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ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


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ÞÏíã 12-12-09, 11:53 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 11
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ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
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— J’ai joué à une table tenue par un croupier mignon à croquer. J’ai même gagné 50 dollars. Ensuite, Joshua m’a raccompagnée.

A cet instant, observant l’intéressé qui se faufilait entre les tables, Paula remarqua :

— Je comprends mieux maintenant. Au buffet, après la diffusion des derniers épisodes de la série, il est venu vers nous et a insisté pour que nous partagions le petit déjeuner de ce matin. Evidemment, Georgia a tout de suite accepté.

— Tu imagines ? se pâma celle-ci. Joshua Parker qui m’adresse la parole comme à une vieille connaissance ! A moi ! Comment aurais-je pu refuser ?

— Oui, bien sûr, approuva Kit en mordant dans son muffin.

Ainsi donc, après l’avoir quittée, Joshua s’était rendu à la salle de spectacle. Il avait comploté avec ses co-locataires. Qui sait, peut-être même était-il allé s’expliquer avec Connor ? se demanda-t?elle en tressaillant de plaisir à cette idée.

— Est-il resté longtemps au buffet hier soir ? s’enquit-elle.

— Assez longtemps pour mettre cette rencontre au point, répliqua Paula, qui ajouta en riant : Attention, Georgia, notre entremetteuse en chef, vous a déjà mariés !

— Je n’ai jamais dit ça ! se défendit Georgia en riant elle aussi.

— Il n’y a pas de danger, riposta Kit. Mon père essaie de me marier depuis des années. La dernière fois, c’était avec son filleul préféré, un type qui, gamin, ne savait que me tirer les cheveux et glisser des grenouilles dans mes T-shirts ! Ne le prends pas mal, Georgia, mais tu perds ton temps.

— Oh, je ne le prends pas mal, répondit celle-ci. Sache néanmoins que j’ai vu juste trois fois de suite en la matière. Il y a eu ma cousine Beth, puis…

— Alors, comment est-ce ? les interrompit Joshua en prenant le siège près de Kit.

— Délicieux, mentit-elle.

La proximité soudaine du nouveau venu la troubla soudain, au point qu’elle éprouva autant de mal à avaler son muffin que s’il s’était agi d’un pavé de sable.

Elle demeura silencieuse le reste du petit déjeuner tandis que Georgia, Becca, Paula et Joshua discutaient comme de vieux amis.

— Encore quinze minutes et la foire aux questions commence, annonça soudain Georgia.

— Becca et moi allons réserver les places, s’empressa de dire Paula. Terminez tranquillement votre petit déjeuner. A quelle heure devez-vous y être ? demanda-t?elle à Joshua.

— J’ai encore un peu de temps. Bill doit déjà veiller à ce que tout soit prêt. Nous serons tous à l’heure, excepté Tatiana, bien sûr, qui aura comme à son habitude 10 bonnes minutes de retard !

— Nous nous sommes inscrites pour la visite de Nassau en bateau cet après-midi, enchaîna Georgia en s’adressant à Joshua. Toutes, sauf Kit. Elle préfère visiter la ville.

— Oh, intéressant, remarqua Joshua en se tournant vers Kit. Je meurs d’envie de découvrir les vieux quartiers de Nassau…

— Que voulez-vous dire ? Que nous pourrions faire cette visite ensemble ? interrogea Kit, mal à l’aise.

— Quelle merveilleuse idée ! s’exclama Georgia avec un sourire radieux. Pourquoi ne loueriez-vous pas un scooter ? Ce doit être follement amusant. Oh, comme je regrette de ne pouvoir vous accompagner !

Elle s’interrompit et se tourna vers Joshua, auquel elle confia :

— Savez-vous que Kit en est à son troisième passeport ? Et il est déjà plein, vous imaginez ?

— Allons, Georgia, cela n’intéresse personne, protesta Kit, agacée.

— Oh, mais si ! Vous pourriez discuter de tes voyages tous les deux, ce serait une bonne occasion de mieux vous connaître. Tu ne crois pas, Kit ?

Préférant ravaler sa réponse à l’aide d’une bouchée de muffin, Kit baissa les yeux, en proie à une colère sourde. A sa grande surprise, Joshua approuva aussitôt :

— C’est une excellente idée, en effet !

Et voilà qu’il s’arrangeait à présent avec cette pipelette de Georgia pour décider de son emploi du temps !

— Et j’en profiterai pour l’inviter à déjeuner, renchérit Joshua en lui adressant un clin d’œil qui la fit rougir jusqu’aux oreilles.

— Surtout pas dans l’un de ces restaurants sans âme, conseilla Georgia, le plus sérieusement du monde. Choisissez un endroit chaleureux et authentique.

Tout en sirotant son jus d’orange, Kit observa Georgia, sidérée, puis jeta un regard discret sur Joshua. Un instant, elle hésita à intervenir, mais elle y renonça. Mieux valait s’abstenir de contrarier ou de fâcher Joshua Parker. Après tout, passer toute une journée en sa compagnie présentait un sérieux avantage. Mine de rien, elle pourrait en effet mener son interview sans même qu’il s’en rendit compte. Oui, l’idée était excitante…

— Vous êtes d’accord ? l’interrogea-t?il en cherchant à déchiffrer son regard.

— Très bien, dit-elle, cachée derrière sa serviette.

Joshua se détourna pour poursuivre sa discussion avec Georgia et Kit replongea dans ses pensées. Jamais elle n’avait eu l’occasion de réaliser des reportages qui fassent la une du magazine de son père. Sujets pas assez vendeurs, tel était chaque fois le verdict. Pire encore, son père ne l’autorisait pas à signer ses papiers de son vrai nom. Mais l’interview exclusive de Joshua Parker pourrait peut-être changer les choses ? Si elle réussissait ce coup médiatique d’interviewer l’homme qui détestait la presse, son père serait bien obligé de reconnaître son mérite.

Elle soupira. L’idée d’interviewer Joshua à son insu lui déplaisait. Oui, au fond, elle se moquait bien de cette satanée interview. Elle se réjouissait en revanche de passer simplement la journée avec lui. Rien qu’elle et lui.

 
 

 

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ÞÏíã 18-12-09, 07:26 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 12
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chapitre 6

— Hé, n’essayez pas de vous échapper ! s’exclama Joshua en venant s’asseoir près d’elle.

La foire aux questions venait de se terminer et les fans s’agitaient en voyant leur idole dans la salle.

— Venez, sortons, ajouta-t?il avec un sourire en lui prenant le bras.

Il l’entraîna jusqu’à l’escalier qui menait au solarium.

— Enfin seuls, dit-il une fois sur le pont supérieur en se tournant vers elle, tout sourire. J’ai une foule de questions à vous poser, Kit. Par exemple, avez-vous bien dormi ?

Elle rougit légèrement, intimidée par tant d’aisance, tandis qu’ils longeaient les vitrines des boutiques de luxe du navire.

— J’ai l’impression d’être passée sous un train, articula-t?elle en s’efforçant de cacher son trouble.

— Pas de rêve ? Pas même de moi ? Quel dommage ! plaisanta-t?il. J’estime que vous me devez cette journée, en dédommagement.

— Bien sûr, acquiesça-t?elle avec un petit rire, se détendant enfin. Vous savez, je me suis fait un cinéma à votre sujet… Je vous prenais pour un vulgaire cow-boy qui passe son temps à cheval sur les plaines du Texas ou du Montana.

— Vous n’êtes pas loin de la vérité, affirma Joshua. Je suis né dans une ferme près de Québec, entre les cochons et les vaches. Enfant, je voulais devenir champion de rodéo. J’ai également joué au hockey, mais mon père a mis fin à ma carrière lorsque je me suis cassé le bras. J’ai toujours aimé la rudesse et l’authenticité de ce pays et d’ailleurs, il y a un an, j’ai acheté une ferme là-bas, dans la région des lacs. Actuellement, la maison est en travaux. Tenez, voilà la sortie.

Ils présentèrent leur carte de croisiériste qui enregistra leur descente, puis quittèrent le navire. Aussitôt, la canicule qui régnait sur Nassau les submergea. Ignorant les taxis en faction sur l’embarcadère, ils marchèrent un moment le long du quai, avant de remonter la voie piétonne qui menait au centre-ville. Plongée dans la lecture de la carte de Nassau qu’elle tenait à la main, Kit avançait, tête baissée, sans s’apercevoir que son compagnon s’était arrêté pour parler au cocher d’une calèche. Soudain, Joshua la rattrapa.

— Hep ! dit-il en l’attirant dans ses bras. Attention, nous sortons de la zone piétonne !

Comme pour confirmer ses dires, un taxi les frôla à cet instant. Joshua entraîna la jeune femme sur le trottoir, en sécurité. En sécurité n’était pas le mot juste, réalisa-t?elle en tressaillant. Dans sa cabine, oui, elle se serait sentie en sécurité, à l’abri du dilemme auquel elle était à présent confrontée. Elle s’arracha aux bras qui l’enlaçaient, cala ses lunettes de soleil sur son nez, puis s’éloigna d’un pas rapide. Joshua revint aussitôt à sa hauteur.

— Du calme ! Où courez-vous ainsi ? lui lança-t?il. Nous nous trouvons en pleine zone commerçante. Que voulez-vous faire ? Boutiques, musées ?

Il tenait à le savoir, vraiment ?

Elle reprit son chemin, exaspérée autant que troublée par cet homme qui représentait tant pour son avenir. Son avenir professionnel, bien évidemment, se mentit-elle, heureuse de pouvoir l’observer à son insu, bien cachée derrière ses lunettes de soleil.

— Je ne sais pas trop, répondit-elle en jetant un œil distrait sur les vitrines des boutiques détaxées. En voyage, j’aime bien regarder simplement autour de moi.

— Moi aussi, approuva Joshua d’un air songeur. Georgia m’a dit que vous aviez beaucoup voyagé.

— Georgia a la langue un peu trop bien pendue, je trouve.

— Elle adore parler.

Aucun doute là-dessus. Kit s’abstint de surenchérir et s’arrêta pour observer les façades roses et les colonnades blanches de grandes demeures en briques. Un peu plus loin, elle admira la statue de la reine Victoria.

— Et vous, vous aimez voyager ?

— Oui, beaucoup, répondit-il, souriant. L’été dernier, j’ai passé cinq semaines à sillonner l’Europe, chargé de mon sac au dos, confia-t?il. Cela restera l’une des expériences les plus enrichissantes de ma vie.

— Mes parents ne m’ont jamais autorisé ce genre d’aventure, regretta-t?elle. Oh, bien sûr, j’ai eu droit à mon expérience parisienne. Chez des amis de mon père. Quel ennui ! Jamais, en tout cas, je ne me suis enfuie au bras d’un certain Pierre, comme l’a prétendu la presse à l’époque.

— Ah, cette presse, quelle plaie ! soupira Joshua.

— On n’a pas cessé d’écrire des mensonges à mon sujet. Un jour ou l’autre, on annoncera que j’ai donné naissance à un extraterrestre.

— Voilà pourquoi je n’accorde plus d’interviews. La moindre parole prononcée est déformée. Pas question d’endosser la paternité de petits hommes verts !

Kit éclata de rire en dépit de sa frustration. Il n’accordait pas d’interviews, très bien, mais elle, elle avait besoin de l’interviewer ! Alors ? Comment devait-elle s’y prendre ? Cette promenade était l’occasion rêvée. La chance de sa vie !

— Et, euh…, reprit-elle, vous comptez voyager, cet été ?

— Non. L’heure du retour a sonné, répondit-il d’un air soudain lointain.

Kit le considéra avec intérêt, intriguée par la gravité de l’expression masculine. Peut-être tenait-elle là quelque chose qu’elle pourrait exploiter dans son papier ? Elle écarta cette idée. En réalité, elle trouvait Joshua changé depuis la nuit dernière. Oh, bien évidemment, il gardait son magnétisme, cette aura qui le rendait irrésistible. Néanmoins, avec le Joshua qui se trouvait aujourd’hui à ses côtés, elle se sentait sereine, presque détendue. Elle appréciait également sa conversation, d’autant que celle-ci prenait un tour plus personnel. Un instant contrariée par un sentiment de culpabilité, Kit se défendit néanmoins, en son for intérieur, de vouloir utiliser Joshua à ses fins.

— Le retour ? Où donc ? demanda-t?elle.

— Après Québec, j’ai grandi à Canandaigua, dans la région des lacs. Là-bas, la nature offre un spectacle somptueux. Maman s’y était installée après son divorce avec mon père, puis elle s’est remariée et nous avons déménagé à Albany. Ensuite, elle a de nouveau divorcé.

— Oh, lâcha Kit, amusée. Des frères et sœurs ?

— Deux demi-frères du second mariage de maman et deux sœurs aînées de son mariage avec papa. Tous vivent à New York ou au Canada. Et vous ?

— Un frère, Cameron. Mon aîné de quatre ans, toujours célibataire. Oui, il doit avoir votre âge. Un vrai play-boy, très attaché à sa liberté.

Tournant la tête pour admirer la vue pittoresque du vieux Nassau, Kit ne vit pas le regard étrange que lui lança Joshua à cet instant. Ils bifurquèrent au coin d’une rue et elle comprit alors qu’ils étaient revenus sur leurs pas.

— Le cocher nous attend, dit Joshua en désignant une calèche.

L’homme lui adressa un sourire enjôleur lorsqu’elle s’installa sur la minuscule banquette, serrée contre Joshua. Un coup de fouet claqua dans les airs et la calèche s’ébranla à travers les rues de la ville. Kit décida de se laisser aller et de profiter sans arrière-pensée de la visite. Joshua, devenu guide pour l’occasion, s’efforçait avec humour de lui commenter les curiosités des différents quartiers.

— C’est magnifique, apprécia-t?elle alors que la calèche s’arrêtait devant une place aux faux airs d’Angleterre.

— Ravi que ça vous plaise, répondit Joshua en posant sa main sur celle de la jeune femme.

Elle frémit instantanément à cette caresse. Elle se moquait de sa cheville comme de sa première minijupe.

— Racontez-moi, Joshua, se força-t?elle à demander afin de rompre le charme dans lequel la plongeait leur contact. Comment vous est venue l’idée d’écrire des séries télé ?

— Oh, pour être franc, c’est le hasard qui a décidé pour moi. Vous savez, je n’ai jamais été bon élève. Ce qui faisait le désespoir de mon père. Il nourrissait de si grandes ambitions pour moi…

— Mais vous avez réussi. Des millions de fans adorent la série que vous avez créée.

— Oh, mon père se moque bien de cette série, s’exclama Joshua avec une ironie un peu amère. Il se considère comme un gentleman et pour lui, certaines activités sont méprisables.

