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ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


brulantes promesses (collection audace

de Karen ANDERS Inspirant légèrement, elle perçut son parfum musqué et sentit une volute de chaleur s’épanouir dans son ventre lorsque les mains de Sam se refermèrent

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ÇÝÊÑÇÖí brulantes promesses collection audace ÌÑíÆÉ

 


de Karen ANDERS

Inspirant légèrement, elle perçut son parfum musqué et sentit une
volute de chaleur s’épanouir dans son ventre lorsque les mains de Sam se refermèrent sur ses seins. Elle se cambra contre lui, étirant son dos contre son torse, plaquant ses hanches contre les siennes. - Je veux faire l’amour avec toi dans la paille, Sam… - Ca n’est pas très civilisé, Jenna ! répondit-il d’une voix rauque. - Oui, mais c’est extrêmement excitant… Selon toute logique, Jenna Sinclair et Sam Winchester n’auraient jamais dû se rencontrer : Jenna parcourt la planète pour donner des concerts alors que Sam a ancré sa vie dans le ranch texan de ses ancêtres. Mais, pour tenir la promesse faite à sa grand-mère de récupérer son journal intime oublié au ranch, Jenna se fait inviter chez celui qu’elle imagine être un cow-boy mal dégrossi… Et alors que l’homme sexy et attentionné qui l’accueille et lui fait oublier qu’elle a voué sa vie à la musique, elle délaisse son archet pour des
plaisirs beaucoup plus terriens…

 
 

 


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prologue

Les mains étaient douces et chaudes sur ses épaules nues.
Le souvenir d’une mélodie lointaine traversa son esprit, caressante, langoureuse, tels les doigts qui exploraient à présent tout son corps.
Ivre de volupté, elle renversa la tête et contempla le visage tout près du sien. Des yeux bleu vif, une mâchoire carrée et des lèvres sensuelles, c’était ce qui avait retenu son attention lors de leur première rencontre.
Elle frémit lorsqu’elle sentit la bouche avide se poser sur ses lèvres ardentes. Le refrain résonnait toujours dans sa tête, envoûtant, ajoutant une touche de magie à cet instant merveilleux. Dans les bras de cet homme, la musique elle-même prenait vie.
Sa robe de lamé glissa sur ses hanches et tomba à ses pieds. Elle l’abandonna sur le sol avec légèreté, sans retenue, avec la même détermination qu’au moment où elle avait quitté l’opéra : Susanna Chandler n’était pas du genre à s’embarrasser d’hésitations.
A son tour, elle posa ses mains sur le torse musclé. Les bras de l’homme l’enlacèrent. Il la tenait serrée tout contre lui, comme un trésor précieux.
Alors, elle sut qu’elle avait enfin trouvé l’amour, la passion qu’elle avait si longtemps cherchée.
Elle chuchota son nom.
Soudain, le visage de son amant s’effaça, sembla s’évanouir dans l’espace, tandis que son étreinte se des-serrait. Elle lutta pour ne pas se réveiller. Non… il était là pourtant…. Pourquoi semblait‑il désormais si loin ?
— Grand-mère, c’est moi.
— Jenna ?
La vieille femme ouvrit les yeux et vit sa petite-fille penchée sur elle. De longs cheveux noirs, ondulés, lui caressaient la joue. Jenna avait les traits si fins que son visage semblait l’œuvre d’un sculpteur de génie. Ses yeux bruns, parfaitement dessinés en amandes, étaient soulignés d’un trait d’eye-liner sombre, et mis en valeur par une délicate ombre à paupières rose pastel, assortie à son fard à joues.
— Tu rêvais encore de grand-père ?
Jenna s’assit au bord du lit et Susanna respira le parfum exotique qu’elle aimait tant. Elle était fière de la jeune femme qu’était devenue sa petite-fille. Se redressant vivement, elle lui tendit la joue et lui ouvrit les bras.
— C’est toujours le même rêve… murmura-t‑elle, songeuse.
Jenna remit les couvertures en place, prit une chaise et s’assit à côté d’elle. Elle caressa un instant la main de sa grand-mère, puis se tourna vers la table de nuit, et y prit un verre qu’elle remplit d’eau fraîche avant d’y faire tomber une paille.
— Il te manque, n’est-ce pas ?
— Oui, à un point que tu ne peux imaginer. Pour moi, il était le seul homme au monde.
La vieille dame se tut un instant et avala une gorgée d’eau.
— Moi aussi, il me manque, dit Jenna tout en lui versant un second verre.
Susanna lui fit signe de le reposer sur la table de nuit. Elle tendit sa main frêle au-dessus du drap et étreignit celle de sa petite-fille. De l’autre main, elle caressait un carnet de cuir rouge rubis… ainsi qu’un objet infiniment plus précieux.
Du temps de sa jeunesse, elle avait voulu expérimenter tous les plaisirs de la vie. Contrairement à elle, sa petite-fille s’était réfugiée dans la musique, n’attendant de la vie nulle autre passion, convaincue que l’exercice de son art parviendrait seul à la combler. Le cœur de Susanna se brisait à l’idée que sa propre fille était responsable de ce désastre.
Jenna était devenue une violoniste virtuose, au sommet de sa renommée. Il était inutile de se demander comment elle avait acquis de telles compétences ; la jeune femme se consacrait corps et âme à l’étude de son instrument… lequel, selon l’avis de Susanna, ne pouvait lui apporter le bonheur auquel rêve une femme. Rien ne pouvait remplacer la chaleur d’un homme, ni la passion, ni le désir.
Mais Jenna ignorait tout de la passion. Elle ne l’avait pas encore vécue.
Susanna étudia la tenue de sa petite-fille ; aujourd’hui elle portait un tailleur-pantalon gris et un chemisier de soie rose. Une tenue très sophistiquée. Oui, elle avait bien l’allure de l’interprète de renom qu’elle était. Pourtant, sous cette façade, Susanna savait que se cachait un cœur tendre, qui ne demandait qu’à vibrer.
Avant même que Jenna ne soit entrée dans sa chambre, Susanna avait déjà décidé de lui offrir l’occasion de connaître l’amour. La lassitude, la fatigue la faisaient déjà flancher, et elle savait qu’elle n’avait plus suffisamment de temps ni d’énergie pour tout révéler à sa petite-fille de vive voix.
— Il y a quelque chose que je dois te dire…
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Jenna, soudain in-quiète.
— Le temps passe vite, et il ne m’en reste plus beau-coup…
— Ne dis pas cela, grand-mère…
La douleur et la tristesse que Susanna entendit dans la voix de sa petite-fille lui étreignirent le cœur. Sa vie se terminait… elle ne quitterait jamais cet hôpital, mais pour Jenna, il était encore temps…
— Tu t’en rends compte, n’est-ce pas ?
Elle prit le carnet sur le lit et le serra contre elle.
— A présent, écoute. Ceci est la seconde partie de mon journal intime. Le premier carnet se trouve dans mon bureau.
— Ton bureau… quel bureau, grand-mère ?
— Jenna, il faut que tu retrouves ce carnet et tu garderas les deux précieusement. Tu sais, j’ai mené une vie un peu débridée à une époque. J’ai assisté à de nombreuses soirées, j’ai connu beaucoup d’hommes… mon nom a même été mêlé à certains scandales… Aujourd’hui encore, ces carnets pourraient faire du mal.
— A qui, grand-mère
— Il y a aussi des bijoux. Des bijoux un peu particuliers…
Elle attrapa la main de Jenna.
— Mets tout cela en sécurité. Ces hommes ont des familles à présent, des carrières importantes. Je t’en prie… mon journal… les bijoux….
Susanna ferma les yeux, sentant ses forces la quitter. Une dernière fois, elle serra la main de sa petite-fille.
— Promets-moi !
— Je te le promets.
— Viens plus près, ma chérie.
Le visage de Jenna sembla flotter devant elle. Lorsqu’elle la sentit toute proche, elle serra dans le creux de sa main un délicat médaillon en or monté sur une chaîne fine et brillante.
— Prends bien soin de ce bijou…
— Grand-mère…
— Trouve les carnets. Garde-les avec toi. Et lis-les.
Jenna lui parlait ; oui, elle entendait encore ses paroles, mais elle sentait une main chaude caresser son visage, et l’entraîner ailleurs, déjà… Lorsque Susanna tourna la tête, son cher époux se trouvait à côté d’elle. Poussant un profond soupir, elle se laissa partir, confiante. Alors qu’elle s’éloignait peu à peu du monde matériel, sa dernière pensée fut pour Jenna. La jeune femme devrait apprendre par elle-même que la musique n’était pas tout dans la vie.
Susanna, elle, n’avait eu aucun mal à choisir entre son mari et sa carrière de diva. L’homme qu’elle aimait comptait plus que tout au monde, plus que sa vie même. Mais les siens ne l’avaient guère imitée : sa propre fille avait choisi la musique et en avait payé le prix. Son cœur en avait été brisé à jamais. Il ne fallait pas qu’il en soit ainsi pour Jenna. C’est pourquoi il fallait absolument que celle-ci lise ses carnets.
Fermant les yeux, la main de son époux chaudement serrée dans la sienne, Susanna se laissa emporter par les vagues de bonheur qui la conduisaient jusqu’au bout du chemin…

 
 

 

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ÞÏíã 06-10-08, 05:43 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 3
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chapitre 2

