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chapitre 3


L’appartement était silencieux. Elle entra et, sur la pointe des pieds, se dirigea vers la cuisine. Un grand verre d’eau fraîche lui fit du bien. Tout était toujours aussi tranquille lorsqu’elle regagna le couloir.
Est-ce que Jared était là ?
A l’idée qu’il pût être sorti, Tasha fronça les sourcils. Il aurait sûrement laissé un mot, ou au moins un message sur le répondeur de son portable…
— Tu as passé une bonne soirée ?
Elle sursauta presque. Jared se tenait sur le seuil de son bureau, debout dans l’encadrement de la porte. Derrière lui, on devinait la bibliothèque et le beau meuble ancien sur lequel il travaillait, que ne déparait pas la touche moderne de l’ordinateur.
Dans son jean noir et sa chemise de coton blanc à demi ouverte, les cheveux en désordre comme s’il y avait nerveusement passé la main, il avait l’air d’un pirate.
Yeux sombres, peau mate… Son regard était aussi profond qu’insondable.
Tasha se sentit vaguement inquiète et instinctivement, elle fut sur la défensive. En temps normal, elle se serait serrée contre lui, sûre de son accueil, elle l’aurait embrassé et l’enlaçant, il aurait poussé leur baiser plus loin…
Parfois ils bavardaient mais le plus souvent, il la portait dans ses bras et ne la déposait que sur le lit. Fureur et tendresse se succédaient tour à tour dans des joutes amoureuses qui les menaient tard dans la nuit. Et dans ce cas, la conversation était remise au lendemain, lorsque, après avoir pris leur douche ensemble, ils partageaient le petit déjeuner.
Mais ce soir Tasha demeurait immobile. L’incertitude se mêlait à l’attraction, qui, indéniablement, se manifestait encore.
— Très bonne, merci.
Jared ne bougeait pas. Elle aurait pu passer devant lui pour rejoindre la chambre d’amis, mais elle lisait dans son attitude comme une attente, une vigilance qu’il valait mieux prendre en compte.
— Tu as travaillé toute la soirée ? reprit-elle, pour faire descendre la tension.
Jared était l’une des rares personnes qu’elle eût jamais croisées à pouvoir, après seulement quatre heures de sommeil, affronter avec énergie et détermination tous les imprévus que réservait la journée.
Affûté comme une lame, c’était l’image souvent utilisée pour décrire son esprit. Il avait une puissance de réflexion et une mémoire presque surhumaines. Rien ne lui échappait.
— J’en ai encore pour quelques heures.
Le son presque métallique de sa voix fut pour elle un avertissement. Ils se montraient parfaitement polis l’un envers l’autre, beaucoup trop, en fait. Derrière la maîtrise de soi, Tasha sentait affleurer la colère.
Etait-ce contre elle que cette colère était dirigée ? Evidemment ! La grossesse était de sa faute. Pas entièrement, bien sûr, mais elle aurait dû prévoir les conséquences de sa grippe ; prendre plus de précautions. Mais à ce moment-là, la possibilité d’une grossesse ne lui avait pas même traversé l’esprit.
Fallait-il y voir l’intervention d’une puissance divine ? Un test, envoyé par le destin, pour éprouver la solidité de leur relation ?
Bon sang ! Il fallait cesser ce délire, se maudit silencieusement Tasha. Elle perdait vraiment pied !
— Bonne nuit, fit-elle en s’avançant.
Elle était passée, mais il l’arrêta, d’une main posée sur son épaule. Puis, lui tenant le menton, il l’obligea à lever les yeux. Seigneur, comme il était proche…
— Non. S’il te plaît, ajouta-t elle doucement.
— Tu as peur, Tasha ?
Il passa le pouce sur sa lèvre, une ombre de sourire à la bouche.
— De toi ? Sûrement pas.
— Courageuse, toujours…
Tasha préféra ignorer le ton persifleur et se concentra sur sa volonté de rester calme. C’était d’autant plus méritoire que son pouls battait à cent à l’heure.
— Quel est le but de tout ceci, Jared ?
— Faut-il absolument qu’il y en ait un ?
— Oui, parvint-elle à articuler.
— Dans ce cas…
Sa bouche se posa sur la sienne et il l’embrassa langoureusement. Un instant, elle se laissa aller. C’était un élan instinctif, et elle eut grand peine à le juguler. Lorsqu’il la sentit se raidir, Jared la lâcha. Tasha en éprouva à la fois soulagement et dépit.