Kit ne trouva rien à dire. L’amertume de Joshua lui était si familière ! Oui, ils se ressemblaient, d’une certaine façon. Ce fut avec horreur qu’elle considéra soudain l’éventualité de révéler l’intimité de Joshua au grand public. En proie à un doute de plus en plus pesant, elle se recroquevilla sur la banquette, tandis que Joshua reprenait la parole :

— J’ai commencé à écrire et à vendre des scénarios ici et là. Ma chance a été de rencontrer Bill Davies. Il y a neuf ans, il m’achetait le concept de La dernière frontière. Et voilà ! conclut-il en regardant autour de lui. Où sommes-nous donc ?

— Je suppose que notre cocher ne peut pas se perdre, remarqua-t?elle.

— Oui, vous avez raison. Laissons-le faire.

Derrière ses lunettes, Kit ferma les yeux, la nuque appuyée au dossier en cuir de la banquette. Son cerveau s’était mis à analyser les informations fournies par Joshua. Elle avait le sentiment qu’à travers ce récit hâtif et lisse, il cherchait à donner le change en évitant soigneusement d’approfondir certains faits. Mais lesquels ?

Perdue dans ses pensées, elle se mordilla la lèvre inférieure. A l’évidence, Joshua et son père n’entretenaient plus guère de relations. Ils ne se comprenaient pas. Dans sa famille à elle, c’était son père qui ne la comprenait pas plus. Si tel n’était pas le cas, elle ne serait pas, en ce moment même, en train de se débattre dans cette situation pour le moins fâcheuse, à tenter de savoir ce qu’elle devait faire.

Mieux valait lancer Joshua sur un autre sujet, moins sensible, un sujet sans rapport avec la famille. Elle rouvrit les yeux et se tourna vers lui :

— Où nous emmenez-vous ? s’enquit?elle.

— Le Fort de la reine. Beaucoup de marches ! s’interposa brusquement le cocher avec un accent à couper au couteau qui la fit rire. Moi attendre vous en bas.

— Curieux, remarqua Kit lorsqu’ils descendirent du véhicule. Je ne vois aucune autre calèche dans les environs.

— Je lui ai donné un extra pour qu’il nous conduise hors des sentiers battus, répondit Joshua. Il n’a pas le droit, en principe. Cela pourrait lui valoir sa licence.

— Oh oh ! Je vois d’ici les gros titres : O’Brien et Parker soudoient un cocher !

Elle se mit à rire, puis leva son visage vers le soleil brûlant. A vrai dire, elle se moquait pas mal des tabloïds en cet instant. Un guide les accueillit et ils se dirigèrent vers le fort.

— Impressionnant ! s’extasia Kit devant les remparts.

— Faisons le tour, voulez-vous ? suggéra Joshua en lui prenant la main.

Abandonnant alors sa main à Joshua, elle se laissa entraîner.

Tandis que Joshua cheminait vers le Fort de Fincastle, son esprit s’intéressait à tout autre chose qu’au monument édifié en 1793 par Lord Dunmore. Peu lui importait les vieilles pierres et les canons rouillés. Il jouissait simplement du bonheur de partager cette journée avec la pétillante Kit O’Brien.

Il adorait sa spontanéité, sa façon de s’enthousiasmer. Malgré la migraine, elle manifestait une curiosité attendrissante pour tout ce qu’elle ne connaissait pas. Elle voulait tout voir, tout faire. Il comprenait à présent pourquoi il arrivait qu’elle fût désignée comme fantasque et irresponsable par la presse. En réalité, elle était impulsive, gourmande de connaître, de sentir. Oui, elle mordait la vie à pleines dents, inconsciente et libre. Quelle chance, se dit-il en l’observant, car en cas de besoin, papa était là, qu’elle le veuille ou non. Oui, elle ne se rendait pas compte de la chance qu’elle avait de pouvoir ainsi compter sur son père.

Joshua la regarda caresser les blocs de pierre des murs de l’enceinte. Son propre père ne s’était jamais montré aussi compréhensif avec lui, encore moins généreux. Même lorsque Joshua l’avait supplié de lui pardonner.

Machinalement, il emboîta le pas à Kit. Elle s’était mise dans l’idée de gravir l’escalier vertigineux qui conduisait à l’une des tours du fort. Une fois en haut, ils admirèrent en silence le panorama sur le littoral.

— Regardez ! s’exclama soudain la jeune femme, on aperçoit l’Island Voyager. Quel dommage que je n’ai pas emporté mon appareil photo.

— Oh, vous devriez trouver sans mal une carte postale. Mais venez maintenant. Je voudrais vous montrer quelque chose d’autre.

— Quoi donc ? demanda Kit, manifestement excitée.

— Chut ! Suivez-moi.

Joshua revint sur leurs pas, jusqu’à une lourde porte de chêne qui s’ouvrit en grinçant. Une petite pièce apparut, éclairée seulement par la lumière du jour qui filtrait par une lucarne ouverte dans la porte. Il aida Kit à descendre l’unique marche qui menait dans la pièce humide et froide, puis il referma derrière eux.

— Je crois que c’est le cachot, murmura-t?il en lui prenant tendrement le bras, troublé de la savoir soudain toute à lui, prisonnière.

— Ou peut-être le garde-manger, répliqua-t?elle, pragmatique.

— Je ne crois pas.

Plongeant ses yeux dans ceux de la jeune femme, qui étincelaient dans la pénombre, il s’approcha d’elle et lui caressa la joue.

— Que… faites-vous ? bredouilla-t?elle, visiblement troublée.

— Nous sommes seuls ici, répondit-il. A l’abri. Pas de témoins, pas d’appareils photo.

Il l’attira contre lui et l’obligea à lever son visage vers le sien, puis, lentement, il avança ses lèvres et l’embrassa. Kit ne résista pas et, au contraire, lui rendit instantanément son baiser, avec une fièvre, une passion qui l’enflamma. La seconde d’après, elle glissait les doigts dans ses cheveux et se hissait contre lui, pressant ses seins contre son torse.

Un bruit de pas et des voix toutes proches le contraignirent soudain à s’écarter. Pas question de se faire une nouvelle fois piéger par une chroniqueuse en mal de scoop !

— Je crois qu’il se passe quelque chose entre nous, chuchota-t?il en effleurant la joue de Kit, qui le fixait, sa bouche encore humide tendue vers lui.

L’arrivée inopinée d’un guide et d’un couple de touristes dans le cachot permit à Kit de s’épargner de répondre.

— Partons, murmura Joshua à son oreille.

Ils sortirent aussitôt et il eut brutalement conscience d’avoir été métamorphosé. C’était comme s’il avait eu une révélation. Il désirait cette femme. Follement. Et à la manière dont elle avait répondu à son baiser, il savait qu’elle le désirait tout autant. Oui, il voulait Kit dans son lit, c’était aussi simple que ça. Aussi déstabilisant. Oh, il ne se faisait pas d’illusions. La riche héritière et lui, le futur fermier, n’avaient pas les mêmes valeurs. Certes, mais leur désir physique, en tout cas, était réciproque.

Ils dévalèrent le chemin et aperçurent bientôt leur cocher qui agitait les bras. A vrai dire, songea Joshua, étant donné le temps que lui et Kit avaient passé dans le fort, nul doute qu’il devrait s’acquitter d’un pourboire supplémentaire, en plus du bonus, et même de l’extra…

Kit ne parvenait pas à croire à sa chance. Ce matin encore, en apprenant que Joshua était son interviewé, elle avait été anéantie. Mais après tout, quelle importance ? En y réfléchissant, personne n’attendait d’elle qu’elle réalise une interview classique, dans les règles de l’art. Il lui suffirait de noter ses impressions, tout simplement ! Ainsi, Joshua ne se douterait de rien et elle n’aurait elle-même rien à lui demander. Et puis, elle ne cherchait pas à se servir de lui, elle voulait seulement apprendre à le connaître. Oh oui, se dit-elle, confiante, apaisée, tout était finalement pour le mieux.

Souriant aux anges, elle s’installa confortablement sur la banquette de la calèche, tandis que Joshua négociait à voix basse un tarif avec le cocher, visiblement trop heureux de l’aubaine. Au coup de sifflet, la jument se mit à trotter gaiement, rejoignant les rues étroites du centre-ville. L’air était doux et pour la première fois peut-être depuis son enfance, Kit se sentit bien, détendue et sereine. Si sereine qu’elle prit doucement la main de Joshua dans la sienne. Surpris, il la regarda, puis lui sourit et serra sa main.

— Je suis heureux de partager ce moment avec vous, chuchota-t?il.

Elle sentit son cœur se serrer. Que lui arrivait-il ? Elle ne connaissait Joshua que depuis vingt-quatre heures et déjà, elle fondait à la moindre de ses paroles. Brusquement, malgré le soleil tropical, elle frissonna. Et le seul moyen qu’elle trouva pour résister au tourbillon de ses émotions fut de se concentrer sur sa mission.

— Je suppose que cette journaliste doit vous interviewer ? lança-t?elle soudain sur un ton léger.

— Pardon ? Qui ? Ah, Marilyn ? marmonna Joshua. Certainement pas ! Je ne veux plus entendre parler d’interviews. Fini. Terminé.

— Ah…

Elle s’en voulut d’avoir à ce point manqué de discernement. Mieux valait ne pas attirer l’attention de Joshua sur ce sujet. La minute suivante, leur calèche s’immobilisait devant la terrasse d’un restaurant.

— Notre cocher prétend qu’il s’agit de la meilleure table de la ville, expliqua Joshua. Si c’est vrai, je lui ai promis de lui donner une petite rallonge.

Il conclut sa remarque d’un clin d’œil avant d’éclater de rire. Complice, Kit l’imita. Plus tard, songea-t?elle, une fois que chacun serait retourné à sa vie, à ses affaires, à ses amours, ils souriraient, nostalgiques, au souvenir de ces bonus, extra et autres pourboires accordés un jour à un cocher de Nassau…

— Je meurs de faim, s’exclama-t?elle en s’arrachant à ses pensées. C’est certainement l’air des tropiques.

— Certainement, renchérit Joshua en plongeant ses yeux dans ceux de Kit.

Le cocher bondit à cet instant sur le trottoir et présenta sa main gantée à la jeune femme, qu’il aida à descendre de la calèche.

— Venez ! Suivez-moi ! leur lança-t?il. Vous, manger !

Joshua et Kit s’engouffrèrent à sa suite dans le restaurant. Aussitôt, une hôtesse vint les saluer, tandis que le cocher disparaissait dans l’arrière-salle. L’hôtesse les mena à une table pour deux, isolée de la foule des clients.

— Voilà un restaurant authentique des Bahamas comme l’aimerait Georgia, fit remarquer Joshua. Que souhaitez-vous manger ?

— Des plats authentiques, bien sûr ! répondit Kit, rieuse, tout en examinant sa chaise en bambou tressé. Si vous saviez ce que j’ai eu l’occasion de consommer au cours de mes voyages ! Des petites bêtes, des grosses…

— Moi, je me *******erai de poulet, l’interrompit-il en consultant la carte.
— Oh, laissez-moi choisir pour vous ! lança-t?elle, lui arrachant le menu des doigts. S’il vous plaît ! Et promettez-moi de manger ce que j’aurai commandé. Osez ! Après tout, vous êtes en vacances !

— Du moment que mon estomac le supporte, remarqua-t?il, l’air peu enthousiaste.

Il ne regretta pas de l’avoir suivie. Lui si peu aventureux généralement sur le plan gastronomique, dégusta avec un immense plaisir les plats les plus épicés et insolites qu’il ait jamais vus dans son assiette. Oui, ce déjeuner se révéla un régal. Autant que la compagnie.

Kit ne ressemblait à aucune des femmes qu’il avait fréquentées. Enfant gâtée, peut-être, mais surtout, innocente et fraîche. Et son sourire ! Joshua était incapable de détacher son regard du visage féminin lorsqu’elle souriait. D’imperceptibles sillons se dessinaient alors autour de ses yeux et deux fossettes se creusaient dans ses joues. Oh, certes, elle n’était certainement pas la plus belle femme avec laquelle il fût sorti, mais c’était sans aucun doute la plus naturelle. Même sans maquillage, elle resplendissait. Tandis qu’elle savourait sa glace, il promena les yeux sur elle.

Aucun doute, convint-il en observant ses épaules, son cou, ses seins… Réprimant un frisson de désir, il tressaillit. Oui, il avait envie de faire l’amour avec elle. Peut-être cela l’aiderait-il à guérir. Car depuis leur rencontre, il ne se passait pas une minute sans qu’il pensât à elle. A croire qu’elle lui avait décoché une flèche empoisonnée en plein cœur. Et ailleurs. Oui, faire l’amour avec elle agirait comme un antidote, il en était convaincu. Et puis ? Et puis rien ! De toute manière, elle n’était pas faite pour lui, il le savait.

Ils étaient comme le feu et la glace. Incompatibles. Tandis qu’elle ne cessait de tourmenter son père, lui s’efforçait de renouer avec le sien. Elle vivait à cent à l’heure ; lui ne souhaitait plus qu’emprunter les chemins de traverse. Il recherchait le calme et la paix ; elle vivait pour le strass et les paillettes.

Non, lui et Kit O’Brien ne pouvaient espérer partager autre chose qu’une aventure, quelques heures de plaisir. Et même s’ils faisaient l’amour, il doutait de pouvoir compter sur sa discrétion, elle qui semblait ne vivre que pour le regard des médias.

Non, Kit ne pourrait jamais comprendre le conflit qui l’opposait à son père. Après avoir réduit à néant les ambitions politiques de ce dernier et affiché tout son mépris à l’égard de sa nouvelle épouse, Joshua savait que la réconciliation lui appartenait. C’était à lui à faire le premier pas, à lui de ravaler son orgueil. Oui, il devait bien ça à l’homme dont il avait détruit le rêve.

Joshua continua d’observer Kit, fasciné par le décolleté de son débardeur, par la rondeur délicate de ses seins si délicieusement suggérés sous le coton. La gorge sèche, il s’empressa de détourner les yeux. Aimer ce corps devait être une expérience fabuleuse.

— Vous allez bien ? s’enquit-elle, l’air soucieux, le ramenant à la réalité.

— Oh, oui, oui, répondit-il. Pourquoi ?

— Vous étiez en train de m’observer.

— Où est le mal ? Vous êtes très belle.

Elle rougit et faillit en lâcher sa fourchette.

— Vous n’avez plus faim ? Déjà ? Vous ne voulez pas goûter les fruits du marché ?

— Non, merci, répondit Joshua, soudain morose, en agitant la main en direction du serveur.

Tandis qu’il réglait l’addition, il leva discrètement les yeux et observa les mains de Kit. Elles tremblaient. Etait-elle en proie au désir, elle aussi ? Bon sang, comme cette femme le troublait ! A la vérité, elle chamboulait tout son univers, bousculait ses repères. Il ne se reconnaissait plus, tout simplement.

Il avait désormais la certitude qu’elle le désirait tout autant que lui. Bah, une liaison ne les engagerait à rien. A condition qu’il restât vigilant. Prenant le bras de la jeune femme, il l’entraîna en silence jusqu’à la calèche, l’aida à s’installer et effleura ses cuisses en s’asseyant à son tour. C’en était trop pour lui, qui avait déjà les nerfs à fleur de peau. Il lui prit les lèvres et l’embrassa avec fièvre, brûlant d’impatience. Elle répondit d’abord avec la même ardeur, puis le repoussa, les poings plaqués contre son torse.