— Jenna ! Il faut que je te parle ! Ouvre cette porte ! Jenna !
L’injonction était accompagnée de coups virulents. Cette rafale fit vibrer la porte et tira Jenna de ses pensées. Elle connaissait cette voix. C’était celle de son agent et amie, Sarah Mc Allister.
En maugréant, Jenna se leva, marcha jusqu’à la porte, la déverrouilla sans se hâter et ouvrit à Sarah qui pénétra dans la pièce comme une tornade et se mit à se contorsionner frénétiquement pour retirer son manteau.
— Je prends deux semaines de congé, et lorsque je reviens, ma secrétaire m’informe que tu annules une tournée que j’ai mis des mois à organiser, tout ça pour te rendre à une obscure vente de charité dans une petite ville perdue du Texas. As-tu perdu la tête ? Ma réputation est ruinée, je suis finie !
Calmement, Jenna prit le manteau de Sarah et l’accrocha dans le vestibule.
— Sarah, reprends ton souffle, je n’annule pas la tournée. Ta secrétaire a mal compris. J’ai juste besoin de me reposer quelque temps.
— Combien de temps ?
La nuque tendue, Sarah s’approcha d’elle et lut soudain l’anxiété dans le regard de Jenna. Sa voix se radoucit.
— Que s’est‑il passé ?
— Ma grand-mère est décédée.
— Oh mon Dieu ! Et toi tu me laisses entrer ici et hurler comme une folle. Je suis désolée, Jenna. Je me sens tellement ridicule. Je te présente toutes mes condoléances.
Sarah lui prit la main.
C’était difficile, de savoir que la femme qui avait toujours été là depuis son enfance ne l’était plus. Sa grand-mère avait été la seule mère qu’elle eût jamais connue. Juste après sa naissance, sa véritable mère, celle qui lui avait donné le jour, avait préféré se retrouver sous les feux de la rampe et courir les plus grands opéras des cinq continents plutôt que de s’occuper d’elle. Quant à son père, il s’inquiétait bien trop à l’époque de son épouse pour porter la moindre attention à sa fille et avait consacré le plus clair de son temps aux tournées de sa diva. Ainsi ses deux parents s’étaient‑ils éloignés d’elle, tandis que sa grand-mère prenait de plus en plus de place dans sa vie, et de responsabilités dans son éducation.
Jenna s’assit sur le canapé beige du petit salon de sa grand-mère et invita Sarah à la rejoindre. L’embarras les gagnait, aussi Jenna brisa-t‑elle le silence.
— Lorsque j’étais plus jeune, je restais assise là pendant des heures à boire du thé, tandis que ma grand-mère crochetait de petits napperons en dentelle. Je me souviens encore du parfum des biscuits à la cannelle dont nous étions si friandes, toutes les deux.
Ces souvenirs vivaces lui étreignirent la poitrine. In-capable de demeurer assise plus longtemps, elle se leva, se dirigea vers le piano et fit courir ses longs doigts fins sur le couvercle de laque noire qui protégeait le clavier d’ivoire. Sur ce piano trônait l’un des napperons les plus sophistiqués de sa grand-mère, ainsi que de nombreux cadres dorés contenant autant de souvenirs. C’était un véritable panorama de la vie de son aïeule qui s’étalait, là, sous ses yeux.
— Je me souviens qu’elle faisait ses vocalises chaque jour, montant et descendant les gammes de sa voix céleste. Quelle voix elle avait ! Il n’est guère étonnant qu’elle ait remporté tant de succès.
Sarah se leva et vint la rejoindre près du piano. Elle posa une main chaleureuse sur les épaules de Jenna, qui sembla un instant rassérénée.
— Après toi, Jenna, ta grand-mère était la femme la plus incroyable qu’il m’ait été donné de connaître. Ta tristesse est bien compréhensible. Mais que ressens-tu exactement ? Pourquoi te dérobes-tu de la sorte, pourquoi t’enfermes-tu à clé ?
Nerveuse, Jenna se détourna et s’approcha de la fenêtre. Elle regarda fixement l’énorme chêne du jardin. Les rayons du soleil couchant se réfléchissaient sur son feuillage.
— La situation est assez compliquée, dit‑elle.
— Donc, si je comprends bien, ce petit voyage au Texas a davantage à voir avec cette « situation compliquée », qu’avec la vente de charité pour l’hôpital à laquelle tu entends participer ?
Jenna hocha la tête.
— Après les funérailles, il m’était impossible de revenir ici, c’était trop dur. Voir la maison sans elle… devoir trier ses affaires…
— Je comprends, Jenna. Mais pourquoi avoir fait changer les serrures ? insista Sarah.
— Lorsque j’ai finalement trouvé le courage de revenir ici, environ une semaine après les obsèques, mon oncle Paul se trouvait ici…
Des larmes lui gonflaient les yeux.
— Il était en train de tout vider. C’est ma mère qui lui avait donné les clés pour entrer. A peine ma grand-mère était‑elle sous terre qu’il la dépossédait de tous les biens que contenait la maison.
— C’est horrible. J’imagine à quel point cela a pu être difficile pour toi, d’assister à cela. Quel homme détestable ! Pourtant, ta mère… j’avais une meilleure opinion d’elle. Qu’a fait ton oncle des meubles et des effets de Susanna ?
— Il les a vendus.
— Et… qu’est-ce que le fait de vendre les affaires de ta grand-mère a à voir avec cette fameuse « situation compliquée » dont tu me parlais à l’instant ?
Laissant aller sa tête contre le mur, Jenna regarda de nouveau le grand chêne auréolé des couleurs du soir.
— Avant de mourir, grand-mère m’a appris que… enfin, qu’elle avait eu une jeunesse plutôt… disons agitée. Durant cette période, elle a tenu un journal intime dans lequel elle consignait en détail ses expériences. Elle m’a donné l’un de ses deux carnets secrets. L’autre est dans son bureau.
— Eh ben dis donc… ta grand-mère…
Jenna sourit.
— Pour être franche, j’étais un peu choquée, moi aussi. J’ai essayé d’obtenir quelques explications de sa part, mais elle était mourante et assez incohérente. Tout ce que je sais, c’est que son autre carnet se trouve là où elle l’avait rangé : dans son bureau.
Elle soupira et poursuivit.
— Le problème, c’est qu’elle avait au moins trois bureaux différents dans son grenier, sans compter le reste du mobilier. Mon oncle a tout envoyé dans une salle des ventes… et tout a été vendu.
Sarah la dévisagea, choquée.
— Oh, non ! Et son journal ?
Jenna s’approcha de la fenêtre.
— J’ai appelé Steven Miller, notre avocat, qui a lui-même téléphoné à l’acheteur du premier bureau. Cet homme a été très courtois et m’a autorisée à lui racheter le meuble en augmentant le prix de seulement dix pour cent. Bien sûr j’ai accepté tout de suite, et dès que le bureau est arrivé, je l’ai fouillé de fond en comble. Mais je n’y ai trouvé aucun journal intime.
Sarah avait l’air perplexe.
— M. Miller a donc appelé le second acheteur, je suppose ?
Jenna s’assit.
— Oui. C’était un juge et il a refusé que je lui rachète le meuble.
Jenna devina le malaise de Sarah. Elle comprenait parfaitement son désarroi. Car Sarah n’était pas seulement son agent, elle était aussi son amie, et Jenna savait que tout ce qui la touchait elle, l’affectait également. Et Sarah avait conscience de la publicité malvenue que ce journal pourrait apporter, s’il apparaissait au grand jour. Jenna, en revanche, ne s’inquiétait pas de sa réputation.
— M. Miller n’a-t‑il pas informé ce juge que le bureau recelait des carnets qui appartenaient à ta grand-mère ?
— Si, et cela a été pire que tout.
— Le juge a prétendu que tout ce que contenait le bureau lui appartenait désormais ? présuma Sarah.
Jenna hocha la tête.
— Le journal se trouvait‑il dans le meuble ?
— Non.
Sarah sembla se détendre.
— Cet acheteur a autorisé M. Miller à être présent lorsqu’il chercherait le carnet, surtout après que notre avocat lui eut dit que le bureau, même s’il avait été acquis de façon légitime par lui, avait été mis en vente de façon illégitime par mon oncle.
— Ce qui nous amène donc au troisième et dernier bureau. Il est au Texas, si j’ai bien suivi l’histoire ?
— C’est un certain Sam Winchester qui l’a acheté. Il vit à Savannah, au Texas.
Sarah ferma les yeux un court instant, mais Jenna n’aurait su dire si c’était de soulagement ou de crainte.
— Alors voilà pourquoi tu te rends là-bas. Tu comptes trouver le meuble toi-même, c’est ça ?
— Il faut que je le fasse, Sarah. Je ne peux pas prendre le risque que ce M. Winchester refuse, comme le juge, de me vendre le meuble, pour prétendre que tout objet qu’il pourrait y trouver lui appartient. J’ai appris qu’il a besoin d’argent pour moderniser l’hôpital de Savannah. Un concert de charité serait une excellente occasion pour lui d’obtenir cet argent… et aussi pour moi de pénétrer dans sa maison.
Dehors, le soleil se couchait lentement et sa lumière pâlissait. Sarah planta son regard dans celui de Jenna, qui perçut aussitôt les dizaines d’objections que son amie allait lui opposer. Sarah était payée — et bien payée — pour anticiper et réduire à néant tout ce qui était susceptible de causer du tort à ses clients.
Mais malgré la sagesse de son amie, rien n’importait davantage à Jenna que la promesse qu’elle avait faite à sa grand-mère.
— Tu crois que certaines personnes pourraient s’intéresser aux libres confessions d’une jeune fille ? demanda Sarah.
— Il ne s’agit pas de n’importe quelle jeune fille, Sarah, ne l’oublie pas. Ma grand-mère a été une diva, elle a chanté les opéras les plus célèbres et a eu des liaisons avec des hommes qui sont aujourd’hui des citoyens très influents. Très importants. Elle m’a demandé de les protéger, eux et leurs familles. Si ses écrits tombaient dans des mains mal intentionnées, ils pourraient porter de graves préjudices.
Devait‑elle lui dire la vérité ? Toute la vérité ? Peut-être Sarah comprendrait‑elle mieux pourquoi il était impératif qu’elle se rende au Texas.
— Il y a aussi des bijoux anciens et… un peu particuliers cachés dans ce bureau.
Sarah ouvrit la bouche et soupira. Avant même que son amie lui répondît, Jenna savait qu’elle s’était déjà résignée à la laisser partir.
— Eh bien ! L’histoire est de plus en plus croustillante ! De quel type de bijoux s’agit‑il?
— D’anneaux, incrustés de pierres précieuses, et qui s’accrochent à la pointe des seins. Il y avait aussi une chaîne de taille, et un collier de jade, décoré de façon très spéciale.
— De signes phalliques ?
— Exactement.
— Mazette ! Mais… comment as-tu entendu parler de cette vente de charité, et comment comptes-tu entrer dans la maison ?
Voilà ce qu’elle aimait en Sarah. La façon qu’elle avait d’accompagner quelqu’un, et de le soutenir jusqu’au bout.
