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CHAPITRE 4
Jared partit tôt pour le tribunal, préférant le calme du bureau qu’on mettait à sa disposition pour revoir tranquillement son dossier et préparer sa ligne d’attaque. Il avait laissé un mot rédigé d’une plume rapide à l’encre noire à Tasha, contre le grille-pain.
Le procès promettait d’être long, ardu, et les témoins nombreux. Pour adversaire, il avait un procureur qui adorait intimider le jury. Il y avait toutes les chances pour qu’il transforme l’affaire en une démonstration de force, tirant à hue et à dia pour infléchir la loi dans le sens qui l’arrangeait, quitte à lasser la patience du président. Et ses scrupules ne l’encombreraient pas, à coup sûr.
L’audience de la veille avait pourtant laissé entrevoir une mince possibilité de le contrecarrer… mince, pour ne pas dire insignifiante, mais Jared voulait y réfléchir tout à loisir, afin de pouvoir l’exploiter si cela s’avérait possible.
La ville était calme au petit matin, et l’air vif. Le ciel d’azur promettait une belle journée de début d’été, tandis que le fleuve reflétait paresseusement le verre et l’acier des immeubles.
Les feux étant en sa faveur, Jared fit le trajet d’une traite, et glissa sa carte codée à l’entrée du parking où un emplacement lui était réservé à l’année.
En comptant le temps d’une entrevue avec le conseiller juridique de son client, il lui restait trois heures pour peaufiner ses arguments avant d’aller plaider.
L’ascenseur le transporta vers les hauteurs de l’immeuble à une vitesse vertigineuse. La réception était encore déserte. Jared savoura le calme ambiant et entra dans son bureau.
En franchissant le seuil, il devenait autre : toutes ses facultés étaient dévolues au cas qu’il traitait et sa vie personnelle se trouvait mise entre parenthèses. Son esprit revoyait les moindres détails des audiences, la façon dont le jury percevait l’affaire, les nuances, les défauts de procédure. Il établissait alors son plan de bataille et cherchait à tirer profit de la moindre opportunité.
Toute pensée intime était bannie… Cela incluait Tasha et sa ferme intention de la faire changer d’avis.
Il aurait la soirée pour cela. Le week-end. Il fallait qu’elle reste. Il saurait s’y prendre.
En attendant, seule comptait l’affaire en cours.
Tasha referma son portable et raya sur sa liste le coup de fil qu’elle venait de passer. Puis, retournant à la réception, elle se prépara à accueillir son prochain rendez-vous.
Une heure plus tard, elle en avait fini et pouvait se consacrer à quelques tâches administratives avant sa pause-déjeuner, essentiellement consacrée à des appels personnels.
Elle quitta le bureau assez tôt pour se trouver dans son nouvel appartement en même temps que les déménageurs. Sur place, ces derniers placèrent les meubles aux endroits qu’elle indiquait. Il y avait aussi quelques caisses, étiquetées deux ans auparavant.
Le réfrigérateur émit un bruit rassurant dès qu’il fut branché et Tasha vida une caisse de linge, qu’elle mit immédiatement dans la machine à laver. Elle put ensuite se consacrer à la vaisselle et aux divers ustensiles de cuisine.
Tout cela prit plus de temps qu’elle ne l’avait prévu, et malgré la satisfaction d’en avoir terminé, elle ressentit une grande lassitude. De plus, elle était affamée…
Une sonnerie persistante lui parvint, renvoyée en écho par le silence des pièces. Tasha regagna le salon et sortit son portable de son sac.
— Tu sais quelle heure il est ?
La voix de Jared dénotait une colère glacée.
— Désolée, j’avais à faire et je ne me suis pas rendu compte…
Elle jeta un coup d’œil à sa montre… 23 heures passées !
— Où diable étais-tu donc ?
A quoi servait de repousser la nouvelle ?
— Dans mon nouvel appartement. J’installe les meubles.
Le silence qui suivit sa déclaration aurait pu faire voler les vitres en éclats.
— Tu veux bien me répéter cela ? dit Jared d’un ton aussi calme qu’inquiétant.
— Tu as très bien entendu.
— Tasha, gronda-t il, comme un avertissement.
— Jared, j’ai dit que je déménageais. Est-ce assez clair ?
Elle sentit dans la pause qui suivit l’effort qu’il faisait pour garder le contrôle de lui-même.
— Où est cet appartement ?
— Je te laisserai l’adresse demain quand je passerai reprendre mes vêtements. Tu la trouveras sur la console de l’entrée. Bonne nuit.
Voilà, elle avait réussi à maintenir ce qu’elle voulait : du calme, de la politesse.
— Alors tu ne rentres pas ?
Maintenant que la décision était prise, pas question de revenir dessus.
— A demain.
Elle coupa la communication avant que Jared ait pu répliquer. Et soudain, l’objet qu’elle tenait au creux de sa main lui parut aussi étranger qu’une créature d’un autre monde. Lentement, elle releva la tête, comme si elle regardait ces murs pour la première fois. Ces murs étrangers… Seigneur, qu’avait-elle fait ?
La faim la rappela à la réalité. Heureusement, il lui restait une banane au fond de son sac. Il lui faudrait s’en *******er pour ce soir.
La petite collation la réconforta un peu et après une douche, elle gagna son nouveau lit.
Le sommeil ne lui fit pas défaut — la journée avait été assez riche en événements pour que son corps réclame le repos — et elle s’éveilla tard. Elle enfila rapidement les vêtements de la veille et descendit dans un café où elle prit un thé au lait et des croissants.
Elle avait besoin d’énergie avant l’épreuve qui l’attendait… En glissant la clé dans la serrure de la porte de Jared, elle sentit la panique la gagner.
En pure perte, elle avait espéré qu’il ne serait pas là. Il était devant elle, debout, à l’attendre. Sa haute stature projetait une menace muette. Il était vêtu de noir, jean et polo, ce qui ajoutait à l’impression inquiétante.
— Si cela ne te dérange pas, je vais aller prendre mes vêtements, parvint à exprimer poliment Tasha.
— Cela me dérange.
Elle affronta son regard après le réconfort d’une brève inspiration.
— Nous en avons parlé hier, dit-elle en s’avançant dans le couloir.
— Tu en as parlé hier. Je n’ai pas eu le temps de donner mon point de vue.
— Je le connais, dit-elle en entrant dans la chambre.