— Tu ne joues pas franc-jeu, fit-elle, le souffle un peu court.
— Croyais-tu vraiment que j’allais te laisser tous les atouts en main ?
Elle le dévisagea et lut la résolution sur ses traits figés. Il fallait absolument qu’elle parvienne à agir avec sa tête, et pas seulement avec son cœur.
— De ta part, ça m’aurait étonnée…
L’image sophistiquée de Jared dissimulait une force primitive, une énergie indomptable couplée à une volonté de fer. Ce qui faisait de lui un homme redouté, au tribunal comme partout ailleurs.
S’y ajoutait une sensualité à fleur de peau. Il savait comment plaire à une femme, comment lui donner du plaisir en mêlant passion, tendresse, et une certaine ardeur un peu sauvage, maîtrisée, une exigence toujours présente sous une apparente douceur.
Un léger frisson la parcourut. Aucune personne sensée n’aurait souhaité se faire un ennemi de Jared North, dans quelque domaine que ce fût.
— Je vais me coucher.
Résolue, elle franchit la distance qui la séparait de la chambre d’amis.
— Dors bien…
Cette fois encore, son ton était ironique, voire amer. Tasha ne répondit pas et se réfugia dans la chambre. Une fois la porte close, elle s’y appuya un long moment.
Sa fatigue était plus nerveuse que physique. Un tel bouleversement de ses émotions allait sûrement la tenir éveillée des heures durant.
Pendant qu’elle se démaquillait, elle entreprit de chasser méthodiquement les pensées conflictuelles qui s’affrontaient en son esprit. Puis elle se déshabilla, enfila une veste de pyjama et se mit au lit.
Elle dut s’endormir, mais son esprit l’entraîna dans un rêve tellement réaliste qu’elle croyait le vivre : désespérément, elle tentait de retenir le bébé qu’on voulait lui enlever. Son bébé ! La nourrice l’emmenait au loin. Tasha hurlait pour l’arrêter mais aucun son ne semblait sortir de sa gorge et la nourrice continua son chemin. Elle voulut se lever pour la rattraper ; alors, elle réalisa que des tubes et des sangles la retenaient à son lit. Tasha voulut les arracher, mais tels des serpents, ils s’enroulèrent autour d’elle pour la paralyser.
Une voix familière se fit alors entendre. Des caresses apaisantes couraient sur son corps. Elle entendit des mots, sans en comprendre le sens. Puis la scène changea. Le bébé était à présent en âge de jouer dehors et elle le contemplait, allongée sur la pelouse d’une belle maison, alors qu’à quatre pattes, il tentait d’attraper ses jouets… Son cœur explosait de fierté maternelle.
Rêves, fantasmes, souhaits… il y avait sans doute un peu de tout cela dans les images qui lui restèrent, vivaces, lorsqu’elle s’éveilla. Le jour perçait à peine derrière les persiennes et Tasha se rendit compte qu’elle n’était plus dans la chambre d’amis. Et qu’elle n’était plus seule…
Avait-elle crié pendant la nuit ? Jared l’avait-il… ?
— Tu m’as appelé.
Il était accouru en l’entendant crier et l’avait prise dans ses bras. La voix torturée de Tasha l’avait glacé et, la portant jusqu’à son lit, il l’avait apaisée de son mieux, veillant sur son sommeil jusqu’au petit matin.
Avait-elle conscience de s’être blottie contre lui pendant la nuit ? En tout cas, à sentir son cœur battre contre sa joue, à baigner dans sa chaleur, et dans le parfum musqué qui émanait de sa peau, elle comprit que son corps s’abandonnait. Son pouls s’accélérait, ses pores lui semblaient s’entrouvrir, une impatience électrisée s’emparait d’elle et ses membres, impuissants à lui obéir, s’alanguissaient dans l’attente de caresses et de baisers dont elle connaissait trop bien le pouvoir.
C’était la voie qu’ils suivaient bien souvent le matin, celle d’un échange amoureux languide, parsemé de soupirs, de longues étreintes… Toute la magie de la séduction, lorsque deux corps se connaissaient.
Mais ce matin-ci n’était pas comme les autres. Tant de choses avaient changé, lors des dernières quarante-huit heures ! Envolées, la familière camaraderie et la relation confiante d’un amour sans réserve. Place aux doutes, aux obstacles, au repli sur soi.