— J’ai engagé un détective. Il m’a servi de couverture et je lui ai tout dit. Il a trouvé un article sur la rénovation de l’hôpital, paru dans l’Entrepreneur magazine ; il y avait même une interview de M. Winchester.
— Une couverture, dis-tu ? Comme pour les espions ?
— Mais je ne l’espionne pas vraiment ! Tout ce que je veux, c’est récupérer le journal de grand-mère et ses bijoux.
— Allons bon, quelle histoire as-tu inventée ?
— En fait… Je voudrais que tu contactes ce fameux Sam de ma part, que tu lui expliques que je suis prête à offrir deux concerts et quelques heures de cours au collège de sa ville, et qu’en échange, j’aimerais faire l’expérience de la vie dans un ranch
— Hum. Comment pourrait‑il refuser, alors que tu proposes tout cela gratuitement ?
— C’est exactement là-dessus que je compte. De plus, il est le président de la collecte de fonds pour l’hôpital. Qui d’autre serait mieux désigné pour me recevoir ? Ce ne sera que l’affaire de deux petites semaines.
— Bien vu. De quelle taille est cette ville ?
— Moyenne. Mais elle est proche de Houston et de Galveston.
Jenna vit l’étincelle briller dans les yeux de Sarah.
— Ça me va. Au moins pourrai-je t’obtenir un peu de publicité de tout cet… événement.
— Alors, tu le feras ? Tu m’aideras ?
— Et toi, tu termineras ta tournée ?
Jenna sentit des frissons d’excitation lui parcourir l’échine.
— Tu peux me faire confiance, Sarah. T’ai-je déjà laissée tomber ?
8 octobre 1957
Cela fait déjà six mois que j’ai entamé ma re-cherche d’éveil au plaisir sexuel, mais je ne suis toujours pas parvenue à mes fins. J’ai eu quelques expériences intéressantes, qui ont satisfait mes besoins physiques, mais ce n’est pas assez. C’est même quelque peu décevant, sans que je sache exactement pourquoi. J’ai obtenu ce que je voulais, ce que j’avais prévu, mais cela ne m’a pas apporté le plaisir que j’en attendais. Peut-être n’ai-je pas encore rencontré l’homme qui saura me satisfaire. Il faut absolument que je trouve celui qui comblera tous mes sens. Il me suffit de garder les yeux ouverts.
Jenna referma le carnet et regarda par le hublot du 747, qui volait au milieu des nuages. Elle avait toujours cru que sa grand-mère avait aimé son grand-père de tout son cœur. A présent, après avoir lu cet extrait du journal, elle se demandait pourquoi sa grand-mère avait tant tenu à ce qu’elle en prît connaissance. Elle préférait nettement l’histoire d’amour candide qu’elle avait toujours entendue, et n’avait aucune envie d’apprendre quoi que ce soit sur les autres hommes que sa grand-mère avait pu fréquenter.
Au-dessus de sa tête, le signal indiquant qu’elle devait attacher sa ceinture de sécurité clignota. Le pilote annonça qu’ils approchaient de l’aéroport de Houston ; il était 1 heure de l’après-midi et en cette belle journée d’avril, la température était clémente.
Elle se pencha et attrapa l’étui à violon posé à ses pieds. A l’intérieur se trouvait un magnifique Stradivarius, cadeau de ses grands-parents pour son entrée à l’université.
Les souvenirs affluèrent. Elle se rappela comment elle avait quitté Rosewood, dans le Connecticut, pour se rendre à New York faire ses études. C’était pourtant bien la grande maison de style victorien de ses grands-parents qu’elle considérait comme son foyer. Le superbe appartement que sa grand-mère avait acheté pour elle à New York, afin qu’elle se sente à l’aise, et ne soit pas obligée de faire d’incessants allers-retours durant ses quatre années d’étude, ne représentait pas grand-chose pour elle.
Sa vie à l’université avait été à la fois une chance et un cauchemar. La notoriété de sa mère et de sa grand-mère lui avait nui : on la regardait comme un objet de curiosité et elle se sentait souvent seule. Son unique réconfort était dans la musique, et elle s’y était réfugiée, travaillant sans relâche, devenant un véritable prodige et se refermant sur elle-même davantage chaque jour.
Pourtant, elle n’avait nullement recherché cette con-sécration qui lui valait la crainte et l’admiration de ses coreligionnaires et de certains professeurs, même. Jenna aurait voulu être traitée comme les autres. Son talent devenait aussi un fardeau. La vie lui donnait une nouvelle leçon ; elle l’acceptait et en faisait les frais.
Douée dans nombre de registres, elle s’était également essayée au chant et avait une nouvelle fois suscité la jalousie des autres étudiants qui s’étaient mis à l’éviter ou à l’ignorer complètement. La musique, elle, demeurait un refuge rassurant et chaleureux où elle se sentait à l’abri. Elle était devenue comme une amie, et Jenna vivait en parfaite osmose avec elle.
Même sa grand-mère n’avait pas compris ses aspirations les plus profondes. La vieille dame n’avait pas caché sa déception lorsque Jenna avait choisi de développer son talent de violoniste, au lieu d’exalter sa voix exceptionnelle. Pour dire le vrai, Jenna ne souhaitait guère entamer une carrière qui la mettrait en compétition avec sa propre mère.
Caressant l’instrument dans son étui, elle fit délicatement courir ses doigts sur les cordes. Le simple fait de se rappeler le son si pur qu’elles produisaient la fit sourire.
Elle referma l’étui, le posa avec soin à côté d’elle, puis, attrapant son porte-documents, y rangea le journal de sa grand-mère.
Nerveuse à l’idée de ce qui l’attendait, elle s’agrippa au siège devant elle lorsque l’avion se posa sur la piste.
En se dirigeant vers la porte, elle se jura de ne pas quitter Savannah sans avoir récupéré ce qu’elle était venue y chercher.
Fidèle à sa promesse, Sarah avait envoyé une photo d’elle à Sam Winchester, afin qu’il puisse la reconnaître à l’aéroport.
Pour sa part, en revanche, elle n’avait aucune idée de ce à quoi il ressemblait ; mais peu importait. C’était probablement un policier à la retraite, avec un ventre proéminent et des cheveux grisonnants, qui ne manquerait pas de lui raconter les exploits de sa carrière. Il suffirait de l’écouter avec complaisance et elle réussirait bien à se le mettre dans la poche.
Son regard fut soudain attiré par un homme dans la foule. Sa première pensée fut qu’il était extrêmement séduisant. Il se tenait appuyé nonchalamment contre un mur, attendant visiblement quelqu’un, certainement une petite amie… il tenait un superbe bouquet de roses à la main. Son Stetson de feutre noir lui cachait une bonne partie du visage et révélait sa mâchoire, que l’on devinait ferme ; il avait les yeux baissés sur un petit morceau de papier qu’il serrait dans sa main droite.
Une grande veste en daim frangé recouvrait sa chemise noire, de style western. Ses épaules et son torse semblaient plutôt musclés, de même que ses cuisses, moulées dans un jean noir.
Eh bien ! La jeune femme qu’il attendait avait de la chance ! Un court instant, Jenna eut envie, elle aussi, qu’un homme aussi élégant et sexy l’attende à l’aéroport lorsqu’elle serait de retour chez elle.
Les haut-parleurs du hall annoncèrent de nouveau l’arrivée de l’avion et l’homme sursauta, comme si la contemplation de son morceau de papier l’avait empêché d’entendre le premier avis d’atterrissage.
Lorsqu’elle découvrit enfin son visage, Jenna en eut presque le souffle coupé : il était d’une beauté ravageuse. Elle observa au passage que d’autres femmes l’avaient remarqué, elles aussi, et se retournaient sur lui. Des mèches de cheveux brun foncé s’étaient échappées de son chapeau et balayaient son front.
Jenna frémit : leurs regards se croisèrent et elle découvrit ses yeux, d’un bleu profond et dont l’intensité était soulignée par une peau bronzée et le noir du chapeau. Il eut un air de défiance qui la fit se raidir, mais la seconde d’après, il lui souriait et quittait sa posture figée.
Son sourire la troubla. Il recelait, à son avis, à la fois le péché et le danger.
L’inconnu se dirigea vers elle, d’une démarche assurée, une pointe d’effronterie dans le regard. Jenna était comme pétrifiée. Mais elle ne pouvait s’empêcher de se demander vers quelle petite veinarde ce cow-boy dirigeait son pas viril. Il lui fallut un instant pour se ressaisir lorsqu’il s’arrêta devant elle, et faire un pas de côté pour le laisser passer. Mais au même moment, elle vit la photo qu’il tenait dans la main. Sa photo.
Il lui tendit les fleurs.
— Bienvenue au Texas, mademoiselle Sinclair. Nous sommes honorés de votre visite, et apprécions le soutien que vous nous apportez pour notre collecte de fonds.
Sa voix était grave et chaude. Bien trop belle pour être vraie, songea-t‑elle. Durant un bref instant, elle ne sut que répondre et se *******a d’accepter les fleurs qu’il lui tendait, jonglant avec son porte-documents et l’étui de son violon afin de tenir le tout. Son cœur battait avec frénésie. Le bel inconnu devait être un employé que Sam Winchester avait chargé de venir l’accueillir, lui-même étant peut-être trop occupé, ou malade.
— M. Winchester n’a pas pu venir ?
— Je suis Sam Winchester. Mais puisque nous allons vivre ensemble quelque temps, je vous en prie, appelez-moi Sam.
Il lui tendit la main pour la saluer et elle fut obligée de faire passer le bouquet dans son autre main, déjà bien encombrée. Elle sentit des étincelles d’électricité la parcourir lorsque leurs mains se joignirent.
— Vous êtes Sam Winchester ? insista-t‑elle, visiblement très étonnée.
Il retira son Stetson et la regarda droit dans les yeux.
— Bien sûr que c’est moi. Qui attendiez-vous donc ?
Elle regarda ses cheveux sombres comme une nuit sans lune, assez courts sur le dessus de la tête, mais plus longs dans le cou et tombant en boucles sur le col de sa veste.
— Vous, rétorqua-t‑elle avec gêne, mais vous êtes très différent de ce que j’imaginais.
— Vous pensiez rencontrer un cow-boy avec de la paille dans les cheveux ?
— Euh, non, plutôt un shérif vieillissant avec une grosse bedaine.
Il rit, et de nouveau elle put contempler ce sourire… si dangereux.
— Désolé de vous décevoir, m’dame.
— Qui a dit que je l’étais ?
Incroyable. Etait-ce bien elle qui venait de répondre sur ce ton libre et badin ? Elle n’avait pas pu empêcher les mots de franchir ses lèvres ! Sam sourit de nouveau, et pencha la tête de côté, l’air légèrement intrigué. Etaient‑ils déjà en train de flirter ?
Il remit son chapeau sur sa tête.
— Bon, nous ferions peut-être mieux d’aller chercher vos bagages.
Il se pencha pour prendre son attaché-case et l’étui à violon, et Jenna sursauta lorsque leurs mains s’effleurèrent.
— Excusez-moi, dit‑il.
