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ÇáÊÓÌíá: Apr 2008
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CHAPITRE 13


Quand les premiers secours arrivèrent, ils ne purent que confirmer à Carolyn et Alan ce qu’ils savaient déjà. Suzanne Kimble avait succombé à une asphyxie par le gaz. Avait elle elle-même ouvert les robinets, ou était-ce l’œuvre d’une main étrangère ? se demandait Alan.
La réponse était inscrite sur un papier maintenu sur la porte du réfrigérateur par un aimant.
Je commets cet acte parce qu’il est trop tard pour réparer l’irréparable. Tout est à cause de moi. De ma faiblesse. Je vous demande pardon. Suzanne.
Alertée par l’arrivée de l’ambulance, Mme Reilly, la voisine, se précipita aux nouvelles. Comme elle avait donné le chiot à Suzanne, elle proposa de le reprendre, ce qui ôta un poids à Carolyn.
Le procureur et deux policiers ne tardèrent pas à arriver. Carolyn se présenta comme l’employeur de Suzanne et présenta Alan comme son mari. Préférant garder secret le véritable motif de leur visite, ils ne dirent pas un mot de l’incendie et expliquèrent qu’ils avaient trouvé le corps inanimé de Suzanne alors qu’ils venaient lui rendre visite, et que sa maison sentait le gaz à plein nez.
— Inutile de leur donner du blé à moudre, dit Alan une fois revenu dans la voiture. C’est peut-être Suzanne qui a mis le feu ? Peut-être pas ? Quoi qu’il en soit, le mot qu’elle a laissé montre qu’elle était bourrelée de remords.
— Parce qu’elle était enceinte, lança Carolyn.
Alan ouvrit les yeux tout ronds.
— Enceinte ? Qu’en sais-tu ?
— Quand je l’ai examinée pour essayer de trouver un signe de vie, cela n’a pas échappé à mon œil de médecin. Je dirais même qu’elle devait être enceinte de trois mois. Le procureur, qui va sûrement demander une autopsie, le confirmera, j’en suis sûre. Et grâce au test d’ADN, nous saurons qui est le père.
Carolyn eut une moue désabusée.
— Car je doute que quelqu’un se manifeste pour revendiquer cette paternité.
Alan ne réclamerait pas ce test. A son avis, il n’y avait pas de lien entre la vie privée de Suzanne et l’incendie. En revanche, elle pouvait être le pivot des fausses commandes, celle qui faisait partir complaisamment les caisses de médicaments vers le réseau illicite, pour satisfaire un tiers dont l’identité restait, à ce jour, un mystère.
— Veux-tu que nous retournions à Horizon ? proposa Alan à Carolyn. Ou veux-tu que nous nous arrêtions pour déjeuner ?
Droite comme un i dans son siège, elle hocha la tête.
— Je n’ai pas faim, mais j’ai besoin de me remettre. Après ce qui vient encore de se passer… Dépose-moi à la maison, veux-tu ? Je vais profiter de l’après-midi pour me détendre, ce qui va te laisser libre de faire ce que tu veux.
— Est-ce que tu me promets de ne pas bouger de la maison ? Je ne veux pas que tu te promènes sans moi. C’est ça, les maris jaloux !
Il fit une mimique qui dérida Carolyn.
— Je vois ! Et moi, je suis la petite épouse docile. On est quittes ! Et comme je suis aussi une petite femme dévouée, je vais jouer les vestales et entretenir le feu, le temps que tu seras absent.
Elle trouva sa réplique affreusement plate et en eut honte, mais son esprit était ailleurs. Depuis le drame de ce matin, des questions sans réponse se télescopaient dans sa tête.
— Tu devrais plutôt chauffer le lit pour mon retour, plaisanta-t il espérant lui changer les idées.
— C’est un défi ?
— Non, un espoir.
Il avait osé !
Il tourna la tête vers elle et la vit rougir.
L’image de Carolyn, nue et tiède dans son lit, ouvrant les bras pour l’accueillir, lui fit oublier un instant sa conduite. Sans même s’en rendre compte, il leva le pied.
— Tu t’arrêtes ? lui demanda Carolyn.
— Oh, pardon !
Mentalement, il maudit le sort qui était en train de le rendre amoureux. Cette femme ne lui était pas destinée. Tout les séparait. Il fallait être fou pour espérer qu’à la fin de cette affaire, quand tout serait terminé, elle pourrait songer à partager ou à construire quelque chose avec lui.
Arrivé à la résidence, nourrissant l’improbable mais violent espoir d’une récréation amoureuse dans ses bras, il hésita un instant à monter avec elle. Mais la gravité de la situation à laquelle s’ajoutait maintenant le suicide de Suzanne lui imposait de repartir très vite.
— Je monte avec toi, dit il, mais je ne m’attarde pas. Je ne serais pas surpris que Della et Jasper aillent directement aux laboratoires. Tu n’auras qu’à m’appeler là-bas, si tu veux. J’ai vu que la voiture de Lisa n’était pas là, et le bateau de Buddy non plus. J’en déduis qu’il n’y a personne à la maison. Repose-toi, je serai de retour pour dîner.
— Sois prudent, dit elle en s’efforçant de cacher son inquiétude.
Elle le regarda, et s’assit au bord du lit.
« Sois prudent », se répéta-t elle tout bas. Jamais ces deux mots ne lui avaient paru si lourds de sens. C’était étrange… Une sensation de peur lui étreignait la poitrine, comme si un danger imminent le menaçait. Comme si, dès l’instant où elle le perdrait de vue, une gorgone qui le guettait allait le dévorer.
Quelle raison obscure la poussait à s’inquiéter pour lui ? Etait il donc devenu si important à ses yeux ?
Elle le regarda. Il dégageait quelque chose d’indéfinissable qui le rendait très attirant. Etait-ce son sourire ? Ses beaux yeux ? Les mèches sur son front qu’elle brûlait de toucher ? Ses mâchoires, carrées et viriles ? Ou sa bouche, qui lui rappelait un baiser ardent qui l’avait fait chavirer ?
— Je ferais peut-être mieux de t’accompagner, lui dit elle, la voix rauque.
Il se serra contre elle.
— Tu as l’air préoccupée. Tu as tort. Ce qui s’est passé aujourd’hui, même notre courte escapade d’hier soir, n’a pas été inutile. Tout montre que la situation évolue. Tant que ça bouge, c’est bon signe. Des faits inattendus finiront bien par se produire, qui nous donneront l’occasion de découvrir des choses que certains ont tout intérêt à garder secrètes. C’est ça, le jeu.
— Ce jeu-là ne m’amuse pas. Je n’ai pas envie d’y jouer.
Il rit et posa sur elle un regard doux comme une caresse.
— Tu es un trésor. Rappelle-moi de te demander en mariage, un jour.
— Rappelle-moi de te dire oui.
Avait elle répondu ainsi pour poursuivre sur le ton de la plaisanterie, ou pour lui suggérer de la prendre au sérieux ? Il n’aurait su le dire. De toute façon, ce n’était pas le moment de continuer dans cette voie. D’ici la fin de l’enquête, elle aurait largement le temps de le prendre en grippe.
Il déposa un baiser plus léger qu’un battement d’aile de papillon sur son front.
— Essaie de passer une bonne journée, dit il. N’oublie pas que tu as la piscine ou le Jacuzzi à ta disposition pour délasser tes muscles.
— Pour montrer mes bosses et mes plaies ? Génial !
Elle planta son regard dans le sien.
— Ne t’inquiète pas pour moi, je trouverai bien quelque chose à faire pour occuper mon après-midi.
L’expérience avait appris à Alan à lire dans les voix. Une simple inflexion, une hésitation étaient souvent plus révélatrices que les mots eux-mêmes. Carolyn savait précisément ce qu’elle allait faire de ses heures de liberté. Elle ne le lui avait pas dit, mais il l’avait compris.
— Alors, c’est quoi, ton programme ? demanda-t il d’une voix un peu brusque, en se levant.
Elle hésita une seconde.
— Je vais faire la petite souris dans le grenier. Morna a dit qu’ils y avaient entreposé les affaires de mon grand-père pour libérer sa chambre et nous la donner.
Il esquissa un geste vers elle.
— Non, je n’ai besoin de personne pour m’aider, ajouta-t elle pour couper court à toute proposition. J’ai juste envie de fouiller dans ses affaires personnelles. J’y trouverai peut-être des choses sur ma mère. Des photos… Celles de Jasper étaient plutôt frustrantes.
— Je n’aime pas l’idée que tu fasses cela toute seule.
— Pourquoi ?
Le menton pointé, elle avait l’air si déterminée qu’il n’insista pas. Toute discussion pour la dissuader resterait vaine : il la connaissait assez, maintenant, pour en être sûr. Elle avait décidé de passer l’après-midi dans les soupentes ? Elle le ferait. Et comme elle n’aimait pas faire étalage de ses sentiments, elle préférait être seule pour pleurer si elle découvrait un document ou tout autre témoignage sur sa mère. Pleurer devant un étranger ? Elle était trop fière pour l’accepter. N’empêche, il aurait aimé que les choses se passent autrement.
— Je te recommande de ne pas en faire trop, se permit il d’ajouter.
— Je te promets que non. Si je tombe sur un document concernant la société, je le mets de côté pour l’examiner plus tard.
Le ton était sans appel. Il ne lui restait qu’à s’en aller, à quitter la pièce en souhaitant de tout cœur que cette expédition dans le grenier lui apporte le réconfort et la paix. Cette paix qui l’aiderait à panser les blessures qu’une enfance bousculée avait ouvertes et que la vie, ensuite, n’avait jamais cicatrisées.
Carolyn trouva Morna dans la salle à manger en train de donner ses ordres à Lotus pour le dîner. La gouvernante n’avait pas perdu son air hostile, et l’arrivée de Carolyn sembla beaucoup la contrarier.
A l’hôpital, Carolyn avait connu une infirmière chef qui lui ressemblait trait pour trait. Avenante comme un dragon, elle traitait le personnel de son étage — médecins, infirmières, aides-soignantes et visiteurs — avec le plus parfait dédain. Carolyn avait appris à ignorer l’hostilité de cette femme. Le moment était venu d’appliquer à la gracieuse créature qui régentait les cuisines l’expérience acquise à l’hôpital.
— Morna, j’ai l’intention de passer l’après-midi dans le grenier, déclara Carolyn sans préambule. Il faudra que quelqu’un me montre où sont entreposées les affaires de mon grand-père.
— Nous sommes dimanche, répliqua la gouvernante, comme si Carolyn l’ignorait. Il vaudrait mieux reporter cela à un autre jour.

