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Le piège du désir, de Cara Summers

Le piège du désir , de Cara Summers Lorsqu’il la touchait, elle avait toujours la même réaction, violente et primitive. Le désir en devenait presque douloureux, elle commençait à

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Jded Le piège du désir, de Cara Summers

 

Le piège du désir
, de Cara Summers

Lorsqu’il la touchait, elle avait toujours la même réaction, violente et primitive. Le désir en devenait presque douloureux, elle commençait à bouger, à se cambrer, avide. Que ses mains se posent sur ses hanches et c’était comme si une décharge électrique traversait de part en part. Moment de pure, d’exquise torture dont elle désirait qu’il ne finisse jamais… Mais le supplice pour Sophie Wainright n’est-il pas plutôt de se réveiller chaque matin depuis un an dans son lit, alors que le désir inassouvi l’enflamme un peu plus à chaque fois ? N’y tenant plus, Sophie saisit sa chance et profite de ce que son chemin croise de nouveau l’homme de ses fantasmes pour se lancer dans un plan de séduction : « Phase A : TOUT mettre en œuvre pour le conquérir ». Autant dire… le grand jeu ! A commencer par une offre aussi audacieuse que provocante : lui proposer de faire l’amour…en jouant la réponse à pile ou face avec une pièce truquée ! sans parler des scénarios érotiques très inventifs et sexy auxquels Traker McGuire, l’homme de ses fantasmes, va avoir de plus en plus de mal à résister…

 
 

 

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Chapitres : 1



— C’est fini, princesse.
La panique de Sophie reflua à l’instant même où elle l’entendit. Il allait la libérer.
Les bâillons qu’elle avait sur les yeux et la bouche l’empêchaient de le voir ou de prononcer son nom, mais elle avait reconnu sa voix et son toucher. Il avait à peine effleuré sa gorge du bout des doigts qu’elle avait la peau en feu.
Depuis qu’elle avait été kidnappée, trois jours plus tôt, elle savait que Tracker McGuire viendrait la secourir. Bien sûr, elle s’attendait à ce qu’il lui reproche de l’avoir berné et fait courir dans tout le pays. Elle s’y était préparée. Mais il eut des gestes très doux, la voix rassurante.
— N’ayez pas peur.
Il allait la toucher, s’assurer qu’elle allait bien, et elle en tremblait d’avance. Et lorsqu’il le fit, la pression de ses doigts qui suivaient la ligne de ses épaules, descendaient le long de ses bras, mit le feu à son corps tout entier.
Elle avait toujours la même réaction primitive. Il la touchait, son désir croissant devenait presque douloureux, et elle commençait à bouger, à se cambrer, éperdue et avide.
Lorsqu’il agrippa sa taille, ce fut comme si une décharge électrique la traversait de part en part, et elle souleva les hanches. Encore. Mais les mains poursuivirent leur minutieuse exploration sur ses hanches, ses jambes. Pure torture.
— Encore une minute, et vous serez libre, dit-il en enlevant ses deux bâillons. N’ouvrez pas encore les yeux.
Ses bras enfin libres, elle les passa autour de son cou et serra fort. Sauvée. A présent, il allait pouvoir la débarrasser de ce feu terrible qu’il avait fait naître en elle. Il le fallait. Il lui caressa les cheveux, puis glissa deux doigts sous son menton et le leva.
— Je vous en prie…
C’était elle, qui avait dit cela ? Mystère. Mais il effleura sa bouche de la sienne, ses lèvres de sa langue.
— Oui.
Son corps se modela de lui-même aux angles durs du sien, mais ce ne fut pas assez. Elle en voulait plus, bien plus. Les doigts entortillés dans ses cheveux, elle se cambra contre lui. Viens… s’il te plaît.
Puis, quand elle se crut sur le point de mourir de désir, il approfondit enfin son baiser, insatiable, et glissa une main entre ses cuisses.
Oui. Tu y es presque. Cisaillée de désir, elle se pressa plus encore contre lui. La tension augmenta, implacable, et quand il glissa un doigt en elle, l’orgasme monta, irrépressible, violent, et elle explosa.
Ce fut le son de son propre cri qui arracha Sophie à son rêve. Terrassée par l’intensité du plaisir qu’elle venait de connaître, elle demeura un instant étendue, frémissante. Les poings refermés sur les draps chiffonnés, elle avait le corps trempé de sueur, le souffle court. En ouvrant les yeux, elle vit que Chester, son chat, avait les yeux braqués sur elle.
— Tout va bien, murmura-t-elle, posant la main sur la fourrure de son ange gardien.
Apparemment incrédule, le chat la regarda d’un air hautain.
Sophie réprima un soupir. C’était son frère, Lucas, qui lui avait offert Chester quand elle avait quitté la maison familiale pour venir s’installer au-dessus de Antiquités, sa boutique de Georgetown. Cinq ans déjà… Et Chester se faisait toujours un malin plaisir à la pousser à l’honnêteté vis-à-vis d’elle-même.
— Bon, d’accord, tu as gagné, admit-elle en s’asseyant dans son lit. Ça ne va pas. Mais alors, pas du tout.
Et comment pourrait-il en être autrement, alors que le meilleur et le seul amant qu’elle ait eu depuis un an ne venait lui rendre visite… qu’en rêve ?
Et que celui-là même qui était à l’origine de ses songes torrides était un homme qui avait le don de la mettre en boule dans la vie de tous les jours : le dénommé Tracker McGuire, qu’elle avait baptisé « Fantômas ». Son frère l’avait embauché deux ans auparavant afin d’assurer la sécurité de Wainright & Co, mais pour autant qu’elle puisse en juger, son ordre de mission stipulait : « Empêcher à tout prix l’enfant gâtée et inadaptée sociale que le patron a pour sœur de causer la ruine de Wainright & Co. »
Malheureusement, elle avait bien failli réussir par deux fois, en se laissant piéger par des chasseurs de dot qui n’en avaient qu’après l’argent des Wainright, ce qui ne laissait pas d’alimenter sa fureur et son humiliation. Et le fait que sa faiblesse et sa stupidité aient été découvertes par un parfait inconnu ne faisait que retourner le couteau dans la plaie. Tracker McGuire savait maintenant ce que savait chaque membre de la famille : elle ne méritait pas de porter le nom de Wainright.
La surveillance continue qu’avait exercée Tracker sur elle, au cours de l’année écoulée, ne faisait que confirmer la méfiance de son frère. Chaque fois qu’elle sortait retrouver des amis, le soir, elle percevait la présence invisible de Tracker. Parfois, elle avait même l’impression de sentir son regard courir sur elle, et c’était une impression si intense qu’il aurait tout aussi bien pu la toucher. Cependant, elle ne parvenait jamais à le repérer.
Sauf dans ses rêves.
— Zut, zut et zut ! lança-t-elle en se levant, empoignant le chat et filant vers la cuisine. Il faut que j’arrive à me débarrasser de lui.
Chester renifla.
— Oh toi, ça va ! maugréa-t-elle, pointant un doigt accusateur sur lui dès qu’elle l’eut posé sur le plan de travail. C’est vrai, quoi ! Ça fait une bonne année que je fantasme sur cet amant fantôme, alors qu’il ne m’approche jamais dans la vraie vie. Et tant que je l’aurai, je n’en voudrai aucun autre.

