Adam déambula dans la salle en sirotant sa bière à petites
gorgées. Toujours pas de Bridget. Tom savait peut-être où se
trouvait la loge des danseuses ?
Passablement éméché, son collègue parvint tant bien que mal
à lui désigner l'endroit, derrière la cabine du DJ.
Il se dirigea dans cette direction et, profitant d'un moment
d'inattention du DJ, se faufila discrètement dans un couloir où il
repéra trois portes. L'une donnait sur un placard à balais, l'autre
était verrouillée — probablement le bureau du directeur — et
la troisième s'ouvrit sur sa poussée.
Il se retrouva nez à nez avec la danseuse sadomaso au
fouet.
— Fichez le camp tout de suite, où j ' a p p e l l e la sécurité, I
ordonna-t-elle.
— Ecoutez, je voudrais j u s t e voir Bridget, plaida-t-il.
— Il n'y a pas de Bridget ici.
Surprenant le regard furtif qu'elle jetait par-dessus son épaule,
il se mit à crier.
— Bridget ! C'est moi, Adam ! Il faut que je te parle.
— Sortez ! répéta la fille gothique en faisant claquer son
fouet.
Il leva instinctivement les mains.
— Sonny ! Sonny ! brailla la fille.
Le videur arriva au petit trot et le reconnut.
— Encore vous ! dit-il en lui empoignant le bras. Vous ne
pouvez pas attendre votre tour pour une lap dance, comme
tout le monde ?
Adam se dégagea si violemment qu'il heurta la fille au
fouet, laquelle l'envoya valdinguer contre le mur d'un coup de
manchette bien senti.Tandis que le videur lui tordait le bras derrière le dos et
l'entraînait dehors, la pommette tuméfiée, il aperçut Bridget,
qui le regardait avec stupéfaction.
— Adam Haie ! Qu'est-ce que tu fiches ici ?
3 .
Bridget déverrouilla la porte, alluma la lumière et récupéra
sa valise, qu'Adam s'apprêtait à porter à sa place.
— Maintenant, tu peux m'expliquer pourquoi tu tenais tant
à me raccompagner ? demanda-t-elle.
Adam la suivit à l'intérieur, une douleur cuisante à la joue.
Il n'avait pas remis les pieds chez elle depuis son emména¬
gement. Il nota la machine à coudre trônant sur la lourde table
de ping-pong encombrée de bouts d'étoffe satinée.
— Je voulais te parler.
— Me parler ? De quoi ? De ta bagarre avec une strip-teaseuse
et de la brillante façon dont le videur t'a éjecté ?
— Minute, je ne me suis pas bagarré avec elle. J'ai perdu
l'équilibre, et elle en a profité.
— Tu as de la chance que Jinx ne t'ait pas frappé avec son
fouet.
Il frémit d'horreur à cette pensée.
— Cette fille est une folle dangereuse.
— Qu'est-ce que tu fabriquais dans cette boîte? Je croyais
que tu t'étais assagi avec l'âge.
— Exact. Qui t'a dit que j ' y allais autrefois ?
Elle le dévisagea avec une perplexité feinte.
— Colin, ou peut-être Dane ? Je ne sais plus. C'est sûrementDane, vu qu'il est célibataire. Je pense que tu l'emmenais dans ce
genre de club quand il se rendait à Chicago pour ses affaires.
— Ce sont de vraies pipelettes, tes frères, à ce que je vois.
— Je n'ai pas envie d'en discuter. Et, si tu veux un conseil
d'amie, tu devrais rentrer chez toi et te mettre de la glace sur
la j o u e .
Bien j o u é . La meilleure défense, c'est l'attaque, comme
chacun sait.
Il fit mine de tourner docilement les talons et de gagner la
porte, avant de revenir brusquement sur ses pas.
— Je déposais un collègue en taxi, quand je t'ai aperçue en
train de parlementer avec le videur. 1b peux m'expliquer ce que
tu fabriquais dans un club de strip-tease ?
— Logiquement, tu en as conclu queje dansais au Frisky's,
c'est ça?
Il s'esclaffa.
— Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, s'écria Bridget, vexée.
Je ne suis pas assez sexy, à ton avis ?
— Toi, une strip-teaseuse ? Arrête un peu, Bridget. Ta t'ingénies
à porter les vêtements les plus amples possible. Tu rougis
comme une pivoine, si on regarde t e s . . . , ajouta-t-il en désignant
ses seins du menton, trop gêné pour être plus clair.