Elle retira une valise d’un placard et commença à y entasser des robes. Jared l’avait suivie et se tenait sur le seuil. Il l’observait, et continua pendant qu’elle vidait la commode, empilant ses affaires dans la valise sans aucune précaution. Elle n’avait jamais eu l’occasion de mettre sa patience à l’épreuve et ne tenait pas à commencer aujourd’hui.
Il ressemblait à un ange noir, grand, large d’épaules, mince de hanches, arborant une expression sombre et déterminée. Il se contrôlait, sans doute ; mais pour combien de temps ?
— Il n’y a rien que je puisse dire ou faire pour que tu changes d’avis ? dit-il d’une voix rauque.
— Non.
Ce non sorti de sa propre gorge semblait tellement définitif que Tasha en eut un frisson. La douleur l’assaillit brutalement, intense, à lui couper le souffle.
Reprends-toi, s’admonesta-t elle. Tu as pris ta décision, va jusqu’au bout.
Elle décrocha ses tailleurs de la penderie. La deuxième valise était déjà pleine, elle ne suffirait pas. Il lui faudrait déposer les vêtements restants sur la plage arrière de la voiture. Les deux valises rentreraient dans le coffre ; ainsi, elle ne serait pas obligée de revenir.
— Tu estimes qu’entre nous, tout est terminé ?
Les inflexions de sa voix glissèrent le long de sa colonne vertébrale comme une coulée de glace. Chaque mot était un pic enfoncé dans son cœur.
Tasha prit une nouvelle brassée de vêtements qu’elle plaça sur le lit avant de se retourner.
Elle n’aurait pas dû le regarder. Il y avait sur son visage une expression qu’elle ne lui connaissait pas, une dureté, une distance qui lui firent mal. Si seulement elle avait pu retirer ce qu’elle avait dit !
— J’estime que nous avons besoin de temps pour réfléchir. Séparément.
— Et tu penses qu’en déménageant, tu trouveras les réponses ?
Elle soutint son regard.
— Je n’en sais rien.
— Tu portes mon enfant.
Seigneur, qu’était-elle en train de faire ?
— Je t’en prie, supplia-t elle, au bord des larmes. Ne rends pas les choses plus difficiles encore.
Il aurait facilement pu la faire fléchir, avec seulement quelques mots ; le fait qu’il se retienne en disait long.
— Tu n’imagines quand même pas que je vais te regarder partir sans lutter pour te garder ?
Les yeux de Tasha s’embuèrent. Elle était à deux doigts de craquer.
— Je ne vais pas disparaître.
— Non, tu disparais simplement de mon quotidien…
Elle mit un moment à articuler, tant sa gorge était serrée.
— Oui.
— L’objet de tous ces efforts est donc d’acquérir de l’espace et de l’indépendance ?
Il n’aimait pas l’idée, mais il pouvait s’en accommoder.
— C’est cela.
Elle referma ses valises et Jared s’en saisit.
— Je peux me débrouiller, dit Tasha d’une voix à peine audible.
Il lui décocha un regard dur.
— Je te suis en voiture.
— Je préférerais…
— Tais-toi.
L’ordre n’admettait pas de réplique et aux côtés de Jared, elle attendit l’arrivée de l’ascenseur. En silence, ils descendirent au parking. Tasha ne fit aucun commentaire lorsque Jared installa les valises dans le coffre de sa propre voiture.
Elle prit place dans sa BMW et démarra, trop consciente de la Jaguar qui la suivait à courte distance.
Que penserait-il de sa nouvelle résidence ? Question inutile. Elle l’avait choisie pour elle, donc elle ne devait pas chercher son approbation !
Que, d’ailleurs, elle n’obtint pas. Sans commentaire, il se *******a de déposer les valises sur le lit. Tasha était restée au salon mais Jared n’avait pas besoin de guide pour trouver la chambre : il n’y en avait qu’une.
— Merci, dit-elle gauchement quand il ressortit.
La sonnerie de la porte la fit sursauter et ce fut Jared qui ouvrit.
— Salut ! fit une voix masculine au timbre agréable. Je suis Damian, le voisin d’en face. Et vous ?
— Le compagnon de Tasha.
Sa réponse fit froncer les sourcils du jeune homme.
— Je croyais qu’elle emménageait seule.
— Je n’ai pas été consulté à ce sujet.
Tasha s’était approchée et le jeune homme lui décocha un regard ouvertement appréciateur. Grand et mince, il semblait à peine sorti de l’université ; son allure décontractée était assez plaisante.
— Je suis Tasha, dit-elle avec un petit sourire.
— Ha ha ! Donc, j’ai le droit de regarder mais pas de toucher, si je comprends bien… Quel dommage !
Il accompagna sa déclaration d’un clin d’œil malicieux.
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas.
Sur ce, il retourna chez lui.
— Curieux bonhomme, fit Jared en refermant la porte. Pas désagréable.
— Non, dit Tasha en écho. Merci pour ton aide. Je t’offrirais bien un café mais je n’ai pas eu le temps de passer au supermarché.
Elle eut l’impression qu’il allait dire quelque chose mais à la place, il se pencha et planta un bref baiser sur ses lèvres.
— Appelle-moi au moindre problème.
Sans pouvoir répondre, elle le vit quitter son appartement et refermer doucement la porte derrière lui.
Elle était seule. N’était-ce pas cela qu’elle avait voulu ?
Oh, bon sang, ce n’était pas le moment de rester là, à ressasser des idées noires ! Elle avait des valises à vider et des courses à faire.
Son week-end entier fut consacré à mettre en ordre sa nouvelle vie.
Jared appelait chaque soir, et tous deux s’en tenaient à une conversation aussi brève que courtoise.
Il y avait des avantages à vivre seule. Tasha n’avait à se préoccuper que d’elle-même. Personne à prévenir d’un retard, ou d’une impossibilité à préparer le dîner.
Cette solitude, elle l’avait voulue. Alors pourquoi son estomac se serrait-il chaque fois qu’elle pénétrait dans l’appartement vide ? Au bout de trois jours, elle ne s’y était toujours pas habituée.
Elle avait un peu honte de ses doutes. Ce mode de vie, elle l’avait choisi, alors autant s’en accommoder. Car l’alternative…
Eh bien, elle préférait ne pas y penser.
Elle traversa la chambre, prit au passage des sous-vêtements propres et se dirigea vers la salle de bains.