— Non, je vous en prie, il n’y a pas de mal. Tenez, prenez mon porte-documents, mais je suis très maniaque en ce qui concerne mon instrument… Je ne le confie jamais à personne. Je crois que je porterai également les fleurs, dit‑elle en lui décochant son plus beau sourire, essayant d’effacer la légère tension qui venait de s’esquisser.
— Désolé, j’aurais dû me rendre compte que les musiciens et leurs instruments sont aussi inséparables que les cow-boys et leurs chevaux, dit‑il avec humour, faisant disparaître sa gêne sur-le-champ.
Comme il était séduisant, avec ses manières policées et sa voix grave ! Ils se dirigèrent vers la zone d’arrivée des bagages, et attendirent côte à côte ceux de Jenna. Il attrapa ses deux gros sacs, sans manifester le moindre effort, et se dirigea vers la sortie.
— Alors, dites-moi, pourrez-vous m’expliquer pourquoi vous avez tant souhaité venir jusqu’ici, dans notre bon vieux Texas, et donner un concert gratuitement ?
Heureusement, elle avait préparé sa réponse à cette question.
— J’ai voyagé dans le monde entier, j’ai découvert des endroits merveilleux, et tout ce que les plus grandes villes ont à offrir. Aussi, lorsque mon agent m’a parlé de cet article dans le magazine, et de vos efforts pour réunir de l’argent et pouvoir moderniser l’hôpital, je n’ai pas pu résister. Je me suis dit qu’il était temps pour moi de découvrir des villes de moyenne importance. Et puis, votre cause me semble juste.
Il hocha la tête et ils quittèrent le hall de l’aéroport. Sam avait garé sa voiture dans le parking en sous-sol. Après quelques instants d’errance entre les différentes allées, Sam s’arrêta devant un 4x4 noir aux chromes étincelants. Il posa les sacs à terre et introduisit une clé dans la portière du passager.
— Et comment avez-vous su que j’étais policier ?
Mince, ça, ça n’était pas dans l’article. Elle réfléchit à toute vitesse.
— Je crois que c’est une personne du lycée, qui me l’a dit.
— Je vois.
Il lui ouvrit la portière, puis plaça ses sacs et son attaché-case sur le siège arrière.
— Et vous, pourquoi avez-vous mis un terme à votre carrière ?
Elle posa son étui à violon sur le sol, derrière son siège, puis déposa le bouquet sur ses bagages. Puis elle regarda le 4x4. Le marchepied était surélevé, et elle devrait lever haut la jambe pour se hisser dans le véhicule. Cela n’aurait pas été un problème si elle avait porté un pantalon, mais sa petite jupe noire n’était pas vraiment l’idéal pour ce genre d’exercice.
— En fait… mon père est tombé gravement malade, et j’ai donné ma démission pour l’aider au ranch. Il est décédé l’an dernier, dit Sam en la regardant.
— Mais au départ… pourquoi avoir quitté le ranch ? demanda-t‑elle, sans se laisser démonter par le regard sceptique que lui opposait Sam, devant les efforts qu’elle déployait pour grimper dans le 4x4.
Elle leva une jambe, et sa jupe révéla immédiatement la peau de sa cuisse nue. Aussitôt, elle reposa le pied à terre. Elle s’essaya à diverses contorsions, mais ne parvint pas à grimper suffisamment haut pour se glisser sur le siège.
Sam semblait s’amuser de ses efforts désespérés. Il devait pourtant bien y avoir un moyen de grimper dans ce satané 4x4 !
— Lorsque j’avais 18 ans, reprit‑il, mon père et moi ne partagions pas les mêmes idées. Aussi ai-je rejoint la patrouille de police juste après ma sortie du lycée.
— Je croyais que vous étiez dans l’équipe des gardes forestiers ? dit‑elle en prenant son élan pour une nouvelle tentative.
— Tous les Rangers sont choisis parmi les troupes de police. Donc, après avoir effectué mes huit années ré-glementaires au sein d’une équipe, j’ai postulé comme Ranger. J’ai été accepté, et ai exercé durant deux ans avant de rejoindre mon père au ranch.
Un court instant, elle resta là, dans la chaleur texane, à se demander comment diable elle allait bien pouvoir grimper dans cet engin, lorsque soudain, elle se retrouva dans ses bras… et sentit de nouveau des étincelles d’électricité lui parcourir le corps, au contact de son torse musculeux et puissant contre son vêtement fin.
— Ceci est‑il considéré comme un service spécial aux passagères ? demanda-t‑elle, ses yeux rivés aux siens.
Ils étaient si proches l’un de l’autre que, pendant quelques intenses secondes, le regard de Sam ne put se détacher du sien. La lueur de malice qu’elle avait perçue dans ses yeux durant les tous premiers instants de leur rencontre brilla à nouveau et se mua en quelque chose d’indescriptible qui la troubla, l’empêchant de détourner son regard. C’était comme écouter un air de musique inconnu et intense, si intense que l’on devait fermer les yeux pour en discerner les strates.
— Voyez-vous, bien que l’idée de vous regarder essayer de grimper dans mon 4x4, avec votre petite jupe si courte ne me déplaise pas, je pense que nous avons mieux à faire que de passer la journée sur ce parking.
Ses mains étaient sur elle et ses seins pressés contre son torse. Bon sang ! Elle sentait déjà des ondes de désir monter en elle ! Au même moment, une folle envie de goûter ses lèvres, à l’évidence si sensuelles, s’empara d’elle. Jamais elle n’avait éprouvé une attirance aussi forte. Cet homme possédait‑il une arme secrète pour la mettre dans un tel état, et si vite ?
Il la déposa délicatement sur le siège passager, ses mains s’attardant sur ses épaules et sur ses cuisses. Lorsque, finalement, il les retira, elle eut envie de saisir son visage de ses deux mains et de se laisser aller à la passion dévorante qui s’emparait d’elle.
Au lieu de cela, elle s’installa confortablement dans son siège tandis que Sam faisait le tour du véhicule et grimpait à côté d’elle. Soudain, l’espace de la cabine sembla rétrécir.
Bon sang, elle était là pour retrouver le journal et les bijoux de sa grand-mère, pas pour se laisser aller à fantasmer sur un inconnu. Tout à coup, elle songea à l’extrait du carnet qu’elle avait lu dans l’avion. Existait‑il quelque chose de l’ordre du plaisir à l’état pur ? Oserait‑elle donner libre cours à ses élans ? Non. Il eut été vraiment incorrect de partir en quête du journal intime, tout en se laissant aller à ses plus bas instincts… A moins que… ?
Essayant de rassembler ses esprits et de désamorcer la tension ébauchée entre eux, elle se tourna vers Sam.
— Je suis désolée pour votre père. Je sais combien il est difficile de faire le deuil d’un parent dont on est proche : je viens tout juste de perdre ma grand-mère.
Il lui jeta un coup d’œil et soupira. L’air semblait toujours aussi chargé… de quoi exactement ?
— Moi aussi, je suis désolé. C’est terrible, de perdre quelqu’un qu’on aime. Je n’avais jamais compris à quel point cette ville et notre ranch me manquaient jusqu’au décès de mon père.
— Oui, on a souvent tendance à tout tenir pour acquis et on ne réalise jamais à quel point les êtres nous sont chers, jusqu’au jour où ils nous quittent Tournant la tête vers la fenêtre, elle regarda la ligne de l’horizon, vers Houston.
— Est-ce que cela vous manque de ne plus être un Ranger ?
— Un peu, parfois, mais j’aime la vie que je mène ici. Vous savez, notre ranch, le Wildcatter, est dans ma famille depuis des générations. Je n’aurais jamais pu le vendre, ni en confier la gestion à qui que ce soit. Alors, c’est moi qui mène la barque.
Elle reconnut la fierté qu’elle discernait dans sa voix. C’était la même qui émanait d’elle lorsqu’elle parlait de musique.
— Et qu’en est‑il de votre rôle dans la modernisation de l’hôpital ? Cela m’intrigue beaucoup.
— Chaque ville a besoin d’un service d’urgences qui puisse traiter rapidement les cas les plus difficiles. Néanmoins, en m’engageant là-dedans, je ne m’attendais pas à devoir également gérer des différends d’ordre politique. D’autre part, autant vous l’apprendre, je suis le descendant du fondateur de cet hôpital. En fait, la ville elle-même porte le nom de mon arrière arrière-grand-mère, Savannah.
— Eh bien, je suis impressionnée ! Et vous vous occupez de cela, en plus de vos activités au ranch ? Pourtant, vous n’avez pas l’air d’un politicien.
Il avait l’air indomptable, sauvage, et elle ne parvenait pas à l’imaginer en costume, assis derrière une table de conseil municipal.
Il sourit et la regarda.
— Tout à l’heure, vous m’avez dit que je ne ressemblais pas exactement à ce à quoi vous vous attendiez, en pensant que j’étais policier. A présent, mademoiselle Sinclair, êtes-vous en train de me dire que je n’ai pas non plus le style qui convient pour faire de la politique ?
Oups. Que répondre à cela ?
— Je vous en prie, appelez-moi Jenna.
Elle le regarda attentivement, et ne put s’empêcher de laisser ses yeux courir sur son corps. Puis les mots fusèrent, sans qu’elle pût les retenir.
— Vous avez l’air bien trop honnête… pour faire de la politique.
Sam rit.
— Ça c’est mon fardeau ! D’ailleurs le maire lui-même me reconnaît cette vertu…
C’était exactement cela. Il avait l’air très honnête. Mais il en était de même pour son oncle, qui n’avait pas même attendu que sa grand-mère, sa propre sœur, fût mise en terre pour vendre ses biens.
— Une qualité indispensable chez un homme de loi, mais guère utile dans la négociation de marchés, n’est-ce pas ?
— On peut résumer les choses ainsi.
— Mais c’est ce qui participe de votre charme, peut-être ?
Il sourit.
— Eh bien, je dirais que l’honnêteté est déterminante dans toutes les relations.
Jenna hocha la tête. Si seulement elle pouvait lui faire confiance. Sam n’avait pas l’air d’être le type d’homme qui lui mentirait pour la priver des souvenirs de sa grand-mère, mais comment pouvait‑elle en être sûre ?
— J’ai hâte de voir votre ranch.
— Qu’attendez-vous, au juste, de la « vie au ranch » ?
— Tout. Je veux découvrir ce que vous faites chaque jour.
— Vous avez envie de payer les factures ?
— Eh bien, peut-être pas ça, mais j’ai envie de faire une incursion dans la vie quotidienne d’un cow-boy. J’ai toujours été fascinée par ces histoires de Far West, improvisa-t‑elle.
— Mon ranch ne ressemble à rien de ce que vous avez pu voir dans les séries télévisées ou au cinéma. Il est agréable, mais il n’a rien de glamour.
Sans même réfléchir, elle se pencha vers lui et posa une main sur son bras.
— Alors, aucun mélodrame, le soir autour du feu de camp ?
Sa bouche devint sèche lorsqu’elle découvrit la puissance des muscles de son avant-bras, tendu sous ses doigts. Durant quelques instants, elle fut incapable de retirer sa main