S’attendant manifestement à un non catégorique, Morna, butée, serra les dents, prête à contre-attaquer. Mais Carolyn se tut. Devant le silence qui s’éternisait, Morna siffla d’un ton pincé :
— Je vais appeler Mack. Il est dans la serre. Je pense qu’il n’en a plus pour longtemps.
Feignant de ne pas avoir noté le ton désagréable de la réponse, Carolyn pivota sur elle-même.
— Très bien, je vais l’attendre dans le boudoir.
Précédé d’un nuage d’odeurs, Mack ne tarda pas à arriver. Il avait dû manipuler du terreau et des engrais, car, outre les effluves que dégageait sa présence, sa combinaison de jardinage était tachée. Il essuya ses mains sales sur son vêtement.
— Morna m’a dit que vous vouliez me voir ? Elle était énervée. Je sais que j’ai pris du retard, mais avec les pluies, ça a beaucoup poussé, alors pour désherber…
— Pas de problème, Mack, assura Carolyn. J’ai vu le jardin, il est magnifique. J’ai simplement besoin que vous m’aidiez, ça ne prendra pas longtemps. Nous allons aller dans le grenier et…
Carolyn lui expliqua ce qu’elle avait entrepris de faire, ce qui rassura Mack, qui s’attendait peut-être à un licenciement.
— Tout de suite ? s’enquit il.
— Oui, Mack. Tout de suite.
Soulagé, il se dirigea vers l’escalier qui montait au deuxième étage. Carolyn lui avait emboîté le pas. Un deuxième escalier, dérobé celui-là, menait aux soupentes. A la porte du grenier, il décrocha son trousseau de sa ceinture et essaya plusieurs clés avant de trouver la bonne. La porte grinça sur ses gonds. Il se pencha à l’intérieur, actionna l’interrupteur et recula pour laisser le passage à Carolyn.
Le grenier, avec son savant enchevêtrement de poutres, était bas, mal éclairé par une lampe pâlotte et des vasistas trop peu nombreux pour la grandeur du local. Un amas d’objets l’encombrait — valises, cantines, cartons, tonneaux, petit mobilier et bibelots de toutes sortes. Tout était en vrac, ni trié, ni rangé. Jamais Carolyn n’avait vu pareil bric-à-brac. Ce n’était pas des jours, encore moins des heures, mais des semaines qu’il lui faudrait pour y voir un peu clair dans ce fatras.
— C’est un peu la pagaille, ici, convint Mack, gêné. Ça doit faire des années que la famille entasse tous ses vieux trucs là-dedans. C’est souvent comme ça, avec ces vieilles maisons, vous savez.
Non, elle ne savait pas. Elle n’avait pas eu de famille, ni de maison, et elle se sentait comme une intruse. De quel droit était elle là, s’apprêtant à fouiller dans les souvenirs des autres ?
— Je crois qu’on a fait entrer les affaires de votre grand-père par la lucarne qui est là-bas au fond. Arthur n’avait pas beaucoup de vêtements. C’étaient surtout des livres, des papiers et des choses qui se trouvaient dans sa chambre et son bureau, expliqua Mack, essayant de se frayer un chemin dans cet indescriptible désordre. Vous n’avez qu’à me dire ce que vous voulez et je vous le descendrai.
— C’est que… je ne sais pas au juste ce que je cherche, répondit elle avec sa franchise habituelle. Si j’ai besoin de descendre quelque chose, je vous appellerai, Mack. Je pense qu’en approchant les cartons des vasistas, j’aurai assez de jour pour voir ce qu’il y a dedans.
Elle montra du doigt un vieux tabouret.
— Je vais m’asseoir là-dessus. J’espère qu’il tient encore debout.
— Sûr que oui. Tenez, je vais vous aider. Dites-moi le carton que vous voulez ouvrir.
— Tous, Mack. Je veux tous les ouvrir. Je crois que j’ai de quoi occuper tout mon après-midi. Maintenant, merci, vous pouvez me laisser.
— C’est bon, je retourne à mon travail, alors. Vous êtes sûre que vous ne voulez pas que je demande à une des filles de monter vous aider ?
Elle hocha la tête.
— Non, je crois que j’aime autant faire ça toute seule.
Sur ces mots, il redescendit les marches. Entendant ses pas s’éloigner, Carolyn regretta de s’être obstinée dans son refus. A plusieurs, cela aurait été plus sympathique et surtout moins inquiétant. Non pas qu’elle crût aux esprits mais, dans cette soupente obscure pleine de recoins et d’ombres sépulcrales, l’apparition d’un fantôme n’aurait pas été surprenante. Glacée jusqu’aux os, elle sentit la chair de poule lui hérisser les bras.
Les doigts tremblants, elle commença à fouiller. Ici, une pipe de bruyère, culottée par l’usage et qui sentait encore bon l’Amsterdamer, ce tabac au goût de miel et de pain d’épice qu’elle aimait tant. Là, des livres. Des dizaines, des centaines, des milliers peut-être. Pêle-mêle. Reliés pleine peau et dorés sur tranche, ou simplement brochés. De quoi peupler la bibliothèque de l’intellectuel le plus érudit. Elle parcourut les titres, prit un volume, le feuilleta. Les initiales de son grand-père étaient gravées sur la page de garde : A. S. Peu à peu commença à se forger le portrait de son aïeul. La silhouette était encore floue. Il aimait lire, fumer la pipe, collectionner des figurines d’artisanat indien de bois sculpté.
Désireuse d’aller plus loin dans la découverte de cet homme qu’elle n’avait, hélas, pas connu, elle ouvrit d’autres cartons. C’était toujours le même fouillis. Papiers, journaux qu’il avait mis de côté pour une raison connue de lui seul…

Rien de personnel. Rien qui la concerne, rien de sa mère. Sur le point d’arrêter sa prospection, elle ouvrit un dernier carton. Des photos encadrées !
La bouche sèche, les mains tremblantes, elle les sortit une à une. Arthur et sa femme en tenue de mariés. Carolyn resta un moment en contemplation et reposa le cadre. Ce n’étaient pour elle que deux étrangers qui la fixaient, et rien de plus. Déçue de ne rien éprouver, elle soupira. Il y avait une photo de Jasper le jour de la remise des diplômes de fin d’études. Il semblait un peu empesé dans sa toge. Déjà, à l’époque, la vie paraissait lui peser comme un fardeau. C’était finalement assez triste. Il restait encore un cadre au fond du carton. Un cadre en argent ciselé. Elle plongea la main, le retourna et… enfin apparut la photo qu’elle attendait. Une blonde cendrée de seize ou dix-sept ans, ravissante, souriait à l’objectif. Elle l’approcha pour lire ce qui y était inscrit.
Pour Papa,
Alicia qui t’aime.
Bouleversée, elle ferma les yeux. Le film de son enfance se mit aussitôt à se dérouler sous ses paupières closes. Ses errances d’enfant abandonnée, promenée de foyer en foyer, reçue mais pas accueillie, ou si mal… Le sentiment de solitude atroce qui l’avait habitée tout au long de ces années lui noua l’estomac. La gorge serrée, elle cligna des yeux. Un voile de larmes lui brouillait la vue. Enfant, les mots papa et maman symbolisaient le vide de sa vie. Cela n’avait pas changé depuis. Et aujourd’hui… D’un index tremblant, elle dessina les contours de ce visage qui ressemblait tant au sien. Elle espérait trouver l’apaisement dans le fil retrouvé de sa généalogie. Dans la réalité de son identité.
Elle se trompait.
— Maman…, murmura-t elle, un sanglot dans la voix. Maman.
Mais ce n’était qu’une coquille vide, un mot auquel ne se rattachait aucun souvenir capable de lui donner un sens.
— C’est trop tard, dit elle, brisée. Trop tard.
Soudain, des bruits de pas happèrent son attention. Sans perdre une seconde, elle replaça le cadre dans le carton, se leva et se sécha les yeux.
— Alan ? appela-t elle, inquiète.
Une silhouette s’encadra dans la porte. Non, elle rêvait. Cela ne pouvait être lui. La pénombre la trompait.
— Alan ? interrogea-t elle de nouveau.
— Ah, te voilà, dit il. Il me semblait bien avoir entendu du bruit.
— Que fais-tu ici ?
— Je n’en sais trop rien, avoua-t il.
Il avança vers elle, remarqua deux sillons luisants sur ses joues. Elle avait pleuré. Il l’avait pressenti.
Cédant à son intuition, il avait fait demi-tour en cours de route.
— J’ai deviné que tu aurais besoin d’un gros câlin, dit il avec douceur.
Il la prit dans ses bras, la serra contre lui, mais elle se raidit comme si elle redoutait de céder aux marques de tendresse qu’il lui témoignait. Apparemment humiliée d’être surprise en état de faiblesse, elle se dégagea et se rassit sur le tabouret.
— J’ai été un peu remuée de regarder tout cela…
Elle replongea la main dans le carton et en sortit le cadre qu’elle lui tendit.
— Tiens… Je pense que la photo a été prise quand elle est partie avec mon père.
Il opina de la tête.
— Je pense que tu as raison. Elle devait avoir dans les seize ans, non ?
Elle avait beau tout faire pour se contrôler, sa voix et ses gestes trahissaient une immense émotion. Pourquoi se forçait elle à faire bonne figure ? Pour lui ?
Il rapprocha la photo et l’examina. La mère et la fille se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Mêmes cheveux blonds, même sourire rayonnant, même regard droit et énergique. Oui, elles se ressemblaient, à un détail près cependant. Carolyn tenait son avenir entre ses mains, et était bien décidée à ne pas le gâcher.
— J’ai presque fini le carton, dit elle, tout en prenant une grande enveloppe dans le fond de la boîte.
Celle-ci était remplie de photos de toutes tailles qu’elle renversa sur ses genoux.
— Mon Dieu ! s’exclama-t elle en sursautant. C’est moi !
Très vite, elle en fit glisser quelques-unes entre ses doigts. Pas de doute possible, c’était elle. A son insu, quelqu’un l’avait photographiée dans ses diverses activités. C’était un véritable kaléidoscope des cinq dernières années de sa vie. Sur une photo, on la voyait marcher dans un couloir d’hôpital. Les autres la représentaient en train de décrypter des radios, de sortir de la clinique, de monter chez elle par l’escalier extérieur, de faire des courses avec Rosie, ou penchée sur son bureau de la société d’investissements financiers où elle avait travaillé. Et des dizaines d’autres.
Interloquée, horrifiée et furieuse d’avoir été espionnée, elle les rejeta dans le carton. C’était intolérable, on avait violé sa vie privée !

