue, mais, en même temps, le regard qu’il portait sur elle lui disait qu’il la trouvait belle. Qu’il trouvait belle une inconnue…*
Un frisson d’excitation la traversa.*
Elle avait changé, se dit-elle, en se rappelant sa conversation avec Valerie, et les changements survenus dans son corps ajoutés au masque l’avaient sans doute rendue absolument méconnaissable. Cette idée lui redonna confiance et l’embarras que sa tenue affriolante avait produit en elle quelques secondes plus tôt s’évapora. Le désir patent dans le regard de Graeme agissait comme un aphrodisiaque. L’envie montait dans son ventre en vagues de plus en plus puissantes. Son corps était un volcan au bord de l’éruption.*
Certaines choses ne changeraient jamais.*
Il continuait à la troubler rien qu’avec un regard, et alors qu’une minute auparavant elle aurait tout fait pour s’éloigner de lui, à présent, elle aurait tout donné pour se retrouver dans ses bras**