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chapitre 9

Il devait être tard. Au moins 10 heures. Mais elle se sentait si bien qu’elle ne se préoccupait guère de l’heure.
Avec la grâce d’un félin, elle s’étira, et son pied frôla une jambe musclée. Elle se figea… puis la mémoire lui revint. Tournant la tête, elle rencontra le regard brillant de Jared.
— Tu as bien dormi, chérie ?
Tasha faillit rétorquer qu’elle dormait toujours bien après l’amour, mais elle se retint.
Du revers des doigts, il caressa doucement sa joue. Un sourire sensuel flottait sur ses lèvres.
— Ce que nous avons partagé était merveilleux.
Elle sentit sa gorge se serrer.
— Je vais me doucher. Veux-tu qu’on prenne le petit déjeuner ici, ou dehors ?
Si elle ne s’accrochait pas aux détails prosaïques, elle allait prononcer des mots qu’elle regretterait.
Jared était-il dupe ? En tout cas, elle ne parvenait même pas elle-même à ignorer la force de son trouble… Sa respiration saccadée la trahissait, de même que le soulèvement désordonné de sa poitrine.
Il était si proche, et les souvenirs de la veille si vifs ! Elle sentait encore, dans sa plus secrète intimité, la brûlure de leur étreinte. Pire, elle devait s’avouer qu’elle le désirait à nouveau et c’était pure folie. Voilà donc ce qui la clouait au lit !
Reprends-toi, se conjura-t elle sévèrement en quittant les draps d’un bond. Jared l’avait vue nue des milliers de fois, alors pourquoi éprouvait-elle le soudain besoin de disparaître ? Elle se réfugia sous la douche et régla la pomme sur un débit relaxant. Voluptueusement, elle laissa le jet glisser sur elle et ferma les yeux.
Elle allait attraper le savon quand elle sentit le contact d’un poignet… Un cri lui échappa, elle ouvrit les yeux. Jared l’avait rejointe et le savon était dans sa main.
— Laisse-moi !
Jared avait commencé à lui savonner le bras. Si elle le laissait faire, elle était perdue.
— Pas question. J’adore couvrir ta peau de mousse.
Tasha posa ses deux paumes sur la poitrine de Jared pour le repousser : cela n’eut aucun effet.
— Jared…
Sa voix s’étrangla alors qu’il savonnait ses seins. C’était si bon… Son pouce passa un peu rudement sur un de ses tétons, et elle eut un mouvement de recul.
Une inquiétude traversa le regard de Jared.
— Je t’ai fait mal ?
— Non, mais…
Au diable les faux-fuyants.
— Ils sont devenus extrêmement sensibles, avoua-t elle.
Il s’en voulut d’avoir poussé si loin la veille, mordillant du bout des dents les pointes dressées pour conduire Tasha à l’extrême limite du plaisir.
Etouffant un juron, il l’embrassa fougueusement mais reprit ses caresses d’une main plus douce, qui glissa ensuite entre ses cuisses.
— Non…
Elle avait posé une main décidée sur son poignet, et il s’arrêta. Tasha le regardait, sourcils froncés.
— Rien n’est résolu. Ce n’est pas parce qu’hier, nous avons pris beaucoup de plaisir que…
Elle vit les yeux de Jared s’assombrir. Son visage était devenu de pierre.
— Simplement du plaisir ? dit-il d’une voix sourde. C’est comme cela que tu appelles ce que nous avons partagé ?
Il y avait plus que cela. Bien plus. Pour lui.
La dénégation qu’elle voulait lui opposer se bloqua dans sa gorge.
— Je préfère ne pas en parler maintenant.
— Eviter le sujet ne le fera pas disparaître, rétorqua Jared, la mâchoire crispée.
— De toute façon, tu ne me laisses pas l’oublier…
— Tu peux compter sur moi pour te le rappeler.
Tasha détourna les yeux.
— J’aimerais mieux prendre ma douche seule, si tu n’y vois pas d’inconvénient.
— Et si j’en vois un ?
Il l’obligea à relever le visage vers lui. Les yeux de Tasha étincelaient de colère contenue.
Il prit brutalement ses lèvres, exigeant, possessif, retournant derrière son dos le poing qu’elle levait vers lui. Il immobilisa son autre main et la plaqua à lui, insinuant de force sa langue dans sa bouche.
Elle poussa un petit gémissement, de plaisir et de fureur confondus. Le temps sembla s’arrêter quelques secondes… Puis Jared s’arracha à elle.
Tasha n’aurait pu prononcer un mot. Machinalement, elle passa la main sur sa bouche meurtrie par son assaut. Des larmes noyaient ses yeux, et elle dut cligner des paupières pour les ravaler.
Etouffant un juron, Jared desserra son étreinte. Il ne se reconnaissait plus. Le dégoût de lui-même l’envahissait. Il avait failli…
— Je te conjure de sortir, dit-il d’une voix blanche. Avant que je ne fasse quelque chose que je pourrais regretter toute ma vie.
Tasha ne se le fit pas dire deux fois, et, attrapant une serviette, elle se réfugia dans sa chambre.
Le temps de s’habiller, et elle avait retrouvé son calme. Elle sortit, vêtue d’un jean et d’un débardeur de coton.
A cet instant, Jared quittait la salle de bains, une simple serviette drapée autour des reins. Tasha sentit sur elle son regard appréciateur et à cet instant, elle crut bien le détester.
Une subite vague de nausée s’empara d’elle.
Elle dut pâlir car elle entendit la voix inquiète de Jared :
— Tasha ?
Déjà, elle se précipitait dans la salle de bains, en proie à une terrible crise de vomissements.
Jared fut derrière elle à l’instant, repoussant ses cheveux, maintenant ses épaules secouées de haut-le-cœur. Il épongea ensuite le visage de Tasha, avec des gestes très doux.
— Ça va ? demanda-t il gentiment.
Oh, Seigneur…
— Oui, je crois.
Les nausées du matin étaient de retour, et elles n’auraient pas pu choisir un pire moment. Jared la fit asseoir.
— Ne bouge pas. Je vais te préparer du thé et des toasts.
Ces simples mots faillirent déclencher à nouveau une crise, mais Tasha la maîtrisa en se rappelant les recommandations des manuels de grossesse : un déjeuner chaud et léger.
Voyant sa bouche trembler, Jared la prit contre lui et elle sentit ses yeux s’embuer.
— Ne pleure pas… S’il te plaît.
C’était une simple réaction physique, la suite de la crise et elle le lui expliqua. Tendrement, il baisa chacune de ses paupières.
— Ça va aller, dit Tasha. Va… va me préparer ce thé.
Quand il fut sorti, Tasha en profita pour se rafraîchir. Lorsqu’elle s’assit dans la cuisine, le thé l’attendait. Après en avoir avalé une tasse et avoir grignoté un toast, elle se sentit de nouveau presque humaine.
— Merci.
Jared débarrassa sa tasse avant de lui demander :
— Cela fait longtemps que tu souffres de nausées ?