C’était le soir de l’invitation, avait précisé Jared lors de son coup de fil quotidien. Ils étaient conviés à dîner par les Haight-Smythe, et ce depuis quinze jours. Impossible de leur faire défaut à la dernière minute.
Tasha aurait préféré qu’il refuse. Une soirée donnée par les Haight-Smythe était considérée comme une grande occasion, et on était certain d’y fréquenter l’élite ; ce qui signifiait l’obligation de se mettre sur son trente et un, et de tenir une conversation brillante. Rien de tout ceci ne souriait particulièrement à Tasha.
Il lui faudrait se surpasser, néanmoins. Un défi, se dit-elle en se maquillant. Elle opta pour un chignon élégant et sélectionna un fourreau noir dans sa garde-robe. Il était sans manches, à l’exception de deux demi-lunes de dentelle qui couvraient les épaules, et lui allait à ravir. Mais après avoir passé le fourreau, elle se rendit compte qu’il la faisait paraître trop pâle. Une couleur vive s’imposait et elle choisit une robe plus évasée, aux pans taillés en biais, d’un rouge éclatant. Une fente de côté laissait apparaître ses jambes et une fois qu’elle eut choisi des escarpins et un sac assorti, l’ensemble avait de quoi couper le souffle.
Un pendentif et deux petits diamants à ses oreilles vinrent compléter la tenue. Au moment où elle se rendait au salon, elle entendit le bourdonnement de l’Interphone.
C’était Jared, parfaitement ponctuel.
— Je descends.
Il attendait dans le hall d’entrée, son impressionnante carrure soulignée par le complet de soirée immaculé qu’il portait sur une chemise bleu nuit. L’ange noir, toujours… La familiarité de ses traits réveilla en elle des pulsions assoupies et elle en eut mal.
Comment avait-il pu à ce point se rendre maître de ses sens ? Elle vibrait au même rythme que lui, ils étaient tous deux connectés de mille façons, pas seulement physiquement, mais aussi au niveau émotionnel… Comme si leurs deux âmes n’aspiraient qu’à fusionner.
A cet instant même, elle brûlait de l’enlacer, de goûter à sa bouche pendant que leurs langues se mêleraient en une danse sensuelle, prélude à d’autres plaisirs qu’apporterait la fin de la soirée.
Une excitation légère, euphorisante, un sourire prometteur, une connivence… comme tout ceci lui manquait !
— Bonsoir, dit-elle du ton neutre qu’elle avait soigneusement répété.
— Bonsoir, Tasha. Comment vas-tu ?
Il s’approcha et effleura sa tempe, ce qui la laissa, à son grand dépit, plus frustrée qu’elle n’aurait voulu l’admettre.
— Très bien. On y va ?
La résidence des Haight-Smythe se nichait dans une courbe du fleuve, au sein d’une banlieue chic où se mêlaient demeures imposantes, et constructions modernes, signes extérieurs de fortunes plus récentes. L’aisance des propriétaires se lisait dans les moindres détails, depuis les pelouses savamment coupées jusqu’aux arbres alignés qui bordaient les avenues.
La demeure d’Emily et de Jonathan datait du début du siècle, et avait adopté un style victorien. Une restauration fidèle lui avait restitué sa première splendeur. Plafonds hauts à corniches, parquets de bois polis et larges baies lui donnaient son caractère. L’intérieur était meublé avec goût, de pièces anciennes et de tapis orientaux. De magnifiques œuvres d’art ornaient les murs.
C’était le nec plus ultra de l’élégance, reconnut Tasha en acceptant un jus d’orange présenté par un maître d’hôtel stylé. Elle laissa son regard flotter autour d’elle.
La plupart des invités lui étaient connus et il était aisé de se mêler aux groupes en échangeant quelques plaisanteries, ou des bribes de conversation. Comme si le monde était toujours le même… Mais il avait basculé ; pour elle, du moins.
Bien qu’elle ne décelât aucun changement dans le comportement de Jared, elle sentait la tension s’accumuler en elle comme un ressort prêt à lâcher.
Son sourire était-il trop brillant ? Sa voix trop haute, et sa spontanéité trop appliquée ?
— Détends-toi, murmura-t il.
Jared sentait chacune des inflexions de son humeur, ne le savait-elle pas depuis tout ce temps ?
— Qu’est-ce qui te fait croire que je suis tendue ?
Il lui prit la main et caressa doucement la petite veine au creux de son poignet. Son pouls battait trop vite et il chercha à le calmer. Tasha aurait voulu reprendre sa main, il l’en empêcha.
— Jared, quelle bonne surprise !
La voix féminine aux agréables modulations leur fit tourner la tête. Soleil Emile les regardait, l’air ravie. C’était l’héritière de la célèbre lignée des Emile, famille spécialisée dans le conseil juridique. Son prénom annonçait une sophistication un peu apprêtée… Mais Emile et associés n’avaient plus besoin de se bâtir une réputation.
Grande et mince, auréolée d’une superbe crinière auburn, Soleil ressemblait à un mannequin. Elle ne s’habillait que chez les grands couturiers européens, et ses chaussures venaient des plus prestigieuses maisons italiennes. Comme elle était juriste de profession, Tasha trouvait assez irritant de devoir reconnaître ses compétences, et encore plus de constater qu’elle ne perdait pas une occasion d’être associée aux affaires plaidées par Jared.
Avaient-ils eu une liaison ? Jared, interrogé, avait fourni une dénégation amusée mais la resplendissante Soleil laissait croire à qui voulait l’entendre que leurs relations dépassaient de beaucoup le cadre strictement professionnel.
Pourquoi s’en inquiéter ce soir ? Tout simplement parce qu’il suffirait que Soleil ait le moindre soupçon de leur séparation pour qu’elle affûte aussitôt ses armes, en vue du coup de grâce.
A cette pensée, Tasha eut l’impression qu’on lui perçait le cœur.
— Bonsoir, Soleil, parvint-elle à articuler en souriant.
Ils échangèrent quelques phrases aimables, ponctuées de rires. Tout cela n’était-il pas terriblement policé ?
— Tu ne m’en voudras pas si je t’emprunte Jared un peu plus tard ? demanda Soleil dans un éblouissant sourire. Nous devons parler affaires…
Sans attendre la réponse de Tasha, elle se tourna vers lui.
— Je te confirmerai les détails par e-mail mais j’aimerais te brosser un tableau général de la situation.