Le ressentiment était perceptible aussi, d’un côté comme de l’autre. Et si elle ne voulait pas que Jared se méprenne sur ses intentions, elle devait quitter le lit à l’instant. Sinon, son attitude apparaîtrait comme une invitation amoureuse. Ils avaient vécu deux ans ensemble et pourtant, elle se sentait aussi nerveuse que la première fois qu’ils avaient fait l’amour.
— Il faut que je me lève.
La main de Jared descendit pour se poser sur son ventre.
— Reste.
La gorge sèche, elle déglutit difficilement. Le besoin qu’elle avait de ses caresses était immense, mais elle pourrait par la suite regretter de s’être abandonnée au plaisir.
— C’est impossible.
Il y avait dans sa voix un tel désespoir, une telle solitude que Jared en fut bouleversé, bien plus que par les mots qu’elle prononçait.
— Reste avec moi, reprit-il doucement.
C’était tellement simple, d’accepter ! Il était si cruel de se dérober… Mais un engagement fondé sur le sens du devoir plutôt que sur l’amour serait pour elle inacceptable. Jamais elle ne se satisferait de demi-mesures, et c’était pour cette raison qu’il fallait sortir de ce lit, immédiatement. Car si Jared l’embrassait, elle ne pourrait plus lutter.
— Je dois me rendre au bureau de bonne heure ce matin.
Il ne fit pas un geste pour la retenir. Elle s’enfuit, et préféra se doucher dans la suite réservée aux amis, craignant qu’il ne la rejoigne sous l’eau comme souvent. L’intimité qui s’ensuivrait lui aurait été trop difficile à supporter.
Une demi-heure plus tard, ayant séché ses cheveux, elle se rendit compte qu’il lui fallait, comme la veille, retourner prendre dans le placard de sa chambre de quoi s’habiller. Avec un peu de chance, Jared serait encore sous la douche…
Son jour de chance devait être passé, se dit-elle en voyant Jared simplement vêtu d’un caleçon de soie noire. Elle observa le jeu des muscles sous la peau bronzée de ses larges épaules, alors qu’il tendait le bras pour attraper sa chemise de coton blanc. Chacun de ses mouvements était souple, comme celui d’un félin et Tasha, fascinée, ne put le quitter des yeux alors qu’il la boutonnait, puis enfilait un pantalon à la coupe élégante avant d’en remonter la fermeture Eclair d’une geste vif.
Rien n’aurait pu empêcher la spirale familière du désir de se dérouler en elle. Autant retenir une marée montante…
Non seulement le corps de Jared lui manquait, mais aussi son humour affectueux, les taquineries qu’ils s’adressaient d’un cœur léger. Une semaine plus tôt, elle serait allée à lui pour l’embrasser, exultant dans le rayonnement de l’amour partagé.
Elle adorait le contempler, sentir sa peau musquée, et l’arôme subtil de son eau de Cologne. C’était si bon… juste se lover contre lui, se blottir entre les bras rassurants qui la serraient !
Et sa bouche… rien que d’évoquer les plaisirs érotiques qu’elle lui procurait, elle sentait son sang devenir lave et tourbillonner dans ses veines.
Cela suffit ! s’admonesta Tasha en un cri silencieux.
Elle prit une grande inspiration, rassembla ses affaires et sortit s’habiller dans l’autre pièce.
Heureusement, l’habitude vint au secours de sa volonté pour l’aider à se vêtir, se maquiller, tendre les draps du lit et prendre sa mallette, avant de rejoindre la cuisine dont s’échappait l’arôme tentateur du café fraîchement passé.
Elle aurait donné dix jours de sa vie pour une tasse de café… mais ce n’était pas bon pour l’enfant. Elle mit de l’eau à chauffer dans la bouilloire pour un thé et déposa une tranche de pain dans le toaster.
— Tu as quelque chose de spécial à faire aujourd’hui ? s’enquit Jared en s’installant au bar de la cuisine pour boire son café. Tu parlais d’aller au bureau de bonne heure…, ajouta-t il en interceptant son regard surpris.
Mieux que personne, il savait interpréter le langage du corps et celui de Tasha était dépourvu de tout artifice. La jeune femme brillait comme un diamant au milieu des autres, de toutes celles qui n’avaient ni son charme, si son courage, ni son intégrité. Au cœur d’un monde de faux-semblants, elle avançait grâce à ses convictions, à son inaltérable honnêteté. Jared avait vu autour de lui tant de femmes interchangeables, dont le vrai caractère disparaissait sous des couches d’hypocrisie sociale… Il les avait considérées comme elles l’avaient considéré : en partenaire plaisant, tant sur le plan sexuel qu’au quotidien. Et puis il avait rencontré Tasha.