— Un peu plus d’une semaine, mais c’est la première fois que c’est aussi violent.
— Je suis désolé…, dit-il en passant doucement la main sur sa joue. Te sens-tu assez remise pour une promenade sur la plage? Ensuite, nous pourrions déjeuner en ville…
Elle avait envie d’air frais et de soleil.
— D’accord, répondit-elle.
— Bien. Donne-moi deux minutes pour me raser.
Pendant ce temps, elle enfila une paire de tennis et bientôt, ils étaient au bord de l’eau.
Jared prit sa main, enlaça ses doigts aux siens. Elle aurait voulu rester en colère contre lui mais la façon dont il s’était occupé d’elle lors de sa crise effaçait tout sentiment d’animosité.
La matinée s’annonçait radieuse. Tasha inspira à pleins poumons l’odeur tonifiante de l’iode. Le soleil caressait sa peau, et un souffle de vent venu de l’océan jouait dans ses cheveux, ramenant quelques mèches sur ses joues.
Ils prirent un brunch sur le boulevard qui bordait la plage, puis rentrèrent à l’appartement pour empaqueter leurs quelques affaires du week-end. Mais la journée n’était pas finie. Lorsqu’ils reprirent la voiture, Jared piqua vers les montagnes au lieu de rentrer sur Brisbane. La route escarpée grimpait vers le mont Tamborine et ils choisirent une petite ville située à mi-hauteur pour admirer le paysage, prendre un thé, et déambuler dans les boutiques d’artisanat local.
Tasha fit quelques achats : un pot de confiture fabriquée sur place et une adorable poterie représentant un lézard, animal emblématique représenté dans les peintures traditionnelles.
Le jour déclinait. A regret, ils se décidèrent à rentrer, et prirent l’autoroute du nord. Il faisait presque sombre, quand ils arrivèrent en vue de Brisbane.
— Chinois ou italien ? proposa Jared lorsque le fleuve fut atteint. Cela évitera le souci du repas.
— Italien, trancha Tasha.
— Sur place ou à emporter ?
— Tu m’offres le choix ?
— Bien entendu.
Tasha imagina les tables romantiques, nappées de rouge, la lueur des chandelles plantées dans des bouteilles de Chianti et les arômes d’ail et d’origan, évocateurs d’exotisme… Son choix fut vite fixé. Jared se dirigea vers Milton, banlieue de Brisbane où se trouvait le meilleur restaurant italien.
C’était vraiment la plus agréable façon de conclure la journée et Tasha se régala de lasagnes vertes, alors que Jared préférait une immense pizza, couverte de salami, d’olives et de tomates séchées.
Un vrai paradis, se dit Tasha en prenant une bouchée de lasagnes fondantes. Non loin d’eux, un violon jouait une rengaine évocatrice.
— Tu dois plaider demain, il me semble ?
— Exact.
Il s’agissait d’une affaire complexe dont les journaux se feraient sûrement l’écho.
— Qui préside ?
Jared cita un juge respecté, dont la sévérité était connue. L’adversaire de Jared était un homme habile, qui ne s’embarrassait pas de scrupules pour remporter ses succès.
— Un choc de titans, observa pertinemment Tasha. Soleil fait-elle partie de ton équipe ?
Elle connaissait la réponse avant même de poser la question…
— C’est son père qui m’a confié l’affaire.
Tasha eut un regard désabusé.
— Bien entendu… J’aurais dû m’en douter.
— Le cynisme ne te va pas.
— Je suis bien obligée d’observer qu’elle utilise tous les moyens pour te séduire.
— Je ne la considère que comme une associée.
— Une associée particulièrement séduisante.
Jared lui lança un regard amusé.
— Tu veux vraiment que je contredise ce point ?
— Pour te forcer à mentir ? Non, ce n’est pas la peine.
Un rire de gorge échappa à Jared.
— Comptes-tu finir ces lasagnes ? Elles semblent délicieuses…
— Ne change pas de sujet, dit Tasha en affectant la contrariété. Je connais tes tours d’avocat !
Leur conversation se poursuivit sur un mode taquin, leur rappelant les souvenirs d’autres soirées où ils avaient ainsi badiné. Mais à l’époque, ils rentraient ensemble et partageaient une douche ou un long bain, avec bougies et verre de vin, avant d’aller faire l’amour jusque tard dans la nuit.
Cette soirée, malheureusement, aurait une autre conclusion. Lorsque Jared arrêta la voiture devant son appartement de Kangaroo Point, Tasha ne put maîtriser la tristesse qui s’emparait d’elle.
— Si je te demande d’aller prendre quelques affaires et de rentrer avec moi, accepteras-tu ? demanda posément Jared.
Savait-il à quel point elle en mourait d’envie ? Faire comme si de rien n’était… Mais on ne pouvait pas faire tourner les horloges à l’envers. La seule possibilité était d’aller de l’avant.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, dit-elle d’une voix à peine audible.
— Tu sais que je te reposerai la question autant de fois qu’il le faudra ?
Elle préféra ne pas répondre et détacha sa ceinture de sécurité.
— Je vais prendre mon sac dans ton coffre.
Jared éteignit le moteur et la précéda.
— Je peux me débrouiller, protesta Tasha. Tu n’avais pas besoin de sortir.
— Ne dis pas de bêtises, dit-il en retirant son sac de la voiture.
— Merci…
Au moment d’insérer sa clé pour ouvrir la porte du hall, elle se retourna.
— Bonne nuit, dit-elle en baissant les yeux, pour qu’il ne voie pas ses larmes.


 
 

 

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chapitre 10


Jared appela juste avant 8 heures, alors qu’elle finissait sa deuxième tasse de thé.0
— Comment était-ce, ce matin ?0
— Comme hier…
Tasha se concentra sur la conversation pour dissiper l’effet qu’avait sur elle la voix grave et profonde de Jared.
— A ce point-là ?
Elle faillit répondre « Oui, et c’est ta faute ! ». Mais ç’aurait été idiot…0
— Je survivrai, dit-elle laconiquement.
Survivre… bien sûr. Cela aurait été tellement plus simple s’ils avaient été deux à partager ces instants !
— Je t’appellerai ce soir, promit-elle avant de raccrocher et de filer prendre sa douche.
Une journée difficile l’attendait. A la vérité, des semaines difficiles l’attendaient.
Et les jours suivants ne se déroulèrent pas plus confortablement. Chaque soir, Tasha ramenait de quoi travailler jusqu’à une heure avancée. Le lendemain, elle partait de bonne heure et tout recommençait.
Jared était aussi très pris par sa plaidoirie. Mais tous les matins, il téléphonait à Tasha de son bureau, alors qu’elle n’avait pas même quitté son appartement.
Lorsqu’il appela le mercredi matin, elle mettait la dernière touche à son maquillage. La voix de Jared ne la surprit pas.
— J’allais filer, dit-elle sans autre forme de politesse.
— Ce qui veut dire, « dépêche-toi » ?