Qui croyait-elle abuser ? La seule chose que Soleil avait en tête, c’était de jeter son dévolu sur l’homme, pas sur l’avocat. Et comment Jared pouvait-il être assez aveugle pour ne pas dépister ses manœuvres ?
Peut-être les voyait-il, après tout. A ce que Tasha en savait, Jared ne voyait Soleil que dans le cadre de son métier, et c’était peut-être délibéré.
Reprends-toi, se dit Tasha silencieusement. Soleil a toujours fait partie de l’environnement de Jared, pourquoi choisir cette soirée pour en souffrir ?
— Excusez-moi, murmura Soleil en posant brièvement la main sur le bras de Jared.
Tasha crut percevoir un ronronnement sensuel sous le vernis sophistiqué de la jeune femme. Elle eut du mal à retenir un regard furieux alors que celle-ci s’éloignait, se mêlant gracieusement à la foule des invités.
Le dîner fut bientôt annoncé. La table avait certainement tout d’un triomphe d’élégance et de goût, mais Tasha n’y prêta pas la moindre attention.
Jared se montra attentionné, plus qu’à l’ordinaire, tant et si bien qu’elle se pencha pour décréter, avec un sourire tranquille :
— Attention à ne pas en faire trop…
— Tu crois que c’est le cas ? Cela ne me gêne pas.
Sa voix était rauque et son souffle bien trop proche d’elle, rappelant une intimité dont le souvenir la troublait. Savait-il seulement l’effet qu’il avait sur elle ?
Sans doute. Ils partageaient une longue histoire, dont le souvenir la hantait. Sa bouche, ses mains, la façon dont il en usait pour la conduire au bord du délire… Au-delà de la raison, dans un domaine où l’exigence de la passion était la seule règle, vers des rivages qui transcendaient tout ce qu’elle aurait cru possible.
« Et tu renonces à tout cela ? » La petite voix qui murmurait à l’intérieur d’elle-même était impitoyable. « Es-tu folle ? »
Etait-ce trop demander que de vouloir tout ? Se fixait-elle des objectifs impossibles à atteindre en ce monde ?
En toute honnêteté, elle devait admettre qu’elle considérait son mariage avec Jared comme possible, et même probable, lorsqu’elle avait accepté de vivre avec lui. Pourtant, il ne l’avait jamais proposé. Peut-être craignait-il de figer une relation satisfaisante en l’état…
Le regard de Jared était toujours posé sur elle. Elle y vit passer une ombre indéfinissable. Avait-elle rêvé ? C’était déjà dissipé. La surprise agrandit ses yeux quand il saisit sa main pour la porter à ses lèvres. Pendant quelques secondes, elle oublia tout pour se noyer dans la chaleur de son geste.
Comment pouvait-elle s’abandonner de la sorte à son baiser galant et tendre, alors qu’elle venait de le quitter ? Décidément, ses sens avaient tout empire sur elle, et cette constatation l’irrita considérablement.
L’avait-il fait exprès ? Son geste était-il destiné à rappeler à tous, y compris à elle, qu’elle lui appartenait ?
Il étreignit sa cuisse, indifférent au raidissement qu’elle tentait de lui opposer. Au contraire, il accentua sa pression.
Le dessert était une charlotte aux framboises, un chef-d’œuvre de légèreté que Tasha dégusta d’une main, tandis que de l’autre, elle menait une bataille silencieuse sous la table en espérant que personne ne s’apercevait de leur manège. Heureusement, les conversations absorbaient les convives et personne ne sembla remarquer leurs jeux de main. Les entremets furent retirés pour faire place, à la mode anglaise, au plateau de fromages qui devait clore le repas. Tasha ne put retenir un soupir de soulagement.
Enfin, le dîner s’acheva et Emily invita ses hôtes à se rendre au salon pour le café.
Tasha frémit alors que la main de Jared se posait sur elle, cette fois au creux de ses reins.
— Est-ce absolument nécessaire ?
Elle avait dissimulé l’acidité de sa remarque sous un sourire courtois et le même lui fut adressé en réponse, accompagné d’un regard lourd.
Cela ne lui ressemblait pas, de se conduire ainsi… Une excuse lui monta aux lèvres, vite ravalée lorsqu’un invité sollicita leur attention.
Le thé lui fut servi par la maîtresse de maison dans une délicate tasse de porcelaine et elle rejoignit son hôte, Jonathan Haight-Smythe.
— Tasha ! Quel plaisir de vous avoir parmi nous ! Merci de vous être libérée.
Juge à la cour suprême, Jonathan avait pu sonder tous les aspects de l’âme humaine. Il rendait la justice avec une grande impartialité, respectueux des procédures à la lettre, impitoyable envers ceux qui tentaient de pervertir le système judiciaire.
— C’est à moi de vous remercier, fit Tasha en souriant. Le dîner était somptueux et la compagnie délicieuse.
Le compliment était sincère et atteignit son but.
— Vous êtes trop bonne. Dites-moi, j’ai entendu dire que votre carrière s’orientait vers de nouveaux sommets ?
Les mouvements de partenariat étaient complexes, dans le monde de la justice, et Tasha parvint à répondre sans rien dévoiler de projets encore mal assurés, ce qui lui valut un sourire compréhensif de son hôte.
Du coin de l’œil, elle avait remarqué la manœuvre de Soleil, qui n’avait pas perdu une seconde pour capter l’attention de Jared. L’image de leurs deux têtes penchées l’une vers l’autre s’imprima dans son esprit avec la violence d’une photographie et revint la hanter tout au long de la soirée.
Tasha était encore en pleine conversation lorsqu’elle sentit la présence de Jared à ses côtés. Elle savait toujours à quel instant il se dirigeait vers elle. C’était comme un sixième sens… Dire qu’une semaine plus tôt elle s’en serait félicitée, aurait été émue à l’idée qu’ils étaient les deux moitiés d’une même âme, incomplète tant qu’ils ne s’étaient pas rejoints !
Ce soir, le sentiment de lui appartenir encore s’accompagnait d’une douleur sourde, inhabituelle.
— Vous voudrez bien nous excuser, Jonathan ?
La demande de Jared était d’une parfaite courtoisie mais Tasha perçut comme un agacement sous les inflexions veloutées de sa voix.
Son corps puissant dégageait une tension qu’elle seule pouvait interpréter. Il était si proche qu’elle sentait le parfum léger de son eau de toilette, mêlée à l’odeur du frais du coton, du lin et de la soie de son costume fait sur mesure par un exceptionnel tailleur italien. Une élégance innée se dégageait de chacun de ses mouvements.