— Oui, j’ai deux ou trois choses à faire avancer, fit-elle d’une voix neutre.
A dire vrai, elle n’en avait pas pour plus de dix minutes… Vérifier un dossier, rédiger une note et demander à une sténo d’insérer une correction avant de photocopier un exemplaire client, il n’y avait pas de quoi motiver un départ aussi matinal ! D’autant plus que son premier rendez-vous de clientèle était programmé pour 9 h 30.
Elle termina son toast, but une dernière tasse de thé et prit son attaché-case.
— Il se peut que je rentre tard, ce soir.
Jared lui renvoya un regard aussi clair que le sien.
— Même chose pour moi. Ne m’attends pas pour dîner.
Avant qu’elle ait eu le temps d’être sur ses gardes, il l’avait rejointe. L’attirant à lui, il l’embrassa à pleine bouche.
Elle avait les lèvres les plus douces du monde, se dit-il en savourant leur texture, mordillant leur renflement avant d’accentuer la sensualité de son baiser pour en faire une arme ouvertement tentatrice.
Tasha aurait voulu résister mais au-delà de quelques secondes, cela lui fut impossible. Il devait être magicien ou sorcier…
Quand il releva la tête, elle eut toutes les peines du monde à ne pas aller chercher sa bouche à nouveau.
L’avait-il senti ? Jouait-il là-dessus pour lui faire abandonner ses idées de départ ?
C’était une raison de plus pour reconquérir son indépendance, se dit Tasha. Et très vite. Car plus elle resterait, plus la tentation serait difficile à repousser.
Jared était passé maître dans l’art de la séduction, s’avoua-t elle avec une pointe d’ironie : son regard était lourd de passion, mais il savait se faire mélancolique ou rêveur ; ses doigts habiles connaissaient les caresses qui la faisaient chavirer. Même dans les gestes les plus anodins… Comme lorsqu’il cherchait la petite veine à son poignet, la courbe sensuelle de ses lèvres… Tout se mêlait en une attraction magnétique qui faisait basculer ses sens, et l’attirait vers lui aussi sûrement qu’un papillon de nuit allant se brûler à la flamme.
Mais elle ne voulait pas se consumer. Il lui fallait vivre.
Sans un mot, elle sortit et prit l’ascenseur qui conduisait au sous-sol.
Ainsi commença une journée de tracas incessants. L’absence de deux sténographes obligea Tasha à redistribuer leur travail mais les documents prévus pour la clientèle ne pouvaient plus être prêts à temps.
Un des collègues de Tasha succomba à une migraine en milieu de matinée, lui laissant le soin de reprendre ses rendez-vous… alors que son agenda était déjà bien chargé.
A nouveau, elle se *******a d’un sandwich pour déjeuner et consacra sa pause à téléphoner, appelant agence après agence dans l’espoir d’avoir au moins deux appartements à visiter le soir.
Elle avait bien conscience de l’urgence d’un déménagement. Comment se permettre encore des nuits de cauchemars, à l’issue desquelles elle appelait Jared au secours ?
A ce souvenir, elle eut un frisson. Se réveiller à ses côtés était devenu trop dangereux.
Se doutait-il de sa vulnérabilité ? Du combat qu’elle avait dû mener, pour ne pas céder au plaisir de le caresser, de glisser dans la routine amoureuse de tant de matins ?
Elle avait réussi à fuir… aujourd’hui. Mais combien de temps résisterait-elle ? Jared semblait décidé à exploiter chaque avantage, à profiter de toutes les situations… Elle finirait par céder… Alors, elle pourrait faire le deuil de ses prétentions à l’indépendance. Jared aurait beau jeu d’ironiser sur ses changements d’humeur. Le pire serait qu’elle violerait ses convictions les plus ancrées concernant le mariage et ses convictions sur l’amour.
Une douleur terrible envahit sa poitrine, une incommensurable tristesse embruma son regard. Mariée à Jared… Ce serait le paradis sur terre. Il était l’homme de sa vie… Il lui était aussi nécessaire que l’air qu’elle respirait.
Mais elle ne pouvait supporter la seule idée d’une union de convenance, une « régularisation » qu’il effectuerait par sens du devoir.
D’autres couples élevaient des enfants en dehors des liens du mariage. Cela allait contre ses principes : lorsqu’on avait un enfant, il fallait s’engager totalement envers lui.