— S’il te plaît.
— Je dois prendre l’avion pour Melbourne demain matin. Une médiation y est prévue entre les deux parties.
— Soleil part avec toi ?
— Oui.
— Parfait, dit-elle d’un ton aussi détaché que possible. Amusez-vous bien.
La réponse de Jared laissa percer une certaine exaspération.
— Ce n’est pas le but. Je t’appelle dès mon retour.
— Si tu as le temps.
Ce n’était pas ce qu’elle voulait dire. Mais les souhaits de bon voyage n’avaient pu passer ses lèvres. La contrariété l’en avait empêchée. Soleil avait toujours cet effet-là sur elle. Et savoir qu’il ne partait pas seul…
— A bientôt, conclut-elle brièvement, sentant la colère la gagner.
Elle était furieuse, oui, mais contre elle-même bien plus que contre lui…
La journée fut aussi chargée que les précédentes, et Tasha eut du mal à se concentrer. L’image de Jared passait et repassait sans fin devant ses yeux. Malgré elle, elle s’interrogeait. Ces dernières semaines, Jared s’était comporté comme s’il voulait à toute force la regagner. Rien ne le dissuadait. S’il y avait un frein à leur relation, c’était elle qui le mettait…
Pouvait-elle encore douter de ses sentiments pour elle ? Et combien de temps supporterait-il la séparation qu’elle lui imposait ? Peut-être finirait-il par se résigner : il deviendrait un père à mi-temps comme tant d’autres…
S’écoulerait-il longtemps avant qu’il ne la remplace ? Bien des femmes le convoitaient. Soleil, bien sûr, mais elle n’était que la plus entreprenante.
A l’idée de le perdre, Tasha sentit son cœur se contracter. Soudain, elle eut peur. Il fallait qu’elle se décide à rappeler Jared. Peut-être pourraient-ils essayer à nouveau… ensemble. Pour elle en tout cas, il n’y avait pas d’autre issue, elle s’en rendait bien compte. Pourvu qu’il en fût de même pour lui…
Le soir, quand elle rentra, elle avait travaillé jusqu’à l’épuisement. Mais les rendez-vous de la journée n’étaient pas seuls en cause…
Rapidement, elle se prépara une salade de poulet, qu’elle picora sans grand appétit, en lisant les journaux. Puis, ayant lavé la vaisselle, elle s’installa au salon et se lova sur le canapé. Elle se sentait trop fatiguée pour lire. Prenant sa télécommande, elle alluma la télévision.
C’était l’heure du bulletin d’informations, et Tasha suivit avec attention les reportages sur la situation au Moyen-Orient. Mais les images s’interrompirent alors que le présentateur annonçait un flash de dernière minute. Une bande le résumait en boucle au bas de l’écran :
« Explosion d’une bombe à l’aéroport de Melbourne. Sept morts, de nombreux blessés. Le terminal a été évacué, et tous les vols sont annulés jusqu’à nouvel ordre. »
Un cœur pouvait-il s’arrêter de battre ? Tasha en eut l’impression à cet instant.
Jared. Oh, Seigneur… Jared ! Luttant contre la panique qui s’emparait d’elle, elle se précipita vers son portable.
S’il ne lui était rien arrivé, n’aurait-il pas déjà appelé ? Tasha sentit son pouls s’affoler. Une terreur incontrôlable la gagna.
Heureusement, le numéro de Jared était enregistré en touche de raccourci sur le clavier de son portable… Elle tremblait tellement qu’elle aurait été incapable de le composer.
Pour tout contact, elle n’obtint que la tonalité du hors-zone : l’appel avait échoué. Rapidement, elle envoya un SMS. Sans succès.
Les autorités avaient dû mettre un numéro d’urgence à la disposition du public. Fébrilement, elle chercha une chaîne d’information, zappant de l’une à l’autre jusqu’à trouver le renseignement espéré.
Cette fois, au bout du fil, la réponse fut presque immédiate mais il sembla à Tasha que l’attente prenait des heures.
— Nous n’avons personne qui corresponde à votre signalement sur la liste des blessés, dit enfin l’opérateur. Rappelez d’ici une heure.
Tasha crut devenir folle. Une heure ? Un siècle pour elle ! Une éternité ! Sans rien d’autre à faire que d’entendre les informations qui ne lui apprenaient rien de nouveau…
Il fallait que Jared soit en vie. Il le fallait !
Les mots se répétaient dans sa tête, martelés par son désespoir comme une incantation. Sans s’en rendre compte, elle se mit à prier.
Une seule réalité émergeait clairement de son esprit en feu : la vie sans Jared ne valait pas d’être vécue.
Ce n’était pas une découverte… Elle l’avait toujours su, mais avait refusé de l’admettre pour s’accrocher à des principes. Principes qui, désormais, ne signifiaient plus rien.
Face à l’écran, elle regardait, hypnotisée, un défilé d’images qu’elle ne voyait même pas. Le lieu de l’explosion offrait un tableau chaotique et les secours travaillaient sans relâche au milieu des débris. Soudain, Tasha s’aperçut que l’heure était presque écoulée. A nouveau, elle composa le numéro d’urgence.
Cette fois, il lui fallut attendre d’interminables minutes avant d’être prise en charge par un opérateur. Celui-ci lui confirma l’absence du nom de Jared sur leur liste de blessés.
Elle raccrocha. Que faire ? Elle eut brusquement l’idée de prendre le premier vol pour Melbourne. Même si elle ne pouvait rien faire de plus, au moins, elle serait sur place et chercherait Jared !
Oh, Seigneur !… Si quoi que ce soit lui était arrivé, elle en mourrait.
La sonnerie de son portable la déconcerta tellement que son cerveau mit un millième de seconde à l’enregistrer. Elle bondit sur l’appareil.
— Tasha !
La voix de Jared lui procura un tel bonheur qu’elle crut défaillir. Sa main se crispa sur l’appareil.
— Tu… tu es blessé ? hoqueta-t elle.
Elle reconnaissait à peine sa propre voix, habitée par la terreur, entrecoupée !
— Quelques coupures, rien de sérieux. Des projections de débris…
Jamais il ne lui dirait ce qu’il avait frôlé. Autour de lui, les blessures s’avéraient beaucoup plus graves. La chance avait joué en sa faveur.
— L’équipe médicale a insisté pour que nous soyons immédiatement transférés et examinés à l’hôpital. Comme mon portable n’a pas résisté au choc, je n’ai pas pu t’appeler plus tôt. Ils vont nous trouver un hébergement pour la nuit, et les vols reprendront normalement demain. Je te rappelle dès que j’en saurai plus.
Il observa une très courte pause et ajouta :
— Je t’aime.
La gorge serrée, Tasha entendit raccrocher. Elle en aurait pleuré.
Comment pouvait-il couper après lui avoir dit cela ? La laisser tremblante, à chercher sa respiration, alors qu’elle venait de passer les heures les plus terribles de son existence ? Seigneur, elle s’était demandé s’il était encore vivant !