C’était sûrement son grand-père, le fautif. Il avait loué les services d’un détective pour l’épier. Il savait donc tout d’elle, mais au lieu d’avouer ouvertement leur lien de parenté, il avait agi comme un lâche, en cachette.
D’un revers de la main, elle balança à terre les dernières photos restées sur ses genoux.
— Du calme, lui dit Alan. Du calme…
— Il peut les garder, sa maison, ses labos et tout le reste ! s’écria-t elle. Il m’a privée de la seule chose qui comptait. Il n’a pas osé m’aimer pour ce que j’étais.
Des larmes brûlantes se mirent à dévaler sur ses joues pâles.
— Il voulait être sûr que je valais quelque chose. Que j’étais digne d’être une Stanford. Eh bien, justement, je ne le suis pas. Et rien de ce que j’ai vu et entendu ne m’y incite.
Elle repoussa la main qu’Alan avait posée sur son bras et se rua dans l’escalier qu’elle dévala quatre à quatre. C’était urgent : il fallait qu’elle s’en aille, qu’elle s’éloigne de ce qui lui faisait si mal. Descendue au deuxième étage, dans un état de confusion extrême, elle se trompa et, au lieu de tourner à droite, prit à gauche en direction de l’aile qu’occupaient Della et Jasper.
Se rendant compte de son erreur, elle freina des quatre fers et, comme elle faisait demi-tour, tomba nez à nez avec Alan. Vexée, elle crut qu’elle allait pleurer. Elle ne s’était pas rendu compte qu’il la suivait depuis qu’elle avait quitté le grenier. Sans dire un mot, il la prit par les épaules et l’attira à lui. Trouvant dans ce geste le réconfort dont elle avait besoin, elle oublia qu’elle avait décidé de fuir cette maison et se laissa guider vers leur chambre sans protester.
Alan referma la porte derrière eux et la regarda avec une tendresse infinie. Non, il ne la jugeait pas. Non, il n’était pas agacé par la crise qu’elle venait de traverser. Il était donc inutile qu’elle lui joue la comédie, qu’elle lui cache le chagrin qui l’avait submergée et s’excuse pour son comportement excessif. Elle pouvait lui faire confiance : il comprenait.
Elle vit un muscle de sa mâchoire se contracter tandis qu’il se penchait sur elle.
— C’est Arthur qui est le grand perdant, dans cette histoire. Il s’est privé de toi par manque de courage, alors qu’il aurait pu te réclamer et te choyer. Je pense que c’est quand il en a pris conscience qu’il a modifié son testament. S’il avait vécu, je suis convaincu qu’il aurait tout fait pour se rapprocher de toi, pour t’inclure dans sa vie. Il en aurait été récompensé, car un trésor comme toi…
— Tu es trop gentil !
— Puis-je te serrer dans mes bras, maintenant ?
Elle fit oui de la tête.
La tenant fermement contre lui, il la vit tendre le visage et lui offrir ses lèvres. Il les prit et échangea avec elle un baiser de feu qui les laissa haletants. Puis il enfouit la tête au creux de son cou, là où battait un sang frénétique. Sentant sa langue sur sa peau, elle frissonna.
Il releva alors la tête. Enhardie par le désir qu’elle lisait dans son regard, elle happa ses lèvres pour le plus torride des baisers. Bouches soudées, éperdu, il la souleva dans ses bras et la porta sur leur lit où il l’étendit. Leurs vêtements, arrachés, volèrent et retombèrent pêle-mêle sur la moquette. Il la tenait entre ses mains et la couvrait de caresses. Toute tremblante dans ses bras, elle le caressait, le palpait, le griffait, émerveillée par l’incroyable désir qu’elle lui inspirait.
Jamais elle n’aurait imaginé que l’on puisse ressentir une émotion si violente en faisant l’amour. Donner, prendre, partager… Pour la première fois de sa vie, elle comprenait ce que le mot « plénitude » voulait dire.
Apaisée, elle soupira de bonheur et se blottit contre sa poitrine.
— Tu soupires ? lui dit il, frottant le nez contre sa joue encore toute chaude.
— Je me disais que ma nuit de noces avait mis du temps à venir, répondit elle en lui tendant de nouveau son visage. Mais cela en valait la peine.

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ princesse.samara   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
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CHAPITRE 14