 
 

 

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chapitre 3

Au contact de cette main sur lui et à l’idée que cette superbe jeune femme venait emménager chez lui, Sam sentit ses sens s’embraser. Pourtant, il n’était pas né de la dernière pluie. Son ex-femme, Tiffany avait, elle aussi, été excitée à l’idée de voir son ranch, disant que ce serait une expérience fabuleuse, avant de décider qu’elle ne supportait pas l’endroit : le bruit, l’odeur des vaches, les chevaux, tout la dérangeait… même lui. Elle trouvait toujours une bonne raison de s’éloigner du ranch et de son mari. Sa vie n’était que journées de shopping, voyages chez de vieux amis ou dans sa famille… jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de ce couple que deux alliances et une bonne dose d’amertume.
Jenna n’avait toujours pas retiré sa main, ce qui commençait à éveiller une excitation chez Sam, comme l’avaient fait auparavant ses tentatives désespérées pour monter dans son 4x4.
— Non, aucun mélo. La plupart des gens pensent que la vie dans un ranch a quelque chose de romantique, mais en fait ce n’est que poussière, transpiration et travail à longueur de journée.
Cette délicate fleur d’intérieur se *******erait certai-nement de jeter un coup d’œil au bétail en pinçant le nez, puis rentrerait chez elle en courant. Et elle tenterait d’éviter les bouses de vaches, perchée sur ses talons aiguilles, complètement incongrus ici. Si ses chaussures étaient certainement superbes pour déambuler sur Park Avenue, elles seraient aussi ridicules qu’inutilisables au ranch.
Son parfum, en revanche, une fragrance certainement signée d’un grand nom, l’émoustillait.
— Je ne m’attends pas à un quelconque… divertissement.
Quelque chose dans sa voix le mit en alerte. Etait-ce le ton qu’elle venait d’employer, ou bien la façon dont elle détourna subitement le regard, comme si elle avait quelque chose à cacher ? C’était exactement ainsi qu’agissaient les suspects, lorsqu’ils mentaient.
Mais il se dit qu’il était grotesque et mit ses suspicions de côté. Tu parles ! Comme si elle ne s’attendait pas à se faire dorloter ! Il connaissait par cœur ce genre de femmes. Eh bien, si elle voulait vraiment découvrir ce qu’était la vie dans un ranch, elle allait être servie. Et d’ici moins de deux jours, elle le supplierait de la conduire dans un hôtel avec tout le confort et le personnel pour prendre soin d’elle.
Il ne pouvait cependant cesser de la contempler. Son invitée était vraiment très belle, et élégamment vêtue. Une fois installée sur son siège, elle avait retiré la veste de son tailleur, révélant un chemisier blanc de soie fine. Il avait bien failli faire une embardée sur la route, lorsqu’il avait découvert, alors qu’il lui jetait un regard en biais, la bordure de dentelle de son soutien-gorge qui émergeait de son décolleté.
Il s’engagea sur le petit chemin de terre qui menait à son ranch et tourna la tête vers elle, mais elle semblait perdue dans la contemplation du paysage. Ils passèrent devant le portail de fer forgé qui portait le nom de la propriété.
— Pourquoi votre ranch s’appelle-t‑il le Wildcatter ?
— C’est mon grand-père, Sam Winchester, qui l’a baptisé ainsi. C’était le nom que l’on donnait à l’époque aux chercheurs de pétrole. Et c’était précisément son métier. Lorsqu’il est devenu riche, il a vendu tous ses titres, est venu s’installer ici et a édifié ce ranch.
Lorsque la bâtisse fut en vue, il lui montra du doigt une arène nouvellement construite, puis les paddocks dans lesquels se trouvaient le bétail et les chevaux. Derrière se dressait la grande maison, construite de bois de pin et d’orme et ornée d’immenses baies vitrées. La clôture et la grange, fraîchement repeintes, rutilaient.
Sam se gara tout près de la maison et coupa le moteur.
— C’est vraiment très moderne, observa Jenna.
— Oui, m’dame. Nous rénovons les bâtiments tous les cent ans, environ, même s’ils n’en ont pas besoin, ironisa Sam.
Elle le regarda, intriguée, mais il fit mine d’avoir rien vu et descendit du 4x4. Comme il en faisait le tour, il songea qu’il allait devoir l’aider à descendre de la cabine. Sa petite jupe ridicule ne lui permettrait pas de quitter le 4x4 de manière élégante. Mais devait‑il s’en plaindre ? Rien qu’à l’idée de toucher Jenna une nouvelle fois, il sentit son cœur faire un bond.
Il ouvrit la portière côté passager et la regarda, quêtant en silence son approbation. Elle se retourna et attrapa l’étui de son violon.
— J’aimerais beaucoup que vous m’aidiez à descendre, dit‑elle.
Son intonation distinguée l’irrita. Franchement, il n’avait guère le temps de s’amuser à faire découvrir les joies de la vie d’un ranch à une jeune citadine qui ne cherchait qu’à se distraire. Mais il se rappela soudain que c’était pour une bonne cause.
— Bien sûr, m’dame.
Il glissa une main sous ses jambes et retint son souffle en sentant la chaleur de sa peau sous ses bas. Il s’approcha un peu plus près et la prit dans ses bras, puis la fit descendre de son siège, aussi facilement qu’il l’avait fait monter, et l’emmena vers l’entrée. Le corps chaud et souple de la jeune femme était pressé tout contre le sien, et diverses pensées envahirent aussitôt son esprit. Sa peau était‑elle douce ? Il aurait aimé pouvoir la serrer plus fort encore contre lui, pour mieux respirer son délicat parfum.
— Est-ce que ceci est considéré comme un geste de bienvenue ?
— Pardon ?
Elle sourit et il aperçut la petite étincelle qui brillait dans ses yeux
— Vous êtes en train de me porter jusqu’à votre porte d’entrée. Pensez-vous que je ne sache pas marcher ?
Sam se rendit soudain compte de ce qu’il était en train de faire. Perdu dans ses pensées, dans le désir qu’il sentait naître, il l’avait amenée jusqu’à la véranda. Soudain, un bruit du côté des écuries attira l’attention de Jenna, permettant à Sam de se reprendre et de la poser à terre.
— Que font ces hommes ? demanda-t‑elle.
— Ils dressent un étalon. J’élève de futurs cracks qu’il faut habituer à la selle. Celui-ci, dans le paddock est encore à moitié sauvage, il faut que nous l’entraînions.
— C’est excitant !
Sam haussa les épaules.
— Si on veut. En fait, ce n’est pas exactement la méthode habituelle, mais ce cheval-là est particulièrement retors, et ce n’est qu’en le montant que l’on obtiendra un résultat.
— Vous allez le monter pour le dresser ?
— Oui, il faudra bien.
— Vous en avez l’habitude ?
— Reposez-moi la question lorsqu’il m’aura jeté à terre et fait mordre la poussière. Bon, il va falloir que je les rejoigne, dès que je vous aurai installée à l’intérieur avec vos bagages.
Il lui vint soudain à l’idée que ce spectacle pourrait l’amener à considérer autrement la vie au ranch. Peut-être se rendrait‑elle compte que ce n’était pas aussi divertissant que ce qu’elle avait l’air de croire. En tout cas, c’était ce qui s’était passé pour son ex-femme. Elle aussi avait considéré que la vie qu’il menait devait être excitante. Jusqu’à ce qu’elle réalise qu’elle devrait respirer à longueur de journée la poussière, l’odeur des chevaux et la sueur des hommes.
— Pourquoi ne resteriez-vous pas pour regarder ? Autant commencer votre initiation à la vie du ranch tout de suite.
Elle tourna la tête vers lui.
— Je suis un peu fatiguée.
Il scruta son regard.
— Peu importe. J’aurai à m’occuper d’autres chevaux durant votre séjour.
— Ce n’est pas que je ne sois pas intéressée…
— Je comprends tout à fait. Le travail de cow-boy n’est pas toujours très attractif.
Jenna lui avait dit qu’elle voulait tout connaître, mais il savait fort bien qu’une moitié lui suffirait amplement.
— Pourquoi dites-vous cela ? Parce que je suis une citadine ? Croyez-vous que je sois trop sensible pour supporter le spectacle ?
— Non. Du moment que vos chaussures tiennent le coup.
— Vous me mettez au défi ?
— Absolument.
— Eh bien allons-y. Montrez-moi.
— Pas dans cette tenue. En avez-vous apporté d’autres ?
— J’ai un pantalon.
— Des chaussures plus adéquates ? Des bottes, peut-être ?
— J’ai bien peur que non. Juste des mocassins.
— Vous n’avez pas songé à prendre des vêtements plus confortables ?
— Un pantalon et des mocassins. C’est ce que je porte lorsque j’ai envie de me sentir à l’aise.
— Eh bien, j’espère que cela fera l’affaire. Tout au moins jusqu’à demain. Vous pourrez trouver des vêtements plus appropriés dans les boutiques de Savannah.
Il la fit pénétrer dans un grand hall au parquet rutilant, éclairé par des fenêtres à claire-voie. Du plafond descendait un spectaculaire lustre reflétant l’éclat de la lumière du jour. Sur une table basse de verre aux pieds délicats, trônait un magnifique bouquet d’orchidées dont le suave parfum embaumait l’air.
— Je croyais que la vie dans un ranch n’avait rien de glamour, ironisa Jenna. Pourtant tout ceci me semble très glamour.
— Hm. C’est ce qui reste de l’influence de mon ex-femme, Tiffany.
— Oh, c’est magnifique.
— Oui, c’est exactement elle. Elle aimait les belles choses.
Il prit le bras de Jenna pour la guider vers le salon. De nouveau, le contact de sa peau contre la sienne provoqua des étincelles en lui.
Un jeune homme surgit de derrière une porte, et Jenna aperçut dans l’entrebâillement une cuisine moderne et impeccable, ainsi qu’une femme âgée qui se tenait devant le plan de travail.
— Voici Caleb, dit Sam, le fils de Red et Maria Spark. Maria est ma gouvernante. Caleb, lui, est un peu l’homme à tout faire de la maison. Il m’aide dans mon travail et donne également un coup de main à sa mère.
— Bonjour, Caleb. Ravie de vous rencontrer, dit Jenna en tendant la main au jeune homme.
— Ravi également, m’dame.
— Caleb, peux-tu te charger du bagage de Mlle Sinclair ? Elle va rester avec nous quelque temps.
— Tout de suite.
Le jeune homme disparut aussitôt, puis revint l’instant d’après avec le sac et le porte-documents, tandis que Sam se dirigeait vers un impressionnant escalier de bois. Il s’arrêta au second étage, devant une porte, et poussa Jenna à l’intérieur. La chambre, décorée dans le plus pur style traditionnel du Far West, était meublée d’un lit à baldaquin, d’une armoire peinte à la main et disposait d’une salle de bains adjacente.
— Lorsque vous serez prête, descendez et nous irons aux écuries.