Fébrile, incapable de tenir en place, elle tenta de calmer son agitation en se consacrant au ménage. Il avait déjà été fait, mais c’était une façon comme une autre d’évacuer sa tension.
Enfin, épuisée, Tasha se décida à se coucher. Avec le décalage de l’horaire d’été, qui mettait Melbourne en avance d’une heure sur Brisbane, il y avait peu de chance que Jared rappelât le soir même.
Pourtant, son cerveau se refusait à se laisser aller au sommeil… Etre allongée était un supplice. Elle se tournait en tous sens, bourrait son oreiller de coups de poing. Rien à faire. Le sommeil la fuyait.
Jusqu’aux petites heures, elle resta donc au salon, à regarder les programmes de la nuit. A l’aube, enfin, elle sentit qu’elle pourrait prendre un peu de repos. Elle regagna son lit et s’effondra.
Le réveil sonna longuement avant qu’elle ne s’éveille. Sa première réaction fut de vérifier son portable mais il n’y avait aucun message. Alors elle déjeuna, de céréales et de fruits, puis elle prit sa douche et partit au bureau.
La journée commença comme à l’habitude… mais rien n’était pareil. Tasha passait par différents états d’esprit, tantôt pleine d’excitation, tantôt abattue. Plus la matinée s’avançait, plus elle se sentait fébrile. Sa concentration s’en resentit.
Enfin, à 10 heures, le bourdonnement de son portable lui signala un message :
« Je rentre par le vol de fin d’après-midi. Sois prête à 19 heures. Nous dînerons dehors. »
Tasha pianota un bref « D’accord » sur son clavier avant de consentir à respirer normalement. Un soulagement intense inonda son corps jusqu’à ses terminaisons nerveuses. Le soulagement, enfin…
Ce ne fut qu’à force de volonté qu’elle parvint à honorer ses rendez-vous de l’après-midi.
A 17 heures, sans attendre une minute de plus, elle referma son ordinateur et quitta le bureau. A cette heure de pointe, elle mettrait bien une demi-heure à rentrer. D’autant plus qu’elle comptait s’arrêter chez un fleuriste.
Ce qu’elle fit, pour acheter une simple rose, très belle, blanche et épanouie.
Une fois à son appartement, elle se détendit quelques instants dans sa cabine de douche, sous le jet tiède, et se lava les cheveux. Puis elle s’habilla avec soin, choisissant une robe de cocktail bleu pastel, aux manches à mi-longueur, qui s’arrêtait au-dessus du genou. Le décolleté était moins sage et elle le mit en valeur par un pendentif, une belle perle noire offerte par Jared. Elle opta pour un maquillage lumineux et, enfin prête, prit une pochette assortie à la robe, chaussa des escarpins légers et sortit sans oublier sa rose.
L’image de Jared ne la quittait pas et elle sentit l’excitation monter alors qu’elle s’apprêtait à le rejoindre au bas de l’immeuble.
Il était 19 heures pile quand elle déboucha dans le hall et qu’elle le vit, debout à côté de sa voiture. Il l’attendait.
Elle se jeta dans ses bras, cherchant sur son visage la moindre trace de blessure.
— Où as-tu mal ?
C’était la question la plus importante, bien plus essentielle que de dire bonjour !
Jared s’empara de son visage, glissa les doigts dans ses cheveux et prit sa bouche. Son baiser était urgent, brûlant… D’une impatience à peine contenue. Lorsqu’il s’écarta, ce fut pour mieux reprendre ses lèvres mais avec tendresse, cette fois, avec une douceur qui fit fondre Tasha.
Elle se colla contre lui ; il fallait qu’elle le touche, qu’elle le sente contre elle, de chair et de sang, vivant !
— Tu es sûr que tout va bien ?
Les lèvres de Jared effleurèrent ses cheveux, puis se posèrent au coin de sa bouche.
— Certain. Je n’ai que quelques ecchymoses, des coupures, rien de méchant. J’ai fait partie des plus chanceux.
— Merci, Seigneur, fit-elle avec une ferveur qui ne lui était pas habituelle. Tu es toujours là, avec moi !
Jared eut un sourire presque intrigué.
— C’est au mot près ce que je me suis dit.
— Et Soleil ?
Tasha ne pouvait faire autrement que de s’enquérir d’elle.
— Un bras cassé, quelques côtes fracturées. Ils la gardent à Melbourne jusqu’à ce qu’elle puisse voyager sans inconfort.
Tasha promena les doigts sur son visage, comme si elle cherchait à se rassurer. Jared saisit sa main, et embrassa longuement sa paume.
— Si nous allions manger ?
— Je meurs de faim, répondit-elle sincèrement.
Elle n’avait rien pu avaler depuis l’explosion. Mais elle n’avait pas faim que de cela… Le reste pouvait attendre, néanmoins. Patienter un peu avait aussi de bons côtés. Cela servirait à aiguiser ses sens…
Jared avait choisi un petit restaurant calme et élégant, à l’écart du centre ville. Loin de la foule et de l’agitation… Pourtant Tasha sentit croître sa nervosité alors que le maître d’hôtel les mena jusqu’à une table retirée, doucement éclairée par le halo d’une lampe. L’abat-jour rose et la nappe, dont les longs plis retombaient à terre, s’accordaient à la perfection.
Tasha s’installa et posa sa rose sur la nappe, à côté d’elle.
Jared s’apercevait-il que son coeur tambourinait dans sa poitrine ? Avec un regard tendre, il désigna le délicat bouton floral.
— Je présume que ceci a une signification ?
— Oui, dit-elle sans rien ajouter de plus.
Elle se saisit du menu, d’une main qui tremblait encore un peu. Sereine, posée, voilà ce qu’elle s’était promis d’être. Mais intérieurement, elle piaffait. La sensation de faim s’estompait déjà, battue en brèche par sa nervosité. Elle se *******a d’une salade de crustacés.
— La médiation s’est passée correctement ? dit-elle pour entamer la conversation.
Jared lui décocha un regard étonné. D’où venait ce subit empressement à parler affaires ?
— On ne peut mieux, dit-il laconiquement.
Tasha se troubla. Il avait compris qu’elle n’était pas dans son état normal. Tout à l’heure, elle se sentait assez sûre d’elle mais à l’instant de parler, sa belle assurance la fuyait. Pourtant, il fallait qu’elle ose… L’entêtement qui l’avait poussée à le quitter l’obligeait à présent à aller jusqu’au bout.
Une question devait être posée et quelle que fût la réponse de Jared, elle ne devait pas l’esquiver.
« Maintenant », lui ordonna une voix intérieure. « Maintenant ou jamais. »
Tasha prit sa respiration… Il ne lui fallut qu’une seconde pour sortir de sa pochette le petit mot qu’elle avait préparé. Elle le posa à côté de Jared et poussa la rose vers lui.
— Cadeau…
Pour lui, rien que pour lui. Elle s’offrait, avec leur enfant à naître.
Accepterait-il ? La seule supposition d’un rejet lui serrait le cœur comme un étau de glace.