Jared n’était pas seulement un bel homme. La richesse et l’opulence lui étaient familières, ses ancêtres ayant toujours investi sagement. Plusieurs générations avaient assuré les assises de la fortune familiale.
On recherchait la compagnie de Jared, tant à cause de son statut social que de son argent mais lui, tout en demeurant d’une courtoisie parfaite, cachait une lassitude dont bien peu étaient conscients. Il accueillait les flatteries des opportunistes avec un détachement certain.
Confronté à l’avidité du monde, il s’amusait du refus que Tasha opposait à ses tentatives de cadeaux. Elle n’en acceptait que pour Noël et son anniversaire.
Elle se rappelait comment elle lui avait déclaré, digne et solennelle, que pour autant qu’elle appréciât l’intention, le plus beau cadeau qu’il pût lui faire, elle le possédait déjà. Son amour.
Aujourd’hui, aurait-elle pu répondre de la même façon ?
— Nous devons partir, s’excusa Jared auprès de leur hôte. Je dois revoir mes notes avant l’audience de demain.
Après les salutations d’usage, il prit la main de Tasha et, quelques instants plus tard, ils remontèrent en voiture.
Une soudaine averse les surprit, zébrant le pare-brise de longues traînées avant de se transformer en simple bruine. L’humidité imprégnait l’air.
A cette heure tardive, le trafic avait beaucoup diminué et Jared ne fut pas long à la reconduire. Il arrêta la Jaguar en bas de son appartement et coupa le contact.
Tasha posa la main sur la poignée de la portière.
— Merci de m’avoir raccompagnée.
Un bras sur le volant, il se pencha vers elle.
— Qu’est-ce qui te presse ?
Le besoin de lui échapper… S’il la touchait, elle était perdue.
— Tu disais que tu voulais revoir tes notes… Et il est tard.
— Tu te préoccupes de mon bien-être, Tasha ?
— De ta clientèle, plutôt.
Elle avait apporté la précision d’un ton neutre mais elle ne put retenir un frisson lorsqu’il l’obligea à tourner son visage vers lui.
— C’est très aimable à toi.
Baissant la tête, il effleura ses lèvres d’un baiser si doux qu’il en était insupportable.
Seigneur. Sa gorge se serra et elle dut mobiliser toute sa volonté pour rester impassible, alors que Jared appuyait son baiser avec une sensualité qui la laissa pantelante. Malgré elle, elle brûlait d’envie qu’il continue…
Il lui serait si simple de s’abandonner, de succomber à des caresses si persuasives !
Désespérée, elle comprit qu’elle ne voulait rien tant que l’inviter à monter, arracher ses vêtements et l’attirer dans sa chambre.
Elle voulait sentir sa bouche sur la pointe de ses seins… Elle se rappelait la sensation de son excitation contre son ventre, elle voulait savourer encore le goût de sa peau, et livrer avec lui une joute sans retenue. A ses côtés, faire l’amour prenait une dimension insoupçonnée.
Un gémissement lui échappa alors que Jared s’écartait et pendant un instant de folie, elle s’accrocha à lui. S’il était resté contre elle un instant encore, elle l’aurait supplié.
Grands dieux ! Les mots étaient déjà sur ses lèvres. Le sang reflua de son visage, le laissant livide sous l’éclairage du parking. Ses yeux étaient noyés des pleurs qu’elle retenait.
Doucement, il caressa sa joue, et s’attarda à dessiner le contour de ses lèvres, encore humides de son baiser.
Il voulait lui faire l’amour, la tenir contre lui, ne plus jamais la laisser partir… Et c’était bien ce qu’il allait faire. Mais pas tout de suite. Il fallait lui laisser le temps et l’espace dont elle pensait avoir besoin ; pas trop, cependant.
— Cela fait bien des années que je n’ai plus fait l’amour en voiture, dit-il d’un ton taquin. Je pensais que c’était réservé aux adolescents.
Tasha lutta pour retrouver un équilibre. Il fallait répondre sur le même ton, sinon elle courait au désastre.
— Etait-ce en BMW, en 4x4 ou avais-tu déjà la Porsche ?
— Je me souviens du moment, mais pas du véhicule.
Sa réponse suscita la réaction qu’il espérait… un éclat de rire sincère.
— Et tes partenaires, tu t’en rappelles ?
— Certaines étaient plus mémorables que d’autres.
Mais aucune ne t’arrivait à la cheville, songea-t il.
Un petit silence gêné suivit, qu’aucun des deux ne semblait pressé de rompre. Enfin, Tasha ouvrit la portière.
— Bonne nuit.
Il la regarda quitter la voiture.
— Je t’appelle…
Il attendit qu’elle soit entrée dans l’immeuble à l’aide d’une carte électronique, et ne la quitta du regard que lorsque les portes se furent refermées sur elle. Elle ne s’était pas retournée.
Sourcils froncés, il tourna la clé de contact.

 
 

 

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CHAPITRE 5


Le travail supplémentaire dû à l’absence d’un associé, en congé pour raison familiale urgente, fut en quelque sorte une bénédiction. Cela permit à Tasha de n’avoir plus une minute à elle, et de ne pas trop ressasser d’idées noires.
C’était du moins ce qu’elle tentait de croire.
Car au fond d’elle-même, elle savait bien que l’image de Jared l’accompagnait en permanence.
Pourtant, il lui fallait rester concentrée. Les erreurs étaient impardonnables et elle consacrait tout le temps nécessaire à s’assurer qu’aucune ne lui échappait. Le mode du pilotage automatique n’était pas prévu dans sa profession…
Un appel de la réception interrompit sa réflexion.
— Livraison spéciale !
Tasha vérifia qu’il lui restait bien cinq minutes avant son prochain rendez-vous.
— J’arrive.
Elle attendait un contrat porté par coursier. Il lui faudrait l’analyser et en préparer rapidement une synthèse, pour un rendez-vous fixé le lendemain. Les documents légaux pouvaient réserver autant de pièges qu’un champ de mines. Chaque clause devait être soigneusement examinée, chaque mot soupesé, pour s’assurer de l’adéquation du contrat aux désirs du client. La plus grande vigilance s’imposait.