Sa main s’attarda sur son coude, et elle leva le menton vers lui, pour le regarder. Elle avait les yeux d’un brun profond dans lequel il avait envie de se perdre. Lui souriant, il toucha le bord de son chapeau et quitta la chambre. Caleb entra et déposa ses bagages, puis lui tendit le bouquet de roses.
— Merci Caleb. Savez-vous où je pourrais trouver un vase ?
Caleb secoua la tête et sortit, refermant la porte derrière lui.
Tout en descendant l’escalier, Sam souriait. Une fois que sa visiteuse aurait respiré l’odeur des chevaux et abîmé ses chaussures de créateur, elle se dépêcherait de quitter son ranch et le laisserait tranquille
Pourtant, il était conscient de l’attirance physique qu’elle exerçait sur lui, et cela ne lui plaisait guère. Il connaissait ce genre de femmes et n’avait aucune envie de s’encombrer d’une liaison. Heureusement, elle n’était ici que pour peu de temps. L’alchimie qui s’était déjà formée entre eux serait difficile à combattre. Il s’imaginait déjà, penché au-dessus d’elle, allongé entre ses cuisses laiteuses, sa bouche explorant son corps, la couvrant de baisers. Peut-être le fait de coucher avec elle, une seule fois, suffirait‑il à calmer sa libido.
Pourtant, son instinct lui soufflait qu’il ferait mieux de se tenir éloigné de cette superbe créature.
Lorsqu’il se rendit aux écuries un moment plus tard, son contremaître, Tooter Dobson, accoudé à la barrière, le regardait approcher. Couvert de poussière des pieds à la tête, il plissait les yeux en observant Jenna.
— Alors, patron, c’est la fameuse violoniste ?
Sam pouvait presque entendre l’avertissement dans le son de sa voix. Une autre citadine, Sam ? Es-tu tombé sur la tête ou quoi ? Tiffany ne t’a pas suffi ?
Bon sang, Tooter devrait pourtant savoir qu’il ne s’engagerait jamais avec Jenna de façon sérieuse.
— Tooter Dobson, mon contremaître.
— Ravie de vous rencontrer.
Sam proposa à Jenna de s’installer contre la barrière, afin qu’elle puisse observer le spectacle. Ses autres employés se lançaient des regards en coin, et il savait parfaitement qu’ils pensaient tous la même chose que Tooter. Qu’est-ce que leur boss faisait avec ce genre de femme ?
Tooter ne bougeait pas d’un pouce.
— Alors ! Tu crois que nous allons rester plantés là toute la journée ? On s’en occupe, de ce cheval ?
Tooter eut un sourire ironique.
— Habituellement, ce n’est pas toi qui te charges de ce genre de boulot, boss. Il faut que je te prévienne que celui-ci est particulièrement coriace. Apparemment, ni la selle, ni le poids d’un homme sur son dos ne lui plaisent.
Jenna s’agrippa à la barrière. Bien qu’elle eût fort envie de profiter de ce moment pour chercher le carnet de sa grand-mère, elle était intriguée. Les employés menèrent l’étalon dans l’enclos. Sam décrocha de la barrière une paire de jambières en cuir, les accrocha autour de sa taille, et serra la ceinture. Bon sang, qu’est-ce qu’il était sexy !
Tirant ses gants de sa poche, il s’approcha de l’animal.
— Très bien. Si ce jeune crack fait le difficile, nous allons essayer la manière forte.
— Fais gaffe, Sam, il est vraiment têtu, le prévint Tooter.
— Parfait, parce que je le suis au moins autant que lui !
Tooter se mit à rire. Sam s’approcha tout près de l’étalon, et celui-ci essaya de le mordre.
— Oh là ! Tout doux. Je ne vais pas te faire de mal, mon vieux. Lorsque tu auras compris ça, on pourra peut-être s’entendre, tous les deux. Qu’est-ce que tu en penses ?
Jenna les contemplait, se demandant lequel des deux réussirait à prendre le dessus. Un des employés s’approcha et banda les yeux de l’étalon avec un foulard. Sam mit un pied à l’étrier, attrapa le pommeau et grimpa en selle. Puis il enfila l’autre étrier, serra les jambes autour des flancs du cheval et leva un bras. Son regard croisa celui de son employé et il hocha la tête. Alors le jeune homme retira le foulard des yeux de l’étalon. A peine l’eut‑il ôté que l’animal se mit à faire des bonds de toutes parts, mais Sam s’y était préparé et se maintint en selle.
— Oh mon dieu ! s’exclama Jenna.
— Ne vous inquiétez pas, m’dame, dit Tooter. Notre Sam a une excellente assiette.
— Il a l’air tellement déterminé.
— Il l’est. Mais le cheval aussi.
Huit secondes passèrent, puis dix, et finalement Sam fut jeté à terre. Aussitôt, deux employés accoururent pour l’aider à se relever et à s’épousseter.
— Alors, tu lui as flanqué une leçon, ou bien c’est lui qui t’en a donné une ? demanda Tooter.
Sam rit. Soudain, son regard croisa celui de Jenna. Elle sentit son cœur cesser de battre. Jamais elle n’avait ressenti une telle émotion en présence d’un homme. Il était si sexy !
De nouveau Sam monta en selle et essaya de dompter l’animal. Seconde après seconde, il devenait de plus en plus maître de l’étalon.
Quelques instants plus tard, il mit pied à terre. Cette fois, il avait maté l’animal, mais Jenna était convaincue que tout n’était pas encore gagné. La prochaine fois, l’étalon ferait encore certainement des siennes, et Sam devrait de nouveau faire preuve de patience, et surtout d’endurance.
Elle attendit qu’il quitte l’enclos et vienne la retrouver.
— Pourquoi n’iriez-vous pas vous installer sous la vé-randa ? proposa-t‑il. Je vais appeler Maria et lui demander de vous apporter de la limonade.
— Vous ne vous joignez pas à moi ?
— Non, j’ai encore du travail, et vous risqueriez d’abîmer vos jolies chaussures si vous veniez avec moi.
Il s’éloigna d’elle. Soudain elle se rendit compte que Tooter s’était approché.
— Quel spectacle ! dit‑elle. Ils étaient aussi déterminés l’un que l’autre.
— Pour sûr, mademoiselle.
Une cloche sonna dans le lointain.
— Oh, c’est l’heure de manger. Je ferais mieux d’y aller avant que les gars dévorent tout !
Tooter la salua et s’en alla. Lorsqu’elle se retourna, Sam et le cheval étaient partis. Elle se dirigea vers la grange, où il commençait à doucher le cheval au jet. Elle s’arrêta net et déglutit en le voyant. Sam était nu jusqu’à la taille, seulement vêtu de son jean et de son Stetson
Ne sachant que dire, elle s’approcha de lui.
— Pourquoi n’allez-vous pas vous reposer sous la vé-randa ?
Bon sang, qu’est-ce qu’il avait à la repousser comme ça ? Elle était peut-être new-yorkaise, mais elle n’avait pas peur des chevaux !
— Je peux peut-être vous aider ?
Il regarda par-dessus son épaule et secoua la tête. Puis, s’écartant du cheval, il attrapa une paire de bottes en caoutchouc.
— Tenez, enfilez ça.
Elle obéit. Sam prit un seau et commença à verser de l’eau chaude dedans, y ajoutant un savon spécial pour les équidés et un peu d’huile minérale. Puis, il lui tendit une éponge. Elle la jeta dans le seau, puis releva ses manches. Après tout, elle avait lavé sa voiture des dizaines de fois. Cela ne devait pas être plus compliqué.
Elle récupéra l’éponge imbibée de savon et commença à laver les flancs du cheval. Soudain, elle sentit Sam juste derrière elle. Elle percevait presque la chaleur de son corps.
— Comme cela. Suis le sens de ses poils.
Sa main se posa sur la sienne et elle ferma les yeux un bref instant, tant elle était troublée par son contact.
— C’est toujours toi qui te charges de ces corvées ? demanda-t‑elle.
— Habituellement non. Les cow-boys ne passent pas beaucoup de temps à panser leurs chevaux. Mais celui-ci n’est pas à moi et je dois en prendre soin. C’est l’aspect commercial des affaires qui occupe le plus clair de mon temps, mais la vie dans un ranch, c’est aussi cela.
Elle retint sa respiration : il s’approchait encore plus près, elle sentait son souffle chaud sur son oreille.
— Regarde, comme ça.
Sa voix était si douce, si chaleureuse, qu’involontairement, elle se rapprocha de lui. Elle tourna la tête et leurs visages se retrouvèrent soudain à quelques centimètres l’un de l’autre.
Tout à coup, un bruit résonna dans la grange et ils sursautèrent, reprenant leurs distances. Sam s’éclaircit la gorge.
— Attaquons l’autre côté.
Il prit une éponge et ils continuèrent à panser l’étalon. Puis Jenna s’écarta, tandis que Sam rinçait l’animal avec le jet d’eau. Elle sourit en le voyant essayer d’attraper l’eau de ses babines.
— On dirait que notre ami a soif, fit‑elle remarquer.
— Oui, tu as raison. Pourrais-tu attraper un seau propre et lui donner à boire ?
Alors qu’elle s’approchait avec le seau, le cheval fit un écart et heurta le jet… qui se dirigea droit sur Jenna. Surprise, elle bondit en voulant éviter l’eau froide.
— Bon sang… je suis désolé, dit Sam.
— Tu parles, je suis sûre que tu l’as fait exprès !
Elle prit le jet d’eau et commença à emplir le seau.
— Non, je te jure… tu n’oserais pas, dit‑il en regardant le seau qu’elle tenait entre ses mains.
— Oh que si !
Sam sourit.
— Ne fais pas ça, ma belle. Ou tu pourrais bien le re-gretter.
— Ah oui ? Vraiment ?
Sam dirigea le jet d’eau droit sur elle et elle lui lança le contenu de son seau tout en essayant de s’emparer du jet. Ils riaient tous deux aux éclats, et avant qu’elle n’ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il la tenait serrée tout contre lui, un sourire langoureux sur les lèvres, et une petite flamme de défi brillant dans les yeux.
Prudemment, elle fit un pas en arrière et l’entendit gémir tandis qu’il rivait son regard à son chemisier blanc.
Elle baissa les yeux pour s’apercevoir que l’eau en avait imbibé la soie, ainsi que son soutien-gorge en dentelle blanche, révélant ainsi les larges aréoles brunes de ses seins. A la simple idée que Sam les regardait, elle sentit ses tétons se durcir et un véritable feu brûla dans ses veines.
— Sam ? Tu es toujours là ?
La voix de Tooter fit réagir Sam. Soudain, elle sentit qu’il lui passait son manteau autour des épaules. Elle glissa ses bras dans les manches et ferma le vêtement sur sa poitrine. Le manteau était bien trop grand pour elle et empestait l’odeur de cheval, mais c’était le geste le plus généreux qu’un homme ait jamais eu pour elle.
— Pourquoi ne rentres-tu pas à la maison pour te doucher et te changer ? Le dîner doit être prêt. Je te retrouve là-bas.
Jetant un dernier coup d’œil à sa silhouette musclée, elle quitta la grange. Mon dieu ! Pourquoi Sam Winchester n’était‑il pas le vieil homme bedonnant auquel elle s’était attendue ?