L’expression de Jared restait indéchiffrable. Combien de temps pouvait-on mettre à lire une simple ligne ? Tasha en connaissait les mots par coeur :
« Tu es l’amour de ma vie. Veux-tu toujours de moi pour femme ? »
Il sembla à Tasha qu’une éternité s’écoulait avant que Jared ne consente à relever la tête. Il plongea son regard dans le sien, en une interrogation muette qu’elle ne pouvait laisser sans réponse.
— Je suis à toi, dit Tasha, la gorge serrée. Pas à cause de l’enfant. C’est de toi dont j’ai besoin. Cette séparation, c’était pour ne pas te contraindre à… Je redoutais que tu ne m’épouses que pour…
Elle s’arrêta. Ses mains tremblaient.
— Tu ne crains plus que je me sente obligé ?
Oh, non, elle ne le craignait plus. Plus après la façon dont il lui avait fait l’amour, plus après son infinie patience.
— Plus maintenant.
Ce n’étaient que deux mots, tout simples, mais imaginait-elle un seul instant ce qu’ils représentaient pour lui ? Comme il avait souffert ces dernières semaines, comme elle lui avait manqué ? Comme il avait eu mal de son absence, craignant de ne jamais la retrouver ?
Il n’avait pas dormi une seule nuit correctement, depuis son départ. Le monde était devenu un lieu hostile, vide de sens, qu’il ne voulait plus habiter sans elle à ses côtés.
Il la regarda, vit la femme qu’elle était, ce qu’elle était devenue. Sa force, sa valeur, son intégrité. Et il sut que jamais, au grand jamais, il ne considérerait leur union comme acquise. Il lui faudrait la mériter, toujours. L’amour de Tasha était un cadeau renouvelé, venu droit du cœur. Il lui incombait d’entretenir cette flamme.
— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis, ma chérie ?
— Tu aurais pu partir, tu ne l’as pas fait, dit-elle avec simplicité. Tu ne m’as pas laissée seule et pourtant, tu m’as laissée libre.
Le regard de Jared s’était allumé d’un éclair sombre.
— A l’exception d’une nuit…
Un sourire flotta sur les lèvres de Tasha. Elle ne se souvenait que de leur passion, de l’intensité de son amour.
Mais il n’avait toujours pas répondu… Quelle en était la raison ? Retardait-il le moment de s’excuser, de lui dire qu’il ne pouvait accepter ?
Dieu du ciel… Il n’allait pas… Non ! Ce fut comme un cri silencieux jailli du plus profond d’elle-même, un avant-goût du désespoir qui l’attendait si jamais…
— Je t’aime, dit-elle d’une voix étranglée.
La bouche de Tasha s’était mise à trembler. Elle lutta pour se contrôler.
— Tu es l’homme de ma vie, le seul. Quand j’ai entendu les informations, quand j’ai compris qu’il s’agissait d’une bombe… à l’idée que tu puisses être tué…
Trop troublée pour poursuivre, elle prit une profonde inspiration. Jared la dévisageait intensément.
— Ma vie n’aurait plus aucun sens sans toi, dit-elle enfin.
Jared sentit quelque chose bouger au tréfonds de lui, comme si pour la première fois les pièces de son existence se mettaient en place. Une émotion poignante l’étreignait.
Il avait failli la perdre. Cru qu’il ne pourrait jamais la regagner. Rien n’était garanti en ce bas monde, et surtout pas l’amour…
Le plus précieux des cadeaux. Celui que rien ne pouvait acheter.
Il se pencha, et suivit d’un doigt tendre le contour de sa joue.
— Oui.
Oui ? Cela signifiait-il qu’il…
— J’accepte ton offre.
Soulagement et bonheur inondèrent Tasha d’un flot de douceur. Son visage expressif s’illumina d’une joie si intense que Jared en fut bouleversé.
— Nous allons nous marier. Le plus vite possible.
Un serveur s’approcha de la table, une rose à la main.
— Pour vous, madame, dit-il en souriant. De la part de monsieur…
Tasha prit la fleur. Elle avait du mal à retenir ses larmes. Les pétales de velours, d’un parfait carmin, se resserraient sur un parfum capiteux, envoûtant.
— Tu vois, dit Jared en indiquant la tendre rose qu’elle lui avait apportée. Nous avons les mêmes idées, nous sommes à l’unisson…
— Elle est magnifique, Jared.
— Rentrons, veux-tu ?
Il ne pouvait plus résister au besoin de l’enlacer. Et Tasha, dans son regard, lut ce qu’elle cherchait depuis toujours.
Jared régla la note. Puis, serrés l’un contre l’autre, ils retournèrent à la voiture. Il lui ouvrit la portière.
— Chez toi ou chez moi ? demanda-t-il d’un ton très doux.
— Choisis.
— Chez nous, dit Jared en prenant la direction de leur appartement.
Le lieu qu’élirait Tasha serait toujours chez nous, du moment qu’elle accepte de le partager avec lui. De dormir dans son lit… Jared s’astreignit à une prudence redoublée car l’image de Tasha venait danser devant ses yeux. Nue, étendue sous lui, moite, le regard chaviré quand il la menait au comble de la jouissance…
Quand enfin il entendit le revêtement du parking crisser sous ses pneus, il sut qu’ils étaient arrivés. Ils quittèrent la voiture d’un même mouvement et leurs mains se joignirent. Jared buvait le regard de Tasha, le désir liquide qui le noyait… Et sa bouche… Dès qu’ils auraient franchi le seuil, il prendrait sa bouche. L’ascenseur les entraîna sans qu’ils aient conscience de l’avoir pris.
Il leur sembla qu’ils n’arriveraient jamais à l’appartement. Tasha avait glissé ses mains contre la poitrine de Jared et dès qu’il eut ouvert la porte, elle repoussa sa veste. Elle voulait sentir sa peau contre la sienne, sentir battre son cœur, et elle le voulait maintenant.
Impatients, ses doigts arrachèrent les boutons de sa chemise, en dégagèrent les pans, défirent la ceinture de son pantalon.
L’odeur musquée de Jared enivrait ses sens, lui tournant la tête comme le plus puissant des alcools. Tasha scella ses lèvres à son torse, le goûta de la langue, joua avec sa toison bouclée. Déjà, elle laissait descendre sa bouche, mais Jared la releva.
Il la hissa contre lui et elle noua les jambes autour de sa taille tandis qu’il l’étreignait. Il l’embrassa, sauvagement, comme s’il cherchait à étancher une soif inextinguible.
Et ce fut à son tour de la déshabiller, de ses gestes rapides, précis, avant de refermer les lèvres sur ses seins, léchant leurs pointes dressées.
Plaqués l’un à l’autre, ils titubèrent jusqu’à la chambre et roulèrent sur le lit.
Leurs derniers vêtements tombèrent à terre et les doigts de Jared cherchèrent l’écrin intime de Tasha, pénétrant, remontant au cœur de sa moiteur. Il sentit son plaisir déferler alors qu’elle gémissait son nom.