Chester se garda de tout commentaire.
— Ça en devient pathétique.
Elle ouvrit le réfrigérateur, en sortit une bière, en versa un peu dans une soucoupe et la posa devant lui. Puis elle saisit son péché mignon : de la pizza froide.
— Résumons : il y en a un dont je ne veux pas, c’est John Landry.
Là ! Elle l’avait dit. Tout haut.
Chester se frotta contre son bras.
— Tu te prends encore pour un sérum de vérité, pas vrai ?
Il retourna à sa bière.
Un coup d’œil à la pizza lui apprit qu’elle avait perdu son appétit. Cela faisait deux semaines qu’elle sortait avec John, et il avait tout ce qu’elle aurait dû vouloir chez un homme. Il était beau, doux, attentif, prévenant, et assez riche pour que Lucas ne le soupçonne pas d’en vouloir à la fortune familiale. Et il partageait même sa passion pour les antiquités.
Mais le problème, c’était que deux semaines en sa compagnie ne l’avaient pas guérie de ses rêves concernant Tracker. Si ce soir devait servir d’exemple, alors sortir avec John Landry ne faisait qu’intensifier son désir pour Fantômas.
Elle rangea la pizza dans le réfrigérateur sans la toucher.
— Bon. Il va falloir jeter John.
Le silence de Chester fut révélateur. Il approuvait.
— Je n’aime pas larguer les gens.
Elle n’aimait pas plus le faire, vis-à-vis des autres, qu’elle n’avait aimé l’être par ses propres parents. Mais ce ne serait pas juste de continuer à laisser espérer ce pauvre John. Même maintenant, elle avait du mal à se souvenir de sa tête. A peine eut-elle réussi à visualiser ses cheveux blonds et son visage mince et aristocratique, que l’image se brouilla au profit des pommettes saillantes et de la tignasse brune en bataille de Tracker McGuire.
— Nom de nom !
Il va falloir trouver le moyen de cesser de penser à lui, songea-t-elle, transportant Chester sur le canapé.
— Et un film, qu’est-ce que tu en dis ?
Avec un peu de chance, elle arriverait bien à dénicher sur le câble un vieux classique qui la distrairait et lui permettrait de passer une fin de nuit sans rêves.
Quelques instants plus tard, elle localisa un de ses films préférés, La main au collet. Pelotonnée contre les coussins, elle regarda Grace Kelly conduire une décapotable sur les routes de Monte Carlo, avec Cary Grant à son côté. Cette femme avait un but. Elle voulait Cary, et elle allait l’avoir.
Cary Grant valait définitivement le détour. Dans la fleur de l’âge, à l’époque où le film avait été tourné, il s’était coulé magnifiquement dans ce rôle de cambrioleur aussi beau que dangereux. D’ailleurs, il lui rappelait un peu Tracker. Tous deux étaient auréolés de danger et de mystère.
Et, comme Grace, elle avait toujours pensé qu’elle était une femme forte et volontaire, prête à prendre des risques. Jusqu’au jour où elle en avait pris un de trop et avait été kidnappée. Dieu merci, elle avait été sauvée par Tracker McGuire !
Tout ce qu’elle savait de cet homme se résumait au fait, qu’à l’armée, Lucas et lui avaient accompli des missions ensemble, des missions dont son frère refusait de parler. Le personnage de Cary Grant avait ses secrets, lui aussi. Et puis il y avait autre chose dans le film qui lui rappelait Tracker : l’ex-cambrioleur refusait de se lier avec l’Américaine riche et gâtée que jouait Grace Kelly.
Bien sûr, cela n’avait pas refroidi le moins du monde Grace. Yeux plissés d’admiration, Sophie la regarda ouvrir le panier de pique-nique et rire, mutine, à un mot de Cary.
Tracker, elle le verrait demain soir, à la soirée d’anniversaire. Lucas voulait offrir à Mac, sa femme, une réplique de leur mariage dans ses moindres détails. Tracker avait été le témoin de Lucas. Il n’oserait donc pas rester à l’écart. L’esprit en ébullition, elle songea qu’elle pourrait inviter John Landry à y aller avec elle… et pourquoi pas Carter Mitchell, également ? Gérant de la boutique voisine de la sienne, il ne refuserait pas de lui rendre un petit service. Si elle arrivait en compagnie de deux hommes, Tracker ne… Non.
— Non, je ne suis pas, mais alors vraiment pas, en train de songer à séduire Tracker McGuire.
Le sourd grondement de gorge de Chester en dit long sur son scepticisme.
— Oh, toi, le chat, tais-toi !
Mais il avait raison, comme d’habitude. Car c’était bien cela, qu’elle avait en tête. Pourquoi Grace serait-elle la seule à s’amuser ? Et pourquoi devrait-elle passer d’autres nuits à rêver de Tracker sans espoir de concrétiser son fantasme ?
Il fallait que cela cesse : se comporter en fille sage et bien élevée, et sortir avec le genre d’homme qui plairait à son frère, n’avaient rien donné.
Peut-être le seul moyen de se libérer du piège dans lequel elle était tombée était-il de séduire l’homme qui l’y avait poussée…