 
 

 

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chapitre 4

La pluie dégoulinait du chapeau bien trop grand que son hôte lui avait prêté, tandis qu’elle le suivait pas à pas. Sam, lui, semblait insensible à la pluie.
Ce lendemain matin, alors que le temps était exécrable et que Sam lui ouvrait grand la barrière de la grange, elle commençait à se dire que son plan, venir ici récupérer le journal de sa grand-mère, n’était peut-être pas une si bonne idée qu’elle l’avait cru. Elle se glissa à l’intérieur et fut assaillie par une odeur de foin et de chevaux. Ses narines frémirent et elle perçut également une odeur de terre qui éveilla en elle des souvenirs chers à son cœur.
C’était l’odeur du printemps, lorsque les tulipes commençaient à éclore, suivies des azalées et des rosiers de grand-mère. Elle se souvenait des jours anciens où elle s’asseyait dans le jardin, tout près de son aïeule, et l’observait tailler ses rosiers. La vieille dame se coiffait d’un grand chapeau de paille. Toujours aussi sophistiquée, même lorsqu’elle travaillait au jardin…
Les images lui firent fermer les yeux.
— Hé ! Tu as besoin d’une autre tasse de café ? demanda Sam.
Elle tressaillit et constata qu’il la regardait, amusé. Il était à peine 6 heures, ce matin, lorsqu’il avait frappé à sa porte, l’invitant à se lever et à s’habiller. Selon lui, rien ne valait l’aube, pour mieux apprécier la vie au ranch. Ce dont Môssieur le Cow-Boy ne se doutait pas, c’était qu’elle se levait toujours à cette heure-là, elle aussi, pour jouer du violon. Elle faisait ses gammes pendant une heure avant le petit déjeuner, et cela la mettait de belle humeur pour la journée.
— Non, je te remercie. En fait, l’odeur ici m’évoque le printemps, lorsque je regardais ma grand-mère jardiner.
— Oh, désolé. Moi aussi, parfois, les odeurs me plongent dans mes souvenirs. C’est fou, le nombre de choses dont on peut se rappeler, non ?
— Oui, c’est vrai.
Il lui tendit une pelle.
— Tu peux leur donner à chacun une pleine ration. Moi, je vais remplir les seaux.
— D’accord, chef.
— C’est toi qui as voulu participer.
— Pas de problème. Et je ne vais pas courir me réfugier dans un hôtel, si c’est ce que tu crois.
— Pourquoi penserais-je cela ? demanda-t‑il, faussement innocent.
— Peut-être parce que tu m’as tirée de mon lit à l’aube pour m’amener ici, sous la pluie, et me faire remplir les seaux de grains.
— Tu parles d’une pluie ! C’est juste une petite bruine, qui d’ailleurs sera bonne pour l’herbe. Tu n’es quand même pas une mauviette qui redoute l’eau ?
Elle sourit. Sam était irrésistible.
— Grands dieux, je ne voudrais surtout pas que l’on me colle cette étiquette.
Il lui sourit. Vêtu comme il l’était, avec son grand manteau cache-poussière, et son Stetson sur la tête, il avait l’air d’une publicité vivante de cow-boy. Elle le regarda se débarrasser de son manteau et s’emparer de deux énormes crochets qu’il planta dans des balles de foin pour les transporter. Déposant celles-ci à ses pieds, il prit une fourche qu’il planta dans le foin et commença à le distribuer dans la première stalle.
Jenna le regardait travailler, détaillant chacun de ses gestes. Il n’y en avait pas un de trop. Elle avait rencontré nombre d’hommes bien plus sophistiqués que Sam Winchester, mais aucun d’eux ne l’avait fascinée à ce point. Pourtant, Sam ne faisait rien d’autre qu’accomplir un travail manuel très ordinaire !
— Alors, pourquoi ne veux-tu pas de moi ici ?
Elle s’empara d’une fourche. Sam cessa un instant de travailler et la contempla. Puis, il secoua la tête et se remit à l’œuvre.
— Je n’ai jamais dit que je ne voulais pas de toi.
— C’était inutile de toute façon. Je ne reste pas plus de deux semaines.
— Je te suis reconnaissant pour ce que tu fais, Jenna. Je crois simplement que l’idée de tirer une jeune citadine de son lit si tôt le matin, pour lui montrer ce qu’est vraiment la vie dans un ranch me plaisait assez.
— Cela t’étonnerait sans doute d’apprendre que je me lève à cette heure-ci tous les jours.
Il s’interrompit.
— Effectivement, cela me surprend.
— Je m’en doutais. Sache, pour ta gouverne, que j’aime m’exercer au violon dès que je me lève.
— Quel idiot ! Bon sang ! Dire que je t’ai traînée ici, sous la pluie, et que j’ai interrompu le cours de ton emploi du temps habituel.
— Ce n’est pas grave, vraiment.
Il la regarda, visiblement peiné.
— Si. Je l’admets. C’était nul.
Il se détourna et reprit sa fourche.
— Préviens-moi, la prochaine fois, si tu as envie de faire tes gammes.
— Je le ferai, ne t’inquiète pas.
Quelques heures plus tard, ils terminaient enfin leur besogne. Fatiguée, Jenna fit rouler ses épaules, sentant une tension entre ses omoplates. Sam la contempla. Il avait hâte qu’elle s’en aille, mais ne voulait pas qu’elle parte en moins bonne forme qu’elle n’était arrivée. Il s’approcha, posa ses mains sur ses épaules, et commença à lui masser la nuque du bout des doigts.
Jenna sentit chacune des cellules de son corps se mettre à vibrer à l’unisson des mains de Sam. Son cœur battait de plus en plus vite. Elle avait la sensation que Sam la caressait, plus qu’il ne la massait. Dans la grange, le silence s’intensifia. Il était palpable. Soudain, il fut comme une sorte de lien entre eux deux, un lien au parfum de cuir et de bois, qui mettait un frein à leur désir.
— Hé boss ! Tu es là ?
Sam retira aussitôt ses mains et s’éclaircit la voix.
— Oui, à l’intérieur, Tooter.
Jenna et Sam se tenaient à présent à une distance res-pectable l’un de l’autre. Tooter entra et toucha le bord de son chapeau.
— Mademoiselle Sinclair.
Tooter hocha la tête et se tourna vers Sam.
— Silver Shadow est prête à mettre bas, mais je me fais du souci pour elle. Les choses n’ont pas l’air de se présenter normalement.
— Je vais aller voir ça.
Tooter salua de nouveau Jenna d’un « m’dame », et partit. Elle regarda Sam.
— Je vois que tu es très demandé.
— C’est le cas. Si tu préfères rentrer à la maison pour t’entraîner, vas-y. Moi, je vais aller voir la future maman.
— Non, ça va.
— J’ai déjà perturbé ton emploi du temps ; et il me semble bien que tu dois donner ce soir ton premier concert.
Jenna ne discuta pas. Même si elle mourait d’envie de voir la jument, Sam venait de lui rappeler que la musique avait toujours été sa priorité ; d’ailleurs, elle était plus à l’aise dans ce domaine qu’elle maîtrisait que lorsqu’elle était la proie de ces curieuses sensations qui s’emparaient d’elle dès qu’il la touchait.
Elle avait encore en mémoire l’image de son père blessé, lorsque sa mère avait fait de l’opéra le centre de sa vie. Depuis lors, il n’avait jamais réussi à panser son cœur brisé. Aujourd’hui encore, Jenna n’avait aucune idée de l’endroit où son père vivait. Jamais elle ne ferait à quelqu’un le mal que sa mère avait fait. Et certainement pas un homme aussi fier que Sam. C’était une promesse qu’elle s’était faite depuis de nombreuses années, et qu’elle n’avait aucune intention de rompre.
La musique était toute sa vie.
Ce soir-là, Jenna se tenait en coulisses et observait son public. Un peu plus tôt dans la soirée, elle avait tenté de localiser le fameux bureau, mais elle avait dû venir s’exercer avec l’académie de musique de Savannah, ce qui ne lui avait guère laissé de temps pour prospecter.
Elle sentait naître une certaine appréhension, mais savait pertinemment que cela n’avait rien à voir avec le public. Jamais elle n’avait déçu une salle. Non, ce trac provenait du fait qu’elle souhaitait ardemment que Sam apprécie sa musique. Cela comptait plus que tout. Ce serait comme une réponse aux plaisirs qu’elle prenait à leurs travaux matinaux.
Outre les morceaux habituels de son répertoire, elle comptait en jouer un qu’elle avait ajouté spécialement à son intention, intitulé Tempête. C’était un air magnifique et elle espérait sincèrement qu’il lui plairait. Soudain, une pensée terrifiante lui traversa l’esprit. Sam l’avait traînée sous la pluie pour prendre soin des chevaux et du bétail. Pour quelle raison s’intéresserait‑il à sa musique ? Et pourquoi cela avait‑il tant d’importance pour elle ?
— La salle est pleine, mademoiselle Sinclair, lui annonça le directeur de l’académie de musique, en lui posant une main sur l’épaule.
Il lui rendit le sourire qu’elle lui fit.
— Je vous ai entendue vous entraîner. C’était magnifique.
— Merci beaucoup, c’est très aimable.
— Non, ce n’est pas de la gentillesse, mais de l’admiration. Et c’est la stricte vérité.
— Alors, merci pour l’admiration.
L’homme était beau, élégant, et elle aimait son accent texan. Oui, il lui plaisait bien, mais pas comme Sam, dont la voix rauque résonnait encore à ses oreilles et semblait s’insinuer dans tout son être.
Elle s’enjoignit de se ressaisir. Bon sang ! La seule et unique raison de sa présence ici était de respecter les ultimes vœux de sa grand-mère et de retrouver son journal intime.
Le hall continuait à se remplir de gens qui se saluaient, puis cherchaient leurs sièges. Chacun était vêtu avec élégance et la lumière des lustres faisait briller les bijoux des femmes.
Soudain, les lumières se tamisèrent et le directeur de l’orchestre chuchota :
— Plus que deux minutes, mademoiselle.
Jenna prit son violon et, impatiemment, lissa sa robe noire. Sam avait été retenu dans la grange et elle ne l’avait pas vu avant de quitter le ranch ; c’était d’ailleurs un de ses employés qui l’avait conduite à l’académie.
Elle entendit son nom et retint son souffle. Puis elle quitta les coulisses et entra sur scène. Elle ne tenait guère à regarder Sam, qui se tenait au premier rang, assis à côté du maire et de sa femme. Au contraire, elle se força à regarder droit devant elle et salua le public qui applaudissait son entrée. Puis, elle porta son regard sur les sièges juste devant elle, et faillit en lâcher son instrument.
Au beau milieu d’une rangée de costumes sombres, il était assis là, vêtu d’une redingote noire, sous laquelle il portait un gilet rayé noir et gris et une chemise blanche.
Ses yeux croisèrent le regard bleu perçant de Sam. Il la dévorait des yeux. Jamais aucun homme n’avait provoqué en elle un tel émoi. En fait, tous les hommes qu’elle avait connus semblaient fades et inconsistants à côté de lui.
Elle se rappela le regard déterminé qu’il avait eu la veille, lorsqu’il avait essayé de dompter l’étalon, et elle se souvint de la force qui émanait de lui.
Il soutint son regard et inclina légèrement la tête pour la saluer, une petite lueur amusée au fond des yeux.
Elle observa sa bouche, si provocante, si sensuelle, se demandant soudain quel effet produiraient ses lèvres sur les siennes…
Il lui sourit — la narguait‑il ? Elle détourna enfin son regard.
— Mesdames et messieurs, bonsoir. C’est un véritable plaisir, et un honneur pour moi, d’être parmi vous ce soir. Je suis fière d’être accompagnée par l’excellent orchestre de l’académie de musique de Savannah, et son brillant chef, Martin Slade.
Elle tendit la main en direction de l’orchestre, et de nouveau, la foule applaudit
Puis, elle hocha la tête en direction de Martin Slade, qui leva sa baguette, attendant son commandement. Alors, portant le violon contre son menton, elle commença à jouer.
Les morceaux s’enchaînèrent. L’orchestre était parfait, la musique magnifiquement interprétée et le public visiblement sous le charme. Sam non plus, ne la quittait pas des yeux.
Lorsque le concert prit fin, elle s’avança vers le micro pour parler au public :
— Cela faisait longtemps que j’avais envie de visiter le Texas, et je voudrais profiter de l’occasion pour remercier Sam Winchester de m’accueillir chez lui.
Elle baissa les yeux vers lui et sourit.
— Sam, ce soir, je voudrais jouer un air spécialement pour toi. J’espère qu’il te plaira. Il s’appelle Tempête.
Les lumières s’éteignirent, laissant la salle dans l’obscurité totale.
Puis, soudain, un bref éclair illumina la scène, relayé par une lumière stroboscopique. Ensuite, un bruit résonna dans le théâtre, comme le grondement du tonnerre, habilement interprété par un roulement des tambours.
De nouveau, Jenna porta son violon sur son épaule. Elle en fit vibrer les cordes, et une note profonde, douce, descendit de la scène vers l’auditoire. Elle tint la note, longtemps, puis la laissa doucement décliner, pour terminer par un étourdissant silence. Lorsqu’un nouveau flash de lumière emplit le théâtre, suivi du roulement de tonnerre des tambours, elle reprit sa mélodie et tint la même note fascinante. Puis ses doigts se courbèrent et l’archer fit résonner un son d’une pureté éclatante. Ses doigts volaient au-dessus des cordes, tandis que Sam fermait les yeux, laissant la musique l’enivrer.
Elle joua une nappe d’accords stridents, en staccato, qui donnèrent à Sam la chair de poule. La musique semblait chargée d’orage, et sa plainte évoquait des prairies inondées, chuchotait le gémissement du vent, la brume et l’ombre des grands cèdres au-dessus du Rio Grande. Elle imitait les gouttes de pluie et tout l’auditoire retenait son souffle pour mieux savourer chaque mesure.
Sam avait l’impression que chaque corde vibrait et pénétrait en lui, jusqu’à un endroit demeuré si secret qu’il en avait à peine conscience. Il ignorait pourquoi, mais tout en le faisant rêver, la musique l’excitait, faisait battre son pouls de plus en plus vite. Puis, soudain, il se rendit compte que tout son corps brûlait de désir.
Il était rivé à son siège, fixant le visage de Jenna, tandis que les notes de musique résonnaient dans l’air. Il était comme hypnotisé. Lorsque leurs regards se croisèrent, il sut que s’il ne possédait pas cette femme, son désir le rendrait fou.
Il aurait voulu la toucher tout de suite ; la serrer contre lui, l’embrasser passionnément, et la faire sienne dans l’instant.
Pour se calmer, il inspira profondément. Bon sang, il en transpirait presque. Habituellement, les femmes ne le mettaient pas dans un tel état, mais celle-ci, avec son regard si fier, avait réussi à le subjuguer.
Délicieuse, charmante, séduisante : tous ces termes lui convenaient, mais aucun ne parvenait à décrire la force de l’attraction qu’elle exerçait sur lui.
La foudre crépita, le tonnerre gronda, puis Jenna joua la dernière note et attendit l’ultime halo du projecteur.
Alors, la foule se rompit en applaudissements. Sam les entendit à peine et se précipita dans les coulisses. Lorsqu’il y parvint, Jenna avait déjà quitté la scène, et il faillit se heurter à elle. Il la prit par les épaules.
— Jenna, je…
Jamais Sam n’avait ressenti autant d’émotion en pré-sence d’une femme. Jenna Sinclair avait vraiment quelque chose de particulier. Elle avait un corps sublime et sentait divinement bon. Même dans l’obscurité des coulisses, il discernait les voluptueuses courbes de son corps. Et il savait d’avance qu’elles s’harmoniseraient parfaitement avec celles de son propre corps.
— Sam… il faut que je me change. Je ne veux pas être en retard pour la réception qui a lieu à l’hôtel, je crois.
Elle le fixait de ses grands yeux bruns fascinants. La sentir si proche le troublait intensément. Un instant s’écoula, et Sam gonfla ses poumons pour reprendre contenance… et respirer une fois encore son parfum si suave.
— Très bien, je vais t’accompagner.
— Merci.
Il la laissa passer devant et la suivit jusqu’à sa loge.
— Préfères-tu que je t’attende dehors ?
— Non. J’ai besoin d’aide avec ma fermeture Eclair.
Il la suivit à l’intérieur et Jenna lui présenta son dos. Il baissa la fermeture, ses mains tremblant légèrement au contact de sa peau soyeuse. Puis elle s’écarta de lui et disparut derrière un paravent.
Il entendit le bruissement du tissu lorsqu’elle retira sa robe, et ferma les yeux.
Lorsqu’elle alluma la petite lampe située à côté d’elle, derrière le paravent, il perçut les ombres de sa silhouette et frissonna de désir. Il ne pouvait plus détacher son regard d’elle et sentait son pouls battre de plus en plus vite. Combien de promesses de volupté se trouvaient là, juste à portée de main !
Le souffle coupé, il la regarda lever les bras au-dessus de sa tête et vit un tissu léger descendre sur son corps. Il l’imagina en train de glisser de sa voluptueuse poitrine, jusqu’à ses cuisses qu’il devinait fermes. Fasciné, excité, il se dirigea vers le paravent. De nouveau, il ferma les yeux, essayant de maîtriser son désir. Jenna était une femme sophistiquée et avait le même mode de vie que celui qu’avait abandonné son ex-femme, pour mieux le regretter, une fois qu’elle s’était trouvée isolée au ranch. Cependant, Jenna, elle, serait partie d’ici peu, alors pourquoi ne pas laisser son désir s’exprimer librement ? Le seul danger à courir était de s’impliquer au-delà d’une simple liaison avec elle. Jenna était habituée à voyager, c’était une musicienne célèbre, et la gloire faisait partie de sa vie, une vie à laquelle elle ne renon-cerait certainement jamais. Mais après tout, n’était-ce pas ce qu’il souhaitait réellement ? Une liaison sans attaches. Cela la rendait encore plus désirable à ses yeux.
Il se tenait encore tout près du paravent, les mains posées dessus, lorsqu’elle en sortit et le regarda, interloquée. Ses yeux passèrent du paravent à la lampe, puis se fixèrent sur les vêtements qu’elle venait d’ôter. Elle lui lança un regard interrogateur. Sam sentit alors le sang affluer dans ses veines. La pensée de sa peau veloutée et son regard brûlant eurent raison de ses bonnes résolutions. Le désir qu’il avait vainement essayé de contrôler fut plus fort que tout, et il l’attira tout contre lui.
Sa bouche rugueuse fondit sur la sienne, plus douce que du velours.
Jenna retint son souffle. Elle s’était attendue à lire une certaine moquerie dans ses yeux, ou peut-être une invite, lorsqu’elle avait réalisé qu’il l’avait peut-être observée, nue à travers le paravent. Mais ce qu’elle découvrait était plus profond, plus fort, plus violent. Ce qu’elle devinait dans ses yeux bleus si intenses était le même désir qui brûlait en elle. Ainsi que la même envie de garder ses distances et d’éviter les erreurs. Les mêmes barrières que les siennes.
Elle posa ses mains sur ses épaules musclées, puis caressa son torse.
— Chérie, dit‑il, tu es absolument délicieuse.
Il continua à l’embrasser passionnément, tandis qu’elle se sentait fondre de plaisir.
Jenna retint son souffle lorsque les mains viriles commencèrent à explorer son corps et vinrent se poser sur ses fesses.
— Oui… gémit‑elle d’une voix sourde, tout en sentant, à travers son pantalon, son sexe dur se presser contre elle.
Il la serra plus fort encore, frottant son sexe contre le sien. Elle avait le souffle court et haletait sous la pression de sa bouche.
Un coup violent frappé à la porte brisa son élan, la forçant à ouvrir les yeux et à réaliser où elle était et ce qu’elle faisait. Elle repoussa Sam des deux mains, se demandant comment elle avait pu se laisser ainsi aller.
Sam la lâcha et s’écarta d’elle.
— Un moment, cria-t‑elle. J’arrive tout de suite.
Elle jeta un coup d’œil dans le miroir, rectifia son rouge à lèvres et tenta de passer devant Sam pour ouvrir la porte. Mais il l’attrapa par la taille et ses lèvres chaudes se glissèrent dans sa nuque où il déposa un langoureux baiser.
Se sentant de nouveau excitée, elle s’écarta néanmoins de lui.
— Sam ! Il faut que j’aille ouvrir la porte.
— Je sais, répondit‑il en la laissant passer.
Lorsque Jenna ouvrit pour accueillir les élèves de l’académie, impatients de la retrouver, elle s’aperçut qu’elle venait d’entrevoir ce que pouvait signifier la passion que sa grand-mère décrivait si bien dans son journal intime.
Mais elle n’était pas ici pour vivre une liaison passionnée.
Elle avait d’autres objectifs.
Même si la passion venait de se révéler à elle, avec son cortège de promesses sensuelles