— Jared, mon amour… Viens… maintenant, supplia Tasha.
Il se glissa en elle et retrouva son enivrante chaleur. Elle l’accueillit en le serrant tellement fort que Jared en eut le souffle coupé. S’accordant à son rythme, elle le suivit, frénétique quand il le voulait, et plus douce au fur et à mesure que, consciemment, il se contrôlait et ralentissait.
C’était délicieux… mieux que cela, indescriptible.
A dessein, il se dégagea d’elle et posa de petits baisers sur son visage, s’arrêtant au coin de sa bouche, en dessinant les contours du bout de la langue pour finir par un baiser si lent, si érotique qu’elle fut soudain au bord des larmes.
— Tu ne joues pas franc-jeu, murmura-t elle en le repoussant sur les draps.
— Alors tu veux me rendre la pareille, c’est cela ? dit-il d’une voix rauque.
Une lueur indéfinissable dansait dans les yeux noisette de Tasha.
— Exactement.
Elle l’enjamba et sa bouche descendit le long de son torse, avec une lenteur délibérée, retardant sciemment l’instant de le savourer. Car ce qu’elle voulait, c’était tout de lui, absorber son essence, le rendre fou, éperdu de désir et de passion pour elle.
Les gémissements qui échappaient à Jared, sa respiration saccadée témoignaient assez de sa réussite.
C’était une euphorie, une magnifique exploration de l’empire qu’une femme pouvait avoir sur un homme. Il suffisait de vouloir le combler, de le mener à l’extase, dans une nouvelle dimension où il perdait tout contrôle.
Rendu à sa merci. Vulnérable, comme jamais. Totalement confiant.
Elle adorait voir se crisper les muscles de son ventre, son frémissement intime alors que ses lèvres lui infligeaient le plus doux des plaisirs, jusqu’à la jouissance.
Ce fut, pour elle comme pour lui, une fête glorieuse des sens dont ils émergèrent heureux, pantelants et comblés. Emotionnellement épuisés…
Ils dormirent un moment, se réveillèrent au beau milieu de la nuit pour se chercher et se prendre. Encore et encore.
Ce n’était pas assez, ce ne serait jamais assez et quand le soleil se leva sur l’horizon, Jared porta Tasha dans la baignoire, fit couler l’eau du bain tout en la caressant. Tasha ferma les yeux, se laissa aller au plaisir de ses mains sur elle. Elles glissaient avec la mousse sur sa peau, indiscrètes, à la recherche de toutes les sensations qu’elles pouvaient procurer.
Jared la rejoignit dans l’eau et ce fut à elle de prendre l’initiative, effleurant tour à tour chaque parcelle de son corps, attentive à ne pas réveiller la douleur des hématomes qu’elle découvrait, dans la lueur pâle du petit matin.
— Jared, tu aurais dû me dire de faire plus attention, cette nuit !
— Je n’ai rien senti ! J’adore quand tu t’empares de mon corps, dit-il avec une note d’humour dans la voix. J’en oublie tout…
Elle posa de légers baisers sur chacune de ses ecchymoses et Jared s’abandonna à sa douceur. Quand elle eut fini, il la serra contre lui avec une infinie tendresse. Ils sortirent de l’eau, se séchèrent mutuellement et Jared la porta à nouveau dans la chambre, lovée dans ses bras.
Ils s’allongèrent, puis se blottirent l’un contre l’autre, et Jared tira les draps sur eux.

 
 

 

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chapitre 11



Ils se levèrent tard, affamés.
Jared s’occupa des œufs au bacon pendant que Tasha préparait toasts, thé et café.
Rien ne les pressait. Ils prirent leurs aises, dégustant tranquillement le festin matinal, s’offrant l’un à l’autre les meilleures bouchées de bacon croustillant.
— J’ai quelque chose à te montrer, dit soudain Jared, lorsqu’ils eurent terminé.
Tasha se tourna vers lui ; il était si séduisant, dans son jean et dans son polo noirs ! Elle adorait le voir abandonner le côté formaliste de l’avocat pour s’habiller sport, dans des tenues simples qui mettaient en valeur son corps musclé.
Jared s’approcha, et lui prit la main.
— Viens.
Elle leva le visage vers lui, et au pétillement de son œil, comprit qu’il serait inutile de résister.
— Ai-je le droit de demander où l’on va ? dit-elle en riant.
— Non, rétorqua Jared avec un baiser énergique, qu’il adoucit finalement du bout de la langue.
— Bien.
— Tu n’argumentes pas, Tasha ?
Il semblait surpris.
— Pourquoi, tu préférerais ?
Le sourire de Jared creusa deux fossettes dans ses joues.
— Impertinente, avec ça ?
Elle plongea son regard dans le sien.
— Bien trop amoureuse pour cela.
Il l’attira contre lui et l’embrassa à nouveau, d’une façon si sensuelle que Tasha sentit ses jambes fléchir.
— Si tu tiens vraiment à ce que nous sortions, il vaut mieux arrêter là, soupira-t elle.
Sans un mot, Jared alla ouvrir la porte. Tasha chaussa des tennis et le rejoignit.
Bientôt, ils traversaient le pont et Jared, au volant de la Jaguar, mit le cap sur une agréable banlieue du nom d’Ascot.
Ascot était réputée pour la beauté de ses demeures, sises dans de vastes jardins, parfois même des parcs. Les avenues larges, bordées de pelouses ou de plates-bandes soignées, rivalisaient de couleurs tendres en ce début d’été.
Chaque propriété était un plaisir pour les yeux : de belles bâtisses anciennes, habitées par plusieurs générations, ou modernes, au contraire, tout en baies vitrées, pour mieux jouir du panorama sur le fleuve et le port de plaisance.
Tasha fut intriguée lorsque Jared quitta la voie sur berge pour piquer vers la colline.
— Je ne suis pas habillée pour rendre visite, observa-t elle avec un coup d’œil à son jean.
Jared lui retourna un sourire tendre.
— Tu es parfaite telle que tu es.
Il emprunta une vaste allée qui pénétrait l’une des propriétés.
Au fond du parc se dressait une maison superbe, flanquée en est et ouest de deux vérandas, et dont la façade principale ouvrait sur le paysage par une immense baie. La vue sur le fleuve devait être grandiose, et plus belle encore de l’étage, songea Tasha avec admiration.
Le seul détail qui nuisait à la perfection de l’ensemble était le monceau de terre que l’on devinait derrière la maison, et qui indiquait le creusement d’une piscine. La présence d’un camion empli de matériaux de construction signalait aussi des rénovations, menées à l’intérieur de la demeure.
Jared gara sa voiture à l’entrée, toujours mystérieux…
— Allons-y, veux-tu ?
Tasha le suivit. L’air était vif et comme nettoyé par la brise matinale. Il y flottait une senteur capiteuse, émanant sans doute d’un massif de roses en contrebas, soigneusement entretenu.