Mais ce n’était pas une enveloppe cartonnée qui l’attendait sur le bureau d’Amanda, à la réception. C’était un énorme bouquet de roses rouges, et Tasha sentit son estomac se contracter en pensant à celui qui les envoyait.
— C’est pour une occasion, ou juste comme ça ? s’enquit Amanda.
— Juste comme ça…
— Je vais vous trouver un vase.
L’amicale efficacité d’Amanda faisait merveille dans tous les domaines.
— Merci.
Tasha attendit d’être retournée dans son bureau pour lire la carte glissée dans le bouquet.
« Je t’aime. Jared. »
Il l’aimait ? Ce ne pouvait être qu’ironique. Comprenait-il le sens véritable de ce mot ? En tout cas, lui et elle ne devaient pas l’interpréter de la même façon. Et s’il croyait l’attendrir par cet envoi, il se trompait lourdement.
Dans l’intimité de son bureau, elle se permit d’admirer les pétales d’un carmin velouté, et respira le parfum entêtant. Affluèrent à sa mémoire les souvenirs d’autres bouquets offerts par Jared pour célébrer…
Non. C’était un chemin dangereux, qu’elle devait s’interdire.
Un léger coup frappé à sa porte l’obligea à se ressaisir.
— Voici un vase. Plein d’eau, précisa gaiement Amanda en le déposant sur une crédence. Au fait, votre cliente est arrivée.
— Donnez-moi une minute avant de l’amener ici ; le temps de disposer les fleurs.
Le contrat arriva peu après la fin de son rendez-vous, et elle profita de l’heure du déjeuner pour y jeter un premier coup d’œil. Elle prit quelques notes sur les points litigieux et se consacra aux travaux de l’après-midi. Il lui fallut rester une heure de plus que prévu pour boucler sa journée.
Enfin, elle put rentrer chez elle. Ou plutôt, retourner à cet appartement qu’elle ne parvenait pas à considérer comme son foyer. Il y eut ce moment irritant où, au volant de sa voiture, elle prit machinalement une intersection qui conduisait tout droit chez Jared. Elle maugréa contre sa distraction, mais ce fut bien pire lorsqu’elle s’aperçut qu’il lui était impossible de faire demi-tour ! Le trafic était dense, en fin de journée, et les conducteurs, peu disposés à l’indulgence, ne l’auraient pas laissée manœuvrer. Enfin elle entrevit l’opportunité de tourner et la saisit, ignorant délibérément la sonnerie insistante de son portable. Elle trouverait le message sur son répondeur et s’il s’agissait de Jared, elle prendrait le temps de dîner et de se détendre avant de le rappeler. La journée avait été longue et plutôt bousculée… Sans compter qu’il lui restait ses notes à mettre au propre et quelques références à vérifier. Ensuite, elle organiserait un résumé précis du contrat. En bref, elle n’était pas près de se coucher…
Mais la première chose à faire, c’était abandonner ses escarpins et son tailleur, libérer ses cheveux du carcan de leur chignon et se mettre enfin à l’aise, sans oublier de se démaquiller.
Une salade de poulet et un fruit lui servirent de dîner. Puis, elle ouvrit une bouteille d’eau, et installa son ordinateur portable sur la table de la cuisine.
Elle était plongée dans l’analyse d’une référence lorsque la sonnerie de la porte retentit. Etonnée, elle leva les yeux. Personne, hormis Jared, ne connaissait sa nouvelle adresse. Et le sas de sécurité signifiait qu’il devait l’appeler avant de franchir l’entrée…
Elle vérifia l’identité du visiteur par l’œilleton et, reconnaissant son voisin, elle ouvrit.
— Damian ?
Son sourire enjôleur amena une note de bonne humeur sur les traits de Tasha.
— Est-ce une visite de courtoisie ? Car à vrai dire, je suis assez occupée, ce soir…
— Eh bien, je dois retrouver quelques amis dans un café du centre-ville, et je me demandais si vous voudriez vous joindre à nous.
— Merci mais…
— Merci non ? interrompit-il, un sourcil levé.
— Eh bien, disons plutôt une autre fois.
La sonnerie du téléphone lui fournit un prétexte plausible pour en rester là.
— Excusez-moi, je dois aller répondre.
Elle referma la porte, la verrouilla et ouvrit son portable.
— Rude journée ?
Elle ferma les yeux, exaspérée de se sentir les jambes en coton rien qu’à entendre le timbre velouté de Jared.
— Assez, oui, dit-elle un peu sèchement avant que ses bonnes manières ne lui reviennent. Au fait, merci pour les roses.
Elle les avait laissées au bureau, comptant dès le lendemain les porter à la réception afin que tout le monde en profite.
— Ne me remercie pas, tout le plaisir est pour moi.
Le mot de plaisir dans la bouche de Jared évoquait tant d’autres choses que le pouls de Tasha s’emballa.
— Pourquoi appelles-tu ?
— Pour dire bonsoir.
Elle ravala un soupir las.
— J’ai pas mal de travail à boucler, trois heures me suffiront à peine alors si…
— As-tu dîné, au moins ?
Les doigts de Tasha se crispèrent sur l’appareil.
— Est-ce un interrogatoire ?
— Tu peux répondre par oui ou par non, cela me convient.
— Alors, oui.
— Bien, reprenons sur de nouvelles bases. Puisque tu as dîné, est-ce qu’un café en ville t’intéresse ?
Il semblait vaguement amusé par sa réaction.
— Je ne suis pas habillée.
— Dans ce cas, prenons-le chez toi.
La proposition recelait un piège dans lequel elle ne tenait pas à tomber.
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
Parfois, il fallait savoir perdre une bataille pour mieux gagner la guerre, se dit Jared.
— Tu as raison, surtout si tu as encore du travail. Bonne nuit, Tasha. Dors bien.
Quelle audace de vérifier ainsi son emploi du temps ! A peine eut-elle coupé la communication que Tasha voulut le rappeler, histoire de lui dire sa façon de penser. Mais une nouvelle sonnerie l’en empêcha.
Elle activa l’appel en lâchant un « oui » plutôt sec.
— Je tombe mal…
C’était la voix d’Héloïse. Tasha prit une profonde inspiration.
— Comment vas-tu ?
— On en parlera plus tard. Demain, sous les arcades ? Le charmant petit restaurant en bout de galerie, à 13 heures ?
— Avec plaisir. Veux-tu que j’appelle pour réserver ?
— Je me charge de tout. Tu vas bien, toi ?