Ils furent en retard pour le dîner. Lisa était seule à table, qui avait été dressée pour six couverts. Elle leur jeta un regard entendu, comme si les stigmates de leur étreinte marquaient encore leurs visages.
— Manger n’est pas tout dans la vie, n’est-ce pas ? Il y a encore mieux, dit elle à Carolyn en lui faisant un clin d’œil.
— C’est vrai, approuva Alan en souriant à Carolyn.
Il lui approcha une chaise et l’aida à s’asseoir. Les deux dernières heures l’avaient transporté. Il n’avait jamais éprouvé de telles sensations, de telles émotions. Pourtant, il avait été heureux en ménage, mais ce qu’il venait de vivre avec Carolyn avait surpassé en intensité ce qu’il avait connu alors. Il n’était plus un mari d’opérette. Il fit le vœu de s’engager à lui apporter tout le bonheur que l’on peut espérer, si elle prenait la décision de le garder dans sa vie.
Comme Lotus commençait à servir, Alan sourit à Lisa.
— Qu’avez-vous fait, dimanche ?
— J’étais chez un ami, répondit elle sans l’ombre d’une hésitation. Et cet après-midi, j’ai joué au golf au club. Ne me dites pas que vous avez passé un jour pareil à Horizon ! Il faisait trop beau pour rester enfermés.
— Nous y avons passé une partie de la journée, répondit Carolyn. Morna ne t’a pas dit qu’il y a eu un début d’incendie aux laboratoires ?
— Quoi ?
Lisa posa son verre sur la table.
— Où ça ? Comment ? Et quand ? interrogea-t elle, tombant apparemment des nues.
Soit elle était une comédienne hors pair, soit elle n’était vraiment pas au courant, se dit Alan en lui racontant l’affaire.
— Je n’en reviens pas… Maman et Jasper sont informés ?
— Je leur ai téléphoné, répondit Carolyn. C’est sans doute pour cela qu’ils sont en retard.
— Elle va en faire une jaunisse ! s’exclama Lisa. Elle est attachée à cette boîte comme à la prunelle de ses yeux. Je ne voudrais pas être à la place du cinglé qui a mis le feu !
— As-tu une idée de qui cela peut être ? s’enquit Carolyn. Sais-tu si ta mère a parlé de licencier un employé ? Ou si un concurrent a été évincé d’un marché ? Ou si quelqu’un avait une raison de vouloir se venger ?
— Elle ne me parle jamais de son travail, répliqua Lisa. J’ai souvent demandé si je pouvais travailler là-bas, mais elle a toujours refusé. Elle dit qu’elle ne veut pas m’avoir dans les jambes.
Le ton était amer, malgré les efforts qu’elle faisait pour cacher son ressentiment.
— Tant pis pour elle ! Je vais continuer à être futile et frivole. Elle l’aura voulu !
Alan posa encore quelques questions qui ne l’éclairèrent pas davantage.
Quelques minutes plus tard, alors que Lotus commençait à débarrasser, Della et Jasper firent leur entrée. Lisa bombarda aussitôt sa mère de questions auxquelles, visiblement, celle-ci n’avait pas envie de répondre.
— Ça suffit maintenant, tout va bien, coupa Della d’un ton sec.
— On ne parle pas à table de sujets qui fâchent, poursuivit Jasper lançant un regard glacial à Alan et Carolyn.
Jasper et Della commencèrent à manger en silence. Ils ne posèrent pas de questions sur l’incendie. Ni sur le suicide de Suzanne Kimble. Ils n’ignoraient certainement pas, pourtant, que Carolyn et Alan étaient sur les lieux au moment des faits. Ce manque de curiosité étonna Carolyn, qui fit signe des yeux à Alan.
Ce silence était troublant, se disait Alan, de son côté. Que représentait la disparition de Suzanne pour Della ? Juste la perte d’un responsable, ou beaucoup plus ? Il semblait évident, à présent, que plusieurs personnes étaient impliquées dans le trafic des médicaments. Si Suzanne était un maillon de la chaîne, et Della un autre — le chef d’orchestre de l’organisation, peut-être ? —, c’était un complice de premier plan qu’elle venait de perdre en la personne de Suzanne. Qu’allait elle faire sans elle ? Mettre un terme à ce trafic illicite ou inventer un nouveau circuit ?
Un silence pesant planait dans la salle à manger. Buddy n’était pas là pour détendre l’atmosphère, et c’était bien dommage, pensa Carolyn. Lisa semblait d’humeur maussade. Etait-ce à cause de Cliff ?
Elle aurait aimé la mettre en garde contre ce personnage peu recommandable, mais comme elle était supposée tout ignorer…
Ils entamaient le dessert quand le téléphone sonna.
— Dites que je rappellerai, ordonna Della à la domestique.
— Ça a l’air important, insista Morna. C’est un journaliste.
— Bon sang ! jura Jasper. Il y en a qui se sont crus obligés de parler…
Vert de colère, il foudroya Carolyn et Alan du regard.
— Morna, apportez-moi le téléphone, lança Della, exaspérée. Autant que tout le monde entende ce qu’on lira dans la presse demain matin. J’imagine qu’ils vont en rajouter pour rendre l’affaire plus juteuse.
Morna tendit le téléphone à sa maîtresse.
— Allô, oui !
Les trois syllabes claquèrent comme un coup de fouet. Après quelques secondes, l’écouteur à l’oreille, Della fronça le nez. Alan la vit ouvrir des yeux ronds, puis respirer avec difficulté. Sans doute, à l’autre bout du fil, mentionna-t on les noms d’Alan et de Carolyn, car elle les balaya du regard tous les deux, l’air furieux.
— Je l’ignorais. Merci d’avoir appelé, dit elle enfin, très crispée.
— Que se passe-t il, maman ? C’est Buddy ? Il lui est arrivé quelque chose, c’est ça ? demanda Lisa, affolée.
— Non, ce n’est pas Buddy.
— C’est quoi, alors ?
Della, l’air mauvais, regarda Alan et Carolyn.
— Pourquoi ne m’avez-vous rien dit, vous deux ? Vous étiez pourtant au premier rang !
— Qui était-ce ? demanda Jasper, impatienté. Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?
— Je suppose qu’on vous appelait au sujet de Suzanne Kimble ? intervint Alan.
— Quoi ? Qu’y a-t il ? reprit Jasper. Ne me dites pas que c’est elle qui a mis le feu !
— Il ne s’agit pas de l’incendie ! lança Della. Suzanne est morte, elle s’est suicidée. C’est Carolyn et Alan qui l’ont trouvée, et ils ne nous en ont pas dit un mot.
Si les yeux de Della avaient été des pistolets, Carolyn et Alan seraient morts sur-le-champ.
— C’est incompréhensible ! Pourquoi ont ils laissé à quelqu’un d’autre le soin de nous l’annoncer ?
— Est-ce vrai ? demanda Jasper. Carolyn, puis-je savoir pourquoi vous ne nous en avez rien dit, alors que nous sommes assis depuis une heure autour de la même table ?
— Nous n’avons fait que respecter votre volonté, oncle Jasper, rétorqua Carolyn en le regardant droit dans les yeux. Si je me rappelle bien, vous avez décrété qu’il était malséant d’aborder des sujets qui fâchent à table. Je considère que le suicide d’une jeune et jolie femme est un sujet très triste. Pas vous ?
Il repoussa son assiette de dessert.
— Ton manque de jugement me déroute, Carolyn.
Des éclairs dans les yeux, Lisa se tourna vers Jasper, comme si elle n’attendait que cette occasion pour lui régler son compte.
— De quel droit vous autorisez-vous à décider de ce que l’on peut ou ne peut pas dire à table ? demanda-t elle. Vous n’êtes rien, ici. Vous n’avez pas votre mot à dire. Arthur vous a toléré ici, comme il nous a tous tolérés, mais c’est fini. Maintenant, c’est Carolyn qui commande. Nous sommes chez elle. C’est elle qui paie. En conséquence… si elle nous met tous dehors, ce sera votre faute.
— Lisa ! lança sa mère. Excuse-toi tout de suite !
— Non, cria Lisa en reculant sa chaise. D’ailleurs, je vais tout vous dire : j’ai l’intention de déménager d’ici. J’ai trouvé quelqu’un, et je me moque pas mal qu’il vous plaise ou pas.
Carolyn sentit son estomac se nouer. Cliff…
« Non, Lisa, non ! supplia-t elle en silence. Ne fais pas cela. Ne pars pas avec ce garçon… »
Telle une flèche, Lisa sortit hors de la pièce sous l’œil médusé de Carolyn. Sa mère allait sûrement la suivre, pensa-t elle. Elle se trompait. Della ne bougea pas, préférant laisser croire qu’il s’agissait d’un de ces accès de colère sans conséquence comme les jeunes filles en piquent souvent. Clouer Carolyn et Alan au pilori l’intéressait beaucoup plus.
— Que faisiez-vous chez Suzanne, Carolyn ? demanda Della. Et chez Nelly ? C’est elle qui m’a prévenue. Vous intriguiez derrière mon dos, c’est ça ?
Elle fulminait.
— Dites-le tout de suite, que vous complotez avec mes employées !
Volant au secours de Carolyn, Alan intervint.
— Nous pensions qu’elles pouvaient savoir qui avait allumé l’incendie.
— Ce n’est pas à vous de faire ça : c’est le travail de la police. De quel droit vous mêlez-vous de son enquête ? Et voilà le résultat ! ajouta-t elle. Maintenant, les médias ne vont plus lâcher Horizon. C’est tout ce que vous aurez gagné !
— Est-ce donc si dramatique ? demanda Alan. Je ne vois pas où est le problème.
Il sentit qu’elle frisait la crise de nerfs.
— Il y a des publicités qui font plus de mal que de bien, ce n’est pas moi qui vais vous l’apprendre. Des incendies, un suicide, et puis quoi encore ?
Elle avait raison. Quoi encore ? pensa Carolyn.
Irrité par le ton et les suspicions de Della, Alan se leva de table, aussitôt imité par Carolyn. Arrivés dans leur suite, il ferma la porte derrière eux.
— Je crois que je vais travailler, ce soir, dit il.
— Travailler ? Comment cela ?
Déçue, inquiète, elle chercha son regard. Regrettait il d’avoir fait l’amour avec elle, cet après-midi, et avançait il ce prétexte pour l’éviter ce soir ?
Sans doute vit il sa déception, car il s’expliqua aussitôt.
— Tu sais, ma chérie, je préférerais me glisser dans le lit avec toi et te serrer contre moi toute la nuit.
— Alors… ?
Il l’embrassa sur le front.
— Tu te demandes pourquoi cet empressement ? Parce que plus l’enquête piétine, plus elle s’éternise. Et plus elle s’éternisera, plus il y aura de victimes innocentes. La seule chose dont je sois sûr, à l’heure qu’il est, c’est que quelqu’un rajoute des commandes, en douce, aux commandes officielles. Cela ne peut pas se faire sans complices. Deux services sont dans ma ligne de mire : les commandes et les expéditions. En confrontant les ordres et les envois, je devrais réussir à trouver les discordances.
— Mais tu ne vas pas aller à Horizon à cette heure-ci ! Quelqu’un risque de prévenir Della, et elle se méfiera…
— J’y ai pensé, c’est pour cela que j’ai gardé ma chambre d’hôtel. J’ai un ordinateur, là-bas, avec accès direct au ministère de la Santé. Je leur ai déjà adressé des courriers électroniques et posé beaucoup de questions. Je leur ai aussi fait suivre des dossiers que j’ai ouverts dans l’ordinateur d’Arthur, et leur ai demandé de contrôler les grossistes et les revendeurs qui se fournissent chez Horizon.
— J’imagine que je ne peux pas t’aider ?
— Tu es le pilier de cette enquête, assura-t il. Continue à jouer ton rôle comme tu as commencé, et je suis certain que nous réussirons.
Elle passa les bras autour de son cou et lui tendit ses lèvres.
— Quel rôle ?
Il lui sourit amoureusement et s’accorda quelques minutes pour le lui expliquer…
A peine installé dans sa chambre d’hôtel, Alan appela l’agent en faction devant l’appartement de Cliff. Le rapport était négatif. A minuit, heure où se terminait la planque, personne ne s’était montré.
Autre déception : l’analyse des disquettes qu’il avait envoyées à Angelica ne révélait aucune incohérence, ni dans les commandes, ni dans les adresses, ni dans les livraisons. Tout était limpide comme de l’eau de source, lui annonça-t elle. Pas de doublon dans les commandes, pas de fausses adresses ni de sociétés-écrans. L’ordinateur d’Arthur n’avait rien révélé d’anormal. Comme Alan, elle regrettait que ses recherches n’aient pas abouti à quelque chose de concret qui aurait permis de faire progresser l’enquête. Alan lui apprit le suicide de Suzanne et l’incendie, ce qui la consterna.
— Pensez-vous qu’il y ait un lien entre les deux ? s’enquit elle.
— Je n’en ai aucune preuve, mais mon intuition me dit que ce n’est pas impossible.
Il lui rapporta le contenu du mot qu’il avait trouvé chez elle et ajouta :
— Elle n’était pas en paix avec sa conscience, apparemment. Peut-être était-ce, également, parce qu’elle était enceinte sans être mariée et que cela cadrait mal avec sa fonction de directeur commercial…
— Si vos suppositions sont exactes et qu’elle était impliquée dans le trafic, maintenant qu’elle n’est plus là, le trafic devrait cesser.
— Sans doute. A moins que quelqu’un ne soit prêt à assurer la relève.
— En ce cas, vous avez intérêt à faire vite.
— Merci du conseil, chère madame !
Saisissant le sarcasme au vol, elle enchaîna sur le même ton :
— Au fait, c’est comment, la vie à deux ?
Il hésita une seconde de trop.
— Alan ?
— Oui… Tout va très bien.
— Vous n’avez pas l’air bien sûr.
— Mais si…
Et il raccrocha. Sa relation avec Carolyn ne regardait que lui, et ne devait pas interférer dans son enquête. Pour l’heure, il se *******ait de vivre le moment présent comme il s’offrait, sans chercher à savoir ce que serait demain. Ce dont il était sûr, c’est que Carolyn était un être exquis, ce qu’il avait de plus précieux dans la vie, et qu’il était responsable de sa sécurité.
Il travailla jusqu’à minuit, épluchant chaque document, passant en revue le passé de chacun des suspects potentiels et tous leurs faits et gestes. Ces informations mises à plat, il finit par se convaincre que Suzanne Kimble, en tant que directrice commerciale, devait être le pivot de l’organisation. Son suicide soulevait quantité de questions. Quel remords avait elle sur la conscience, qui lui pèse à ce point qu’elle décide d’attenter à ses jours et à ceux de l’enfant qu’elle portait ? Qui était le père ? Sa vie privée et sa vie professionnelle étaient elles imbriquées ?