Chapitres : 2
— Lucas, acceptes-tu de prendre cette femme pour légitime épouse ?
Sophie retint une larme en entendant le « Oui » de son frère. Lui qui n’avait jamais été romantique, avait été transformé par le mariage.
— Mac, acceptes-tu de prendre cet homme pour légitime époux ?
Une nouvelle larme mouilla ses yeux quand son amie réitéra ses vœux. Demoiselle d’honneur et témoin, Sophie se tenait juste derrière la mariée, au coude à coude avec le garçon d’honneur et témoin, Tracker McGuire. Déjà ultra sensible à sa présence, elle n’allait pas en plus pleurer devant lui !
— Par les pouvoirs qui me sont conférés…
Elle renifla. Une larme coula sur sa joue. Allons bon, la stratégie qu’elle avait élaborée en vue de capter l’attention du monsieur ne valait pas un clou. Déjà, son arrivée en compagnie de deux soupirants avait fait un flop, puisque Fantômas ne s’était montré qu’à l’heure de l’escorter vers le dais installé dans la roseraie. Et une fois encore, il lui avait suffi de poser une main légère dans son dos, un geste à peine ébauché, pour que renaisse en elle le fantasme de ses mains la caressant partout.
Zut ! songea-t-elle, réprimant une deuxième larme. Grace Kelly n’avait pas pleuré devant Cary Grant ! Elle n’avait été que sourires, pique-niques au champagne et détermination tenace.
Et plus important encore, sa stratégie avait fonctionné.
— Je vous déclare à présent mari et femme.
Quand Lucas et Mac se tournèrent l’un vers l’autre pour s’embrasser, Sophie sentit que la deuxième larme échappait à son contrôle. Ne partageaient-ils pas ce dont elle avait toujours rêvé - l’intimité avec la personne qu’on aime et qui vous aime ?
Espérant que personne ne le remarquerait, elle s’essuya subrepticement la joue. Le bras de Tracker effleura le sien quand il se rapprocha pour presser un mouchoir dans sa main. Un éclair de chaleur la traversa.
— Ça va, princesse ?
Comment cela pourrait-il aller, alors qu’elle fondait de désir et de frustration mêlés ? Alors que l’homme qui était responsable de cet état la traitait comme une petite sœur ? Elle parvint à hocher la tête en se tamponnant les yeux.
Mais n’était-ce pas là justement l’histoire de sa vie ? Les hommes qui voulaient la séduire n’en avaient qu’après son argent ; et celui qu’elle voulait séduire était ravi de jouer auprès d’elle le rôle du grand frère protecteur.
Cillant à plusieurs reprises, elle ordonna à ses larmes de tarir. Elle était venue dans l’intention de modifier cet état de choses, non ? Si le plan A - attiser la jalousie de Tracker, avait échoué, alors elle allait devoir en imaginer un autre. Et vite !
Tout en regardant son frère et sa meilleure amie se tourner vers leurs invités dans un tonnerre d’applaudissements, elle fit un pas de côté et, l’espace d’un instant, croisa le regard de Tracker. Entièrement vêtu de noir, cet homme irradiait le mystère, le danger aussi. Ainsi que le sexe torride, primitif, irrésistible. Elle en resta un instant sous le choc.
Moralité : elle était dans le pétrin. C’était une chose que de planifier une opération de séduction, mais c’en était une autre de la mettre à exécution, quand un seul regard vers l’homme de vos désirs suffisait à vous couper les jambes !
C’était bien sa veine, d’être tombée sur un homme qui possédait la séduction à la puissance 3. Primo, il avait un corps superbe, puissant et athlétique. Secundo, il avait une bouche géniale, qu’il valait mieux ne pas regarder trop longtemps. Et tertio, il y avait ses yeux, et la manière qu’ils avaient de la dévisager, comme s’il connaissait tous ses secrets et qu’il attendait juste qu’elle fasse un geste pour pouvoir la contrer.
Ça lui donnait envie de faire quelque chose, un truc auquel il ne s’attendrait jamais.
Là était la clé. Elle prit une grande inspiration.
Bon, quelque chose à quoi il ne s’attendrait pas, à la fois subtil et rusé. Le défi la stimula.
— Hé, vous deux ! les héla Lucas.
Elle sursauta, détacha son regard de Tracker et le reporta sur son frère. Mac et lui avaient déjà commencé à descendre l’allée que formaient les invités.
— Restez près de nous, reprit Lucas dès qu’il eut capté leur attention. On va directement à la piste de danse, comme le jour du mariage.
Oui, décida-t-elle en descendant au côté de Tracker vers l’estrade qui avait été installée pour les danseurs. Une danse, ce serait un bon début. Et peut-être qu’un petit jeu innocent…
Une danse. Et rien d’autre. Juste un geste poli, social, un autre des multiples rituels que Lucas avait décidé de reproduire en l’honneur de sa femme. Voilà ce que se dit Tracker en pilotant Sophie vers la piste de danse. Il s’était écoulé un an depuis qu’il avait tenu la princesse dans ses bras, un an depuis qu’il avait décidé de maintenir ses distances vis-à-vis d’elle. Et il avait eu beau s’y préparer, il ne put empêcher son corps de réagir à l’idée de la serrer contre lui.
Comme s’ils étaient intimes, alors qu’ils ne l’étaient que dans les rêves qui le hantaient chaque nuit depuis un an. Un ou deux d’entre eux revinrent lui titiller la mémoire alors que démarrait la musique. Puis sa main épousa la sienne, paume contre paume, et elle leva l’autre pour la poser sur son épaule. Ils ne se touchèrent qu’à ces endroits précis, mais il imagina ses longs doigts effleurant sa peau, et se sentit prendre feu.
Des fantasmes, c’est tout ce qu’il aurait de Sophie Wainright, se remémora-t-il. Il ne se passait guère un jour sans qu’il se rappelle les raisons pour lesquelles il avait décidé de la fuir.