— Qui te dit que je n'ai pas changé depuis tout ce temps ? Ça
ne ressemble pas au costume d'une strip-teaseuse, à ton avis ?
poursuivit Bridget en brandissant un soutien-gorge chatoyant,
couleur vert citron, qu'elle récupéra sur sa table de travail.
Il roula des yeux effarés.
— C'est vrai ? Tu danses au Frisky's ?
Bridget tint le soutien-gorge devant elle en se déhanchant.
— A ton avis, Adam ?
Il promena son regard dans la pièce et avisa un portant
chromé où étaient suspendus une guêpière noire, une brassièreet un string rose fluo et un body en vinyle blanc, ou plutôt une
minijupe microscopique. Des rouleaux de Lycra argent, rouge et
or étaient rangés dans un coin. Le clou consistait en une paire de
sandales à lanières dont les talons mesuraient au moins quinze
centimètres de haut.
Seule une strip-teaseuse pouvait se jucher sur des engins
pareils.
— Tu as dansé, ce soir?
— Aurais-tu raté mon numéro ? demanda-t-elle en reposant
le soutien-gorge.
Il émit un petit rire nerveux en se débarrassant de son manteau.
Il commençait à transpirer.
— De quoi parles-tu ? Je suis entré presque en même temps
que toi, et je ne t'ai jamais vue sur scène.
Bridget gloussa.
— Je croyais que tu étais un expert. Tu ne sais pas qu'il
existe des box privés ?
Il s'écroula sur le canapé, atterré.
Elle se moquait du scandale, de la colère et de la déception
de ses parents. Elle avait beaucoup changé depuis qu'elle vivait
à Chicago, et pas à son avantage.
— Arrête, Bridge. Ce n'est pas drôle ! Que va penser ta
famille?
Bridget décrocha le soutien-gorge rose de son cintre et s'en
frotta la j o u e .
— Adam, tu prends tout au tragique.
Le rose lui allait bien au teint. Il l'imagina ôtant le bout de
tissu brillant avec une affolante lenteur, pour lui seul.
— Non!
— Non, quoi?
Il bondit sur ses pieds et s'approcha de la jeune femme— Tu ne peux pas continuer. En l'absence de tes parents,
je te l'interdis.
— Ah oui ? Comment comptes-tu t'y prendre ?
— Je ne sais pas encore... Je peux te prêter de l'argent, si
tu en as besoin. Combien veux-tu ?
Bridget sourit et lui caressa le torse avec le petit bout de
tissu rose.
— Tu paries sur les céréales, le soja, le bétail, n'est-ce pas ?
C'est ton métier. Nous allons donc parier.
— Sur quoi ? questionna-t-il, de plus en plus troublé,
imaginant les seins généreux de la j e u n e femme gainés dans
la brassière rose.
— Sur ton objectivité. Si tu penses que je ne suis pas assez
bonne pour danser au Frisky's, je te promets de renoncer à ma
carrière d'effeuilleuse.
— Tu as l'intention de me faire une démonstration ? s'étrangla-
t-il.
Le regard bleu de Bridget ne cilla pas.
— Alors, on parie?
Où était passée la fille innocente qui s'empourprait pour un
oui ou pour un non?
— D'accord.
Elle le repoussa vers le canapé où il se laissa choir lourde¬
ment.
— Parfait.
Il admira ses formes pleines, qui tendaient ses vêtements
moulants, quand elle se pencha pour choisir un CD dans la pile,
et il s'agita, mal à l'aise.
Si elle lui faisait autant d'effet habillée, qu'adviendrait-il
quand il la verrait à moitié nue ?
Elle alluma le lecteur et se mit à onduler au son de Let 's Get
It On, de Marvin Gaye. Une musique langoureuse, qui réveilla.les pulsions qu'il cherchait à refréner. Après quoi, elle dénoua
ses cheveux et les secoua avec un petit sourire. Des cascades
couleur de miel, de café et d'or se répandirent sur ses épaules.
Il frémit, rêvant de les sentir ruisseler entre ses doigts.
Elle redressa la tête et prit une profonde inspiration.
—- Bridge, tu n'es p a s obligée de le faire si tu n'en as pas
envie, risqua-t-il.
Elle parut aussitôt reprendre du poil de la bête.
— Primo, arrête de m'appeler Bridge, c'est un prénom
masculin. Deusio, j e ne suis pas un garçon, comme tu vas t'en
apercevoir tout de suite, conclut-elle en déboutonnant sa tunique
avec une affolante lenteur, avant de la laisser tomber à terre,
dévoilant son soutien-gorge et son ventre plat.