— On nous… on nous regarde, murmura-t?elle, le souffle court.

— Sitôt à bord, je vous enlève, murmura-t?il en faisant glisser la main sur sa nuque. J’ai envie de vous embrasser. Longtemps et partout.
Mais qu’est-ce qui clochait avec Joshua Parker ? se demanda Kit, rouge de confusion après le clin d’œil lourd de sous-entendus que lui jeta le cocher. Remontant ses lunettes sur son nez, elle tenta d’y voir un peu plus clair, tandis que, d’un coup de fouet, le bonhomme faisait accélérer sa monture. Avant Joshua, personne ne lui avait jamais parlé si directement, en termes si peu ambigus. De toute manière, elle aurait sans hésiter giflé quiconque se serait un peu trop approché d’elle.

Mais alors ? La vérité, c’était qu’en dépit de ce que pouvaient raconter les journaux, elle n’avait aucune expérience des hommes. Et les rares baisers échangés au cours des années avaient été loin de lui faire perdre la tête. Ceux de Joshua, en revanche, lui donnaient des envies de peau et de chair. Des envies de corps et de cris. Quand il l’embrassait, des images de corps nus enlacés la submergeaient. Désemparée, elle agita la tête. Suis-je en train de devenir une obsédée sexuelle ? se demanda-t?elle.

Discrètement, elle le dévisagea. Joshua provoquait-il ce genre de réactions chez toutes les femmes qu’il approchait ? Il n’y aurait rien d’étonnant à cela. C’était un homme séduisant. Georgia, Paula et Becca ne s’y étaient pas trompées. Agacée, Kit s’agita sur la banquette.

— Le marché ! claironna subitement le cocher en arrêtant la calèche.

— Oui, bonne idée ! s’exclama Joshua. Après ça, nous rejoindrons le navire à pied, ajouta-t?il en sortant son portefeuille.

Kit salua le brave homme et s’éloigna d’un pas rapide, sans attendre Joshua, qui dut courir pour la rattraper :

— Hé, où allez-vous comme ça ?

— Nulle part… Je visite, c’est tout, marmonna-t?elle en s’efforçant de dissimuler son trouble.

Elle hâta le pas, ne s’immobilisant qu’après un long moment devant un étal sur lequel étaient exposés toutes sortes de bijoux. Elle arrêta son choix sur un collier de perles en corail et entreprit de marchander avec l’artisan, qui finit par céder à l’entêtement de cette cliente peu commune.

— S’il vous plaît, dit-elle alors en tendant son nouvel achat à Joshua.

Il s’exécuta avec douceur et glissa délicatement le collier autour de son cou. Fermant les yeux, Kit se dit une nouvelle fois que les mains de Joshua avaient quelque chose de magique. Tout comme ses baisers. Elle frissonna, tandis qu’il arrangeait le collier sur sa nuque.

— Relax…, murmura-t?il.

Elle soupira. Elle avait réussi au-delà de ses espérances, après tout. Il se montrait confiant avec elle, lui parlait de choses personnelles qui, elle n’en doutait pas, lui permettraient de rédiger un article exceptionnel.

Alors pourquoi se sentait-elle si triste ? Lorsque Joshua retira ses mains de son cou, elle réprima un gémissement de déception. Il se pencha et lui sourit. Un sourire authentique. Craquant.

Oh non ! Elle n’allait pas tomber amoureuse de lui ! Certainement pas.

Amoureuse ? Mais que savait-elle de l’amour ? Non, ces sentiments inconnus qui l’agitaient ne pouvaient être de l’amour. Et puis, tout cela ne faisait que compliquer la situation. Elle ne devait pas perdre de vue la finalité de sa participation à cette satanée croisière.

Elle voulait que son père voit enfin en elle une femme indépendante. Et elle ne pouvait permettre que Joshua la distraie de son but. Coupable ? se défia-t?elle, amère, mais de quoi donc ?

En chemin vers les quais, ils prirent le temps de visiter la cathédrale, apposant même leur signature côte à côte sur le livre d’or. Kit songea que cet acte donnait à leur rencontre une tout autre ampleur. En joignant ainsi leurs noms sur cette page, il semblait qu’ils venaient de signer en tant que couple, et pour l’éternité. Un couple ?

Une fois sortis de la cathédrale, elle pressa le pas, préoccupée par cette pensée, alors que se profilait au loin la silhouette de l’Island Voyager. Dans l’air humide et lourd, elle se sentit soudain oppressée.

 
 

 

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chapitre 8

— Qu… Quoi ? bafouilla Kit en rouvrant les yeux, désemparée.
— Non, Kit, tenta d’expliquer Joshua. Vos vêtements… Il ne faut pas. Demain matin…
— Quoi, demain matin ? interrogea-t?elle, au bord de la crise de nerfs.
— Vous avez besoin de vêtements, dit-il. Si vous traversez le navire en robe de soirée demain matin, toute la presse jasera. Non, il vous faudrait quelques affaires de rechange. Ainsi, vous pourrez rester auprès de moi toute la nuit. Vous réveiller dans mes bras. Vous doucher avec moi.
Comprenant enfin ce que Joshua voulait dire, Kit se détendit.
— Oh, quel programme ! s’exclama-t?elle en lui déposant un baiser sur le menton. Et où vais-je trouver ces affaires ?
Joshua ne répondit pas, trop occupé à lui rendre ses baisers, qu’il goûtait avec passion. Puis, de nouveau, il s’écarta.
— Dans votre cabine. Maintenant, commanda-t?il.
La prenant par la main, il l’entraîna dans la cabine, qu’il traversa d’un pas rapide pour sortir dans le couloir. En riant, Kit trottina jusqu’à l’ascenseur, tandis qu’il la faisait se hâter d’une tape sur les fesses.
— Imaginez que l’on nous surprenne, là, maintenant ? lui lança-t?elle, alors que les portes de l’ascenseur se refermaient sur elle.
— Cela serait tout de même moins compromettant que de vous photographier au petit matin en robe de soirée.
— C’est vrai.
Une fois à l’abri des regards, Joshua l’attira entre ses bras et la berça un moment, puis laissa glisser ses mains sur le dos, les reins de la jeune femme. Lentement, il souleva la robe et caressa les cuisses fines. Puis il la plaqua contre une paroi de l’ascenseur et ses gestes se firent plus précis, plus impatients. Kit se cambra en gémissant tandis qu’elle sentait la main masculine s’insinuer sous son slip. Elle retint un cri à l’instant précis où l’ascenseur s’immobilisait. Instantanément, ils s’écartèrent l’un de l’autre.
La seconde d’après, ils remontaient le couloir jusqu’à la cabine de Kit, qui eut toutes les peines du monde à extraire la carte magnétique de son sac, tant ses mains tremblaient. Sans un mot, Joshua s’en empara et ouvrit lui-même la porte. Une fois à l’intérieur, Kit rassembla à la hâte brosse à dents, brosse à cheveux, bermuda et T-shirt, ainsi qu’une paire de sandales et des dessous propres, affaires qu’elle jeta dans une poche estampillée aux couleurs de l’Island Voyager.
— Je suis prête, dit-elle en se tournant vers Joshua, qui s’était assis sur le lit.
Il bondit sur ses pieds et vint aussitôt l’embrasser. Sentant ses jambes se dérober sous elle, Kit recula, enlacée à lui, vers la porte. Fébrile, Joshua lui releva en soupirant la robe jusqu’aux hanches.
— Sortons d’ici tout de suite, souffla-t?il en s’écartant cependant d’elle.
— A vos ordres, chuchota-t?elle, encore tout étourdie par cette étreinte riche en promesses. Et si je laissais un petit mot à mes co-locataires pour les prévenir que je ne rentrerai pas ?
— A mon avis, elles sont déjà au courant, répondit Joshua en l’entraînant dans le couloir.
Il jeta un coup d’œil à droite, puis à gauche, avant de sortir avec des airs de conspirateur.
Quelques minutes plus tard, ils étaient de retour dans la suite de Joshua. En chemin, ils n’avaient croisé qu’un seul couple, dans l’ascenseur, au grand soulagement de Kit.
Sitôt passée la porte de la cabine, où elle se sentit enfin en sécurité, elle poussa un long soupir et se tourna vers Joshua. Elle se sentait à bout de nerfs. Et de désir.
Visiblement dans le même état, Joshua réagit avec promptitude à la prière de son regard. Il bondit et l’enlaça, cherchant avec avidité sa bouche. Libérée de toutes ses angoisses, Kit lui rendit son baiser, gémissant sous ses lèvres.
Elle aurait pu l’embrasser ainsi la nuit entière, mais elle se libéra néanmoins et, penchant la tête, offrit le cou à ses lèvres humides et chaudes. Joshua la dévora de baisers et s’empara de sa taille, de ses hanches, puis de ses seins. Kit retint un cri et se cambra, n’en pouvant plus de désir.
Joshua explora alors de la langue le décolleté en dentelle et trouva la fermeture Eclair de la robe, qu’il fit céder d’un geste sec. Puis, sans perdre du regard le visage de Kit, il fit lentement descendre les bretelles sur les épaules de la jeune femme. Sentant son corps se dénuder, Kit ferma les yeux et Joshua s’écarta pour la contempler.
— Comme vous êtes belle…, chuchota-t?il d’un ton qui la fit tressaillir.
Elle rouvrit les yeux à l’instant même où il se rapprochait pour prendre ses lèvres, puis, de nouveau, il recula et la regarda, avec la même intensité, la même volonté
Elle se tenait presque nue devant lui, sans rien d’autre que ses dessous en dentelle. Autant dire peu de choses. Le tissu ne dissimulait quasiment rien de la rondeur de ses seins, qui se dressaient maintenant sous les yeux de Joshua. Il les fixa un long moment. Enfin, son regard descendit sur le ventre, puis sur le slip de Kit.
— Comme vous êtes belle…, répéta-t?il en se rapprochant.
Kit se mordit la lèvre lorsqu’il posa les mains sur ses hanches et entreprit de lui caresser le dos, puis les épaules. Ce fut ensuite ses lèvres qui glissèrent le long du cou de la jeune femme, s’attardèrent sur la dentelle du soutien-gorge. Il ne lui fallut qu’un instant pour dégrafer ce dernier. Aussitôt, il se remit à la caresser, lui prenant les seins entre ses doigts avec douceur, mais sans se préoccuper du martyre qu’il lui infligeait. Alors, n’y tenant plus, Kit agrippa la veste qu’il portait encore et la lui arracha.
Il s’écarta et lui déposa un baiser sur le nez avant de la prendre dans ses bras pour l’emporter sur le lit.
— Vive les grands lits, murmura-t?il avec un sourire.
Kit lui sourit en retour et tandis qu’il l’allongeait sur le lit, elle l’attira contre elle. Il lui échappa et rampa sur elle, lui couvrant la poitrine de baisers, puis referma les lèvres sur un sein d’abord, sur l’autre ensuite, en des caresses d’une volupté insupportable. Dans la ferveur du plaisir, Kit referma les poings sur sa chemise qu’elle pensa un bref instant déchirer. Relevant alors la tête, Joshua murmura :
— Aidez-moi, Kit.
Sans un mot, elle s’agenouilla et l’aida à retirer sa chemise. Un long moment, elle resta à le regarder, à admirer son torse nu, puis elle s’approcha de lui et avec un soupir, plaqua ses seins contre la poitrine puissante. L’instant d’après, tremblante, elle chercha à défaire le pantalon, arrachant un gémissement à Joshua quand elle effleura le sexe dressé par le désir.
A son tour, il fit descendre sa main entre les cuisses de Kit et la caressa par-dessus le slip. Elle gémit quand les doigts experts se refermèrent sur elle. Oui, elle le désirait autant qu’il la désirait. Puis il introduisit ses doigts au-dessous du slip de dentelle et laissa échapper un râle en sentant la chair humide et chaude offerte à sa paume.
Les lèvres entrouvertes, les yeux clos, Kit le supplia. Elle crut mourir quand il interrompit ses caresses. Hors d’elle, elle se redressa et colla sa bouche à celle de Joshua, le corps désespérément tendu vers lui.
— Joshua !
Il bondit au pied du lit et se saisit d’un préservatif dans le tiroir du chevet. La seconde d’après, il revint se placer au-dessus d’elle et la pénétra, plongeant profondément en elle et déclenchant en Kit une succession de secousses d’un plaisir intense.
Joshua se raidit et chercha son regard, visiblement stupéfait. Elle murmura son nom et bougea avec lui, nouant bientôt les jambes autour de ses reins. Elle le supplia et gémit, glissa les doigts dans les cheveux épars, se cambrant pour mieux se donner à lui.
Le même orgasme les submergea bientôt, un plaisir fulgurant qui embrasa la cabine de mille étoiles incandescentes. Longtemps après, Kit était encore agitée de tremblements, son corps à la fois meurtri et épanoui, épuisé et ravi. En soupirant, elle se blottit entre les draps, les bras noués autour du cou de Joshua, refusant de le laisser s’écarter d’un seul centimètre. Silencieuse, elle lui caressa le dos tandis qu’il embrassait le creux de son cou.
— Kit, dit-il au bout d’un long moment, j’ai peur de… Je ne sais pas… d’avoir été brutal.
Ils se regardèrent. Joshua avait conscience de ce qu’elle venait de lui donner. A lui !
— Oui, il ne faut pas croire tout ce que la presse raconte, chuchota-t?elle.
— Est-ce que… je ne vous ai pas fait mal ?
— Non.
Elle lui sourit. Un sourire qui le fit fondre en même temps qu’il réveilla son désir. Rampant sur elle, il la dévora des yeux, le corps suspendu à quelques centimètres de celui de Kit.
— Qu’avez-vous fait de moi, Joshua Parker ? demanda-t?elle en posant les mains sur ses reins, avec un sourire diabolique cette fois.
Elle était belle. Femme. Sensuelle.
— Et vous, de moi, Kit O’Brien…