— Ça va, mentit Tasha. Tu sais ce que c’est, un collègue absent, la surcharge de travail qui en découle… Mauvaise journée, mais rien de plus.
— On en reparle demain. Salut !
Le lendemain, Tasha arriva en retard au déjeuner, en dépit de ses efforts. Elle passa rapidement sa commande et se prépara à affronter les questions de son amie.
Héloïse réagit exactement comme Tasha le prévoyait : elle demanda mille détails sur le nouvel appartement puis aborda directement le sujet de Jared.
— Nous nous téléphonons, admit Tasha, devant l’air interrogateur de son amie.
— Vous sortez encore ensemble ?
— Plus ou moins.
— Mon chou, cela ne veut rien dire. Soit vous sortez, soit non.
Tasha eut un petit mouvement d’épaules.
— Nous sommes allés ensemble à un dîner prévu depuis quinze jours.
— Et ?
— Et c’est tout, assura-t elle fermement.
— Comme un rendez-vous entre adolescents ? Il est venu te chercher, il t’a raccompagnée, et puis… rien ?
— Rien.
— Voilà qui m’impressionne, déclara Héloïse avec un sourire taquin. Heureusement que je suis ta meilleure amie, sinon je ne te croirais pas !
Leur amitié remontait aux années de collège. Pendant l’adolescence, elles s’étaient mutuellement soutenues lorsque le temps était à l’orage : divorce des parents d’Héloïse, nombreux remariages du père de Tasha… Aux dernières nouvelles, ce dernier courtisait une riche veuve texane. Il n’avait pas revu sa fille depuis des années.
Un environnement stable avait toujours manqué à Tasha et pour elle, l’internat était devenu un refuge. Très jeune, elle s’était décidée pour des études de droit. La réussite se devait d’être au rendez-vous.
— Je sais pouvoir compter sur toi, dit-elle en posant la main sur celle de son amie. Je ne sais plus que penser… Il m’a envoyé des roses.
— Il t’adore, dit Héloïse avec détermination.
— Disons plutôt qu’il appréciait ce que nous partagions : un style de vie agréable, une liaison sans contraintes… Enfin, aucune de ces contraintes qui vous lient à jamais.
— Et toi, tu voudrais te lier ?
Les yeux de Tasha s’assombrirent.
— J’ai mes raisons, tu le sais bien.
En prenant une gorgée de thé, elle s’aperçut que sa main tremblait.
— D’accord, mon père ne m’a pas fourni de très bons exemples en ce qui concerne les unions réussies…
— Tu n’es pas obligée de suivre le même chemin.
— Justement, je dois faire preuve d’exigence…
Un coup d’œil à sa montre lui confirma l’heure avancée.
— Il faut que je file. Finis tranquillement ton café, je vais régler.
— Il n’en est pas question ! s’insurgea Héloïse.
— Ne dis pas de bêtises. Tu te rattraperas la prochaine fois !
Quelques minutes avant la sonnerie du réveil, Tasha s’éveilla en sursaut. Une nausée terrible la précipita dans la salle de bains.
Seigneur, cela se reproduirait-il chaque matin ?
La veille, un thé léger et un toast avaient eu raison de son mal au cœur. Mais aujourd’hui, c’était pire ! Pour certaines femmes, les nausées duraient toute la grossesse, et parfois se produisaient plusieurs fois par jour !
Elle plaça une main sur son ventre.
— Bébé, dit-elle d’un ton raisonneur, si tu dois me faire ce coup-là matin, midi et soir, maman va prononcer des mots que tes jeunes oreilles ne devraient pas entendre !
Au bout d’une demi-heure, elle avait recouvré ses esprits et put procéder à sa toilette.
Mais elle avait pris du retard, et se demanda si elle pourrait arriver jusqu’à son bureau lorsque sa voiture refusa de démarrer. La mécanique n’était pas son fort, mais elle avait vérifié le niveau d’huile et celui du liquide de refroidissement avant de faire une nouvelle tentative. Qui se solda encore par un échec…
— Des problèmes ?
Un visage se penchait à la vitre. Elle reconnut Damian et eut une mimique d’impuissance.
— Elle refuse de démarrer…
Il souleva le capot, farfouilla un instant et prit la place de Tasha derrière le volant. A son tour, il mit le contact et fit la moue.
— La batterie est à plat.
Il ne restait que deux options à Tasha : appeler un dépanneur et être définitivement en retard, ou bien prendre un taxi. Et tant pis pour la voiture.
— Laissez vos clés au gardien, proposa Damian. Je vous déposerai en ville et, de votre bureau, vous pourrez vous arranger avec un garage.
Une aide aussi efficace était une bénédiction ! Pleine de gratitude, elle remercia chaleureusement le jeune homme.
— Je vous dois une fière chandelle.
Elle fut en retard quand même et dut recevoir les plaintes aigres-douces d’un client qui n’appréciait pas de perdre son temps.
Ce n’était, hélas, qu’un début : la journée alla de mal en pis : réunions dépassant l’horaire prévu, secrétaires absentes, déjeuner escamoté pour faire face au surcroît de travail…
Il y eut une interruption en milieu d’après-midi, lorsque Amanda lui porta la rose unique, sublime, qui venait d’arriver pour elle.
— Jared North est si romantique, soupira la réceptionniste.
Quelque temps plus tôt, les yeux de Tasha se seraient embrumés… Cette fois, elle se *******a d’un simple :
— Oui, n’est-ce pas ?
Elle prit le temps de vérifier au téléphone que la batterie de sa voiture avait bien été remplacée, ne put quitter le bureau qu’à 18 heures et se retrouva à faire la queue pour obtenir un taxi.
Fatiguée, affamée, elle se sentait très sotte avec sa rose à la main et son énorme attaché-case.
L’appel d’un Klaxon lui fit à peine tourner la tête au milieu des bruits de la ville et elle ne jeta qu’un coup d’œil indifférent à la voiture qui s’arrêtait à deux pas.
Une vitre s’abaissait. Le conducteur se pencha à la fenêtre.
— Tasha, grimpez et je vous reconduis !
Tasha reconnut Damian, hésita un instant… Mais l’attente devant la file de taxis semblait devoir durer toute la nuit. Et elle était vraiment fatiguée. Elle ouvrit la portière et s’installa sur le siège passager.
— Merci.
— A votre service.
Il redémarra pour se joindre au trafic, et lui adressa un sourire amical.