Primo, elle était la sœur du patron. Et secundo, le boss était également son meilleur ami et la plus proche famille qu’il ait jamais eue.
Une aventure avec Sophie Wainright était hors de question.
Et le reste était impossible. Ils ne venaient pas du même monde, et il n’y avait que dans les contes de fées que les chevaliers servants pouvaient croire en un futur possible avec leur princesse.
Seulement, elle était très près, en ce moment, et chaque fois que la danse faisait entrer leurs corps en contact, le désir qu’il avait d’elle montait inexorablement. Une chose était parfaitement claire : il ne maîtrisait pas plus ses réactions vis-à-vis d’elle qu’il n’avait été capable de s’en éloigner définitivement.
Lucas lui avait demandé de garder un œil sur elle après le kidnapping, et il aurait pu en charger n’importe lequel de ses hommes, mais il n’avait pas réussi à renoncer à sa surveillance personnelle.
Et cela l’inquiétait. Sa faculté à développer un contrôle de fer sur ses émotions faisait partie des rares choses dans sa vie dont il était fier. Fils d’un père violent, il savait qu’il avait hérité certaines de ses propensions. Pour preuve, le travail qu’il avait fait pour le gouvernement. Il ne pouvait permettre à personne de se rapprocher de lui, et surtout pas à Sophie qui, plus qu’aucune autre femme, menaçait son sang-froid.
Même maintenant, il ne paraissait pas capable de résister à l’envie de l’attirer plus près, de se soumettre à la torture qu’était le frôlement constant de son corps contre le sien. Chaque fois qu’elle se déplaçait, il percevait son mouvement, et la douleur augmentait en lui.
Il voulait Sophie. L’avoir si près de lui et ne pas pouvoir exiger davantage le rendait fou.
— Ce n’est tout bonnement pas juste, dit-elle.
Cette déclaration répercutait tant ses pensées qu’il crut un instant qu’elle avait lu en lui.
— Qu’est-ce qui n’est pas juste ? lui demanda-t-il, baissant les yeux vers elle.
Au moment où il plongea dans son regard noisette, il eut un blanc. Tout ce qu’il put voir, tout ce qu’il put absorber, ce fut Sophie. Elle avait le plus joli visage qu’il connaissait. Ovale, divinement dessiné, la peau claire. De si près, il pouvait voir ce qu’il ne voyait jamais dans ses fantasmes : il y avait d’infimes défauts dans cette peau presque translucide. Une pluie de taches de rousseur sur le nez, une minuscule cicatrice sur le menton… Un homme pourrait penser qu’elle était délicate s’il n’avait pas remarqué la ligne volontaire de sa mâchoire.
Son regard s’arrêta à sa bouche. Elle avait les lèvres entrouvertes, humides… et mobiles. Il se secoua en comprenant qu’elle lui parlait.
— D’accord avec moi ?
Un type petit et râblé les bouscula, et pour la première fois, il comprit que d’autres les avaient rejoints sur la piste. Que le rythme de la musique avait changé. Depuis combien de temps fantasmait-il en tenant Sophie dans ses bras ?
— Eh bien, vous ne trouvez pas ? insista-t-elle.
Elle lui souriait. Il plissa les yeux. La princesse ne faisait pas cela souvent, ce qui éveilla sa méfiance.
— D’accord avec vous à quel sujet ?
— Que ce n’est pas juste. Vous savez absolument tout de moi, et je ne connais pratiquement rien de vous.
— Vous savez tout ce que vous avez besoin de savoir.
Elle secoua la tête.
— Je ne connais même pas votre véritable nom. Selon Lucas, le nom de « Tracker » vous est venu à l’armée, parce que vous pouvez pister n’importe quoi ou qui. Je ne sais même pas d’où vous venez. Et si on jouait un peu ?
— A quelle sorte de jeu ? s’enquit-il, méfiant.
— Oh, arrêtez de faire votre ronchon. Je pense au jeu des questions, vingt questions, chacun son tour. Vous m’en posez une, et moi une, et ainsi de suite.
Il l’étudia tout en l’entraînant vers le bord de la piste. Il avait beaucoup appris sur elle, l’année précédente, quand elle l’avait obligé à écumer le pays pour la retrouver. Quant à elle, elle avait incontestablement une idée derrière la tête. Elle avait dans l’œil cet éclat caractéristique, auquel il ne put que réagir.
— Et si je refuse de répondre à une question en particulier ?
— Vous prenez un joker. Mais il est assorti d’un gage, bien évidemment. Disons… un truc simple, pour commencer…, réfléchit-elle à voix haute, avant de lui tapoter la poitrine du doigt. Je sais. Si vous ne répondez pas à une question, le gage sera un baiser. Qu’en dites-vous ? Ça vous tente ?
Non. Il devait dire non. Mais il avait déjà le corps en feu à l’idée de prendre sa bouche, de la goûter juste une fois. Ses mains, elles, s’étaient déjà posées sur sa taille. Ses lèvres n’étaient plus qu’à quelques centimètres des siennes, et…
Non. Il devrait tout arrêter tout de suite, la repousser gentiment et s’en aller. Alors qu’il s’efforçait d’obliger son corps à suivre ses ordres, elle se mit sur la pointe des pieds et rapprocha encore sa bouche.
— Je vais vous faciliter les choses.
Son souffle tiède sur sa peau signa sa perte.
— A vous de commencer. Demandez-moi ce que vous voulez, proposa-t-elle.
Le serpent du Jardin d’Éden n’avait pas dû être moins persuasif… Il était à la torture…
— Je sais, reprit-elle. Vous m’avez suivie partout dans Georgetown, toutes les fois où je suis sortie avec John Landry. Je parie que vous avez des questions à son propos, des choses que vous n’avez pas été capable de découvrir. N’aimeriez-vous pas connaître mes projets, afin de pouvoir en informer Lucas ? N’avez-vous pas envie de savoir si je suis amoureuse de lui ?
— Etes-vous amoureuse de lui ?
Cette question, qui le rongeait mieux que l’acide depuis la première fois qu’elle avait accepté un rendez-vous avec Landry, lui avait échappé avant même qu’il s’en rende compte. Sur le personnage en question, il avait tout vérifié. Fortune ancienne, famille bien sous tous rapports, mère apparentée à un comte : rien à dire. Sophie l’avait rencontré lors d’un de ses voyages d’affaires, car il aimait également les antiquités. Bref, il était l’homme idéal pour elle. C’était du moins ce qu’il avait affirmé à Lucas.
Sophie ébaucha un sourire.
— Je crois que je vais prendre un joker.
— Pardon ?
— Je choisis de ne pas répondre à la question. Vous pouvez réclamer votre gage.
Elle avait maintenant dans le regard un mélange d’amusement et d’insouciance. Et autre chose, également, qui ne fit rien pour atténuer son érection.
— Vous aviez déjà décidé de ne répondre à aucune question, je me trompe ?
— C’est une autre question, et vous n’avez même pas réclamé le gage de la première. A moins que…, supputa-t-elle, le regard narquois, vous ne soyez trop lâche pour le réclamer ?
— Ne jouez pas avec le feu, murmura-t-il, resserrant ses bras autour d’elle et la pressant contre lui.
Il aurait pu jurer que plus il l’attirait à lui, plus elle se détendait. Sur sa gorge, une veine pulsait frénétiquement. Il vit ses yeux noisette s’assombrir.
Sa réaction le stimula à un point incroyable, et il comprit que c’était lui qui jouait avec le feu. Sa bouche n’était qu’à un millimètre de la sienne. La goûter une fois, juste une, suffirait peut-être à apaiser cette terrible faim…
Plus tard, il ne sut jamais lequel des deux avait aboli la distance entre eux, mais soudain leurs bouches s’effleurèrent. Et il crut qu’un séisme venait d’ébranler le sol, avant que tout ne s’efface de son esprit. Il n’y eut plus que ses mains, qui incendiaient sa peau en remontant de sa nuque à ses cheveux, que ses dents qui lui mordillaient la lèvre, que sa langue qui flirtait avec la sienne. Il avait tant rêvé de son goût, mais il était différent, bien plus doux qu’il ne l’aurait cru. Elle avait un parfum de limonade, et il n’arriverait jamais à en boire assez pour étancher sa soif. Eperdu, il inclina différemment la tête et prit passionnément sa bouche. Il y découvrit d’autres saveurs, une palette inépuisable de saveurs différentes.
Il fallait qu’il la touche, aussi. En un geste aussi vif que possessif, il fit courir ses mains de sa taille aux côtés de ses seins. Cela faisait si longtemps qu’il attendait de poser ses mains sur elle, si longtemps… Aussi douce que dans ses fantasmes. Son esprit se mit aux abonnés absents et il n’eut plus qu’une image en tête : ce corps souple sous le sien, lui rendant coup de rein pour coup de rein…
La rage du désespoir, Sophie la perçut dans la rude emprise de ses mains, dans la passion vorace de son baiser, et le plaisir crût en elle par vagues successives. Mais ce ne fut encore pas assez pour elle.
Amant fantasmé, il s’était montré prévenant, attentif, mais il ne l’avait jamais emmenée aussi loin. Le désir qu’il venait de provoquer en elle était intense, sauvage, incandescent. Son cœur battait follement dans sa poitrine. Quant à son esprit… il semblait avoir eu un court-circuit.
Les questions se bousculèrent en elle dans un ordre anarchique. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour le séduire ? Pourquoi avoir choisi de le faire au beau milieu d’une réception, devant tant de gens ? Pourquoi, mais pourquoi ne filaient-ils pas ailleurs…?
Elle se dressa sur l’extrême pointe des pieds, resserra ses bras autour de son cou et se colla plus près de lui, le ventre contre son sexe en érection. Le gémissement qu’il poussa lui communiqua plus encore le désir qu’il avait d’elle par tous les pores de sa peau ; elle s’efforçait de se rapprocher encore quand il lui attrapa les poignets, écarta un bras, puis l’autre, et fit un pas en arrière.
Soudain saisie par une désagréable sensation de froid et d’un intolérable sentiment d’abandon, elle voulut inspirer à fond, mais ses poumons étaient en feu. Et le pire, c’était que Tracker la fixait toujours avec l’air de vouloir la dévorer.
— Pourquoi ? demanda-t-elle en le défiant du regard.
— Bon sang, princesse, regardez autour de vous.
Elle le fit, et la réalité la frappa alors de plein fouet. Elle avait totalement oublié qu’ils se trouvaient au bord de la piste de danse, au milieu de la foule.
Quelqu’un s’éclaircit la voix.
— Euh… je dérange ?