Tout en ruminant ces interrogations, Alan reprit la route vers la résidence. La nuit était cotonneuse, aussi conduisit il avec une prudence redoublée.
Carolyn dormait profondément au milieu du lit quand il voulut s’allonger. Au lieu de la pousser sur le côté comme il le faisait jusque-là, il se pelotonna contre elle. La tiédeur de son corps et son parfum délicat lui rappelèrent aussitôt leur étreinte. S’interdisant de la réveiller, il se raisonna et croisa les mains sur le drap pour ne pas être tenté de la caresser. Mais elle dut le sentir dans son sommeil, car elle se retourna et se lova contre lui en gémissant.
Belle victoire ! se dit Alan.
Elle était allongée près de lui et dormait du sommeil du juste. Sa respiration était régulière, son souffle calme. Heureux de la sentir si confiante, il ferma les yeux et resta à l’écouter dormir. Peu à peu, les événements de la journée s’entremêlèrent dans les brumes de son esprit et il glissa à son tour dans un sommeil serein.
Quand Carolyn se réveilla, le lendemain matin, Alan était déjà habillé et attendait avec impatience son réveil.
— Tu es déjà debout ? Que se passe-t il ? demanda-t elle en se redressant dans le lit. Moi qui espérais que…
Dommage, elle aurait dû se réveiller plus tôt !
Elle s’étira en arrière, puis jeta un coup d’œil au réveil.
— 6 heures et demie ? Tu ne vas quand même pas prendre la mauvaise habitude de te lever si tôt ?
Il s’assit au bord du lit et posa un baiser sur sa joue encore chaude de sommeil.
— Je sais qu’il est tôt. J’espérais passer la journée ici avec toi, mais c’est impossible. Il faut impérativement fouiller le bureau de Suzanne avant que quelqu’un ne le fasse et ne détruise les documents éventuellement compromettants. Je ne peux pas le faire moi-même, ce serait trop risqué. Toi, en revanche, tu le peux. C’est ta société, et tu as le droit de faire ce qu’il te plaît. Il faudrait être sur place avant l’arrivée du Dragon, ce qui veut dire qu’il faudrait partir tout de suite. Tant pis pour le petit déjeuner, ce sera pour plus tard.
Il sourit et lui embrassa le bout du nez.
— D’accord, mon amour ?
Savourant le bonheur de s’entendre dire des mots doux, elle sourit.
— Je te promets de me rattraper plus tard dans la journée, promit il.
— Alors, c’est d’accord, mais donne-moi dix minutes.
Elle rejeta les couvertures, enfila son déshabillé et fila vers la salle de bains. Elle sentait son regard posé sur elle. Heureusement que Lisa l’avait obligée à s’acheter cette ravissante pièce de lingerie ! C’était un satin de soie qui coulait sur ses hanches.
Elle se sentait heureuse. En paix avec elle-même et avec le monde. Elle avait fait l’amour sans frein et sans fausse pudeur, et elle était comblée. Quoi qu’il advienne, maintenant, elle savait avec certitude que la vie pouvait être belle.
A leur arrivée, les bureaux de l’administration étaient vides. Les laboratoires, déserts. Le bureau de Suzanne, au fond du service, était impeccablement rangé. Rien ne traînait, ni sur les meubles ni sur les murs, hormis un calendrier et des Post-it sur lesquels étaient notés ses rendez-vous professionnels, une boîte à crayons, les habituels paniers à courrier, et un bloc-notes fermé. Il n’y avait aucune photo personnelle, rien de privé, et son tiroir ne contenait aucun élément intéressant.
— Elle a fait le ménage par le vide, constata Carolyn. Son suicide n’a pas été un geste de désespoir, il était prémédité.
— Effectivement, acquiesça Alan. Je vais quand même ouvrir son ordinateur, même s’il y a de fortes chances pour qu’elle ait tout effacé.
Le disque dur, les disquettes, elle avait tout reformaté. Il ne restait rien de Suzanne. Comment une femme aussi organisée avait elle pu se retrouver enceinte ? Fallait il qu’elle ait été submergée par la passion…
— Je sais que l’on peut retrouver les données sur un disque dur même quand elles ont été détruites. Si je pouvais emporter son ordinateur à l’hôtel, je serais plus à l’aise pour travailler. Qu’en penses-tu ?
Elle fit oui de la tête.
— Je vais laisser un mot pour dire que c’est moi qui l’ai pris. Inutile qu’on s’imagine qu’en plus il y a eu un vol !
— Della va en faire une maladie. Je vois déjà sa réaction.
— Moi aussi. Je crains le pire.
— Quand on a eu l’habitude de régner en maître, on accepte mal l’arrivée d’un intrus.
— Le Dragon va me le faire payer cher.
— Ne t’inquiète pas, je serai là. Mais dépêchons-nous de partir.
Ils calèrent l’ordinateur dans la voiture et, sentant un creux à l’estomac, décidèrent de s’arrêter pour prendre un petit déjeuner. Le restaurant où ils avaient un jour rencontré Suzanne et Cliff était ouvert.
C’était lugubre. L’idée que Suzanne s’était suicidée hantait Carolyn. Pendant tout le déjeuner, cette mort la hanta. Des questions se bousculaient dans son esprit. Cliff était il le père de l’enfant à naître ? Faisait il l’amour avec Lisa pendant que la malheureuse Suzanne s’asphyxiait au gaz ? Cliff et Suzanne étaient ils tous les deux impliqués dans les fausses commandes d’Horizon ?
L’enquête leur donnerait elle un jour les réponses à toutes ces questions ?
Carolyn repoussa sa deuxième tasse de café et soupira.
— Et maintenant ? dit elle.
— J’aimerais me rendre au service conditionnement et interroger Elinor. Avec un peu de chance, elle me dira ce que contenaient ces fichus cartons.
— Si c’est elle qui a mis le feu, je doute qu’elle soit très coopérative.
— Bien sûr, mais elle peut aussi se couper.
Il paraissait confiant.
— Il faudra éplucher chaque phrase, chaque mot, et remettre les morceaux en place comme s’il s’agissait des pièces d’un puzzle. Logiquement, tout devrait s’imbriquer.
Ils remontèrent en voiture et revinrent chez Horizon. Elinor, très excitée par les événements, essayait de chiffrer les dégâts.
— Cela aurait pu être pire…, admit elle. Par chance, la plupart des cartons prêts à partir étaient déjà stockés de l’autre côté du hall. Quand tout sera déblayé, on pourra donner le feu vert à la production et retrouver un régime normal.
— Savez-vous ce que contenaient les cartons qui ont été détruits ? s’enquit Alan.
Elle le regarda comme s’il venait de l’insulter.
— Bien sûr que je sais ce qu’ils contenaient ! Vous ne vous imaginez tout de même pas qu’on prend la peine de les étiqueter et de les trier simplement pour faire joli ?
— Comment voulez-vous que nous sachions tout cela, Elinor ? Il faut que vous fassiez notre éducation, intervint Carolyn avec beaucoup de gentillesse. Vous classez les cartons dans un ordre particulier, avant de les transférer dans le service expéditions ?
— Cela dépend. Les substances dites sensibles et les médicaments expérimentaux restent de ce côté-ci du hangar. Les commandes sont contrôlées deux fois avant de quitter mon service.
— Alors, les cartons qui ont brûlé, que contenaient ils ?
— Un médicament nouveau. Un antibiotique qu’Horizon espère mettre sur le marché très prochainement. On place beaucoup d’espoirs dans cette nouvelle molécule. Il est actuellement entre les mains de la société Eventide Research, que nous avons chargée des tests exigés par le Bureau de vérification des médicaments avant de donner son autorisation de mise sur le marché. L’étude dure trois ans et au bout de ces trois années, si le médicament a fait la preuve de son efficacité et qu’il ne présente aucun risque pour le patient, il est commercialisé.
Alan réfléchit très vite. Une nouvelle molécule. Peut-être était-ce ce médicament expérimental qui avait tué Marietta ?
Si Elinor était en dehors de tout, si elle disait vrai, on pouvait supposer que seules les commandes officielles passaient par Eventide Research. Sinon, ils se seraient manifestés.
— C’est un centre de recherches dont le sérieux ne peut être mis en doute, commenta Carolyn. Ils sont très réputés. A l’hôpital, on les cite souvent. Il y a quand même une chose que je ne comprends pas…
Elle fronça les sourcils.
— Quel avantage pouvait il y avoir à y mettre le feu ?
Elinor haussa les épaules.
— Il y a des cinglés partout.
— Bien sûr, mais ce n’est pas suffisant. Vous n’avez pas une idée ? insista Alan.
De nouveau, elle haussa les épaules.
— Moi, je m’occupe de mes affaires, c’est tout.
Le ton de la réponse surprit Alan. Cette femme énergique, avec les pieds sur terre, ne pouvait pas ignorer si des commandes douteuses transitaient par son service, passage obligé entre le conditionnement et la livraison.
Lassé de tourner autour du pot, il posa la question qui lui brûlait la langue.
— Elinor, est il possible que des cartons échappent à certains contrôles et sortent d’Horizon sans que personne ne le remarque ?
— C’est impossible. Il y a beaucoup trop de vérifications. Tous les médicaments étiquetés doivent avoir un numéro de commande, et chaque carton en partance porte une adresse qui doit correspondre à celle de la facture. Il y a au moins six signatures différentes par bordereau.
L’estomac de Carolyn se serra.
Se pouvait il qu’Alan se soit fourvoyé ? Sa croisade était peut-être une mauvaise croisade…
Comme ils quittaient le service conditionnement, Carolyn, découragée, soupira.
— Je pense que je vais aller rendre visite à mon oncle adoré, ce matin. Mais seule.
— Je crois que ce ne serait pas une mauvaise idée. Compte tenu de ta formation, tu n’es pas ridicule dans un laboratoire et, de plus, tu es en droit de lui poser toutes les questions que tu veux.
Carolyn n’avoua pas que ce qu’elle avait l’intention de lui demander revêtait un caractère privé. Elle ne supportait pas son silence concernant Alicia. Les enfants gardent toujours des souvenirs de leurs plus tendres années. Pourquoi, lui, ne se souvenait il de rien ? Toute son enfance se résumait à de malheureuses photos de lui. Quant à sa sœur, ou même son père, il était clair qu’il ne souhaitait pas les évoquer.
Aiguillonnée par sa volonté de comprendre, elle monta au deuxième étage, suivit le corridor sur lequel donnaient les laboratoires tout en baies vitrées.
Jasper était dans son bureau, assis à sa table, absorbé dans des papiers.
Sans attendre d’y être invitée, elle poussa la porte et entra.
Etonné de cette apparition, il fronça les sourcils puis, se reprenant, il se leva.
— Carolyn… Où étiez-vous, ce matin ? On vous a attendus pour le petit déjeuner.
Ce n’était pas vraiment une réprimande, mais plutôt un reproche. Carolyn décida de ne pas y prêter attention, sachant qu’il n’y a rien de pire que le mépris.
— J’aimerais m’entretenir avec vous un instant, oncle Jasper. Avez-vous un peu de temps à m’accorder ?
— Oui, bien sûr.
Il hésita une seconde, comme s’il n’était pas très chaud pour cet aparté.
— Si tu souhaites visiter le lab…
— Non, pas maintenant, répliqua-t elle d’un ton sec. J’ai des questions personnelles à vous poser.
La fermeté du ton dut l’inquiéter, car elle le vit se carrer sur ses jambes.
— Je ne suis pas certain de pouvoir te répondre, Carolyn.
— Il n’y a pourtant que vous qui puissiez le faire. Pourquoi la simple évocation du nom de ma mère vous fait elle tellement horreur ?
Elle n’avait pas mâché ses mots, et se sentait fière d’elle.
Il la regarda quelques secondes, hésitant visiblement à la contredire. Puis il s’assit, joignit les mains sur le bureau et lança naïvement :
— Parce que… cela se voit à ce point ?
— Oui, mon oncle. Maintenant, je veux une réponse.
Il regarda ses mains jointes.
— Je ne me rappelle pas précisément quand j’ai pris conscience du fait que je détestais ma sœur. Je crois que c’est à un Noël… Alicia avait quatre ans ; il y avait une pile de cadeaux merveilleux pour elle au pied du sapin, et pour moi, il n’y avait que des vêtements chauds pour l’hiver. Quand j’ai voulu m’amuser avec ses jouets, tout le monde s’est moqué de moi.
Son regard se durcit.
— En fait, c’était comme si mes parents n’avaient eu qu’un enfant, une fille : Alicia. Ils lui ont tout donné, toute leur attention, tout leur amour. Hélas, ils ont omis de lui enseigner une chose : la responsabilité. Et elle les a détruits.
Il se cala contre le dossier de son fauteuil.
— Quand elle est morte, mon père a tout reporté sur son travail. Ma mère et moi n’existions plus. Quand maman est morte à son tour, mon père a tout fait pour m’écarter de son existence.
Carolyn eut envie de faire le tour du bureau pour lui poser la main sur l’épaule et lui témoigner un peu de tendresse. Comme elle, il n’avait connu ni affection, ni attention. Juste la solitude de l’enfant mal aimé. Le parallèle était saisissant.
— Je me suis décarcassé pour que mon père soit fier de moi. Je m’étais figuré que si je réussissais dans les affaires, il m’accepterait enfin.
Il eut un rire amer.
— Tout ce que j’ai réussi à faire, c’est lui prouver que je n’avais aucun sens des affaires et que je n’étais qu’un raté, comme il en était convaincu. Et puis il t’a retrouvée, la fille de sa fille, et il t’a tout légué.
Il agita la main devant son, visage.
— C’est drôle comme l’histoire se répète, tu ne trouves pas ?
Il fixa Carolyn. Il y avait de la haine dans son regard, la même haine sans doute que celle qu’il nourrissait contre sa sœur. Contre sa mère. Soudain, une pensée terrible l’envahit : tant de haine accumulée pouvait armer un bras. A force de le détester, Jasper avait pu vouloir supprimer l’homme qui lui renvoyait une image de lui qu’il n’aimait pas. Jasper, Judas improvisé, avait pu pousser la traîtrise jusqu’à tuer Arthur Stanford.