— Il faudra que je m’arrête chez le traiteur chinois, pour prendre un repas tout prêt. Ça vous dirait que j’en prenne pour deux ?
La lassitude qu’éprouvait Tasha rendait l’idée séduisante. Au moins, elle n’aurait pas à cuisiner.
— D’accord mais c’est moi qui vous l’offre.
— Et si je refuse ?
— Considérez cela comme un remerciement…
Ils s’approvisionnèrent auprès d’un petit restaurant réputé pour son bœuf sauté, et posèrent leurs plats sur la banquette arrière.
— Chez vous ou chez moi ? s’enquit Damian une demi-heure plus tard alors que l’ascenseur les laissait à l’étage.
— Aucune importance, fit Tasha en haussant les épaules. Disons chez vous.
Il ouvrit la porte sur ce qui se présentait comme un appartement typique de jeune célibataire, avec équipements son et télé à la pointe de la technologie, et un décor sobre où dominait le cuir noir du canapé et des fauteuils.
Damian posa les repas sur la table du salon.
— Bière ? fit-il en se dirigeant vers le réfrigérateur.
— Merci, non, je ne bois pas.
Déclaration qui resterait inchangée tout le temps de sa grossesse…
— Coca, limonade, eau plate ?
Tasha opta pour la dernière proposition et ils dégustèrent les chop sueys qu’il avait rapportés. Tasha se servait des baguettes avec dextérité.
— Dites-moi, demanda Damian en essayant de saisir une pousse de bambou au bout de ses baguettes, pourquoi une aussi jolie fille que vous choisit-elle de vivre seule ?
Tasha le regarda bien en face.
— Est-ce pour faire connaissance entre voisins ou par intérêt plus personnel que vous me demandez cela ?
— Les deux.
— Avec pour but ?
— Un rendez-vous, un de ces soirs…
Il engloutit une bouchée de légumes, tenta de prendre l’air d’un gamin pris en faute et échoua misérablement.
— Enfin, si le « compagnon » n’en est plus un, précisa-t il. Et si vous acceptez l’invitation…
Il était l’heure de jouer cartes sur table.
— Le « compagnon » est le père du bébé que je porte, déclara tranquillement Tasha. Il se croit obligé de me proposer le mariage.
Damian fit de son mieux pour ravaler sa déception.
— Je vois… J’espère que cela n’est pas un obstacle à notre amitié ? Je m’en sors très bien avec les gamins : j’ai cinq neveux et trois nièces. Personne ne me bat sur le maniement de la couche-culotte, assura-t il avec un sourire malicieux.
— C’est précieux. On peut vous appeler en cas d’urgence.
— Cela ne nous empêchera pas d’aller voir un film ensemble ou de partager un repas, dit-il en souriant toujours.
— Bien sûr que non, répondit Tasha, touchée par sa gentillesse.
Elle terminait le repas lorsque son téléphone portable résonna. C’était… Jared.
— Je peux te rappeler ? demanda-t elle un peu sèchement.
La réponse étant positive, elle coupa la communication.
— Laissez-moi deviner, dit Damian, mi-figue, mi-raisin. Le « compagnon » ?
— Gagné.
— Vous faut-il vous ruer à votre appartement ou prendrez-vous le temps d’un café ?
— Un thé serait parfait.
— Vous n’obéissez pas au doigt et à l’œil, dit-il d’un ton taquin. J’apprécie beaucoup cette qualité, chez une femme.
Il se leva pour préparer le thé et, quand il revint, la conversation reprit, agréable et détendue. Tasha ne se pressa pas. La compagnie de Damian était plaisante, pourquoi ne pas en profiter ?
En conséquence, presque une heure s’était écoulée lorsqu’elle souhaita bonne nuit à son hôte et regagna son appartement.
Machinalement, elle déposa sa mallette, mit la rose dans un vase, ôta ses vêtements et s’offrit la détente d’une longue douche.
Elle se sécha dans une moelleuse éponge, enfila une nuisette et rappela Jared.
— Il n’est pas nécessaire que tu m’appelles tous les soirs, déclara-t-elle assez fraîchement.
— Tu devras t’y habituer.
Il y avait dans la voix de Jared un côté coupant qu’elle préféra ignorer.
— Rien ne te donne le droit de…
— Oublie immédiatement ce genre de déclaration. Recommençons sur de meilleures bases et raconte-moi ta journée.
— Tu veux la jouer « poli » ?
— Tu préfères la jouer « agressive ? »
Non, elle ne préférait pas.
— Alors, ta journée ? reprenait Jared devant son absence de réponse.
— Batterie à plat, client furieux… A part ça, comme d’habitude.
— Tu aurais dû m’appeler pour la voiture.
— Damian m’a donné un coup de main. Il m’a déposée en ville.
— Vraiment ? gronda Jared. C’est trop aimable à lui. Je parie qu’il t’a aussi ramenée…
— C’était un hasard, mais oui. On a dîné ensemble.
— Raconte-moi ça.
Tasha n’aimait pas la tournure que prenait la conversation.
— Il passait chez le chinois en me raccompagnant. Il a pris deux parts.
— Et vous avez dîné ensemble… Chez toi ou chez lui ?
— Chez lui.
Il y eut un instant de silence.
— Tu es en train de me dire que tu as passé deux heures chez un type que tu ne connais que de vue ?
— Bon sang, Jared, c’est mon voisin d’en face !
— Et alors, est-ce une garantie de moralité ?
— Je n’ai rien fait de mal ! Je lui devais bien cela pour le dépannage de ce matin. Et puis d’ailleurs, ajouta-t elle sur sa lancée, tu n’as pas le droit de me dicter ma conduite. Je vais où je veux, et je passe deux heures avec qui me plaît.
— Ça, c’est ton point de vue !
Les doigts de Tasha serrèrent le portable jusqu’à ce que ses jointures blanchissent.
— Je vais terminer cette conversation, Jared. Bonsoir.
Elle referma le portable et l’éteignit. Seigneur, comment osait-il…
« Et pourtant, son inquiétude était légitime », murmura une petite voix tout au fond d’elle-même alors qu’elle se couchait. Et puis, on ne pouvait pas écarter l’idée qu’il soit jaloux. Cette possibilité donna à Tasha un instant de satisfaction.


 
 

 

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Un couple de rêve, de Helen Bianchin - Gturl This thread Refback 04-05-09 10:41 PM


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