 
 

 

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ÇáÊÓÌíá: Apr 2008
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Chapitres : 3
Il fallut une bonne minute à Tracker pour comprendre la question, et une autre pour recouvrer suffisamment ses esprits et reconnaître le possesseur de la voix : John Landry, le parti idéal pour Sophie Wainright.
Oui, tu déranges. Mais il serra les lèvres et les poings, malgré son envie de balancer le personnage par-dessus le bord de l’estrade. Derrière Landry, il voyait des couples en train de danser, et il reprit pleinement pied.
Cette femme était une sorcière, une magicienne. A peine avait-il goûté, mordu ses lèvres, sa bouche, qu’il avait complètement perdu les pédales au point d’en oublier où il se trouvait. Il l’avait pratiquement prise là, sur la piste. Mais qu’avait-il en tête ?
— Sophie ? Ça va ? s’enquit Landry.
Elle avait l’air aussi secouée qu’il l’était, constata-t-il en la regardant. Et le pire, c’est qu’il fut pris de l’envie irrépressible de tendre les bras, de l’attirer à lui et de la tenir serrée, tout simplement. Et il l’aurait probablement fait si Landry ne lui avait pas pris le bras.
— Sophie, intervint alors Mac en arrivant, et en décochant un sourire d’excuse à John. Désolée de vous interrompre, mais il faut que je vous emprunte ma demoiselle d’honneur un instant. Une petite urgence vestimentaire, cela ne va pas être long.
Sur ce, elle offrit un sourire penaud à John, un autre à Tracker, et entraîna son amie par la main. Lucas, souriant jusqu’aux oreilles, vint rejoindre les deux hommes.
— Mac a un petit problème de garde-robe, expliqua-t-il à Landry. Ensuite, Sophie sera toute à vous.
Il faudra me passer sur le corps, songea Tracker avant même de s’en rendre compte. Seigneur, pourvu qu’il ne l’ait pas dit à voix haute.
— Pas de problème, répondit Landry, je vais aller me chercher un verre.
Tracker ne le lâcha pas du regard tant qu’il n’eut pas disparu de l’estrade.
— Je perçois comme de l’hostilité dans l’air, fit alors remarquer Lucas. Mac et moi sommes ravis de voir que Sophie recommence à sortir un peu. Mais si jamais tu avais découvert quelque chose sur Landry que je devrais savoir…
Manifestement, son ami ne l’avait pas vu embrasser sa sœur, constata Tracker, scrutant son visage. Bien ! Ce baiser avait été une erreur. Il ne la commettrait plus.
— Non. Vérifications faites, rien n’indique qu’il en ait après son argent.
La jalousie, découvrit-il alors, avait un goût amer. C’était Landry qui correspondait le mieux à Sophie, pas lui. Et il était bien plus facile de vivre avec cette certitude avant de l’avoir embrassée. Il repoussa délibérément ce souvenir.
— Mac a une mine radieuse. Quelle est donc cette urgence ?
— Elle a eu un problème de bouton de jupe, répondit Lucas en se penchant vers lui. Le bébé grossit.
Tracker observa de nouveau son ami. Ses yeux brillaient de fierté. Et, soudain, il l’envia.
— Tu as gagné le gros lot, on dirait. Non ?
— Tu l’as dit, répondit Lucas, glissant un bras autour de ses épaules. Viens donc faire un tour dans mon bureau. On va trinquer à tout cela. Et puis… j’ai une petite surprise pour toi. Un vieux copain que ni toi ni moi n’avons vu depuis longtemps.
— Voilà. Je vais peut-être avoir l’air d’être en pyjama, mais je me sens mille fois mieux, déclara Mac, pressant les mains sur son ventre rond tout en s’étudiant dans le miroir.
Elle avait ôté sa tenue de soirée, jupe et tunique, et enfilé un ensemble d’intérieur en soie blanche.
— Tu es superbe, dit Sophie. Et tu n’as pas à t’inquiéter que ton mari aille voir ailleurs sous prétexte que tu es enceinte. Il est complètement gaga de toi.
— C’est mutuel, répondit Mac, s’efforçant de sourire pour dissimuler l’émotion qui lui avait fait venir les larmes aux yeux. Et je n’ai pas peur, non. Il a organisé cette réception et m’emmène, de nouveau, dans l’île où nous avons passé notre lune de miel pour me faire comprendre que même si je ressemble à une montgolfière, rien n’a changé. Il sera toujours près de moi.
Un nœud se forma dans l’estomac de Sophie.
— Personne n’a jamais fait une chose pareille pour moi, poursuivit Mac. Et je te remercie. Si tu ne m’avais pas poussée à mener ma recherche sur ton frère, l’an dernier…
Sophie sortit le mouchoir de Tracker de son sac et le lui tendit.
— Oui, bon, ce n’était pas totalement désintéressé de ma part, avoua-t-elle, ne se souvenant que trop de son humiliation de l’époque, quand son frère et Tracker McGuire lui avaient prouvé que son fiancé d’alors n’en voulait qu’à son argent. Je me suis servie de toi. J’en avais tellement assez de Lucas que je me suis dit que si tu te livrais à tes petits exercices de fantasmes sexuels sur lui, il relâcherait peut-être sa surveillance.
Le pompon, c’était que ça lui avait donné l’immense plaisir de semer Tracker.
— Tu as insisté pour je fasse mes recherches avec Lucas parce que tu refusais que je les fasse avec des inconnus, corrigea Mac. Plus encore, quand j’ai voulu tout arrêter et me sauver en courant, tu m’as insufflé le courage de tenir bon. Tu as été mon modèle, et je te sais gré de cela.
— N’importe quoi ! s’exclama Sophie. Lucas et toi êtes faits l’un pour l’autre.
— Etre faits l’un pour l’autre ne suffit pas, crois-en une experte dans le domaine. Je ne serais pas ici, aujourd’hui, si tu ne m’avais pas persuadée de partir dans cette île à ta place. Lucas ne voulait absolument pas d’une relation. Et en plus, je ne suis même pas son type.
— Mac, je…, tenta de se défendre Sophie, gênée.
— Taratata. Laisse-moi terminer. A mon tour, de te donner un coup de pouce. Je t’ai vue embrasser Tracker, tout à l’heure.