— Sommes-nous attendus ?
La curiosité de Tasha était piquée au vif mais avant que Jared ne pût répondre, la porte s’était ouverte et un couple âgé apparaissait sur le perron.
— Monsieur North…
Leur salutation était bien formelle s’il s’agissait, comme Tasha l’avait cru, d’une visite de politesse…
Jared procéda aux présentations.
— Amy et Joe sont les gardiens. Ils s’occupent de la propriété pendant que celle-ci est en rénovation.
L’incrédulité se peignit sur le visage de Tasha. Voulait-il dire que… Elle scruta les traits de Jared.
— C’est… ta maison ? Tu l’as achetée ?
— Oui, dit-il simplement. Allons voir l’intérieur, veux-tu ? Tu pourras me dire si cela te plaît.
Comment ne pas aimer cette demeure ? Les hauts plafonds, les parquets polis, la lumière… Un escalier à double révolution menait à l’étage, et Tasha écouta Jared lui confier ses plans alors qu’ils exploraient le superbe espace.
— Cette chambre-ci, à côté de la principale, sera transformée en chambre d’enfant, et ces deux pièces deviendront respectivement une bibliothèque et un bureau.
La chambre principale possédait sa propre salle de bains, et les deux chambre d’amis leur douche.
— Qu’en penses-tu ?
— C’est merveilleux, dit-elle du fond du cœur.
— Les décorateurs commenceront dans quinze jours. Je voulais que tu puisses choisir les teintes qui te plaisent, ainsi que le mobilier.
Il semblait avoir tout organisé… depuis longtemps.
— Quand as-tu acheté cette maison ?
— Quelques jours avant que tu ne m’annonces ta grossesse, dit-il en l’enlaçant.
— Etais-tu si sûr de moi ?
— Non… J’étais sûr de moi-même, de mes sentiments. Certain de te vouloir jusqu’à la fin de mes jours.
Il prit son visage entre ses mains, la regarda au fond des yeux.
— Cette maison, c’était un moyen de te le prouver.
Tasha était tellement émue qu’elle ne put articuler une parole.
— Il y a encore une petite chose…, reprit Jared en sortant un écrin de sa poche. Ceci…
« Ceci » était une bague, un diamant délicatement taillé en forme de poire, qu’il passa au doigt de Tasha. Celle-ci en eut le souffle coupé.
— Et nous avons rendez-vous à l’église dans deux semaines, ajouta Jared.
— Deux semaines ?
Tasha écarquilla les yeux. La tête lui tournait.
— Ce n’est… ce n’est pas possible.
— Bien sûr que si, dit Jared en suivant ses émotions sur son visage mobile. Ce sera un mariage intime, famille et amis proches uniquement. Je prends en charge l’organisation. Tu n’auras qu’à t’occuper de ta robe.
*
* *
Ce qui fut dit fut fait. Tasha demanda à Héloïse d’être sa demoiselle d’honneur et dès cet instant, sa vie fut un tourbillon. Ensemble, elles coururent les boutiques de mariage, les couturiers : Héloïse, impitoyable, ne lui laissa pas une seconde de répit avant que tout fût parfait.
Heureusement, Jared s’occupait de la réception, du traiteur et des invitations car Tasha, prise en semaine par son travail, n’avait plus une minute à elle. Chaque soir elle s’écroulait, recrue de fatigue pour mieux reprendre sa course frénétique le lendemain.
Enfin, la veille du grand jour arriva. Héloïse était chez eux pour mettre la dernière main aux préparatifs.
— Tu devrais passer la nuit chez moi, dit-elle à Tasha. Il n’est pas prévu que les futurs époux dorment ensemble la veille de la cérémonie !
Jared protesta, à l’unisson avec Tasha : on était au XXIe siècle et pour un mariage célébré dans l’intimité, on pouvait se permettre des entorses au protocole.
— Mais je t’assure que nous n’arriverons pas à l’église ensemble, promit Tasha à son amie.
Lorsque Jared et Tasha se retrouvèrent seuls, elle était épuisée.
— Détends-toi, dit-il gentiment.
— Je crois que tu aurais mieux fait de m’enlever, soupira Tasha en s’écroulant sur le lit. Cela nous aurait évité les complications !
Le rire de Jared lui répondit.
— Je n’ai pas de cheval blanc… Pour compenser, je te propose une séance de relaxation.
Il se mit à lui masser la plante des pieds, puis remonta doucement jusqu’aux chevilles, dénouant les tensions sous ses mains habiles. C’était le paradis, se dit Tasha. Elle ferma les yeux alors que les mains de Jared remontaient vers ses cuisses. Rien ne surpasserait jamais les émotions qu’il libérait en elle.
Lorsque la respiration de Tasha devint profonde et régulière, Jared s’allongea à ses côtés et remonta les draps, heureux de ce que le lendemain leur apporterait.
La matinée du samedi commença par une petite pluie fine, rapidement suivie d’un soleil éclatant dans un ciel d’azur. La journée s’annonçait parfaite pour un mariage…
— Nerveuse ? demanda Héloïse alors qu’elle fixait une couronne de roses miniatures sur la coiffure de Tasha.
— Non…
Il n’y avait aucune place pour le doute en elle, aucune insécurité. Tout était juste à la bonne place.
Héloïse se recula pour juger de l’effet.
— Superbe.
Le sourire de Tasha rencontra le sien dans la glace.
— Merci.
Pour sa tenue, elle avait préféré la simplicité aux cascades de dentelles. La robe à découpe princesse, ajustée au corsage puis évasée vers le bas, mettait en valeur sa silhouette élégante.
Au doigt, elle portait le diamant de Jared.
— Parfait, mon chou, dit Héloïse avec un clin d’œil complice. Il est temps de démarrer la représentation !
La famille et les amis proches étaient rassemblés devant la petite chapelle de pierre lorsque la limousine, louée avec chauffeur, déposa Tasha et son amie.
Monica s’avança, et serra Tasha contre son cœur.
— Tout va bien se passer. Je suis très heureuse pour vous.
Tasha lui pressa la main, trop émue pour pouvoir parler. Héloïse vit deux larmes perler à ses yeux.
— Ne va pas trop vite en besogne, lui murmura-t elle. Souris maintenant, garde les larmes pour après ! Et n’oublie pas que c’est le plus beau jour de ta vie !
Tasha sourit.
— Je n’ai jamais été aussi heureuse.
— Alors dépêchons-nous. Jared est déjà à l’intérieur.
Il attendait qu’elle entre, et la suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle le rejoigne, à la croisée de la nef.
Tasha avançait, sans rien remarquer de la congrégation assemblée. Elle ne voyait que Jared, comme s’ils étaient seuls au monde. Et l’émotion qu’elle lisait dans son regard lui fit comprendre qu’il partageait ses sentiments.