Et puisqu’elle refusait un mariage dont l’amour ne serait pas le moteur, autant élever l’enfant dans un monde où les frontières étaient clairement établies et les principes respectés. Sans malentendu.
— Vous pouvez me faire visiter ce soir ? fit-elle d’une voix soulagée. Très bien. Disons à 18 h 30 ?
Une bonne chose de faite. Quatre appartements étaient visitables, dont l’un au moins semblait prometteur.
A l’heure dite, elle rejoignit le premier agent immobilier à l’adresse indiquée.
Elle s’était pourtant montrée claire dans ses exigences, mais la première visite s’avéra décevante : pas d’ascenseur, pas de garage… Le second appartement était à peine mieux. Cela en laissait deux à voir, soupira Tasha en se rendant au rendez-vous suivant, dans le quartier de Kangaroo Point.
Les environs étaient agréables, l’immeuble bien situé, moderne. Tasha reprit espoir en franchissant le seuil du spacieux hall. Ça pouvait marcher.
Une demi-heure plus tard, elle signait le bail. Dès le lendemain, elle pourrait disposer des clés, et elle comptait emménager dès que possible.
Voilà une décision pleine de bon sens, s’assura-t elle en rejoignant la file de voitures qui allait vers le fleuve. Alors, d’où venait cette douleur qui ressemblait à une amputation ?
Dans la vie, il fallait savoir s’adapter. C’était la clé, philosopha-t elle. Ce changement était nécessaire, elle saurait en tirer tout le bénéfice.
Mentalement, elle commença à dresser la liste des tâches indispensables : contacter un déménageur pour faire déposer ses meubles à sa nouvelle adresse, penser aux branchements de téléphone et d’électricité, aux livraisons des courses…
Ce fut un soulagement de constater l’absence de la Jaguar lorsqu’elle se gara. Elle monta à l’appartement, se prépara une légère collation, se doucha et enfila un peignoir de soie, puis reprit le travail sur son ordinateur portable installé sur un coin de table.
Savoir s’organiser était une obligation dans n’importe quel domaine, et Tasha y ajoutait un grand respect de la clientèle et de son propre travail. Son salaire était à la hauteur de ses compétences. Elle savait concentrer toutes ses facultés sur la tâche en cours, qualité qui lui vaudrait sous peu une proposition d’association. Performante était le qualificatif flatteur accolé à son nom lors de ses études, compliment que lui avaient fréquemment adressé ses maîtres, docteurs en droit.
Le fait de devenir mère célibataire ne devait en rien modifier ses objectifs. Bien sûr, elle aurait la responsabilité d’une éducation. Mais elle ne serait pas la seule à mener de front ces défis. Si d’autres y parvenaient, pourquoi pas elle ?
Il y avait des nourrices, des crèches, des études après l’école. On pouvait envisager un internat aussi… mais pas avant l’âge de douze ans. Les week-ends seraient à partager avec Jared. Et elle s’arrangerait pour prendre la majeure partie de son congé annuel pendant les vacances scolaires.
Cela allait marcher, décida-t elle. Il le fallait.
Instinctivement, elle plaça la main sur son ventre. Serait-ce une fille ou un garçon ? Il faudrait qu’elle achète un livre sur la grossesse et les premiers mois du bébé.
En attendant, son travail l’attendait, et elle se concentra sur son écran, devant lequel Jared la trouva en rentrant. A côté d’elle, deux livres de droit ouverts et un bloc-notes bien rempli témoignaient du travail accompli.
— Tu n’as pas terminé ?
Tasha leva la tête, lui adressa un bref regard, et continua à entrer des données sur son portable.
— Non.
Jared ouvrit le Frigidaire et se servit un grand verre de lait qu’il but d’un trait.
— Rude journée ?
Elle lui sembla plus pâle que d’habitude et ses yeux brillaient d’un éclat trop sombre. Il repoussa l’envie d’aller la prendre dans ses bras pour la conduire dans sa chambre.
Deux nuits plus tôt, c’était exactement ce qu’il aurait fait, étouffant ses protestations d’un baiser et la déshabillant pour mieux la couvrir de caresses. Ils auraient fait l’amour tout à loisir…
— Bien remplie, en tout cas, fit-elle en guise de réponse, sans pour autant s’interrompre.
Elle sentait sa détermination faiblir. Regarder Jared n’aurait fait qu’empirer les choses.
— Dans ton état, tu ferais mieux d’aller te reposer.
— Tu te crois encore au XIXe siècle?