Kit s’éveilla en sursaut. Le martèlement des moteurs de l’Island Voyager avait cessé, indiquant que le navire avait atteint sa destination, une île privée.
L’aube pointait à peine et elle se lova entre les bras protecteurs de Joshua qui, profondément endormi, gémit. Elle le dévisagea, fascinée par sa beauté dans l’éclat rougeoyant de la lumière matinale. Il paraissait serein. Et heureux. En tressaillant, elle lui caressa la joue puis, du bout des doigts, suivit le contour de ces lèvres qui l’avaient si bien aimée. Du fond de ses rêves, il entrouvrit la bouche comme pour embrasser sa main. Kit sourit lorsqu’elle le sentit resserrer inconsciemment les bras autour de sa taille.
Que d’horreurs ses camarades de collèges avaient-elles raconté à propos de leur première fois ! Jamais elle n’aurait imaginé que faire l’amour fût un acte si merveilleux, si magique ! Joshua avait exploré des parties de son corps dont elle ne soupçonnait pas la sensibilité. Il avait su embraser chaque pore de sa peau, lui avait révélé mille plaisirs. Encore engourdie de sommeil, elle ferma les yeux. Oui, ils avaient fait l’amour.
L’amour ? Elle rouvrit les yeux, parfaitement réveillée à présent. Mais à quoi songeait-elle ? De l’amour ? Certainement pas !
Kit observa Joshua Parker avec un nouvel intérêt. Excepté dans les films, personne ne tombait amoureux aussi vite. Oh, bien sûr, Joshua s’était montré extrêmement prévenant, mais il suffirait qu’elle lui apprît la vraie raison de sa présence sur ce navire pour qu’il la laisse tomber comme une vieille chaussette. Non, mieux valait qu’il continue à imaginer qu’elle fuyait son père.
Elle réalisa soudain la gravité de son acte. Elle avait fait l’amour avec l’homme qu’Eléni lui avait demandé d’interviewer. Oui, elle avait tout simplement compromis sa crédibilité.
En vérité, elle s’était jurée cette nuit-là d’abandonner ce projet d’interview et elle comptait à présent en informer sa rédactrice en chef. Mais Eléni ne verrait certainement pas dans cette défection la preuve que Kit avait finalement décidé d’obéir à son père. Non, Eléni ne serait pas dupe et saurait tout de suite qu’il s’était passé quelque chose avec Joshua, quelque chose de définitif. Et alors ? pesta Kit en silence. Qu’y pouvait-elle si elle avait eu envie de cet homme ?
N’avait-elle pas envie de lui depuis le premier instant ? Elle se tourna vers lui pour l’observer et tressaillit à la vue de ce corps si tendre et si puissant. Oui, elle le désirait, voulait encore goûter à sa peau, s’enivrer de son odeur, le posséder.
Avec Joshua, elle se sentait elle-même. Entièrement. Il ne s’agissait pas d’une simple satisfaction sexuelle. C’était bien plus que cela. Leurs étreintes étaient faites d’autre chose que du simple désir physique, elle en avait la conviction. Son cœur le savait, intimement. Même si la raison, la terreur aussi la poussaient à affirmer le contraire.
Non, ce dont elle était sûre, c’était qu’elle ne voulait surtout pas tomber amoureuse de Joshua Parker. Le plaisir peut-être, mais certainement pas l’amour.
Qu’avait-elle fait ? Et comment allait-elle s’en sortir maintenant ? Elle devait quitter cette cabine sur-le-champ. S’éloigner de cet homme au plus vite. Retenant ses larmes, elle entreprit de s’arracher aux bras de Joshua sans le réveiller.
Jamais encore, elle n’avait quitté le lit d’un homme au petit matin. Elle se compara un instant à une voleuse, puis se traita de lâche, mais lorsqu’elle fut enfin levée, repoussant ces pensées, elle enfila ses vêtements de rechange et ramassa sa robe de soirée et ses affaires de la veille pour les rouler en boule dans la poche de l’Island Voyager. Ses bijoux, à présent ! Où étaient-ils passés ? Elle regarda autour d’elle, perplexe, quand Joshua remua dans son sommeil en marmonnant. En un instant, Kit renonça à chercher davantage. Sans un bruit, elle sortit de la suite et se dirigea vers sa cabine.
Joshua sut que Kit était levée sitôt qu’il se sentit privé de la chaleur de son corps. Il l’avait tenue entre ses bras une bonne partie de la nuit, se réveillant parfois en sursaut pour vérifier qu’elle se trouvait toujours près de lui. Il se tourna vers le réveil. 6 h 25. Il sourit en pensant qu’une heure plus tôt, Kit et lui faisaient encore l’amour. Puis son cœur cessa brusquement de battre et il s’aperçut qu’il avait encore envie d’elle.
Cette nuit avait été magique. Somptueuse. Et encore, estima-t?il, les mots étaient faibles ! Avec Kit, Joshua avait eu l’impression de faire l’amour pour la première fois. Quelque chose en elle le faisait vibrer, quelque chose que n’avaient pas les autres femmes. La caresser, l’aimer avait été une révélation.
Il se souvint du visage de la jeune femme au moment où il l’avait possédée. Kit l’avait regardé avec une telle passion, s’était donnée à lui avec tant d’amour, tant d’innocence ! De pureté, oui. Jamais il n’avait fait cela avec aucune femme, de l’observer pendant l’amour. Il n’en avait jamais eu envie, en vérité. Et cela avait été merveilleux. Dans ce moment d’union physique, ils avaient partagé quelque chose de plus profond, de plus secret. Et il en resterait là ? Oh non, pas question ! Il voulait lui donner plus encore, partager autre chose avec elle.
Ainsi donc, la proie favorite des tabloïds new-yorkais était vierge. Et c’était lui qu’elle avait choisi ! Il sourit une nouvelle fois. Qui aurait pu imaginer hier seulement un tel miracle ?
Oui, ils allaient bien ensemble. Pourquoi faudrait-il laisser passer cette chance merveilleuse ? Oh, d’accord, ils étaient différents, elle la citadine, lui le cow-boy, mais le feu avait désormais pris entre eux et rien ne pourrait l’éteindre, il en avait la certitude.
Il s’assit dans le lit et regarda autour de lui, espérant la voir surgir de la salle de bains. Non, elle s’était bel et bien volatilisée, pesta-t?il en se laissant retomber sur l’oreiller imprégné du parfum féminin. Oh, Kit, je veux te garder entre mes bras. Me réveiller contre toi. Te faire l’amour encore et encore. Prendre le petit déjeuner avec toi.

Pas te voir t’évanouir comme si tu n’étais qu’un rêve
.
Le regard rivé au plafond, Joshua prit sa décision. Non, ça ne s’arrêterait pas là. Pas comme ça.
Elle hantait ses pensées. Comment s’était-elle débrouillée pour réussir là où toutes les autres avaient échoué ? Pourquoi cette fuite ? Avait-elle honte de ce qu’elle avait laissé voir d’elle, de son caractère passionné, de son corps enflammé ? Elle n’était pas une aventure d’une nuit, non, se dit-il en serrant les poings, déterminé. Il bondit nu de son lit et s’empressa vers la douche avec une unique pensée en tête : ramener Kit dans son lit par tous les moyens !

 
 

 

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ÇáÊÓÌíá: Sep 2007
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merci pr le chapitre

 
 

 