 
 

 

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ÞÏíã 03-06-10, 01:06 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 33
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CHAPITRE 15



La volonté d’Alan de trouver des anomalies dans les quelques documents laissés par Suzanne le garda éveillé tard dans la nuit.
A la fin, à bout, il appela Angelica.
— Je ne trouve rien. Tout est correct. Les nouveaux médicaments vont bien dans le labo retenu par Horizon pour être testés. J’ai vérifié et revérifié tout ce qu’elle a laissé ou que j’ai pu récupérer sur le disque dur. C’est impeccable. Je ne vois pas comment ces doubles commandes pouvaient fonctionner. Je n’en ai pas la moindre idée. Il faut que vous m’aidiez.
— L’idéal serait que vous m’apportiez tout ce que vous avez sous la main et que vous veniez à Washington. Un œil neuf y verra plus clair. Tâchez de trouver un vol ce soir, je vous attends demain matin.
Il ouvrait la bouche pour refuser mais se ravisa. Angelica n’avait peut-être pas tort. Quelque chose qu’il ne voyait pas allait peut-être lui sauter aux yeux.
Alan appela Carolyn de son hôtel, la réveilla, et lui annonça qu’il faisait un aller et retour à Washington.
— Je dois faire un rapport à ma hiérarchie. Je raccroche et je file à l’aéroport.
— Mais on est en plein milieu de la nuit ! protesta-t elle en consultant le réveil sur sa table de chevet.
— Je sais, mais je vais essayer de trouver un avion pour Washington. Je prends les quelques effets que j’ai ici et j’achèterai ce dont j’ai besoin sur place.
— Combien de temps pars-tu ?
— Deux jours tout au plus, répondit il sans vraiment y croire. Promets-moi quelque chose. Pendant mon absence, dis que tu ne te sens pas bien et ne te rends pas au bureau.
— Pourquoi ?
— Parce que ce qui s’y passe ne m’inspire pas. Tu pourrais tomber sur Dieu sait quoi, et j’aime autant éviter ça. Donc, j’insiste : ne quitte la maison sous aucun prétexte. Tu m’écoutes ?
Elle marmonna entre ses dents.
— Mon cœur, promets-moi de faire ce que je te dis…, reprit Alan.
Sa voix se fit câline.
— Je t’aime. Comment veux-tu que je travaille correctement si je dois à chaque instant m’inquiéter pour toi ?
— Alors pourquoi pars-tu sans moi ? Après tout, nous sommes tous les deux embarqués dans cette affaire et…
— Carolyn, je t’ai déjà dit que ce n’est pas possible, répondit il avec fermeté. Je te téléphonerai, tu peux me faire confiance ; et fais comme je t’ai dit.
Il ne l’avait pas convaincue, c’était clair. Ferait elle ce qu’il lui recommandait ?
Un peu inquiet, il raccrocha.
A l’image des femmes qu’il avait connues, elle pouvait être têtue comme une mule, et sa petite voix intérieure lui soufflait qu’il valait peut-être mieux qu’il annule son déplacement et reste avec elle, pour sa sécurité.
Impossible de se rendormir. Depuis qu’il avait téléphoné, elle tournait et retournait dans son lit. A sa voix, elle avait compris qu’il était ennuyé de la laisser et se serait volontiers passé de ce déplacement à Washington.
Soupirant comme une malheureuse, elle se tourna une nouvelle fois, prit l’oreiller d’Alan dans ses bras et le roula contre elle pour s’y blottir. Peut-être que ses supérieurs trouveraient les réponses aux questions qu’il ne pouvait résoudre. Peut-être qu’un jour…
Epuisée, elle finit par s’endormir.
Le lendemain matin, le téléphone la réveilla. C’était le coup de fil qu’il lui avait promis. Son voyage s’était bien passé. Avait elle bien dormi ? Il fallait qu’elle soit raisonnable et tienne ses promesses. Pas de visite au bureau tant qu’il ne serait pas revenu. Pas de sortie non plus.
Elle ne chercha pas à discuter. Leur séparation semblait lui peser autant qu’à elle.
Elle raccrocha. En un sens, l’absence d’Alan avait un aspect positif : elle allait avoir du temps à elle. Il y avait plus douloureux dans la vie ! D’autant que cela faisait un bail qu’elle n’avait pas vraiment pris de congé.
Elle enfila une tenue confortable, jean et T-shirt, et partagea sa journée entre la lecture de rapports sur la société, les repas, les promenades dans la propriété. Mack l’entraîna presque de force dans ses serres et, la piscine lui offrant le mirage de son eau claire, elle ne résista pas à la tentation d’y plonger. Comme elle était chauffée, ce fut un moment de pur bonheur. Tout ce qu’elle fit ce jour-là semblait n’exister que pour mieux lui rappeler qu’elle aurait aimé qu’Alan soit là avec elle. Son sourire lui manquait. Ses superbes yeux gris lui manquaient. Mais pas autant que le contact de sa peau.
Il était environ 20 heures quand il la rappela.
— Je pense reprendre l’avion demain après-midi, dit il. On n’a rien trouvé de nouveau, je n’ai donc plus rien à faire ici. On a fouillé partout, creusé sans trouver de réponse. Il va donc falloir placer des gens à nous dans chaque service, si on veut avancer. Tu vas devoir intervenir, ma chérie. Tu vas être chargée de licencier certains employés et d’en mettre d’autres à leur place. Impossible de faire autrement.
Aussitôt, elle s’offusqua.
— Te rends-tu compte que tu me demandes de faire ce que je déteste le plus au monde ? Sans compter que Della va me faire une scène, si je me mêle des ressources humaines !
— Malheureusement, je ne vois pas d’autre solution. De toute façon, il faudra bien que tu te décides un jour à prendre les rênes de la société. Ton grand-père t’a légué l’affaire, c’est à toi maintenant de t’imposer. Il aurait pu laisser à Della cinquante et un pour cent des parts de la société ; c’est à toi qu’il les a légués.
— J’aurais préféré l’inverse…
— Oh, oh, je n’aime pas cette Carolyn négative !
— Je suis comme ça, aussi. Si tu ne le sais pas, c’est que tu ne me connais pas bien.
— Que si, je te connais ! Quand il s’agit de faire preuve de courage, de détermination et d’honnêteté, il n’y en a pas deux comme toi.
Après de tels éloges, le ton de la conversation changea. Ils commencèrent à parler d’eux. A se dire qu’ils se manquaient. A s’avouer ce qu’ils ressentaient. Cette séparation forcée les avait éclairés, et il n’y avait plus de doute possible : ils étaient amoureux.
Quand Carolyn raccrocha, elle était si perturbée qu’elle n’essaya même pas de lire. Pas question non plus d’aller se coucher. Comme d’habitude, Buddy et Lisa étaient sortis. Quant à Jasper et Della, ils assistaient à une conférence qui intéressait Jasper.
Entendant une voiture ralentir et se parquer dans le garage, Carolyn, instinctivement, consulta sa montre. 21 heures. La conférence avait été brève. C’était le moment d’affronter « le Dragon ». Della lui avait confié qu’elle travaillait en général une heure ou deux dans son bureau avant de se retirer pour la nuit. Peut-être qu’en lui annonçant d’ores et déjà son intention de changer certains membres du personnel, Carolyn aurait moins de mal à lui imposer son plan le jour venu. Ou du moins… le plan qu’Alan lui imposait. A tout prendre, s’il devait y avoir scène, mieux valait qu’elle ait lieu ici plutôt qu’au bureau.
Se préparant en vue de l’inévitable passe d’armes, Carolyn prit la direction de l’autre aile. Elle était déjà entrée une fois dans le bureau de Della. La porte était ouverte, la lumière allumée. Elle était donc là.
Carolyn inspira une grande bouffée d’air — et de courage — et entra. L’ordinateur était ouvert et une personne, de dos, tapotait sur les touches du clavier. Buddy ! Sans doute jouait il à quelque jeu électronique…
En train de perdre son temps, comme toujours ! se dit elle.
Comme elle avançait vers lui, prête à ironiser sur la dure existence qu’il menait, elle constata que le jeu qu’elle s’attendait à voir sur l’écran était en fait un programme informatique. Un programme informatique qui lui parut même très savant, compte tenu de ce qu’elle imaginait de ses compétences en la matière.
Avant qu’elle ait pu dire un mot, il lança :
— Salut, Carolyn. Votre parfum vous trahit.
Il pivota sur sa chaise et, aussitôt, plongea dans un sac de cuir ouvert à ses pieds.
— Désolé pour ceci, mais…
En un quart de seconde, il avait sorti un revolver du sac et le pointait sur elle.
N’en croyant pas ses yeux, elle resta debout, devant lui, à le dévisager.
La vérité, alors, lui éclata au visage.
— C’était donc vous !
— Oui, c’est moi, parfaitement. Ce nullard de Buddy. Le bon à rien, l’incapable. En train de s’amuser, comme toujours.
Une grimace inquiétante lui tordit le visage.
— Si ce n’est qu’aujourd’hui le jeu va payer. Car je vais gagner et vous, Carolyn, vous allez tout perdre. Qui l’aurait cru, hein ?
Une boule dans la gorge, elle répéta tant bien que mal :
— Oui, qui l’aurait cru ? Mais comment… ?
— Comment ai-je fait ?
L’arme toujours pointée sur elle, Buddy gloussa nerveusement.