Il s’approcha, attiré par le drapé souple de la soie du peignoir qui révélait ses formes. En se plaçant derrière elle, il voyait l’endroit où les pans s’écartaient sur sa poitrine ronde. Plus que tout, il aurait voulu se pencher, écarter un peu plus le tissu… Il connaissait la douceur de ses seins, leur fermeté, la façon dont leurs bouts roses se dressaient à la moindre de ses sollicitations. Il mourait d’envie de les faire durcir sous ses doigts…
Au lieu de quoi, il se *******a d’enlever les épingles qui retenaient sa coiffure : un chignon tortillé à la hâte au sortir de la douche, et dont plusieurs mèches s’étaient déjà échappées. C’était un tableau trop tentant pour qu’on y résistât.
— Je t’en prie, non…
Il y avait eu un halètement presque perceptible dans sa voix, et elle se détesta de se montrer si vulnérable.
Les mains de Jared s’attardèrent sur son cou, puis il les fit glisser jusqu’à ses épaules, le temps d’une brève étreinte, avant de les laisser retomber à ses côtés.
— Il est tard, Tasha, fit-il d’une voix calme, presque douce. Boucle ton dossier et viens te coucher.
A ses côtés ? Il pouvait toujours rêver…
Mais comment lui dire qu’elle souhaitait travailler jusqu’à épuisement, pour que la fatigue lui procure un sommeil si lourd qu’il n’y aurait pas même place pour le rêve ?
— Encore une dizaine de minutes et j’en aurai terminé.
Jared ôta sa veste.
— Je vais prendre une douche.
Combien de temps lui faudrait-il pour s’apercevoir qu’elle ne venait pas le rejoindre ? Chercherait-il à lui faire changer d’avis… ou resterait-il indifférent ?
En tout cas, il ne pouvait pas imaginer qu’elle ait oublié leur différend… le premier, en deux ans, à durer plus d’une journée. Si l’on exceptait les quelques voyages de Jared pour affaires, ils n’avaient jamais dormi séparément. Il pouvait toujours se montrer patient et compréhensif, cela ne la ferait pas changer d’avis.
La montre de Tasha indiquait 23 heures. Il était temps de mettre un point final à cette journée. Demain serait un autre jour.
Quelques minutes plus tard, ayant rangé les livres de Jared dans la bibliothèque, elle se blottit sous les draps de la chambre d’amis.
Et s’il venait la chercher ? Elle aviserait à ce moment-là, se dit-elle en éteignant la lumière.
Le sommeil la prit rapidement. Si vite qu’elle ne vit pas la porte s’entrouvrir, ni le rai de lumière balayer son lit.
Jared s’approcha du lit et la regarda dormir. Il s’assura qu’elle reposait d’un sommeil apaisé, et s’émerveilla de son innocence enfantine : la bouche en avant, elle semblait faire la moue, une main sous l’oreiller, les cheveux épars sur le frais coton et quelques mèches collées à sa joue.
Tout au fond de lui, il sentit une violente contraction. Elle était à lui. Sa femme. Têtue, indépendante et fière. Il ne la perdrait pas. Jamais.
Il aurait voulu se glisser à ses côtés, la serrer contre lui tout au long de la nuit.
Pendant longtemps il demeura immobile à la contempler. Puis, tout doucement, il quitta la pièce.0

 
 

 

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ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
ÇáÚÖæíÉ: 63027
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ÞÏíã 28-02-09, 03:10 AM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 15
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ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
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bianchin, books, couple, french books, french novels, french romance books, french romance novels, helen, helen bianchin, novels, ÑæÇíÇÊ, ÑæÇíÇÊ ÃÌäÈíÉ, ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ, ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÃÌäÈíÉ, ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÝÑäÓíÉ, ÑæÇíÇÊ ÝÑäÓíÉ, rêve, romance books m romance, romance novels, un couple de rêve, ÞÕÕ, ÞÕÕ ÃÌäÈíÉ, ÞÕÕ ÑæãÇäÓíÉ, ÞÕÕ ÑæãÇäÓíÉ ÃÌäÈíÉ, ÞÕÕ ÑæãÇäÓíÉ ÝÑäÓíÉ, ÞÕÕ ÝÑäÓíÉ, ßÊÈ, ßÊÈ ÃÌäÈíÉ, ßÊÈ ÑæãÇäÓíÉ, ßÊÈ ÑæãÇäÓíÉ ÃÌäÈíÉ, ßÊÈ ÑæãÇäÓíÉ ÝÑäÓíÉ, ßÊÈ ÝÑäÓíÉ
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