Seigneur… Tout le monde avait dû les voir !
— Je… en fait, je… nous…
Elle ne s’était pas autorisée à y repenser depuis que Mac était venue la chercher. En commençant le jeu, elle ne s’était certes pas attendue à ce qu’il aille aussi loin. Et elle avait tout oublié : le jeu, son plan, tout ce qui n’était pas Tracker.
— Tu as dû te dire…
— Je me suis dit qu’il était grand temps que tu fasses quelque chose en ce qui le concerne.
— Vraiment ? s’exclama Sophie, interloquée.
— A partir du moment où c’est l’homme le plus maître de lui et le plus indépendant que je connaisse, je crois que tu as très bien fait de prendre l’initiative. Mais je meurs d’envie de savoir comment tu l’as poussé à t’embrasser.
Sophie laissa échapper un rire sans joie.
— Me croiras-tu si je te dis que je lui ai proposé un jeu de vingt questions, et que le gage pour une absence de réponse était un baiser ?
— Quelle idée géniale ! s’exclama Mac en sortant un bloc de son sac. Je ne crois pas avoir déjà rencontré cela dans mes recherches. Vingt questions…, marmonna-t-elle, griffonnant furieusement.
— Oui. Et n’oublie pas l’avertissement : c’est un jeu auquel il vaut mieux jouer en privé.
— Il embrasse si bien que cela ? demanda Mac, levant les yeux vers elle.
— Je suis presque certaine qu’il m’a grillé plusieurs neurones, répondit Sophie, acquiesçant. Je ne sentais même plus mes jambes quand tu m’as entraînée à ta suite. Et s’il n’y avait pas mis un terme un peu brutal… eh bien, ta soirée d’anniversaire aurait peut-être été émaillée d’un incident classé X.
Mac éclata de rire, et elle l’imita peu après. Elles durent s’asseoir au bord du lit pour reprendre leur souffle.
— Je ne sais même pas pourquoi je ris, dit Sophie. Tracker aura probablement disparu quand je redescendrai.
— Je ne crois pas, rétorqua son amie. Il y a quelque chose, entre vous. Je le perçois chaque fois que vous êtes ensemble quelque part.
— Ce qui est rare. Il m’évite comme la peste. Et quand il est obligé de rester dans les parages, il me traite comme une petite sœur.
— Pas ce soir. Et il ne te regarde jamais comme un homme regarde sa petite sœur. Il donne plutôt l’impression de vouloir te jeter sur son épaule pour t’emporter dans sa tanière. Et puis il parle de toi, tu sais.
— Ah ?
— Selon lui, tu es l’une des femmes les plus courageuses qu’il connaisse. Et l’une des plus intelligentes.
Sophie savait qu’il allait souvent passer la soirée chez Lucas et Mac, à Georgetown, mais jamais quand elle s’y trouvait.
— J’ai également remarqué la façon dont tu le regardes, ajouta Mac. Après ce baiser, ne compte pas me faire croire qu’il ne t’intéresse pas, ou du moins qu’il ne te fait pas envie.
— Pour tout t’avouer, dit Sophie, après avoir respiré une bonne fois, j’ai caressé l’idée d’avoir une aventure avec lui, mais il est si… intimidant. Je me dis que j’ai un plan… et puis il me regarde, et je ne sais plus où j’habite. Il va me falloir bien plus qu’un jeu de vingt questions avec gages.
Ce fut en souriant de toutes ses dents que Mac se leva et s’en fut vers sa commode.
— J’ai tout à fait ce qu’il te faut. En fait, j’avais prévu quelques petits objets à t’offrir, et aujourd’hui me semble particulièrement indiqué pour le faire. Mais je serai bien plus tranquille en sachant que tu les utilises avec Tracker. Il a un faible pour le jeu, surtout les jeux de hasard.
— Ah oui ? répondit Sophie, curieuse, en lorgnant le petit sac que son amie sortait d’un tiroir.
— J’ai dû faire de la télépathie, reprit Mac en opinant de la tête et en fouillant dans le sac, car je pensais justement à lui en choisissant ces objets. Là, je l’ai !
Elle tendit une pièce à Sophie.
— Un dollar ? s’étonna-t-elle.
— Une pièce à deux faces identiques. Je me suis bien amusée quand je m’en servais avec Lucas. Enfin, jusqu’à ce qu’il pige le truc.
Sophie prit la pièce et l’examina, la tête déjà fourmillante d’idées. Puis elle jeta un coup d’œil à Mac.
— Tu ne cesseras jamais de m’étonner.
— C’est ce que prétend Lucas, s’exclama Mac en sortant une paire de dés géants, en mousse habillée de feutrine.
Il n’y avait pas des chiffres, mais des mots sur chaque face. Le premier dé indiquait les actes : caresser, lécher, embrasser… Le second précisait l’endroit du corps concerné : dos, cou, seins…
— Ils sont très rigolos, affirma Mac.
Sophie retourna les dés rembourrés entre ses mains.
— Ça me paraît être un jeu où tout le monde gagne, fit-elle remarquer. Où les as-tu trouvés ?
— Sur un site Web que m’a indiqué mon amie française, déclara Mac, sortant un autre article du sac.
— Un jeu de cartes ?
— On dirait des cartes à jouer, mais en réalité ce sont des bons.
Sophie en tira un au hasard.
— Cette carte donne le droit de faire l’amour à la demande. Une sorte de « récré-sexe ». C’est le demandeur qui choisit l’heure et le lieu. Tu la donnes à l’autre, et c’est lui qui décide quand et comment réclamer sa récré ! Je choisis toujours des endroits plus risqués que Lucas. Ça le déstabilise.
— Tu es si généreuse avec lui, dit Sophie en souriant.
— Tu le seras également pour Tracker. Il est si solitaire.
Sophie n’avait jamais songé à lui associer une quelconque vulnérabilité.
— Il aura probablement besoin d’un petit encouragement. Comme Lucas en a eu besoin. Et certains de ces jouets ont des résultats surprenants.
Sophie s’empara du dernier objet que lui tendait Mac : un ruban de velours noir. Elle le fit glisser entre ses doigts.
— A quel genre de jeu joue-t-on avec ça ?
— Regarde l’étiquette, elle est très suggestive.