Il se cramponna au divan à la vue de ses dessous affriolants,
l e corps bandé comme un arc, l e sexe en émoi.
Le soutien-gorge révélait la courbe crémeuse de ses seins,
contrastant avec la dentelle noire sous laquelle pointaient les
mamelons érigés.
La j e u n e femme fixa son bas-ventre et écarquilla les yeux
en remarquant le renflement de son pantalon.
Il savait qu'il allait perdre le pari, mais il était trop tard : le loup
s'apprêtait à bondir sur sa proie. Il fallait qu'elle poursuive.
Ce qu'elle f i t.
Elle ouvrit la fermeture Eclair de sa j u p e et la laissa glisser
sur ses chevilles en ondulant des hanches.
Il l'examina des pieds à la tête, depuis ses hauts talons jusqu'au
porte-jarretelles de dentelle noire, en passant par les bas résille
noirs et la culotte de satin noir.
Oh, toute cette dentelle, tout ce n o i r . . . Ce spectacle le
rendait fou.
Le mouvement qu'elle f i t pour enjamber le petit tas d'étoffe
gisant à ses pieds confirma ses soupçons : elle portait bien unstring, et l'envie le démangea de faire courir ses mains sur sa
chair rebondie.
Il déposa les armes quand elle s'attaqua aux agrafes de son
porte-jarretelles.
— Bon, bon, d'accord. Tu as gagné. Tu p o u r r a i s faire
fortune au Frisky's. Dis-moi que tu n'y penses pas, Bridget,
je t'en prie !
Elle sourit de toutes ses dents.
— Pas si vite, je n'ai pas encore fini.
— Tu n'as p a s fini 1
Bridget chaloupa vers le canapé sur ses hauts talons.
— Le strip-tease ne suffit pas. Le l a p d a n c e est d ix fois plus
lucratif. Tu veux voir ?
Il sentit sa raison défaillir, surtout avec Marvin qui roucoulait
sa romance.
Comment imaginer une séance de l ap dance platonique avec
une femme qu'il désirait depuis des lustres ? Il fallait vraiment
être maso.
B r i d g e t se c a m p a d e v a n t A d a m , les p o i n g s sur les
hanches.
Elle aurait cru mourir de honte à l'idée de se pavaner en
petite tenue devant lui, les seins et les fesses à moitié à l'air. Eh
bien non, c'était tout le contraire.
Elle nota l'érection qui gonflait le devant de son pantalon
et son regard trouble, tandis qu'il la fixait comme s'il n'avait
jamais regardé une femme avant elle.
Elle n'était plus la petite soeur. C'était déjà ça ! Elle se sentait
toute-puissante, la déesse du sexe.
Elle prit son courage à deux mains et, grimpant sur le canapé,
se jucha sur ses genoux.— Bridge... , gémit Adam.
Décidément, il avait la tête dure.
— Bridget, corrigea-t-elle en entamant une sorte de
danse.
Elle ne le touchait pas, mais la chaleur qui irradiait de son
corps viril suffisait à l'embraser toute. Elle se tortilla davantage
et, prenant ses seins en coupe, les approcha du visage d'Adam
et se mit à en caresser les tétons durcis à travers la dentelle.
Il déglutit, les pupilles dilatées.
Sans le quitter des yeux, elle passa les bras derrière son dos
pour dégrafer son soutien-gorge, et il étouffa un hoquet tandis
qu'elle s'en débarrassait d'une chiquenaude, dénudant ses seins
fermes et puissants aux formes voluptueuses.
Elle s'interrompit un bref instant, pour faire monter la tension
d'un cran.
Longtemps, elle avait détesté ses larges aréoles, qu'elle s'ingé¬
niait à dissimuler du mieux qu'elle pouvait. Plus maintenant.
Adam leva la main, puis suspendit son geste.
— Tu peux toucher.
Il la dévisagea gravement.
— Si je commence, je ne pourrai plus m'arrêter, je te
préviens.
Elle l'enfourcha carrément, son sexe bandé se pressant
exquisément entre ses cuisses.
— Je n'ai pas la moindre envie que tu t'arrêtes.
Ce contact mit fin aux hésitations d'Adam.
Curieusement, il ne chercha pas à caresser ses seins mais,
l'agrippant par les épaules, il s'empara de ses lèvres.
Sa bouche était avide et douce à la fois, et, quand elle y insinua
la langue, il ne tenta pas de se dérober et lui rendit son baiser,
sa langue entamant avec la sienne un lent ballet voluptueux. Il
l'embrassa passionnément, la rendant folle d'excitation.