— Comment ai-je fait pour mettre au point un circuit parallèle au nez et à la barbe de tout le monde ? Facile ! Ils croyaient tous aux chiffres qui s’affichaient sur leurs écrans, puisqu’ils étaient plausibles. Et pourquoi pas ? Le logiciel utilisé par Horizon est très performant, et tout, de la production à la livraison, entre dans la machine. Ils n’avaient donc aucune raison de douter de ce qui apparaissait à l’écran. Si ce n’est que les données chiffrées étaient fausses. J’effectuais des commandes le plus officiellement du monde mais, par un tour de passe-passe, elles n’apparaissaient nulle part sur les écrans.
Carolyn n’était pas très calée en matière d’informatique mais un pareil tour de passe-passe, comme il disait, échappait à son entendement.
— Je ne comprends pas.
— Quoi ? Comment j’ai mis en échec les contrôles qui interviennent à différents niveaux, à l’intérieur même du système ? Un jeu d’enfant ! Mais je veux d’abord que vous sachiez que le jeu, justement, est fini. Vous et votre mari qui fourre son nez partout, vous ne m’avez pas abusé.
Il hocha sa tête bouclée.
— Dommage pour vous. Maintenant, il faut que je brouille les pistes. Vous allez me suivre, et nous allons faire une petite virée en bateau.
— Vous ne pensez quand même pas que vous allez vous en tirer comme ça !
Malgré la sécheresse de sa bouche et le nœud qui lui étranglait la gorge, elle parlait avec une fermeté extrême.
Elle jeta un coup d’œil vers la porte qui séparait le bureau de la chambre. Celle-ci était fermée.
— Non, non, ils ne sont pas là, dit il. Il n’y a personne, je suis tout seul ici. Nous avons la maison pour nous.
Ce n’étaient donc pas Della et Jasper qu’elle avait cru entendre rentrer en voiture, mais Buddy.
— Attention, prévint elle, si je crie, les domestiques vont monter…
Il haussa les épaules.
— Je leur tirerai dessus, à eux aussi.
Le calme avec lequel il avait lancé la menace la glaça.
Bien joué ! se dit elle. La sachant incapable d’attirer les autres dans un guet-apens, il venait d’acheter son silence.
Tenant toujours le revolver à bout de bras, il commença à bouger.
— On va descendre par l’arrière. Attention, pas de bruit. Il y a un escalier qui va à l’étage et une porte sur le côté.
Alan était sorti par cette porte le premier jour, se rappela-t elle, et il avait réussi à faire le tour de la maison sans être vu. Il y avait donc peu de chance pour qu’on les voie, Buddy et elle, d’autant qu’il faisait nuit et qu’il avait parlé de descendre jusqu’au bateau.
Ils traversèrent un palier, passèrent devant la chambre de Lisa qui était vide. Apparemment, celle-ci ne rentrerait pas de la soirée, sinon de la nuit. Etait elle avec Cliff ? Se doutait elle des sinistres agissements de son frère ?
Arrivé à la jetée, Buddy la précipita dans le bateau, au fond de la cabine, et attrapa de quoi lui ficeler les chevilles et les poignets. Elle gémit, pleura, le menaça. Rien n’y fit. Il resta sourd à ses suppliques et la traita sans ménagement.
Satisfait de sa besogne, il se redressa et, campé sur ses jambes écartées, se mit à ricaner.
— Bienvenue chez moi, loin de la maison.
Persuadé d’avoir trouvé en elle une oreille qui, enfin, l’écoutait, il commença à se vanter d’avoir réussi à berner tout le monde.
— Vous voyez ces livres ?
Il ouvrit un placard et montra du doigt une série de volumes sur l’informatique et les logiciels.
— Je les ai bien eus ! Ils s’imaginaient que je pêchais ou que je naviguais, alors qu’en fait j’emmagasinais un maximum de connaissances sur les ordinateurs et les programmes. Crétin, peut-être… Mais crétin malin !
Nourrissant l’espoir fou que quelqu’un allait remarquer les lumières sur le bateau et, peut-être, s’en inquiéter, elle alimenta la conversation par tous les moyens. Plus longtemps il parlerait, plus la probabilité d’une intervention était grande.
— Oui, vous les avez bien possédés…
Flatté que, pour une fois, quelqu’un reconnaisse son talent, il reprit :
— Les gens sont stupides.
— Avoir réussi à cacher ce que vous faisiez sans vous faire pincer ? Bravo, vous avez du génie !
Elle essaya de maîtriser sa voix que la peur déformait.
— Comment vous y êtes-vous pris ?
— Pendant que maman travaillait au labo, je m’attelais à son ordinateur à la maison. Ce sont les mêmes logiciels, ici et chez Horizon.
Il toisa Carolyn.
— Je me suis dit qu’au lieu de tripatouiller les programmes qui gouvernent toute la chaîne de production, de la fabrication à la livraison, je n’avais qu’à me glisser par la porte de sortie, si j’ose dire, et développer mon propre programme.
— La porte de sortie ? répéta Carolyn, essayant à la fois de trouver un sens à ce qu’il disait et un moyen de sauver sa peau.
— Horizon a un système de suivi de la production intégré. Toutes les données qui entrent dans l’ordinateur sont contrôlées par le SDAM. Pardon ! J’oubliais que vous n’êtes pas férue d’informatique… « SDAM » veut dire « Système de données appliquées au management », mais il me fallait un mot de passe pour y accéder.
De nouveau, il se mit à ricaner.
— Maman passe son temps à changer ses mots de passe, et comme elle a peur de ne pas s’en souvenir, elle les inscrit sur un papier ! Il n’y a qu’à savoir lire ! Donc, avec son mot de passe, j’ai ouvert le programme comme si j’étais le patron, et j’ai opéré les modifications que j’ai voulues.
La peur au ventre, Carolyn essayait de ne penser qu’à ce qu’il lui racontait. Elle en était sûre maintenant, c’était lui qui avait éliminé son grand-père et, de la même façon, il allait la faire disparaître. Et sans le moindre scrupule. Il fallait qu’elle continue de le faire parler : c’était sa seule arme pour l’empêcher de mener à bien son projet ou, plutôt, pour le retarder.
— Et comment vous êtes-vous introduit par la porte de sortie, Buddy ?
— Avec le programme que j’ai créé, j’ai pu entrer autant de commandes que je voulais sans qu’elles apparaissent nulle part. Quand le système finissait de gérer mes commandes, toutes les références à ces ordres s’effaçaient automatiquement. Rien n’apparaissait sur les ordinateurs d’Horizon. C’est un peu difficile à expliquer, mais grosso modo, cela fonctionnait comme ça.
— J’imagine qu’il a quand même fallu que quelqu’un vous aide de l’intérieur ? Suzanne était au courant de ces fausses commandes, n’est-ce pas ?
— Bravo, Carolyn ! s’exclama-t il, assortissant son compliment d’une mimique admirative. Il y avait en effet un risque, à un moment donné. C’est là que Suzanne intervenait. Elle devait veiller à ce qu’aucun document écrit mentionnant mes commandes ne sorte. Elle était très bonne. Le cas échéant, elle trouvait une excuse pour expliquer le fait qu’il n’y avait aucun document : soit le papier bourrait dans les imprimantes, soit elles étaient en rupture d’encre, ou de feuilles. Et tout le monde acceptait ces aléas sans broncher, comme si c’était normal pour de la bureautique.
— Pourquoi s’est elle suicidée ?
— C’était une complice parfaite… jusqu’au jour où elle a commencé à avoir mauvaise conscience. Alors, elle a mis le feu aux dernières commandes, ce qui était pure idiotie.
— Comment vous êtes-vous mis d’accord, au début ?
En fait, elle connaissait la réponse. Ils avaient été amants. Buddy avait exploité les sentiments de la malheureuse Suzanne, qui était particulièrement peu séduisante, afin de se servir d’elle. Le machiavélisme de Buddy donnait froid dans le dos.
— Elle était enceinte. Vous êtes le père de l’enfant ?
— Une complication imprévue, dit il en haussant les épaules. On se demande comment une fille intelligente comme elle a pu se mettre dans un pétrin pareil.
Ecœurée par la cruauté de ce jeune homme, Carolyn lui jeta un regard méprisant.
— Comment pouvez-vous vous regarder en face ? s’écria-t elle.
Puis, se radoucissant, elle ajouta :
— De quoi vivez-vous ?
— Facile. Je suis assez riche pour vivre où je veux et sans me priver de rien. J’ai de l’argent à ne savoir qu’en faire !
— Qui d’autre est impliqué dans votre trafic ?
Le visage presque poupin se durcit.
— Quelques nullards dont je vais m’occuper.
Carolyn crut que son cœur s’arrêtait. A la façon dont il la regardait, il était facile de comprendre qu’elle en faisait partie.
— Et moi ? Qu’allez-vous faire de moi ?
— Ma chère Carolyn, vous allez faire un petit tour en mer. Tel que vous me voyez, j’ai rendez-vous avec un bateau qui vient prendre un chargement au port. Je vais payer le capitaine pour qu’il vous embarque en même temps et vous jette à l’eau quand il sera au large. Pas de corps. Pas de preuve.
Il sourit, visiblement satisfait de lui et, dans un éclat de rire, quitta la cabine pour aller mettre le moteur en marche. La vedette s’éloigna lentement du ponton où elle était amarrée et disparut dans la nuit.