La carte comportait même un schéma de ce que Sophie soupçonna être une position extrêmement inventive du Kama Sutra. L’homme était assis, la femme se trouvait sur ses genoux, le dos tourné vers lui, et le ruban formait une boucle autour de… Sophie tourna la carte. Oui, il était bien enroulé autour du sexe.
— Tu es sûre que ce soit anatomiquement réalisable ?
— Hum, répondit Mac en s’éclaircissant la voix, je ne l’ai pas personnellement essayée. Je crois qu’il doit falloir un grand pouvoir de concentration pour finir par… Il vaut peut-être mieux improviser, je pense.
Sophie regarda tous les jouets sexuels qu’avait disposés Mac sur le lit.
— Je saisis parfaitement le message.
— Tracker est le candidat idéal et sûr pour les essayer.
Sûr. Oui. Malgré son aura de mystère et de danger, elle ne s’était jamais sentie plus en sécurité que lorsqu’il l’avait tenue dans ses bras, ce tout premier jour, dans le bureau de Lucas. Tout de suite après qu’elle eut boxé son frère.
— Vas-y. Lance-toi, Sophie.
— Tracker, j’aimerais te présenter Carter Mitchell, dit Lucas en fermant la porte-fenêtre de son bureau qui donnait sur le patio. Il est l’un des deux hommes qui sont venus en compagnie de Sophie.
Tracker connaissait déjà ce nom, puisque Carter Mitchell était le directeur de la galerie d’art adjacente à la boutique de Sophie, et qu’il avait chargé un de ses hommes de vérifier discrètement les allées et venues du personnage. Mais il y avait, dans la manière de se lever du personnage, un petit quelque chose qui attira son attention. Son visage non plus ne lui était pas inconnu. Il était plus mince à présent, plus dur, mais on sentait encore le côté un peu poupin du jeune homme avec lequel Lucas et lui avaient travaillé lors de leur dernière mission, six ans plus tôt.
— Chance ? dit-il, enregistrant d’un seul coup d’œil le costume de couturier italien, le fin bracelet d’or au poignet et le diamant à l’oreille gauche.
Quand ils travaillaient ensemble, il ne connaissait le personnage que sous le nom de Chance, surnom qu’ils lui avaient donné car il était toujours prêt à tenter sa chance et à prendre des risques.
— Oui, répondit-il, lui tendant la main. Je me suis dit que j’allais devoir lâcher le morceau à l’instant même où j’ai passé cette porte, en compagnie de Sophie. Mon nom est Carter Mitchell, maintenant.
Lucas alla se placer derrière son bureau.
— On dirait que notre vieil ami Chance travaille dans la clandestinité, et qu’il veut s’assurer qu’on ne lui met pas de bâtons dans les roues.
Il y avait, dans sa voix, une dureté qui poussa Tracker à retirer la main que serrait encore Chance.
— Il m’a pris à part pour me demander de ne pas ébruiter sa couverture, poursuivit Lucas avant de faire face à Chance. Maintenant, je veux une version non expurgée et non censurée de ce que tu fais, pour qui tu travailles et de l’implication éventuelle de ma sœur.
— Je travaille pour un consortium de compagnies d’assurances qui veulent récupérer des objets volés sur un site archéologique en Turquie et, principalement, trois pièces de monnaie rarissimes. Elles se trouvaient en Angleterre lorsqu’elles ont été dérobées, et le scandale a été de portée internationale. Différents services, dont Interpol et le F.B.I., sont arrivés à la conclusion que ces objets ont été transportés vers les Etats-Unis, intelligemment dissimulés dans des cargaisons à destination d’emplacements commerciaux sélectionnés. Le magasin de Sophie a été identifié comme justifiant une étroite surveillance.
— Depuis combien de temps est-elle sujette à enquête ? interrogea Lucas.
— Un mois et demi, environ. C’est pour cela que je suis devenu directeur de la galerie à côté de chez elle. Il y a un mois, nous avons eu notre premier gros coup de chance dans cette affaire. Un agent a réussi à approcher suffisamment le chef de l’opération pour arriver à acheter un objet dont nous pensons qu’il a contenu une des pièces. Elle a fait cet achat à Antiquités et était censée l’apporter en mains propres à son chef.
— Etait censée ? l’interrompit Tracker.
— Cinq minutes après son départ de la boutique, elle a été victime d’un accident. Deux types ont surgi de nulle part, un l’a poussée sous les roues d’une voiture qui arrivait, l’autre a pris son paquet, puis les deux ont filé.
— Et tu as attendu un mois pour m’informer que ma sœur court un danger peut-être mortel ?
— Je te jure que je n’ai pas fait le rapprochement entre Sophie et toi jusqu’à mon arrivée, ce soir. Aucun de nous ne portait son vrai nom, quand nous travaillions ensemble. Bon sang, je ne savais même pas que tu avais une sœur !
— Et maintenant, tu as décidé de la draguer ? s’exclama Tracker en se maudissant intérieurement.
Car Chance n’avait jamais dit que la vérité. Et lui-même avait consacré tout son temps, et celui de son équipe, à contrôler les hommes avec lesquels sortait Sophie, même épisodiquement. Si elle était sortie avec Chance, il aurait eu une photo de celui qui lui faisait face beaucoup plus tôt, et cela faisait un mois qu’il aurait su de quoi il retournait.
Ce fut en souriant, cette fois, que Chance leva les mains.
— Eh, je ne suis pas son béguin de la soirée, je suis juste le bon copain homo qui passait dans le coin.
— Tu n’es pas homo, fit observer Tracker.
— Ça fait partie de ma couverture. Dire à une femme qu’on est homo reste le meilleur moyen de se rapprocher d’elle si on ne veut pas l’emmener au lit. Ce qui serait un peu compliqué avec une de vos principales suspectes.