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chapitre 9
 
The Tattler — Samedi 23 novembre
Les potins de Mary Lynn
Un gros poisson dans les filets de Kit
Rappelez-vous, cher lecteur, nous vous en parlions dans ces colonnes hier. Deux jours seulement après avoir agressé son fiancé, Blaine Rourke, à grand renfort de béarnaise, la belle Kit O’Brien était surprise embrassant à pleine bouche le sublime Joshua Parker. Notre riche héritière n’en est cependant pas restée là et l’on sait qu’elle a passé la nuit dans la cabine du créateur de la célèbre série télé. Tous les fans embarqués à bord de l’
IslandVoyager suivent avec passion l’idylle du couple qui, après une brève apparition à la soirée de fête de La dernière frontière, s’est discrètement éclipsé pour ne plus réapparaître. Hmm. Un nouvel amant, un nouveau poisson dans les filets de Kit. Mais que va donc penser papa ?
Il ne pouvait pas le croire. Non, il ne pouvait pas croire qu’elle ait osé faire ça. Dégoûté, Michael O’Brien laissa tomber le Tattler. Il se serait bien passé, en ce samedi matin de voir placardée à la une la photo de sa fille embrassant Joshua Parker. Sans parler de ce ramassis d’inepties signé Mary Lynn.
— Mais qu’ai-je fait pour mériter ça ? se lamenta-t?il, attirant l’attention de son fils.
— Que dites-vous, père ? s’enquit Cameron, qui s’était joint à lui pour le petit déjeuner.
— Le journal que tu m’as apporté. Oui, je me demande ce que j’ai fait pour mériter cela. Carlton va en faire une attaque, affirma Michael en songeant à son meilleur ami, le père de Blaine. Kit m’avait promis de ne plus fréquenter ce garçon. Et aujourd’hui, elle me nargue !
— Mais non, tu te fais des idées, lança Blaine, manifestement peu concerné.
— Tu ne te rends pas compte de la gravité de la situation, mon fils.
— C’est juste, admit Cameron en riant. Mais qu’y puis-je, moi, si je suis d’un naturel optimiste ? Pourquoi ne vois-tu pas le bon côté des choses, père ? Elle est peut-être amoureuse de ce garçon. Et comme il semble que ce soit un parti intéressant… Tout cela pourrait finir par un mariage, qui sait ?
Cameron se tut et observa son père, que cette idée plongeait manifestement dans la perplexité.
— Pas question ! s’exclama soudain Michael O’Brien. Kit me fait un caprice, voilà tout. Oui, elle me provoque. Dès son retour, elle aura de mes nouvelles !
— Bien sûr, répondit Cameron, satisfait.
Pour une fois que son père paraissait préoccupé par autre chose que l’obsession de caser son fils…
— Comme c’est excitant ! s’exclama Paula.
Derrière ses lunettes de soleil, Kit fronça les sourcils, tendue, alors qu’elle faisait la queue pour embarquer à bord du ferry qui devait acheminer les passagers vers la petite île.
— Tu te rends compte ? reprit Paula. J’ai gagné ! Moi ! Je vais pouvoir déjeuner avec les acteurs. Quelle chance !
Kit hocha la tête, lointaine. La seule chance qu’elle avait eu pour sa part était que ses co-locataires endormies ne l’aient pas entendue rentrer à l’aube. Par la suite, aucune ne s’était avisée de la questionner sur sa soirée. En revanche, si cela n’avait tenu qu’à elle, elle serait volontiers restée à bord de l’Island Voyager. Pour une visite à l’institut de beauté ou une séance thalasso, peut-être, ou même une heure d’haltères. Quelque chose qui lui occuperait l’esprit et l’empêcherait de courir le rejoindre. Joshua.
La journée était ensoleillée et les jeunes femmes décidèrent de s’asseoir sur les sièges du pont supérieur. Kit apercevait la petite île au loin. Enfin, le ferry s’ébranla et commença la courte traversée sur les eaux coralliennes.
— Quelle heure est-il ? demanda Paula.
— Bientôt 9 heures, répondit Becca. A quelle heure est ton déjeuner ?
— 12 h 15, au restaurant de la plage, dit Paula tout en consultant une carte de l’île qu’elles s’apprêtaient à accoster.
Kit cessa d’écouter ses camarades. Et Joshua, était-il déjà arrivé sur l’île ? ne cessait-elle de s’interroger. Lorsque le ferry s’apprêta à les débarquer, elle fut tirée de ses pensées par le décor qui s’offrait à elle. Le village consistait en une série de bâtiments façon huttes dans l’esprit de Robinson Crusoé. Quelques boutiques de souvenirs proposaient des articles divers et des produits artisanaux. Un espace en plein air avait été aménagé en piste de danse et en restaurant. On proposait également aux visiteurs des sorties en mer ou, plus simplement, ceux-ci pouvaient se promener dans l’île pour découvrir sa faune et sa flore.
— Tiens, voilà ton restaurant, dit Georgia en indiquant l’espace de plein air.
— C’est adorable ! s’exclama Paula.
— Oh oui, renchérit Becca. On se baigne ?
— J’ai encore un peu de temps devant moi. Allons voir la plage ! répondit Paula.
Kit emboîta le pas à ses co-locataires. La plage était superbe. Au pied d’une végétation tropicale luxuriante, des parasols bleus ponctuaient le sable blanc à perte de vue. Certains passagers n’avaient pas attendu pour se baigner, d’autres avaient entamé une partie de beach volley.
Comme l’heure de son rendez-vous allait bientôt sonner, Paula rebroussa chemin en direction du village, accompagnée de Georgia. Becca se tourna alors vers Kit :
— Tu veux jouer au volley ?
Derrière ses lunettes de soleil, Kit observa attentivement la plage avant de répondre :
— Oh non. Pourquoi ne rejoins-tu pas Georgia ? Je crois que je vais m’installer sous un parasol avec un bouquin.
— Tu es sûre ?
— Certaine. Va rejoindre les autres.
— D’accord.
Becca ne se fit pas prier et disparut aussitôt. Kit parcourut la plage en quête d’un coin de parasol isolé. Ayant enfin trouvé son bonheur, elle étala sa serviette et s’allongea, avant de sortir de son cabas le roman qu’elle avait emporté avec elle.
— Pourquoi ma vie est-elle si compliquée ? s’interrogea-t?elle à voix haute. Pourquoi est-ce que je ne peux pas dire simplement : Joshua, je ne ressemble pas à Marilyn Roth. Vous comptez énormément pour moi, mais pour que mon père accepte de me considérer comme une journaliste digne de ce nom, j’avais absolument besoin de vous interviewer. Aujourd’hui, j’ai changé d’avis. Aujourd’hui, je n’ai qu’une envie, c’est vous… Bah, jamais il ne me croira, marmonna-t?elle. Non, je ne peux pas lui parler ainsi.
En soupirant, elle roula sur le ventre, planta ses orteils dans le sable et se plongea dans son roman, ignorant les allées et venues des touristes. Un peu plus tard dans l’après-midi, elle s’assoupit. En s’éveillant, elle constata avec soulagement que son écran total avait fonctionné. Pas de coups de soleil, aucune rougeur. Attrapant le drap de bain, elle décida de marcher un peu sur la plage. Elle parvint bientôt au niveau de la dernière cabine, en réalité une toile de tente rayée de vert et de blanc, qui se révéla vide. Elle résolut de s’y abriter du soleil, qui devenait de plus en plus virulent. Laissant tomber son drap de bain sur le sable, elle s’installa confortablement et reprit sa lecture avec un soupir.
L’attention de Joshua fut attirée par une silhouette qui marchait un peu plus loin, le long de la plage. Tout de suite, il sut qu’il s’agissait de Kit. Un bref instant, il espéra qu’elle allait venir le rejoindre, mais il se raisonna. Elle n’en ferait rien. Et il devrait ronger son frein.
Kit l’obsédait. Il ne se passait pas une minute sans qu’il pensât à elle. Elle n’attendait rien de lui, ne voulait rien de lui que lui. C’était proprement miraculeux. Toute sa vie il avait espéré rencontrer une femme comme elle. Oui, il l’avait bel et bien dans la peau.
— Vous comptez me fuir ainsi jusqu’à la fin de la croisière ?
La voix familière de Joshua la fit sursauter. Levant la tête, elle l’aperçut sur le seuil de la tente. Kit se sentit fondre sous son regard souriant.
— Je vous ai aperçue et me voilà ! dit-il en s’asseyant à ses pieds. Electrisée, Kit faillit bondir à son contact.
— Vous me manquez depuis l’aube, chuchota-t?il en rampant vers elle.
— Je…
Elle n’alla pas plus loin : Joshua avait pris son visage entre ses mains.
— Chut, l’interrompit-il en approchant sa bouche. Je crois comprendre pourquoi vous avez fui, reprit-il. N’empêche que je me suis senti bien seul sous la douche.
Ses lèvres n’étaient plus qu’à un centimètre de celles, avides et tremblantes, de Kit. Enfin, il l’embrassa avec fièvre et contre lui, le corps féminin se tendit.
En soupirant, abandonnée entre ses bras, la jeune femme tressaillit soudain à l’idée que Joshua découvrirait bientôt son secret. Sitôt qu’il connaîtrait les raisons de sa présence sur l’Island Voyager, il ne lui adresserait même plus la parole. Oh non, elle avait trop envie de lui pour lui avouer la vérité. Il devait tout ignorer. Toujours.
Elle l’embrassa avec plus d’ardeur et Joshua répondit avec la même fougue. Lorsqu’il finit par s’écarter, le souffle court, il la regarda dans les yeux.
— L’endroit me semble un peu trop fréquenté pour aller plus loin, chuchota-t?il, visiblement frustré, en lui caressant le bras.
Sans la quitter du regard, il passa l’index sur les lèvres de Kit, qui embrassa son doigt et commença à le mordiller doucement, avec sensualité.
— Et alors ? rétorqua-t?elle, provocante, le corps brûlant de désir. Pourquoi ne rabattez-vous pas les pans de cette tente ?
— Vous êtes la tentation incarnée, Kit, commenta Joshua en l’embrassant sur le bout du nez. Oui, j’ai fait de vous une femme corrompue. Ah, où est passée la jeune femme pure et innocente d’hier soir ?
— J’adore être corrompue. Surtout par vous, chuchota-t?elle en l’enlaçant.
— Kit, allons ! fit-il mine de la sermonner. Soyez sage, je vous en prie…
— Aussi sage qu’un ange, assura-t?elle en se pressant contre lui, démoniaque.
Joshua recula avec un grognement et se releva. Kit l’observait, la fièvre au corps. Elle avait envie de lui. Maintenant. Envers et contre tout. Dans le secret de cette tente, sur cette plage. Elle se leva à son tour.
— Joshua, gémit-elle en venant se placer contre son dos.
— Oui, murmura-t?il en la prenant entre ses bras. Est-ce vraiment ce que vous voulez ?
— Oh oui…
Elle tressaillit lorsqu’il glissa les mains sous son chemisier. Dégrafant prestement le soutien-gorge, il commença à lui caresser les seins, qu’elle sentit se dresser au contact de ses doigts. Elle se cambra et Joshua prit ses lèvres.
Avec des gestes fébriles, il l’aida ensuite à retirer son chemisier. Il referma aussitôt la bouche sur le sein droit, puis s’attarda sur le gauche, caressant et sauvage à la fois. Elle se retint de crier, attentive aux ondes de plaisir qui l’envahissaient. Haletant, Joshua murmura son nom à plusieurs reprises, puis sa main descendit jusqu’aux reins de la jeune femme, faisant sauter le bouton du bermuda au passage. Kit se raidit lorsque les doigts de Joshua la pénétrèrent. Elle s’abandonna à cette caresse, goûtant chaque instant du plaisir qu’il lui donnait tandis que, de son autre main, il recouvrait sa bouche pour étouffer les cris qu’elle ne pouvait plus réprimer.
N’y tenant plus, elle l’attira et tomba avec lui sur le drap de bain. Leurs deux corps étaient aussi impatients et avides l’un que l’autre. En quelques gestes maladroits, Joshua retira son pantalon et s’allongea sur elle pour la pénétrer aussitôt, de toute la puissance de son désir, du plus profond de son être. Kit fut tout de suite agitée des spasmes de la jouissance. Elle connut ainsi, sous cette tente, sur cette île perdue au beau milieu de l’océan, une extase dont elle n’eût jamais soupçonné l’existence.
Quelques instants plus tard, enlacés, repus et harassés, ils se regardèrent, comme les premiers amants du premier jour du monde, inconscients du va-et-vient des touristes devant la tente. Puis Joshua se leva et se rhabilla devant elle, qui ne perdit pas un de ses gestes, fascinée par la puissance de ce corps.
— Vous êtes seule fautive de ce qui vient d’arriver, dit-il en revenant s’asseoir auprès d’elle. Mais je ne regrette rien. Je suis bien avec vous, Kit.
Oui, réalisa-t?elle, elle était seule responsable d’avoir pris le risque inouï de faire l’amour dans un lieu public, tout juste protégée par la toile d’une tente. Un risque qu’elle n’aurait jamais pris auparavant. Elle qui n’avait jamais fait l’amour que dans un lit — et avec Joshua — avait su séduire un homme, le pousser à bout de désir, là, sur le sable.
— Il faut que je vous parle, mais je n’ai plus le temps. Je dois rejoindre Bill. Je crois qu’il est préférable pour votre réputation que je sorte de cette tente le premier. Je ne vais pas cesser de penser à vous, Kit.
— Oui…, se *******a-t?elle de répondre.
— Un peu plus tard, vous pourrez me retrouver au bungalow principal. En tout cas, j’exige de dîner avec vous. Rendez-vous dans ma cabine, à 17 heures. Nous parlerons. Je dois vous dire certaines choses, absolument. D’accord ?
Kit opina, sa sérénité soudain entachée par une vague inquiétude. Quelles étaient ces « choses » que Joshua tenait tant à lui confier ?
— D’accord, acquiesça-t?elle. Rendez-vous à 17 heures.
Elle tendit les lèvres pour un dernier baiser, qu’il lui accorda. Instantanément, elle sentit le désir s’emparer de nouveau d’elle. Elle chercha alors à forcer Joshua à se rapprocher. En vain.
— Non, Kit…
Il la contempla avec intensité et un instant, elle crut qu’il allait changer d’avis. Il n’en fit rien toutefois. Au contraire, il se leva et s’éloigna, l’abandonnant dans la tente, seule avec son désespoir. A quel moment était-elle tombée amoureuse de lui ? se demanda-t?elle, au bord des larmes. Comment s’était-elle débrouillée pour se mettre dans une telle situation ? Ils n’avaient aucun avenir ensemble. Lui cherchait une existence sereine et proche de la nature, elle voulait conquérir la presse. Et puis, il y avait son père. Comment réagirait-il si elle lui présentait Joshua ?