 
 

 

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CHAPITRE 16


Au petit matin, Alan appela Carolyn de l’aéroport pour lui annoncer qu’il rentrait plus tôt que prévu de Washington. Comme elle ne décrochait pas, il supposa qu’elle se trouvait quelque part dans la maison ou que, passant outre sa recommandation, elle était sortie. Un instant tenté d’appeler Horizon, il se ravisa. Dans quelques heures, ils seraient ensemble. Il n’allait pas la harceler.
A peine débarqué de son Airbus, il essaya de nouveau de la joindre au téléphone. Il n’y avait toujours personne dans la suite. Où était elle ? Agacé, il composa le numéro de la résidence et tomba sur Morna.
— Je ne l’ai pas vue ce matin, répondit la gouvernante de son ton pincé. De toute façon, je ne sais jamais ce qu’elle fait. Un jour, elle prend le petit déjeuner, mais je ne la vois pas à midi, et le soir vous dînez tous les deux. Comment voulez-vous que je donne des ordres en cuisine ?
— Vous avez raison, Morna, il faudra que nous voyions cela, répondit Alan, qui réfrénait mal son impatience. Pour l’instant, voulez-vous être assez aimable pour aller voir si elle est dans sa chambre ? Je ne quitte pas.
Elle ne dormait certainement pas à cette heure. Pourquoi, à midi, n’avait elle pas encore pris son petit déjeuner ? Peut-être était elle souffrante ?
Anxieux, il attendit que Morna reprenne l’appareil.
— Elle n’est pas là. Elle a dû partir tôt, avant même Della et Jasper.
Alan jura et raccrocha. C’était sûr, elle n’avait tenu aucun compte de ce qu’il lui avait fait promettre et, bravant ses interdictions, avait filé à l’aube jusqu’aux laboratoires pour mener son enquête. Elle pouvait s’attendre à ce qu’il la félicite !
Furieux, il composa le numéro d’Horizon. Pas de réponse. Puis celui de Della. Elle ne l’avait pas vue depuis la veille, lorsque Jasper et elle étaient partis en ville assister à une conférence.
— Sa voiture était elle au garage quand vous êtes partis, ce matin ?
Della réfléchit au bout du fil.
— Il me semble que oui. Ce n’est pas grave. Si elle n’est pas à la maison, c’est que quelqu’un est venu la chercher pour sortir. Un de ses anciens amis, peut-être ?
L’insinuation n’échappa pas à Alan. Chère Della, elle le lui paierait…
— Lisa l’a peut-être emmenée dans sa voiture faire des courses, suggéra-t il.
— Cela m’étonnerait. Ma fille était absente, ces jours-ci.
Plus inquiet de minute en minute, Alan héla un taxi et lui indiqua l’adresse. En admettant que Carolyn soit sortie avec Rosie, pourquoi n’avait elle pas pris sa voiture neuve ? C’était incompréhensible. Et où était elle partie ?
Arrivé à la résidence, il gravit les marches du perron quatre à quatre, poussa la porte et bondit dans l’escalier. Leur suite était parfaitement en ordre, mais quelques détails l’inquiétèrent. D’abord, elle n’avait pas laissé de mot. Il est vrai qu’il rentrait plus tôt que prévu. Mais elle n’avait pas dormi là. Sa chemise de nuit et son déshabillé étaient sagement accrochés à la patère de la salle de bains. Il y avait un livre ouvert sur le canapé, et lorsqu’il lui avait téléphoné la veille, justement, elle lisait.
Sa poitrine se serra. Il avait appris à ne pas se laisser submerger par l’angoisse. La panique était mauvaise conseillère. Au lieu de s’affoler, mieux valait garder l’esprit clair et réfléchir posément.
Se forçant au calme, il traversa les pièces en analysant la situation.
Il n’y avait aucune trace de lutte.
Son sac se trouvait à sa place, dans un tiroir de la commode. Apparemment, tous ses manteaux et ses vestes étaient dans la penderie.
Qu’avait il pu se passer de si urgent, pour qu’elle soit dans l’obligation de partir en laissant manteau et sac derrière elle ?
Un appel téléphonique ?
Une urgence ?
Il fonça en bas, trouva Lotus, Seika et leur père dans la cuisine. Les domestiques, Alan le savait, étaient souvent plus au courant que les maîtres de ce qui se passait à la maison. Ils ne l’avaient pas vue, ce matin. Et elle avait dîné ici, la veille au soir.
Follement inquiet, il sortit en trombe de la maison, fit le tour du jardin à la recherche de Mack. Ce dernier taillait les rosiers.
— Je ne l’ai pas vue aujourd’hui, dit le jardinier, en s’essuyant le front du revers de la main. Hier, elle est venue se promener dans les serres. Elle aime beaucoup les fleurs. C’est agréable que quelqu’un, ici, apprécie la beauté de la nature.
Puis plus bas, comme pour lui-même :
— Ça change des autres femmes de la maison !
Alan repartait quand il aperçut la vedette blanche de Buddy qui accostait. Il se dirigea vers le bateau.
Le voyant, Buddy agita le bras.
— Regardez-moi ça ! Ça mordait bien, ce matin. Vous devriez venir avec moi, un jour. Il n’y a rien de tel qu’une bonne partie de pêche pour commencer la journée.
— Vous n’avez pas vu Carolyn ?
— Ah, non…
Il agita sa tête bouclée.
— Je suis parti à 4 heures du matin. A cette heure-là, il n’y a pas grand monde debout.
— Et Lisa ? Vous ne l’avez pas vue ?
— Non plus. Elle n’est pas rentrée. Elle doit être avec un garçon. Ça rend ma mère folle.
Mais Alan n’était pas d’humeur à s’intéresser aux frasques de Lisa.
— Quand avez-vous vu Carolyn pour la dernière fois ?
— Hier soir au dîner. Elle a dit qu’elle était fatiguée et qu’elle allait se coucher tôt. Je ne sais pas ce qui me fait dire ça, mais j’ai eu comme l’impression qu’elle avait quelque chose en vue pour aujourd’hui.
Ou pour la nuit dernière ? pensa Alan. Mais quoi ?
La nuit tombant et Carolyn n’ayant donné aucun signe de vie, Alan se décida à appeler la police. Usant de son influence, il parvint à convaincre les autorités de ne pas temporiser. Ils fouillèrent les buissons, les bosquets, relevèrent les empreintes de pas. Hélas, il n’y avait pas la moindre trace d’effraction.
Avait-on pu l’enlever ?
Comme la nuit s’épaississait, Alan centra son attention sur leur entourage. Qui pouvait avoir besoin d’argent au point de leur extorquer — éventuellement — une rançon ? En tête de liste, il y avait Cliff. Nick venait en second.
Alan prit sa voiture jusque chez Cliff, qu’il arracha des bras de Lisa. Après les avoir interrogés l’un et l’autre, il dut admettre que leurs alibis tenaient la route.
Nick habitait à Port Townsend. Il fallait prendre le ferry pour s’y rendre. Les maisons étaient vieilles et mal entretenues ; celle de Nick semblait avoir été dévastée par une tornade pendant la nuit. Une lumière blafarde éclairait une fenêtre en façade. Alan monta les quelques marches du perron qui gémirent sous ses pas, et s’apprêtait à frapper à la porte quand il vit qu’elle était entrebâillée.
— Nick ! appela-t il en passant la tête dans l’ouverture. Ni-ick ! C’est Alan ! Où êtes-vous ?
Seul le silence lui répondit. Mû par une crainte diffuse, il sortit son arme. Si Nick retenait Carolyn prisonnière, il en aurait besoin. L’oreille aux aguets, il attendit. Pas un bruit. Pas un son. Ni lattes de parquet qui craquent, ni glissement de pas étouffés. Rien qui trahisse une présence.
Sur la pointe des pieds, il se dirigea vers le salon dont la porte bâillait. Nick était là. Gisant dans une mare de sang. Le cœur traversé de part en part par une balle.
Carolyn ! Etait elle mêlée à ce nouveau drame ?
Le revolver pointé, prêt à tirer, Alan inspecta la maison. Rien n’indiquait qu’elle avait pu séjourner là. Rien ne permettait d’identifier l’auteur du crime. Si le mobile était une dette de jeu, Nick avait payé au prix fort… De sa vie.
Alan s’agenouilla près du corps qui était encore tiède. Clés, menue monnaie, cachets contre les brûlures d’estomac, ses poches n’avaient pas été visitées. Il faillit ne pas voir un morceau de papier froissé enfoncé dans sa poche de chemise. Une adresse d’expédition. Le nom de la société ne correspondait à aucun des noms relevés dans les ordinateurs d’Horizon. Comme il fixait les lettres imprimées sur le papier, un souvenir lui traversa l’esprit. N’était-ce pas dans ce coin que le grand-père de Carolyn avait été renversé ? Arthur Stanford avait il découvert quelque chose d’anormal — cette adresse, par exemple — qui aurait conduit ses pas par ici ?
Alan se mit à réfléchir à toute vitesse. Carolyn était elle tombée dans un piège aussi dangereux que celui qui avait coûté la vie au patron d’Horizon ? Allait elle être la prochaine victime ?
Follement inquiet mais sans perdre son sang-froid, il appela le 911, police secours. Il déclara le meurtre de Nick et remonta dans sa voiture. Filant, il traversa une zone de marinas, de docks, d’entrepôts et de boutiques nautiques. C’était par ici qu’Arthur avait été tué. L’adresse inscrite sur le morceau de papier correspondait à un bâtiment sombre de trois étages implanté le long d’un quai.
Etait-ce ici que venait Arthur, quand quelque chose ou quelqu’un l’avait obligé à sortir de sa voiture, et qu’il avait été volontairement bousculé et tué par un véhicule ?
En tant que chef du service expéditions, Nick pouvait avoir dévié des commandes, en cachant le nom et l’adresse de la société officielle sous une étiquette au nom d’une société fictive où arrivaient, en fraude, les fausses commandes.
Alan gara sa voiture une rue avant l’entrepôt et le longea sans se faire remarquer. Comme il approchait d’un petit parking non loin du quai et des pontons, il reconnut l’unique voiture garée là. La Fairmont de Buddy.
Avant qu’il ait eu le temps de déduire quoi que ce soit de cette curieuse découverte, des bruits sourds lui firent dresser l’oreille. Dominant le clapotis de l’eau, de petits cris crevaient la nuit. Des cris faibles qui semblaient provenir des quais. Carolyn !
Alan tourna l’angle du bâtiment et se précipita vers la mer. Deux silhouettes se découpaient dans la lumière verdâtre du port. Deux silhouettes qu’il reconnut sur-le-champ.
*
**
Rudoyée par Buddy, Carolyn gémit faiblement. Il lui avait replié un bras derrière le dos et elle souffrait beaucoup. A la fois assommée par les barbituriques qu’il lui avait administrés et ankylosée par les heures qu’elle avait passées dans un placard, elle trébucha.
Buddy lui avait dit qu’elle serait chargée en premier sur un bateau étranger. Malgré la menace, elle avait gardé l’espoir qu’Alan la retrouverait, mais cet espoir s’amenuisait. Soudain, elle crut entendre sa voix. C’était une hallucination ! Cela ne pouvait plus être lui…
— Lâche-la, Buddy ! Lâche-la, ou je tire !
Serrant Carolyn devant lui comme un bouclier, Buddy se retourna et reconnut Alan.
— Vas-y ! Comme ça, je n’aurai pas à prendre la peine de me débarrasser d’elle…
— Je t’arrête, Buddy. Et j’ajoute l’enlèvement aux autres chefs d’inculpation, dont le meurtre.
— Ah ! Tu as trouvé ce pauvre Nick, alors ! s’écria Buddy. Désolé de te décevoir quand même, mais il faut un perdant au jeu, et cette fois, ça va être toi.
— Derrière toi ! s’écria Carolyn.
Le docker dont Buddy avait loué les services pour garder Carolyn bondit sur Alan et lui frappa la main. L’arme tomba à terre, rebondit et glissa dans l’eau du port. Mais Alan ne s’était pas entraîné aux arts martiaux en vain. C’était le moment de mettre en pratique les exercices qu’on lui avait enseignés. Tel un fauve, il se jeta sur son agresseur et lui donna un coup de poing sous le menton. Ce fut net et sans appel. L’assaillant tomba raide sur les planches du quai.
Comme Buddy essayait de se saisir de son revolver, il lâcha Carolyn, qui se jeta sur lui et lui lacéra le visage de ses ongles. En jurant, il se débattit et projeta Carolyn à terre. Alan s’interposa aussitôt. Le coup, d’une violence inouïe, les déstabilisa tous les deux. Tombés sur le dos, empoignés, ils commencèrent à se battre. Les coups pleuvaient. La lutte était féroce. Soudain, dans les cris et les sons étouffés de la bagarre, elle vit leurs corps rouler vers le bord du quai et disparaître.
Elle se mit à appeler, à hurler, à fouiller l’eau noire des yeux. Personne. Plus un bruit. Plus un cri. Terrifiée, en sanglots, essayant tant bien que mal de se tenir debout, elle courut sur le ponton. L’eau lui parut glauque. C’était affreux.
— Alan ! Alan ! s’égosilla-t elle.
Pas de réponse. Terrorisée, à bout, elle crut voir quelque chose bouger en bas du quai. Non, elle ne se trompait pas : quelqu’un nageait dans l’eau.
Elle crut que son cœur s’arrêtait. Puis son pouls s’emballa. La silhouette avait agrippé une pile du ponton et remontait. C’était Alan. Alan qui, à la force des poignets, se hissait hors de l’eau en escaladant.
Elle se rua vers lui et se jeta contre sa poitrine. Il ruisselait d’eau.
Il avait eu le temps d’appeler les secours qui arrivèrent, toutes sirènes hurlantes. Après de longues minutes, ils réussirent à localiser Buddy, agrippé comme une ventouse à une pile du ponton.
Le jeu mortel avait pris fin.
Alan prit Carolyn par la taille et la serra contre lui.
— Rentrons, ma chérie, lui dit il.

 
 

 

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ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Apr 2008
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BON LECTURE

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ princesse.samara   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÅÖÇÝÉ ÑÏ

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