Mais il ne s’était pas moqué d’elle. Au contraire. Le lendemain, il n’avait eu que des mots élogieux et encourageants, assortis de quelques suggestions tout à fait justes pour améliorer les scènes sensuelles et donner plus de réalisme au duel final de l’héroïne contre son ennemi.*
Si elle n’avait déjà succombé à ses charmes, elle en serait tombée folle amoureuse à ce moment-là.*
Elle se retourna dans son lit, fébrile, incapable de trouver le sommeil.*
Graeme avait sans doute dû comprendre dès le départ qu’elle se sentait incapable de l’affronter à visage découvert, aussi avait-il feint de ne pas la reconnaître pour éviter qu’elle ne prenne encore la fuite. Il avait vu juste, comme il ne s’était pas trompé non plus lorsqu’il l’avait accusée de lâcheté.*
Oui, elle avait été lâche. Or, bien qu’elle ne puisse le contredire, elle aimait à penser que ses raisons pour le quitter obéissaient aussi à des sentiments plus altruistes.*
Son père lui avait décrit avec cruauté, sans la ménager, la vie qui l’attendait si elle restait avec Graeme. Il n’était qu’un acteur débutant, et ses cachets suffiraient à peine pour subvenir aux besoins d’un jeune couple. Sans argent, elle ne pourrait pas aller à l’université et, sans études, elle serait forcée d’accepter des postes mal payés. Comme Graeme n’allait pas supporter de la voir s’échiner à la caisse d’un supermarché ou dans un travail à la chaîne, il finirait par quitter le métier d’acteur afin de trouver un emploi stable. Et s’il abandonnait son rêve à cause d’elle, un jour ou l’autre, il finirait par le lui reprocher.*
Effrayée par le sombre avenir que son père lui dépeignait, elle avait fini par se ranger à son avis. Cependant, elle avait refusé de signer l’annulation, car, en dépit de sa peur, elle ne pouvait se résoudre à donner le coup de grâce à ce qui avait été la période la plus heureuse de sa vie. Furieux, son père avait promis qu’il les signerait lui-même, fort de son autorité parentale, mais, à l’évidence, les choses ne s’étaient pas passées comme il l’escomptait.*
Une grande question la taraudait à présent. Pourquoi, pendant tout ce temps, Graeme n’avait-il pas essayé de la contacter*? Il savait qu’ils étaient encore mariés et, pourtant, il n’avait rien fait pour divorcer alors qu’il avait légalement une dizaine de raisons pour mettre fin à leur mariage. Elle ne pouvait que conclure qu’il avait voulu garder ce lien avec elle. Et cette pensée la remplit d’espoir.*
Elle se releva et consulta l’heure sur son téléphone. Minuit passé. Elle avait désespérément besoin de parler à quelqu’un qui puisse l’aider à se dépêtrer de cette situation inextricable. Elle songea un instant à appeler Christopher. Il était toujours de bon conseil, mais elle se ravisa aussitôt. Pour commencer, il pensait qu’elle se trouvait chez sa mère, en Caroline-du-Nord. Il faudrait alors qu’elle lui explique qu’elle se trouvait en réalité à Las Vegas, où elle était venue divorcer de son mari, avec qui, d’ailleurs, elle venait de vivre une expérience sexuelle absolument renversante.