De retour sur le paquebot, Kit parvenait tout juste à sa cabine lorsqu’elle entendit le téléphone sonner.
— J’arrive, pesta-t?elle en bataillant avec sa carte pour débloquer la serrure, redoutant par-dessus tout de manquer un appel de Joshua.
Une fois à l’intérieur, elle se précipita sur le combiné, le cœur battant.
— Joshua ?
— Absolument pas, Katherine Eleanor. J’ai essayé de te joindre toute la journée !
— Bonjour, père.
Déçue, Kit se laissa tomber sur un siège et attendit le début du sermon.
— Alors, lança la grosse voix masculine, comment se déroule cette interview ? Tu arrives à prendre quelques notes, entre deux baisers ?
— Père, protesta Kit sans plus de conviction, je vous en prie.
— Tu me pries de quoi, Katherine Eleanor ? ! s’exclama Michael O’Brien à l’autre bout du fil. Tu es incorrigible. Il faut toujours que tu te fasses remarquer. Je frémis rien qu’à penser à ta mère si, de là-haut, elle a lu le Tattler de ce matin. Faut-il que tu détestes Blaine pour agir ainsi…
— Je ne déteste pas Blaine, père, protesta Kit, sincère.
Elle avait toujours considéré le jeune homme comme un frère, et comment cela pourrait-il changer, maintenant qu’elle avait rencontré Joshua ?
— Alors, fais tes valises et rentre !
— Non !
— Je me moque de cette interview, Katherine. De toutes manières, j’interdirai sa publication. Fais tes valises. Nous terminerons cette discussion une fois que tu seras rentrée.
Qu’est-ce qui comptait le plus pour son père : la réputation de sa fille ou la sienne, irréprochable ?
— Je ne rentrerai pas, père. Pas avant demain. Le vol de retour est prévu à 10 heures du matin.
Elle écarta vivement le combiné de son oreille, prête à entendre son père laisser exploser sa rage. Il n’en fit rien.
— Katherine, dit-il d’une voix sourde, j’exige que tu rentres à New York tout de suite. Quitte immédiatement ce bateau. Tu m’entends ? Immédiatement !
Il était clair qu’il était à bout. Kit laissa le silence s’installer, indécise, puis résolut soudain de ne pas céder à l’autorité.
— Cela m’est impossible, père, finit-elle par répondre. Nous nous trouvons sur une île et aucun vol pour New York n’est prévu aujourd’hui. Nous nous verrons donc demain, d’accord ?
— Non, pas d’accord ! Je suis parfaitement au courant. Oui, je sais que tu sors avec ce… avec ce type que tu dois interviewer.
— Je ne l’interviewe pas.
Elle avait dit cela sans réfléchir, mais une fois les mots sortis de sa bouche, elle comprit qu’il y avait quelque chose d’irréversible dans ces paroles. Non, elle ne ferait pas l’interview de Joshua, elle ne se servirait pas de lui pour gagner l’estime de son père. Elle ne tromperait pas la confiance de Joshua, et tant pis si elle devait pour cela prendre des décisions qui lui brisaient le cœur. Au moins, elle conserverait sa dignité. Elle n’était pas Marilyn Roth, mais Kit O’Brien.
— Ecoutez, père, je ne rédigerai pas cet article, soyez tranquille sur ce point. Pour tout dire, votre menace de ne pas le publier n’y change pas grand-chose. Au contraire, je devrais même vous remercier de me rendre les choses plus faciles. Je peux ainsi fréquenter Joshua sans duplicité et n’avoir besoin de lui que pour lui-même.
Elle entendit son père s’étouffer à l’autre bout du fil. Michael O’Brien devrait désormais respecter la femme en elle, une femme libre, apte à faire ses choix.
— Et puis, père, en quoi le fait que je sorte avec lui vous regarde-t?il ? Je suis très attachée à lui. Vous semblez oublier que je viens d’avoir 28 ans.
— Katherine Eléanor ! rugit la voix masculine. Ce que tu dis là est inacceptable ! Tu dois rentrer et arranger les choses avec Blaine ! Il s’est montré patient et tu sais que ta mère a toujours souhaité vous voir mariés, tous les deux. Je dirai à Blaine que nous l’attendons pour le dîner, vous pourrez ainsi vous réconcilier. C’est un excellent parti pour toi, Kit. Et je veux que…
Kit pressa au hasard un bouton sur le combiné et aussitôt une tonalité retentit.
— Père, j’ai quelqu’un d’autre en ligne, mentit-elle. Je vous adore ! A demain !
Puis elle raccrocha sans laisser à son interlocuteur la possibilité de rajouter le moindre mot.
Une fois calmée, elle se laissa tomber sur son lit et se massa délicatement les tempes. Parfait. Son père prévoyait un dîner en compagnie de Blaine dès demain. Satané Blaine, qui persistait à vouloir l’épouser ! Pourquoi ? Pour réunir les noms de deux familles comptant parmi les plus influentes de l’Etat ! Eh bien, elle profiterait de ce dîner pour mettre les choses au clair. Si un jour elle se mariait, ce serait par amour.
Un instant, elle s’imagina entrer dans la cathédrale Saint-Jean, où un homme la regardait s’avancer vers l’autel. Joshua. Haussant les épaules, elle rit et s’assit sur le lit. Cesse de rêver ! s’ordonna-t?elle. Elle avait une foule de choses à faire et, entre autres, devait penser à préparer ses valises pour le lendemain.
Moins de deux minutes plus tard, elle s’arrêtait devant la cabine 9134 et frappait doucement à la porte, qui s’ouvrit instantanément.
Il n’arrivait pas à le croire. Il l’avait attendue, nerveux, faisant les cent pas dans sa suite comme un jeune adolescent avant son premier rendez-vous. Sans pouvoir penser à rien d’autre qu’à elle. N’espérant rien d’autre qu’elle, surtout ce soir, leur dernière nuit sur ce bateau.
— Juste à l’heure ! Entrez, dit Joshua en tenant la porte.
Kit pénétra dans la cabine. Un superbe bouquet de roses trônait sur la table.
— C’est pour vous, expliqua-t?il.
— Pour moi ? s’exclama-t?elle, surprise. Comment vous êtes-vous débrouillé pour avoir des roses ?
— Si vous saviez tout ce que je peux faire ! répondit-il, le cœur battant, heureux de la voir touchée par cette attention. J’ai commandé un dîner pour 19 heures. J’ai pensé que cela nous laisserait le temps de discuter.
— D’accord, opina Kit en venant vers lui comme si elle voulait l’embrasser.
Joshua lui sourit, mais l’évita, résolu à ne pas céder à son invite.
— Non, dit-il, pas encore. J’ai établi tout un programme pour la soirée. Laissez-vous guider et faites-moi confiance.
— Je vous fais confiance, répliqua-t?elle, l’air néanmoins intrigué. Je sais que vous ne me ferez jamais de mal intentionnellement.
Joshua sentit sa gorge se serrer. Elle semblait si sincère, si innocente, si dénuée de tout esprit pervers ou manipulateur. Oui, elle lui faisait confiance. Ces paroles retentirent dans sa tête comme le plus précieux des cadeaux. Et il se jura bien de ne jamais la décevoir. D’essayer, en tout cas.
Malgré tout, ils restaient si différents l’un de l’autre, aussi incompatibles que l’eau et le feu.
Le cœur serré, il s’approcha d’elle à son tour et la prit dans ses bras. Kit l’enlaça et chercha fébrilement sa bouche. Il lui donna un baiser ardent, plein de désir. De ce désir inextinguible qui l’habitait depuis leur première rencontre.
Elle ne cessait de le hanter et à la vérité, il se surprenait maintenant à penser à elle comme la femme de ses rêves, celle qu’il attendait depuis toujours. Amoureux, lui ? Si vite ? Et pourquoi pas ? Son demi-frère, Mark, avait un jour rencontré une femme, qu’il avait épousée dès le lendemain. Donna et lui étaient mariés depuis dix ans. Mark racontait toujours qu’en apercevant Donna pour la première fois, il avait eu l’impression de recevoir une flèche en plein cœur.
Joshua restait cependant sur ses gardes. Bien sûr, il avait encore envie et besoin de Kit. Le feu ne s’était pas consumé entre eux et il la désirait toujours autant. Il couvrit de baisers son cou tandis qu’elle glissait une main dans ses cheveux et l’autre sous son T-shirt.
A cet instant, il sentit sa décision de parler avec elle s’évanouir. Après tout, cette conversation pouvait attendre. Le désir, non. Avec un grognement, il la souleva du sol et l’emporta jusqu’au lit.
Plus tard, Kit souriait aux anges en repensant au parfum musqué du corps puissant sous ses lèvres. Sans tabou ni pudeur, elle avait aimé chaque centimètre de sa peau, goûté les secrets de cet homme, qui lui révélait des plaisirs chaque fois plus intenses. Il dormait paisiblement à présent et elle se blottit contre lui, fascinée par le battement régulier de son cœur. Sereine, comblée, elle s’assoupit à son tour.
Il s’éveilla en sursaut lorsque le téléphone sonna. S’emparant du combiné, il grommela un oui lorsque le steward l’avertit que le dîner arrivait, puis bondit hors du lit, se rhabilla promptement et sourit en observant Kit encore engourdie de sommeil.
Attendri, il la regarda s’étirer tel un chat. Oui, elle était fabuleusement sensuelle. Il lui semblait qu’il ne pourrait jamais se rassasier d’elle. Sentant son désir s’enflammer, il se sermonna et tenta de reboutonner sa chemise sans trembler.
Un coup discret frappé à la porte vint heureusement distraire son attention.
— Le garçon ! lança-t?il à Kit.
— Attendez ! s’exclama celle-ci en s’enveloppant du drap. Je dois m’habiller. Sinon, nous ne passerons jamais à table.
Elle attrapa ses vêtements et fila dans la salle de bains alors que le garçon frappait de nouveau à la porte.
Déjà Joshua avait pris place à la petite table lorsqu’elle vint le rejoindre.
— Hmm, ça a l’air bon, s’exclama-t?elle en s’asseyant face à lui.
Ce fut un moment d’intimité et de complicité comme il n’en avait jamais vécu. Il brûlait pour cette femme — sa femme, se corrigea-t?il mentalement — d’une passion qui, au lieu de s’essouffler, semblait grandir de minute en minute.
Ils parlèrent de choses et d’autres, Joshua ne cessant d’interrompre le repas par des caresses et des baisers. Jusqu’à ce que Kit le sermonne gentiment :
— Je dois absolument me nourrir, sinon, je risque de manquer de forces.
Il décida de se montrer sage quelques minutes au moins, ne pouvant malgré tout s’empêcher de la dévorer des yeux. Il avait envie d’elle. Et ils auraient toute la nuit pour faire l’amour. Mais le sexe était une chose. Il voulait également profiter de ces dernières heures ensemble pour apprendre à connaître la véritable Kit O’Brien.
La nuit commençait à tomber quand ils se retirèrent sur la terrasse. L’Island Voyager, toutes voiles dehors, voguait en direction de Miami.
— J’ai une proposition à vous faire, commença alors Joshua, redoutant la réaction de Kit.
Il refusait d’interrompre ici leur relation. Quelque chose était passé entre eux, quelque chose d’inestimable qu’il ne pouvait se résoudre à laisser filer. Pour la première fois de sa vie, il se prenait à espérer.
— Je suis tout ouïe, répondit Kit avec un sourire.
Elle lui faisait confiance. N’était-ce pas merveilleux ? Car cette confiance était réciproque et c’était la raison pour laquelle il s’apprêtait à lui faire une proposition qu’il n’avait jamais faite à aucune autre.
— Je dispose encore de quelques jours avant de devoir retourner à New York, reprit-il. Si vous êtes libre, ce que j’espère, j’aimerais que vous m’accompagniez dans la région des lacs. Je voudrais vous faire découvrir ma ferme.
— Moi ? s’exclama Kit en manquant s’étouffer.
— Vous, répondit-il en souriant. Je n’ai jamais invité personne là-bas, Kit. Bien sûr, vous êtes libre de décider. Mais je refuse que nous nous séparions comme ça après ce que nous avons vécu ensemble. Oui, allons passer quelques jours dans ma ferme avant de rentrer à New York et de retrouver nos obligations.
Voilà. C’était dit. Pourquoi se sentait-il si nerveux ? Il avait l’habitude d’être rejeté, son père l’y avait habitué. Kit n’attendait rien de lui, elle avait tout ce que l’on pouvait souhaiter. Comme il guettait sa réponse, il lui sembla que le temps était suspendu.
— Cette idée me plaît. Oui, je serais heureuse de vous accompagner, murmura-t?elle enfin en lui prenant la main.
En un instant, l’appréhension mêlée de tension qui pesait sur les épaules de Joshua s’évanouit.
— Formidable ! s’exclama-t?il, balayant d’un rire la sourde angoisse qui pesait sur sa poitrine.
Kit fourra ses dernières affaires dans sa valise. Elle allait passer le reste de la nuit avec Joshua, dans sa suite. Et demain, demain, elle partirait avec lui pour la région des grands lacs.
S’était-elle jamais sentie aussi heureuse, aussi pleine d’espoir ? Non. Oh, elle ne savait pas si elle l’aimait et si lui l’aimait, mais elle était certaine qu’ils ressentaient au moins quelque chose l’un pour l’autre. Jamais il ne lui aurait proposé de l’emmener chez lui s’il n’avait rien éprouvé pour elle.
Le regard de Kit s’arrêta soudain sur l’enveloppe express qu’elle avait abandonnée dans sa valise. Mon Dieu, qu’allait-elle pouvoir en faire ? L’abandonner dans la poubelle de la cabine ? Certainement pas. N’importe qui pourrait en effet exploiter son contenu. D’autant qu’avec Marilyn Roth dans les parages, on pouvait craindre le pire. Mieux valait emporter le tout et attendre l’occasion de s’en débarrasser.
Enfouissant l’enveloppe sous ses vêtements, elle ferma la valise. Oui, elle trouverait le moyen de ranger l’enveloppe en lieu sûr. Joshua n’avait pas besoin d’apprendre qu’elle devait à l’origine l’interviewer.
Pour une fois, elle se tairait, mentirait par omission, se dit-elle en pensant à son père qui, maintes fois, l’avait sermonnée en lui reprochant de ne pas savoir tenir sa langue. Comme on frappait à la porte, elle courut ouvrir. Joshua lui sourit.
— Prête ? demanda-t?il en prenant la valise.
Il se pencha pour déposer un baiser sur le bout de son nez.
— Bien sûr.