Il lui sembla que son cœur cessait de battre. La joie était tellement présente… En elle, dans les yeux de Jared…
Lui ne pouvait s’arracher à sa contemplation. Tasha le touchait comme aucune autre femme n’avait su le faire, elle était belle de la seule beauté qui comptait, celle du cœur. Son âme était généreuse et ardente. Toute sa vie, il lui dirait chaque jour la signification qu’avaient pour lui ces instants.
Il ne put s’empêcher de l’embrasser quand elle parvint à sa hauteur, avec une telle fougue qu’un rire amusé parcourut l’assemblée.
— Eh bien, si les futurs mariés sont prêts, nous pouvons peut-être commencer ? proposa le prêtre.
— Sois sérieux, le gronda Tasha en souriant.
— Je n’ai jamais été aussi sérieux de ma vie.
Et pour confirmer ses dires, il plaqua un autre baiser sur ses lèvres, avant de se tourner vers l’officiant.
La cérémonie fut solennelle et pleine de joie. Le bonheur des nouveaux époux irradiait, et bien des cœurs dans l’assemblée battirent à l’unisson avec les leurs.
Vers 10 heures, enfin, ils s’éclipsèrent et le chauffeur les déposa devant l’appartement de Jared. Ils s’y changèrent rapidement et prirent quelques affaires avant de s’engouffrer dans la Jaguar.
Les contraintes du travail de Tasha, pas plus que la plaidoirie de Jared, ne leur laissaient beaucoup de temps libre. Ils avaient donc décidé, en guise de lune de miel, de passer le week-end sur la Côte dorée, dans leur appartement plutôt qu’à l’hôtel.
Le trajet ne fut pas long, et ils retrouvèrent leur cadre familier. Tasha, le front contre la baie vitrée, admira la coulée sombre du fleuve qui se jetait dans la mer. Les lumières de la ville s’y reflétaient… Le spectacle était somptueux.
Jared la rejoignit, et elle le sentit venir plutôt qu’elle ne l’entendit. Sans se retourner, elle se laissa aller contre lui.
— Je crois que je ne m’en lasserai jamais, dit-elle en désignant le paysage baigné de lumière nocturne.
— Comme moi de toi, murmura Jared à son oreille. T’ai-je dit à quel point tu étais belle ?
— Pas depuis dix minutes, fit Tasha avec un délicieux sourire. Essaierais-tu de me séduire ?
Toujours de dos, elle enlaça sa nuque et appuya la tête contre son épaule.
— Te séduire ? En est-il besoin ? répondit Jared en souriant.
Il la prit dans ses bras et la mena à la chambre.
— Non. Je suis à toi, murmura Tasha tout contre sa bouche.
Leur baiser, d’abord tendre, devint de plus en plus érotique, véritable prélude à une nuit d’amour. Leurs mains s’enlacèrent, avant de se séparer pour se fondre en caresses brûlantes et passionnées. Ils sentaient leurs bouches fébriles, jamais rassasiées. Surtout, leurs âmes étaient unies… En soupirant, ils se donnèrent l’un à l’autre jusqu’au petit matin.
Ils ne quittèrent pas l’appartement — et presque pas leur lit — du week-end. Ils passaient de la salle de bains au salon, avalant à la hâte un repas tout prêt… Il n’y avait pas d’autres motifs pour interrompre leurs caresses.
Le lundi matin, seulement, ils rejoignirent Brisbane, et lorsque Jared arrêta la voiture en bas du bureau de Tasha, il déposa un baiser voluptueux sur ses lèvres avant qu’elle ne le quitte.
— Bonne journée. Prends soin de toi… Jusqu’à ce soir.
Tasha aurait voulu rire et pleurer en même temps.
— A ce soir.
La vie, se dit-elle en le suivant du regard alors qu’il se perdait dans le trafic, la vie ne pouvait pas être plus belle qu’en ce jour.
Épilogue
Siohban Marie North fit son apparition en ce monde avec trois jours d’avance, et rassura tout le monde en poussant un vigoureux hurlement.
Son père, fasciné dès le premier instant, la traitait comme la chose la plus précieuse au monde, un petit être qu’il entendait bien défendre jusqu’à son dernier souffle.
Ses traits délicats évoquaient en miniature ceux de sa mère, et son impatience à se nourrir indiquait un tempérament déjà affirmé.
— Qu’elle est têtue ! taquinait gentiment son père.
— Déterminée, rectifiait Tasha alors même que son cœur fondait devant tant d’amour paternel.
Jared ne se lassait de contempler ni la mère, ni la fille. Et la chaleur de son regard comblait Tasha, l’émouvait au plus profond de son âme.
— Quand revenez-vous à la maison ? demanda instamment Jared.
— Il te faudra patienter encore quelques jours…
Elle ramena sa fille le cinquième jour, et toutes deux furent accueillies par une grand-mère en adoration.
Monica s’occupa de tout pendant quelques semaines, promettant de revenir pour le baptême de la fillette.
Celui-ci, par le plus grand des hasards, était fixé à un an du jour où Tasha avait appris sa grossesse. Jared s’était-il rendu compte de la signification de cette date pour elle ?
Le baptême se déroula à merveille. Siobhan était un bébé modèle, qui souriait à tous chaque fois qu’elle s’éveillait.
Serrés l’un contre l’autre, les festivités terminées, les heureux parents regardèrent leur fille s’endormir dans son berceau.
La chambre d’enfant était doucement éclairée par une veilleuse et ils quittèrent la pièce sur la pointe des pieds, confiants. Un système d’alarme par Interphone, récemment installé, les préviendrait du moindre pleur…
Maintenant que la tension de la fête se dissipait, Jared goûtait la satisfaction d’une journée bien remplie. Mais il n’avait pas que le repos en tête.
— Je vais descendre ranger un peu, fit Tasha en plantant au coin de sa bouche un petit baiser.
— Non.
— Non ?
— J’ai d’autres projets.
— Dans quel domaine ?
— Dans un domaine très amoureux. Si je ne me trompe pas, nous disposons d’environ trois heures avant que Siobhan ne s’éveille…
Un éclat de rire monta aux lèvres de Tasha.
— Et pendant ces trois heures, tu comptes…
— Faire l’amour à ma femme, tout à loisir, dit-il en glissant la main au creux de son dos.
— Je crois que c’est négociable.
— Surtout avec des arguments tels que celui-ci, rétorqua Jared, caressant langoureusement l’arrondi de ses fesses.
Il lui fit l’amour avec une telle tendresse, une telle délicatesse que Tasha en aurait pleuré.
— Je t’aime, murmura-t elle quand leur passion se mua en tendre étreinte.
Ces mots-là, ils savaient qu’ils se les répéteraient jour après jour, au cours du long voyage qu’ils venaient à peine de commencer. Et peut-être même au-delà…0



- FIN -

 
 

 

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ÇáÊÓÌíá: Apr 2009
ÇáÚÖæíÉ: 143948
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 10
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ãÚÏá ÇáÊÞííã: soheir nour ÚÖæ ÈÍÇÌå Çáì ÊÍÓíä æÖÚå
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ÇáßáãÇÊ ÇáÏáÇáíÉ (Tags)
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