L’espace d’un instant, Tracker garda le silence. Il fallait qu’il se reprenne. La colère ne servirait à rien, la peur non plus.
— Sophie n’a rien à voir dans toute cette histoire.
— Je l’ai éliminée de la liste des suspects dès que j’ai appris à la connaître. Il n’y a pas une once de malhonnêteté en elle. Et elle aime trop sa boutique pour risquer de la perdre en s’impliquant dans une histoire pareille, le rassura Chance, avant de prendre un regard dur. Mais quelqu’un, de ce côté, canalise les objets vers leur destinataire.
— Soupçonneriez-vous son assistant, Noah Danforth ? s’enquit Lucas.
— C’est peut-être lui, ou alors un de ses clients réguliers. Elle leur donne l’impression d’être chez eux, à la boutique. Il suffirait d’un mot lui disant qu’ils recherchent un objet précis, et elle veillerait à le leur trouver. Même chose pour Noah.
— Moralité : tout ce que tu sais vraiment, c’est que quiconque arrive à se rapprocher de la tête finit à la morgue, résuma Lucas avant de se tourner vers Tracker. Je veux qu’elle évite ce magasin tant que l’enquête n’est pas terminée.
— Ça ne suffira peut-être pas à la garder en sécurité, intervint très vite Chance. Celui qui est derrière tout cela est une personne très intelligente. On le surnomme « le Maître des Marionnettes », parce qu’il reste en coulisse et tire les ficelles. On l’a repéré, il y a trois mois, quand il a fait venir la première des pièces par le biais d’un petit magasin dans le Connecticut. Le propriétaire est mort dans l’incendie qui a ravagé sa boutique. Si jamais ce type subodore que Sophie sait quelque chose, elle sera quand même en danger de mort. Le seul moyen d’assurer sa sécurité, c’est de découvrir qui se trouve derrière tout cela.
Le pire, songea Tracker en faisant les cent pas dans le bureau, c’était que Chance n’avait pas tort. A l’entendre, le salaud qui tirait les ficelles ne laissait jamais derrière lui aucun détail permettant de retrouver sa trace.
— Je vais annuler mon voyage, déclara Lucas.
— Non, surtout pas, contra Tracker. Si tu le fais, Sophie comprendra que quelque chose ne va pas. Et Mac aussi.
— Tout devrait être terminé d’ici une semaine, précisa Chance. Sophie attend une livraison demain, et la dernière des trois pièces est censée s’y trouver. Ces pièces ont infiniment plus de valeur ensemble que séparément. Nous sommes persuadés que la première a transité par cette boutique du Connecticut. La deuxième a été récupérée par cette femme qui a été écrasée après avoir quitté la boutique de Sophie. Je me suis déjà proposé pour aider ta sœur à déballer la livraison et arranger les objets dans le magasin. L’artisan de ce trafic va réagir au plus vite. Nous n’aurons plus qu’à suivre l’objet contenant la pièce jusqu’à l’acheteur, et nous aurons notre homme.
Par la porte-fenêtre, le regard de Tracker tomba sur Sophie, qui dansait avec John Landry, et il se maudit intérieurement d’être passé à côté de son amitié croissante pour son voisin Carter Mitchell. Y avait-il aussi un truc qu’il avait manqué dans sa relation à John ?
— Qu’en est-il de ce type, ce Landry ? demanda-t-il. Je sais que Sophie l’a rencontré dernièrement en Angleterre.
— Il est au-dessus de tout soupçon. J’ai vérifié moi-même.
— Je serai là, moi aussi, dit alors Tracker à Lucas. Pour l’aider à déballer sa livraison.
— Comment ? Il ne faut rien faire qui lui mette la puce à l’oreille. Le pire, pour elle, serait qu’elle se mette à avoir un comportement bizarre avec Danforth ou la clientèle, le prévint Chance.
— Je ne ferai rien pour l’alerter, promit Tracker.
Lucas hocha la tête.
— Elle n’est pas facile à berner.
— Je trouverai quelque chose. Elle ne se doutera de rien, précisa Tracker avant de se tourner vers Chance. Pour l’instant, je veux que tu me racontes tout de A à Z, en commençant par la liste des suspects.

 
 

 

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ÅÖÇÝÉ ÑÏ

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