 
chapitre 10
 
 
The Tattler — Dimanche 24 novembre
Les potins de Mary Lynn
Le dernier défi de Kit
Je ne le croirais pas si je ne l’avais vu de mes propres yeux ! Au lieu de rentrer comme prévu dans le somptueux appartement new-yorkais qu’elle partage avec son père, Kit O’Brien a préféré s’envoler au bras de Joshua Parker. Le steward de l’
Island Voyager a pu me confirmer que la jeune héritière avait passé la nuit dans la suite du fougueux scénariste et j’ai d’ailleurs aperçu moi-même les deux tourtereaux main dans la main et échangeant de tendres baisers, tandis qu’ils attendaient leur taxi pour l’aéroport. J’ai ensuite découvert que notre adorable Kit avait pris un billet pour un coin perdu de la région des grands lacs, là même où Joshua possède une propriété. Je ne crois pas trop m’avancer si j’en déduis que ces deux-là ont la ferme intention de poursuivre la liaison entamée au début de la croisière de La dernière frontière. Je verse une larme en pensant à ce pauvre Blaine Rourke ! Et je m’interroge sur la réaction de Michael O’Brien…
*
* *

Lorsque le dimanche soir, Joshua engagea la Chevrolet dans l’allée, Kit, le nez collé à la vitre, tentait de distinguer la bâtisse derrière le rideau de neige fine qui tombait depuis une heure, tapissant le paysage d’un voile blanc.
Instantanément, elle sut qu’elle aimerait ce lieu sauvage et s’imagina même vivre ici le restant de ses jours.
— C’est magnifique, murmura-t?elle en admirant la bâtisse principale, blanchie à la chaux, et les annexes en briques rouges. Tout cela vous appartient ?
— Nous sommes sur ma propriété depuis plus de dix minutes déjà, répondit Joshua en garant la Chevrolet devant un immense porche.
— Je dois vous prévenir, continua-t?il en sortant de la voiture, certaines pièces sont encore en rénovation. Mais la plupart sont habitables.
— Oh, j’en suis certaine, dit-elle en descendant à son tour de voiture.
Elle était impatiente de découvrir les lieux. Kit réalisait qu’en lui ouvrant les portes de la ferme, Joshua avait suffisamment confiance en elle pour lui révéler son jardin secret.
Elle le suivit tandis qu’il ouvrait la marche dans l’allée qui menait à une lourde porte de chêne. Elle pénétra à sa suite dans la maison et fut aussitôt séduite par l’aspect grandiose de la demeure. Une voûte immense soutenue par de puissantes colonnes surmontait tout le rez-de-chaussée et une cheminée en pierre brute se dressait avec majesté dans le salon, où Joshua l’invita à s’asseoir.
— Je vous ferai visiter une fois que je me serai occupé de nos bagages, lui dit-il. Mais d’abord, je vais allumer un feu.
Quelques heures plus tard, ils étaient toujours assis là, au pied de la cheminée, en train de savourer un verre de cidre.
— Les pommes viennent de mon verger, dit Joshua. S’il fait beau demain, je vous montrerai mes terres.
— Je suis fascinée par la beauté du paysage, lança Kit, le regard perdu au-delà de la baie vitrée sur les collines avoisinantes. On voit à des kilomètres à la ronde. C’est étonnant pour quelqu’un comme moi, habitué à un environnement clos de béton et d’acier.
— C’est malgré tout chez vous.
— Je ne sais pas, répondit-elle en se lovant entre les bras de Joshua, rêveuse. Ici, j’ai le sentiment d’un foyer chaleureux et accueillant. Et je m’aperçois tout à coup qu’à New York, je ne me suis jamais sentie complètement chez moi. Je regrette souvent la douceur de vivre de notre maison de Long Island, au temps où maman était encore parmi nous, soupira-t?elle, nostalgique.
— J’espère voir un jour cette maison, murmura Joshua en la serrant contre lui.
Quel moment merveilleux ils partageaient, assis là simplement, tendrement, à bavarder. Kit ne se souvenait pas avoir vécu instants si sereins. Oh oui, comprit?elle, elle s’adapterait sans aucun problème à ce mode de vie, saurait se passer des soirées de gala, de la presse mondaine… Elle ferma les yeux, paisible, sentant sur son visage la chaleur réconfortante de la flambée. Ici, la nature était reine et les artifices bannis. Quel endroit charmant et magique ! Un endroit où elle pourrait passer sa vie, toute sa vie.
Elle s’étira et bâilla, emplie d’un sentiment de plénitude et confiante en l’avenir.
— Oh, s’esclaffa Joshua, je crois qu’il est temps de vous reposer. Laissez-moi vous conduire dans la chambre. Attention, pour dormir, la prévint-il en agitant son index sous le nez de la jeune femme. Oui, je veux simplement dormir contre vous.
Il l’enlaça et l’emporta dans ses bras jusqu’à l’étage, dans une chambre immense. Là, il la déposa sur un vaste lit douillet, que recouvrait une couette épaisse sur laquelle Kit eut l’agréable sensation de flotter.
Joshua alluma un feu dans la cheminée, puis, dans un demi-sommeil, Kit sentit vaguement qu’il se glissait contre elle et l’enlaçait de ses bras avant de sombrer dans un sommeil profond.
— J’ai dormi tout habillée !
— Trop de fatigue, répondit Joshua avec un sourire, alors que les premiers rayons du soleil matinal inondaient la chambre.
Kit lui rendit son sourire et lui caressa la joue. Soudain, elle l’observa et fronça les sourcils.
— Vous vous êtes changé, l’accusa-t?elle en réalisant qu’il portait des vêtements différents de ceux de la veille.
— Et je suis même sorti, renchérit-il, rieur. J’ai un certain nombre de choses à régler. Ensuite, nous irons en ville vous acheter des vêtements chauds.
— A vos ordres !
Kit le regarda sortir de la pièce et s’assit confortablement sur le lit, la tête contre l’oreiller. A l’image du reste de la maison, la chambre était meublée de meubles anciens. Les rideaux étaient tirés et elle bondit hors du lit pour les ouvrir. La baie vitrée donnait sur des vergers qui s’étiraient à perte de vue. Regardant en contrebas, elle aperçut Joshua en pleine discussion avec un homme, certainement Greg, présuma-t?elle. Joshua et l’inconnu portaient d’épais anoraks qui les faisaient ressembler à de sauvages et rudes bûcherons.
Un moment plus tard, Greg s’éloigna au volant de son pick-up, tandis que Joshua se dirigeait vers l’une des écuries. Kit pensa brusquement qu’elle aurait volontiers rédigé les réflexions que lui inspirait ce lieu. Voilà plusieurs jours déjà qu’elle négligeait son journal intime. Plus exactement, depuis qu’elle avait décidé de ne pas procéder à l’interview. Bah, peut-être consacrerait-elle quelques minutes à son cher journal après une bonne douche brûlante, se dit-elle.
Jamais elle n’avait connu journée aussi idyllique. Joshua l’amena en ville et elle s’acheta des vêtements chauds, une paire de bottes et un anorak. Puis il lui fit faire le tour du domaine et l’entraîna même dans l’une des écuries pour lui montrer le poulain né trois nuits auparavant.
— La ferme me procure un sens des responsabilités qui me faisait défaut jusqu’alors. La nature est un perpétuel défi. Oui, j’ai le sentiment de gagner en maturité ici, se confia Joshua en pénétrant dans la demeure par une porte de service.
— Je vous crois, répondit Kit en retirant ses bottes maculées de neige.
Joshua pressa l’interrupteur du salon. Il était 17 heures à peine et déjà le soleil avait disparu, alors que l’arrivée de nuages annonçait l’imminence de nouvelles chutes de neige.
Joshua roula sur le lit en s’étirant, tandis que dehors, la neige tombait sans discontinuer.
— D’où vient cette cicatrice ? demanda soudain Kit en caressant une balafre creusée dans le bas de son dos.
— Oh, c’est une longue histoire, bougonna-t?il en se renfrognant.
Mais sa mauvaise humeur fut de courte durée. Après tout, il était avec Kit. Kit en laquelle il avait toute confiance. Il l’avait amenée ici, dans sa ferme, et elle semblait fabuleusement heureuse de se trouver loin de New York, de ses soirées chic et de ses cocktails. Avec lui. Oui, il pouvait lui faire confiance.
— Une longue histoire, répéta-t?il alors qu’elle l’interrogeait du regard. Qui commence par une leçon.
— Vraiment ? dit-elle, l’air intrigué.
— Cela concerne mon père, répondit Joshua en déposant un baiser sur le bout de son nez.
— Oh, répondit Kit en baissant les yeux, cela ne me regarde certainement pas.
— Mais si ! Vous savez, Kit, c’est moi qui suis responsable de l’échec politique de mon père. Mes bêtises d’enfant gâté ont ruiné sa carrière. Depuis, mon père a rompu tout contact avec moi et il refuse de me voir.
— Oh, Joshua…, soupira Kit, horrifiée.
— Oui. Par la suite, les articles de la presse à sensation relatant certains de mes exploits ont de nouveau mis un terme à ses espoirs de briguer le poste de sénateur. L’argument de ses détracteurs était : si cet homme ne sait pas tenir son fils, comment parviendra-t?il à veiller aux destinées de la nation ?
Joshua s’interrompit et prit la main de Kit dans la sienne avant de poursuivre :
— Ensuite, mon père a eu ce problème de rein. L’ablation et la greffe ont été décidées.
Kit frémit, émue, et vint se blottir dans les bras de Joshua.
— Les drames rapprochent parfois les gens, poursuivit-il. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai quitté New York en urgence. Depuis, mon père et moi tentons de nous réapprivoiser et d’apprendre à mieux nous connaître.
— Mais a-t il reçu un rein ?
— Oui, le mien, répondit Joshua.
Kit le regarda longuement, émue, puis elle l’embrassa et de nouveau, ils firent l’amour.
Oh, pourquoi ne pas remettre à plus tard le retour à New York ? se demanda Joshua en s’éveillant le lendemain matin. Il avait eu raison d’amener la jeune femme ici. Et il pourrait s’éveiller ainsi à ses côtés chaque matin de son existence. Il regarda Kit encore endormie et écarta une mèche de cheveux de son front. Elle était belle, innocente, vulnérable. A l’opposé de la Kit O’Brien des tabloïds. Et pour la première fois depuis leur rencontre, elle semblait en paix.
Il se leva sans faire de bruit. Il aurait volontiers passé la journée entière au lit avec elle, mais il devait retrouver son contremaître à l’écurie d’ici une demi-heure. Déjà le soleil brillait et il avait juste le temps de s’habiller et d’avaler un café.
Vingt minutes plus tard, il décida de prendre sa parka la plus chaude, rangée dans le placard du vestibule, car le temps s’était refroidi. Ecartant les autres vêtements, il tendit le bras lorsque les bagages que Kit et lui avaient entassés là au retour de la croisière s’effondrèrent à ses pieds.
Il se baissa alors pour saisir sa valise et celle de Kit avec l’intention de faire un peu de rangement, lorsque son pied se prit dans le sac de voyage de Kit. Comme il soulevait celui-ci, un tube de rouge à lèvres s’en échappa.
— Enfin, Kit ! marmonna-t?il en souriant. Vous auriez pu fermer votre sac convenablement.
Il se pencha et constata alors qu’une grosse enveloppe obstruait la fermeture du bagage. Il s’en empara et voulut la rouler afin de fermer le sac lorsqu’il lut son nom sur le papier kraft.
Fronçant les sourcils, il déplia l’enveloppe et découvrit le nom de l’expéditeur, les Editions O’Brien, surmontant l’adresse de Kit sur l’Island Voyager. Avec un mauvais pressentiment, l’enveloppe n’étant pas cachetée, il en sortit le contenu, la gorge nouée.
Brusquement, tout lui apparut clairement. A travers les différentes coupures de presse, tout son passé défila sous ses yeux. Ces articles, certains mensongers, d’autres sordides, relataient sa vie en détail. Sur l’un d’eux, quelqu’un avait gribouillé à la main avec un feutre rouge « Creuse du côté de la famille ! »
Joshua lut et relut les coupures, revivant la rupture avec son père, cet homme qu’il adorait et qui l’avait renié pour ses erreurs de jeunesse.
Il avait été si près de se libérer du poids de son passé, si près de renoncer à ses ambitions de star, à cette existence superficielle. Si près de ressusciter…
Il remit les coupures de presse dans l’enveloppe, qu’il enfouit dans le sac, effleurant à ce moment la couverture de cuir vieilli d’un cahier. Un journal. Son journal intime, se dit-il en le saisissant. Il l’ouvrit et lut les notes rédigées par Kit. Des notes qui évoquaient leurs premières heures passées ensemble. Et ces secrets partagés avec elle.
Il referma le journal et le jeta dans le sac de voyage de Kit. Kit, cette femme à laquelle il avait accordé sa confiance !
Quel idiot !
Pauvre fou ! se sermonna-t?il. Il lui avait révélé des choses qu’il n’avait jamais dites à personne. Joshua ricana. Elle, différente ? Quel sot il faisait ! Kit était comme les autres, comme Marilyn, peut-être même pire. Car Marilyn ne s’était jamais préoccupée de lui manifester de la tendresse.
Claquant la porte du placard, Joshua se maudit. Il lui avait livré son cœur. Mais quelle idée lui était donc passée par la tête ! Pourquoi lui avait-il fait confiance ? Il ne l’aimait pas. Il avait voulu voir où menait leur relation ? Eh bien, il était servi maintenant !
Kit lui avait menti. Elle l’avait trahi. Elle ne le voulait pas pour ce qu’il était, mais pour pouvoir rédiger l’un de ces satanés articles !
Oui, un fou, voilà ce qu’il était !
En soupirant d’aise, Kit roula hors du lit. Elle était décidée. Aujourd’hui, elle parlerait à Joshua de Thanksgiving. Elle avait toujours passé les fêtes en famille et espérait qu’il accepterait cette année de l’accompagner, car elle ne s’imaginait pas repartir sans lui.
Elle n’avait pas rappelé son père, mais elle savait qu’il l’attendait le soir même, pour le dîner. Si elle amenait Joshua à la maison, peut-être Michael O’Brien finirait-il par comprendre qu’il était l’homme de sa vie, celui qu’elle aimait, et il cesserait alors de l’importuner à propos de Blaine.
Elle aimait Joshua, oui, se répéta-t?elle en rougissant. Elle l’aimait de tout son cœur, c’était ainsi. Vérité aussi implacable et miraculeuse que cette neige qui tombait et tomberait encore sur ce paysage jusqu’à la fin des temps.
Voir Joshua si attentif à la nature, si soucieux de ses bêtes, avait agi sur elle comme un catalyseur de sentiments. Tout aussi déterminante avait été sa manière de s’ouvrir à elle sur des secrets de son passé. Plus encore décisif était certainement le sentiment de plénitude qu’elle éprouvait auprès de lui.
Quelle que fût la raison de l’amour qu’il lui inspirait, elle savait maintenant que Joshua tenait une place primordiale dans son cœur. Et elle brûlait d’impatience de lui révéler ses sentiments. Comme de lui demander de l’accompagner à la maison pour Thanksgiving.
Submergée par un espoir fou, elle fila sous la douche, puis s’habilla, impatiente de rejoindre Joshua, qu’elle savait occupé à l’écurie pour une grande partie de la matinée.
Elle fut de ce fait plutôt surprise de le découvrir en train d’allumer un feu dans la cheminée du salon. Un feu, quelle bonne idée, si romantique ! Elle se hâta vers lui, mais se figea brusquement. Quelque chose n’allait pas. Elle le voyait, le sentait, bien qu’il lui tournât le dos. Et lorsque Joshua lui fit face, en dépit de son expression impassible, elle sut qu’une catastrophe était arrivée.
— Joshua ? lança-t?elle, sur ses gardes. Je vous croyais à l’écurie…
— J’ai eu un problème, répondit-il, en lui tournant de nouveau le dos.
Il resta un long moment à fixer les flammes dans un silence pesant. Une profonde angoisse s’empara alors de Kit. Un de ses proches était peut-être décédé ? Un animal blessé ?
— Quelque chose ne va pas ? demanda-t?elle du bout des lèvres.
— Si, tout va bien, répliqua-t?il, glacial. Vous devriez faire vos bagages, nous devons partir avant le mauvais temps. Je voudrais vous raccompagner avant qu’il ne soit trop tard.
D’abord pétrifiée, Kit trouva enfin le courage de répondre :
— Je ne comprends pas.
Elle se traîna jusqu’au canapé et s’y laissa tomber pour s’y recroqueviller.
— Je suis certain que votre père vous attend pour Thanksgiving.
Pourquoi ce ton hostile ? s’interrogea-t?elle. Où était la chaleur qui les enveloppait tous les deux depuis tous ces jours ?
— Oui, bien sûr. Mais j’espérais que vous m’accompagneriez. J’avais prévu de vous inviter. De vous présenter à ma famille.
Il ne parut pas se réjouir de sa proposition et Kit sentit son cœur s’arrêter.
— Toujours en train de chercher à provoquer papa, n’est-ce pas, Kit ? On ramène l’amant à la maison avant d’épouser le bon parti, c’est cela ?
— Qu’est-ce que vous racontez ?
Sans réellement comprendre ce qui se passait, Kit s’aperçut qu’elle jouait à ce moment la bataille de sa vie. Et elle décida alors de se battre. Peu importait quel ennemi elle devait combattre.
— Que se passe-t?il, Joshua ? demanda-t?elle d’une voix ferme.
— Ce qui se passe ? s’exclama Joshua en rivant sur elle son regard noir.
— Je sais qu’il s’est passé quelque chose et je voudrais savoir quoi, répéta-t?elle, imperturbable en dépit de la terreur qui lui nouait la gorge.
— Quel aplomb ! ricana-t?il alors. Après tous ces mensonges…
— Ces mensonges ? Quels mensonges ?
— Vous vous êtes servie de moi ! J’espère au moins que je me suis montré à la hauteur, au lit ! Au moins, votre fiancé n’aura pas à vous initier…
Serrant les poings, Kit encaissa le coup. En moins de deux minutes, Joshua avait sali tout ce qui les avait réunis. Blessée au plus profond de son cœur, elle bondit sur ses pieds.
— Je ne me suis pas servie de vous !
— Tiens donc ! rétorqua Joshua avec un sourire mauvais. Je ne vous crois pas. Vous êtes comme les autres femmes, Kit. Intéressée.
— Tout ce qui m’intéresse, c’est d’être près de vous.
— Même une fois que vous aurez rédigé votre article ? Mon aventure avec Joshua Parker et notre escapade dans sa ferme… Quel titre avez-vous choisi ? Avec des détails sur ma vie privée, comme l’exige votre directrice éditoriale !
Kit se laissa mollement tomber sur le canapé, incapable d’articuler un mot. Comme dans le pire de ses cauchemars, elle vit alors Joshua attraper sur une étagère de la bibliothèque l’enveloppe kraft et son carnet de notes.
La bataille serait rude, mais il fallait tout faire pour la gagner, se dit-elle.
— Comment avez-vous eu ça ? demanda-t?elle.
— J’ai cogné contre nos valises en cherchant mon manteau. Un tube de rouge à lèvres a glissé et lorsque j’ai voulu le remettre à sa place, je suis tombé sur ceci.
Rageur, il jeta l’enveloppe sur le canapé, tout près de Kit. Des documents s’en échappèrent et le carnet de notes s’ouvrit sans qu’elle fît le moindre geste pour les récupérer. Au lieu de cela, elle fixa Joshua, qui alla s’adosser contre le mur, le visage crispé.
— Alors ? l’interpella-t?il bientôt. Votre explication ?
— Ce n’est pas ce que vous croyez.
— C’est tout ce que vous trouvez à dire, rétorqua-t?il, grinçant, avec un rire narquois. Il faut peut-être que je vous aide ! Alors ? Avouez que vous avez été envoyée sur ce maudit bateau pour m’interviewer !
— Oui. J’ai accepté ce travail pour fuir mon père, qui était furieux contre moi après ce que j’avais fait à son filleul.
— Votre fiancé.
— C’est ce qu’il prétend.
Dans l’esprit de Blaine, elle lui était promise. Son père en avait décidé ainsi et Kit n’avait qu’à se soumettre à la décision du patriarche. Elle n’aimait pas Blaine, qui ne l’aimait guère plus.
— J’ignorais qui vous étiez dans l’avion, reprit-elle. Je ne l’ai appris que le lendemain, sur le bateau.
— Bien sûr, marmonna Joshua en allant s’asseoir sur un fauteuil, face à elle. Et vous avez décidé de frapper un grand coup, d’écrire le scoop du siècle… Quitte à passer la nuit avec moi…
— C’est faux, protesta-t?elle, furieuse. Je n’ai pas fait l’amour avec vous par intérêt ! J’ai fait l’amour avec vous parce que…
Elle s’interrompit. Non, elle ne lui dirait pas qu’elle l’aimait, qu’elle n’aurait jamais écrit cet article après ce qui était arrivé entre eux. Non, elle n’allait pas s’abaisser à lui avouer ses sentiments…
— Parce que vous aviez besoin de tout savoir sur moi, conclut-il à sa place, implacable. Cela vous a été facile. Et puis, c’est vrai, cela a bien fonctionné entre nous, n’est-ce pas ?
— Je ne m’appelle pas Marilyn Roth ! Je ne couche pas avec quelqu’un pour lui soutirer des informations !
— Je n’ai jamais couché avec Marilyn, répliqua Joshua. Je ne flirte pas avec les journalistes, c’est un principe. Mais vous m’avez piégé, Carol Jones. C’est bien ainsi que vous signez vos papiers ?
— C’est une exigence de mon père. Mais non, Joshua, je n’ai jamais cherché à vous piéger. Et si je suis ici, c’est parce que je ne veux pas que notre histoire se termine.
— Oui, mais c’est trop tard. Cette relation n’ira pas plus loin, trancha-t?il d’un ton sans appel.
Kit ferma les yeux. Elle devait se battre, lutter de toutes ses forces pour cet homme. Cet homme qu’elle aimait de tout son cœur.
— Non, Joshua. Rien n’est terminé entre nous. Je ne l’admets pas. De même que je refuse que vous me considériez comme une garce.
— Vous êtes en tout cas une enfant gâtée capricieuse qui agit sans se soucier d’autrui. Mais papa vous pardonne toujours. Oui, papa est toujours derrière sa petite fille pour l’absoudre et la protéger.
Serrant les poings, Kit s’interdit de relever, sachant que l’amertume de Joshua était justifiée par ses relations conflictuelles avec son propre père.
— Mon père refuse de m’accepter telle que je suis, expliqua-t?elle d’une voix calme, et je dois lutter en permanence pour m’affirmer. Joshua, dès notre première rencontre, j’ai su que je ne ferais pas cette interview. Que je n’en avais pas le droit.
— Et pourquoi ne pas m’avoir avoué la vérité tout de suite ? Vous avez fait l’amour avec moi, Kit, et vous m’avez trompé.
Kit lutta pour retenir ses larmes. Chaque parole de Joshua lui brisait le cœur.
— Je suis désolée. J’ai eu tort. J’aurais dû vous parler dès le début.
Il l’observait et son regard brillait d’un désespoir intense. Elle se demanda s’il pourrait jamais lui pardonner. Elle n’imaginait pas que leur belle histoire se conclue ainsi. Elle ne le permettrait pas.
— Je n’ai jamais reconnu mes erreurs avant aujourd’hui, Joshua. Oui, je suis désolée, je regrette. Je voulais tout vous avouer, mais j’ignorais comment m’y prendre. Alors, j’ai préféré faire l’autruche.
L’atmosphère du salon était lourde et oppressante. Kit observa Joshua, qui semblait moins nerveux. Il avait entendu ses excuses. Lorsqu’il reprit la parole, la colère avait fait place à une immense tristesse.
— Avec ses articles, Marilyn a achevé de saccager mes relations avec mon père autrefois. Des relations que je m’efforce de renouer depuis des années. Mais vous ne pouvez pas comprendre que l’on puisse avoir des relations si difficiles avec son père, soupira-t?il. Bah, mais pourquoi est-ce que je m’obstine ? Inutile de ressasser tout ça ! Faites vos bagages, nous partons.
Et sans rien ajouter, il sortit du salon, claquant la porte derrière lui. Immobile, Kit laissa ses larmes couler sur ses joues. Elle avait tout gâché. Pour la première fois de sa vie, elle avait trouvé ce dont elle n’osait même pas rêver et elle avait tout gâché ! Lentement, elle se tourna vers l’enveloppe qui gisait à ses côtés.
Mais pourquoi n’avait-elle pas pris le temps de détruire ces documents à bord de l’Island Voyager ?
Soudain, elle rassembla son carnet de notes et les coupures de presse et se dirigea vers la cheminée. Elle éprouva un certain soulagement à voir les flammes anéantir ces documents qui avaient causé sa perte. Cependant, cela ne résolvait rien.
Désemparée, elle tressaillit et se dirigea vers la baie vitrée. Dehors, Joshua caressait un cheval en lui murmurant quelque chose à l’oreille. Une brise légère jouait avec ses cheveux… Entre frustration et désespoir, Kit se détourna et monta dans la chambre faire ses bagages.
*
* *

