Lui, Graeme.*
Mais avant qu’elle n’ait trouvé les mots, il s’était levé, le visage fermé.*
–*Je vais vérifier que tout est prêt pour le départ, murmura-t–il.*
Il regagna la porte et, sans rien ajouter, quitta la suite.*
***
Le lendemain, après avoir traversé la moitié de l’Angleterre, ils arrivèrent enfin à l’auberge.*
Lara regarda la petite construction à travers la vitre de la voiture, émue comme elle n’aurait jamais imaginé l’être.*
Rien n’avait changé durant ces cinq années et, sans les feuilles d’automne qui tapissaient l’allée, elle se serait cru revenue à l’été de ses dix-huit ans.*
Un écriteau de bois, souhaitant la bienvenue aux voyageurs, se balançait doucement au-dessous de la fenêtre de la chambre qu’elle avait partagée avec Graeme, et le lierre courait comme une cascade émeraude sur la façade en pierre. Sous l’auvent d’ardoises, deux tourterelles roucoulaient dans la lumière ténue de la tombée du jour.*
Elle poussa un long soupir de découragement. C’était à peine si Graeme lui avait adressé la parole depuis la veille. La cabine du jet privé était déjà préparée pour la nuit lorsqu’ils avaient embarqué et, après avoir échangé les politesses d’usage avec l’équipage, il s’était allongé sur son siège et avait fermé les yeux, les bras croisés sur la poitrine. Elle n’avait pas su s’il avait dormi tout le long du vol ou s’ilavait juste voulu éviter de lui parler, mais la traversée de l’Atlantique avait été pour elle un grand moment de solitude.*
Incapable de trouver le sommeil, elle avait passé la nuit à ressasser leur dernière conversation et à se reprocher son manque de finesse. Comment avait-elle pu être aussi maladroite*? Graeme avait essayé de lui faire comprendre à quel point il détestait être confondu avec Kip Corrigan et elle n’avait pas su lui montrer que c’était lui, l’homme réel, et non pas le personnage qu’elle était venue retrouver. C’était tristement ironique, songea-t–elle, qu’après des années à écrire des histoires d’amour en pensant à lui, elle n’ait pas su trouver les mots justes pour le rassurer.*
A leur arrivée à l’aéroport d’Edimbourg, ils avaient été pris en charge par le service de sécurité qui les avait escortés discrètement vers une sortie privée, où une voiture les attendait, et, avant que la presse ne se soit aperçue de leur présence sur le territoire écossais, ils roulaient déjà sur l’autoroute.*
Après tant d’heures noyées dans un silence épais, elle ne savait plus comment briser la glace et, bien que Graeme se soit montré courtois, il y avait dans ses manières une froideur qui les séparait, comme une barrière invisible. Plus d’une fois elle s’était demandé si c’était bien la peine d’aller jusqu’au bout de ce week-end ou s’il ne vaudrait pas mieux qu’ils signent la convention de divorce sur-le-champ. A quoi bon passer deux jours ensemble, s’il ne lui parlait pas*?*
–*Nous y voilà, déclara-t–il, le regard braqué droit devant lui sur l’auberge. La scène du crime*!*
–*Je n’aurais jamais imaginé que je reviendrais un jour ici, dit-elle en se tournant pour le regarder.*
–*Je m’occupe des valises, proposa-t–il, sans pour autant quitter la voiture. Tu vas bien*?*
–*Oui, dit-elle avec un sourire défaillant. J’ai juste besoin d’un peu de temps… Tous ces souvenirs qui reviennent en même temps, ça me fait quelque chose.*
–*J’espère que ce ne sont pas que des mauvais souvenirs, répondit-il en serrant sa main.