Lorsque Joshua fut de retour, il trouva les affaires de Kit prêtes dans le hall d’entrée. Le froid était mordant au-dehors et il frissonna. Au moins, elle avait la délicatesse de ne pas se montrer. Il sursauta quand on sonna à la porte. Greg, sans doute, auquel il avait demandé de passer.
— Tu as oublié tes clés ou tu es devenu timide ? lança Joshua en ouvrant la porte, avant de se figer devant l’inconnu qui se tenait sur le seuil.
— Joshua Parker ? demanda l’homme d’une voix neutre.
— Oui, répondit Joshua en observant son interlocuteur, revêtu d’un pardessus élégant tel qu’en portent les jeunes cracks de la finance à Wall Street. Puis-je faire quelque chose pour vous ?
— Blaine Rourke. Et oui, vous pouvez. Cameron O’Brien prétend que sa sœur est ici. Je viens chercher Kit pour la ramener à la maison.
— Vous… quoi ? s’exclama Joshua en reconnaissant soudain l’homme à la béarnaise.
Blaine le bouscula presque et pénétra dans la maison.
— Si cela ne vous ennuie pas, je préfère discuter à l’intérieur. Il fait froid.
Au prix d’un immense effort, Joshua garda son calme et referma la porte derrière le jeune homme. Blaine n’avait aucun besoin d’apprendre ce qui était arrivé entre Kit et lui. Pas question de lui donner cette satisfaction.
— Dites ce que vous avez à dire. Je vous donne deux minutes, déclara-t?il.
— Parfait, répliqua Blaine en se dirigeant vers le salon.
A cet instant, il dut reconnaître les bagages de Kit, car il se tourna vers Joshua, déclarant sur un ton supérieur et méprisant :
— Je vais vous parler sans détours, Parker. Kit doit rentrer immédiatement chez elle. Son père a été victime d’un infarctus. Le récit de votre croisière dans la presse l’a mené droit aux urgences.
Joshua serra les poings. Il n’admettrait pas que Blaine accuse Kit de jouer avec la santé de son père.
— Allons donc ! La presse n’a jamais provoqué de crises cardiaques, rétorqua-t?il.
— Sans doute, mais ces articles l’ont fortement contrarié. Ecoutez, je n’ai pas de temps à perdre. Kit m’est très chère, nous nous connaissons depuis l’enfance. Peu importent ses fantaisies, je lui pardonne et lui pardonnerai toujours.
Blaine se tut et regarda autour de lui, avant de poursuivre :
— Sachez que depuis toujours, nos deux familles veulent nous voir mariés. C’est comme ça, je n’y peux rien. Je suis donc venu récupérer ma fiancée pour la ramener à la maison. Et vous êtes prié de ne pas vous joindre à elle.
Sous l’effet de la colère, Joshua sentit sa gorge se serrer. Lui, généralement d’un naturel pacifique, aurait volontiers en cette seconde envoyé ce petit prétentieux au tapis. Le père de Kit avait eu une attaque. L’histoire se répétait. Un sentiment d’amertume submergea Joshua. Il aurait pu la soutenir dans cette épreuve. La consoler, être auprès d’elle.
Mais à vrai dire, avait-elle besoin de soutien ? Certainement pas. Seule l’intéressait la possibilité de tenir un scoop !
Joshua fixa Blaine. N’était-ce pas lui le responsable de la trahison de Kit ? L’unique raison qui l’empêcha de sauter sur Blaine fut l’arrivée soudaine de Greg, surgi de la cuisine.
— Patron, Cindy vous envoie des muffins pour le voyage de retour. Elle a également préparé un Thermos de café…
Le gardien s’interrompit, pour s’excuser aussitôt en découvrant les deux hommes.
— Oh, je suis désolé, patron. J’ignorais que vous aviez de la compagnie.
— Blaine Rourke.
L’air gêné, Greg salua d’un signe de tête l’importun lorsqu’un bruit de pas dans l’escalier les fit lever la tête. Kit.
— Je suis prête. Où êtes-vous ?
Avec un tressaillement, Joshua entendit les pas de la jeune femme se rapprocher.
— Joshua ?
Le regard de Kit croisa d’abord le sien, puis elle se tourna vers Blaine.
— Blaine ? Que fais-tu ici ?
Allez, le fiancé, cours dire à ta belle ce que tu es venu faire !
songea Joshua en regardant Blaine se diriger vers Kit, les bras tendus.
— Blaine, répéta Kit. Oui, bien sûr, tu es venu à cause de ces articles du Tattler. J’aurais dû m’en douter et…
— Une voiture nous attend et le jet de ton père également. Nous devons nous dépêcher, la météo annonce une tempête de neige.
— Blaine, tu es ridicule. Je suis désolée pour l’incident de la béarnaise, mais tu n’avais pas à annoncer nos fiançailles sans mon consentement !
— Kit, dit Blaine. Ne perdons pas de temps. Nous devons rentrer au plus vite…
— Je sais que vous avez dû bondir, à New York, en lisant la presse à sensation, coupa-t?elle, refusant de le laisser parler. Papa t’a ordonné de venir me chercher, c’est ça ? Quand je pense aux frasques de mon frère Cameron, papa fait bien moins d’histoires à son sujet.
— Kit, les tabloïds sont le dernier de mes soucis à cette heure. Ces articles avec, euh…
Blaine fit un signe de tête en direction de Joshua, puis il reprit :
— Je t’expliquerai les raisons de ma présence une fois en route.
— Qu’essaies-tu de faire ? De sauver ta réputation de futur époux ? s’exclama Kit, manifestement hors d’elle. Je t’ai répété cent fois que je ne t’épouserais pas !
Un sentiment de soulagement envahit Joshua. Elle n’épouserait pas Blaine, au moins ne lui avait-elle pas menti à ce sujet. Mais elle avait menti quand même. Et l’avait utilisé. A présent, elle devait rentrer à New York. Son père avait besoin d’elle. Elle n’était plus une enfant, comme semblait le croire cet idiot de Blaine. Kit avait parfaitement le droit d’apprendre l’accident de son père tout de suite.
— Kit, intervint-il alors.
La douceur de sa voix alluma aussitôt dans les yeux de Kit une lueur d’espoir. Joshua hésita, puis se résolut à lui apprendre la terrible nouvelle :
— Kit, vous devez rentrer. Votre père a eu un infarctus.
— Mon père ? Un infarctus ?
Elle fronça les sourcils et se mordilla la lèvre. Joshua et Blaine opinèrent alors d’un même mouvement de tête. L’instant d’après, elle courut, horrifiée, se jeter dans les bras de Blaine.
— Oh non ! Papa ?
— Ne tardons plus, Kit, dit le jeune homme. Nous avons assez perdu de temps. Cameron se trouve à l’hôpital depuis la nuit dernière. J’ai été retardé par le mauvais temps.
— Depuis la nuit dernière ? s’exclama Kit, rongée par la culpabilité.
Elle aurait dû rentrer, comme cela avait été convenu avec son père. Mon Dieu, qu’avait-elle fait ? Des larmes se mirent à rouler sur ses joues.
— Partons, maintenant, dit Blaine en resserrant les bras autour de ses épaules.
Il l’entraîna vers la porte et lorsque Kit, manifestement accablée, voulut se tourner vers Joshua, Blaine l’en empêcha. Sans un mot, tous deux passèrent le seuil et disparurent.

chapitre 11
 
The Tattler — Vendredi 29 novembre
Les potins de Mary Lynn
La fille prodigue a dit oui !
Comme je vous l’apprenais hier, Blaine Rourke a mis fin à l’escapade de sa promise avec le sémillant Joshua Parker. La jeune écervelée a passé Thanksgiving au chevet de son père, hospitalisé après un infarctus sans gravité.
Rourke lui-même m’a appris sa réconciliation avec la belle et tous deux sont apparus main dans la main à la conférence de presse tenue au siège des Editions O’Brien.
Interrogée sur la date de leur mariage, Kit a répondu que le jour des noces serait arrêté une fois son père en convalescence. Ainsi, cher lecteur, il semble bien que le père devrait voir son vœu exaucé. On peut regretter qu’il ait fallu une crise cardiaque pour que Kit se rende à la raison, mais personne n’est parfait, n’est-ce pas ?
Ecœuré, Joshua écarta le journal et frappa du poing sur la table de la cuisine.
— Hé, ne fais pas de mal à la table. Elle est innocente.
Joshua considéra Donna, sa belle-sœur, emmitouflée dans un peignoir rose pâle.
— Je vais préparer du café. Tu en veux ?
Un whisky bien tassé eût été plus efficace à lui faire oublier le cauchemar dans lequel il vivait, mais Joshua chassa cette idée.
— Va pour un café.
Mark surgit à cet instant et vint se planter devant lui, l’air inquisiteur.
— Je ne vois pas d’amélioration, remarqua alors Donna à l’intention de son mari.
— Mais si, protesta Joshua, ça va.
— Oui, bien sûr, renchérit son demi-frère. Tu vas bien. C’est pourquoi tu n’es pas rentré chez toi hier soir comme le reste de la famille…
— La neige a grillé la batterie de ma voiture, répondit Joshua.
Il soupira en saisissant la tasse de café brûlant que lui tendait sa belle-sœur, qui s’assit en face de lui.
— Tu achètes ce genre de torchon ? s’étonna-t?elle en désignant le journal.
— Je voulais voir ce que Mary Lynn avait à dire.
— Hmm, marmonna Donna en parcourant hâtivement l’article, avant de jeter le journal dans la poubelle derrière elle. Ne me dis pas que tu crois à ces mensonges !
— Ce ne sont pas toujours des mensonges, malheureusement.
— Oh, je t’en prie ! Tu ne crois tout de même pas que Kit va réellement épouser ce type ?
— J’ai pu voir comme ils étaient proches l’un de l’autre.
— Tu les as vus au moment où il lui a annoncé l’infarctus de son père, répliqua fermement Donna. A situation exceptionnelle, comportement exceptionnel.
— Tu oublies qu’elle m’a trahi, protesta Joshua en se levant pour arpenter la cuisine. Je t’ai tout raconté. Oui, elle s’est servie de moi.
— Que les hommes sont donc tragiques ! s’exclama Donna en levant les yeux au ciel. Ecoute, Joshua, reprit-elle, tu dois faire le point sur tes sentiments envers elle. Car tu éprouves des sentiments pour elle, c’est évident. Et tu devrais à cette heure te trouver dans ton appartement, pas ici !
Ce n’était pas faux. Pourtant, même dans son appartement new-yorkais où Kit n’avait jamais mis les pieds, il ne voyait qu’elle, pouvait même sentir son parfum, la douceur de sa peau. Oui, il devenait fou loin d’elle. Il détestait ces nuits sans elle et ces matins encore plus, lorsqu’il s’éveillait, seul, loin de la femme qu’il aimait.
— Alors ? s’enquit Donna avec un sourire entendu. Sais-tu au moins où tu en es avec elle ?
Joshua soupira et continua de arpenter la cuisine en long et en large d’un pas rageur.
— Je l’aime, finit-il par admettre. Et ça fait mal.
— Bien, dit Donna, visiblement satisfaite, nous progressons. Sois honnête avec toi-même, Joshua. Ta fierté en a pris un coup, manifestement. Mais à part ça, comment te sens-tu ?
— Je n’en sais rien, marmonna-t?il.
A quel moment était-il tombé amoureux de Kit O’Brien ? Cette femme qui l’avait trahi ? Et cette trahison, que pesait-elle en regard de l’amour qu’il lui portait ? Car il souffrait mille fois plus de son absence que de sa trahison.
— Il faut que tu saches de quoi il retourne exactement, affirma Donna, implacable.
— Mais comment faire ? s’exclama-t?il, excédé par son impuissance. Je lui téléphone et je lui dis : « Salut, Kit. On se remet ensemble ? » Allons, Donna ! Elle est sur le point de se marier ! Il n’y a plus rien à faire !
Donna but une gorgée de café, puis leva les yeux vers Joshua en souriant.
— Je n’ai pas dit que tu devais faire quelque chose.
Joshua fronça les sourcils et Mark interrogea sa femme du regard.
— Quoi ? lui demanda-t?il, l’air inquiet soudain.
— C’est toi, mon cher époux, qui va sauver le cœur de notre pauvre Joshua. Tu connais Cameron, non ?
— Eh bien, je l’ai rencontré pour affaires, oui, répondit Mark, méfiant.
— Parfait, répondit Donna. Alors, téléphone-lui. Ainsi, nous saurons à quoi nous en tenir et nous agirons en conséquence.
— Mais…, protesta Mark.
— Pas de mais ! Ce sera notre cadeau de Noël à Joshua. Et pense au bonheur de ta mère si ton frère venait à se marier…
— Mais je ne veux pas me marier ! s’interposa Joshua.
Donna le fusilla du regard et il résolut de se taire. Après tout, qu’avait-il à perdre à confier son sort à sa belle-sœur ?
— Je doute qu’il se trouve à son bureau. C’est un jour férié aujourd’hui, dit alors Mark.
— Je suis certaine que tu as son numéro de téléphone privé, non ? le reprit Donna en lui faisant les yeux doux.
Mark hocha lentement la tête et leva les bras en signe de reddition.
— D’accord, chérie. Mais tu me revaudras ça…
Mark sourit, puis il embrassa sa femme sur le bout du nez avant de se lever pour quitter la pièce. Donna se tourna alors vers Joshua :
— Tu es sûr d’aimer cette fille, Joshua ?
— Oui.
— Bien. A présent, rentre chez toi, prends une douche et calme-toi. Je t’appelle dès que j’ai du nouveau.


 
 
 

 
 

 

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