chapitre 5

Ils roulèrent en silence, mais Jenna ne parvenait pas à ôter de son esprit le souvenir de leur baiser. Elle n’osait pas regarder Sam. Même dans l’obscurité de la cabine, elle savait qu’elle n’aurait pas pu échapper à l’attrait de ses lèvres… si charnelles. Elle se tourna sur le côté, et soupira.
Il rompit le silence, la ramenant à la réalité.
— Je ne savais vraiment plus ce que je faisais.
Il avait prononcé ces paroles sans même la regarder.
— Soyons honnêtes, nous sommes tous les deux aussi coupables l’un que l’autre. Tout cela était très… spontané. Dès que nous sommes côte à côte, il y a une sorte d’électricité entre nous.
Sam soupira.
— Je sais. Mais tu es mon invitée.
— Et si tu traites toujours tes invitées de la sorte, je te préviens, je reviens !
Il s’esclaffa et se tourna vers elle, tout sourire. Jenna observa une nouvelle fois sa bouche. Quel effet cela lui ferait‑il de sentir ses lèvres sur son corps, sur ses seins… entre ses cuisses ? Elle frissonna en imaginant la scène et pria silencieusement pour qu’ils arrivent bientôt à la réception.
Lorsqu’ils parvinrent à l’hôtel où devait se dérouler la soirée, elle se débrouilla pour descendre seule du 4x4. Si jamais Sam posait de nouveau les mains sur elle, elle ne répondait plus de rien.
Il l’observa et lui tendit le bras. Se rappelant que se retrouver en contact aussi étroit avec lui n’était pas une bonne idée, elle fit mine de n’avoir rien vu et avança seule. Lorsqu’elle parvint dans l’immense hall, Sam était encore deux pas derrière elle. Pourtant, elle ne ralentit pas son allure, pas même pour admirer l’élégance du lieu.
Sur un piédestal s’affichait une immense photo d’elle, ainsi que les indications pour se rendre à la réception. Jenna s’enfonça dans l’épais tapis bleu. Elle était presque parvenue au seuil de la grande salle, lorsqu’elle sentit la main de Sam sur son bras.
— Hé bébé ! Il n’y a pas le feu !
S’il savait ! C’était sûrement le feu qui courait préci-sément dans ses veines, parce que jamais elle ne s’était sentie dans un tel état. Elle serra les dents, inspira pro-fondément et se tourna vers lui.
— Je ne voulais pas faire attendre les invités.
Il lui désigna un tableau accroché au mur.
— Je voulais te montrer le portrait de mon arrière arrière-grand-mère. Comme je te l’ai déjà dit, la ville porte son nom.
Jenna se tourna vers la peinture, trop heureuse de dé-tacher son regard de Sam. Etonnée, elle constata que l’aïeule de Sam avait de nombreux traits physiques en commun avec lui : la même mâchoire ferme, les mêmes yeux d’un bleu si profond, et les mêmes lèvres sensuelles.
Sam regardait le portait d’un air grave.
— C’était vraiment une lady. Elle a aidé mon arrière arrière-grand-père à édifier une vie stable, elle a amené la médecine dans cette ville et a fondé le journal local. Et jusqu’à son décès, elle a toujours pris soin des autres.
Visiblement, Sam était fier de son héritage, et c’était tout à son honneur. Ses aïeux avaient construit une ville agréable, et aujourd’hui, il poursuivait leur œuvre.
— Et toi, tu marches sur leurs traces en essayant de moderniser l’hôpital.
— J’aurais tant aimé la connaître lorsqu’elle était jeune.
Il rit.
— Ce qui est tout à fait impossible, évidemment.
Soudain, Jenna sentit des larmes lui brûler les yeux, elle se tourna pour les dissimuler, mais il était déjà trop tard.
— Je suis désolé, dit Sam. Je ravive le souvenir de ta grand-mère.
— Ne t’inquiète pas. C’est juste que tout ceci est tellement récent ; et lorsque je me rends compte qu’elle est vraiment partie, cela me fait mal.
— Je comprends. A une époque, il m’arrivait souvent de vouloir discuter de certains sujets avec mon père. J’avais envie de prendre le téléphone et de parler avec lui, mais c’était impossible parce que, déjà, il n’était plus là.
— Dis-moi qu’avec le temps, les choses deviennent plus faciles.
— C’est le cas.
Elle s’essuya les yeux avec le mouchoir qu’il lui tendit.
— Tu es un bon menteur.
Sa présence, sa douceur : c’était tout ce dont elle avait besoin. De nouveau, ses yeux se posèrent sur sa bouche.
— Continue comme ça, et nous n’irons jamais à cette réception.
— Continuer… quoi ?
— A fixer mes lèvres ainsi. Ça me rend fou.
Ça le rendait fou. Tout comme elle. Il la rendait folle de désir.
Tandis qu’ils marchaient le long du corridor, ils en-tendirent des notes de musique. Ils pénétrèrent dans une vaste salle où un magnifique buffet avait été dressé. Trois superbes lustres descendaient du plafond et de nombreux couples dansaient sur le parquet ciré.
Les applaudissements fusèrent dans un coin, et con-tinuèrent jusqu’à ce que toute la salle fût en train de frapper dans ses mains. Jenna était stupéfaite de découvrir autant de chaleur dans leurs regards. Tandis qu’elle s’avançait, chacun la félicitait.
Elle hocha gracieusement la tête à chaque compliment, saluant et remerciant chacun. A côté d’elle, Sam se sentait complètement inutile et vexé qu’elle n’ait toujours pas pris son bras.
Ils s’avancèrent un peu plus dans la salle. Une femme entre deux âges, aux longs cheveux blonds, entama une conversation avec Jenna.
— Vous jouez superbement bien. Où avez-vous appris ?
Sam s’éloigna et se dirigea vers le bar, où il commanda un whisky qu’il but d’un trait. Puis il demanda au garçon un verre de vin blanc, et un autre whisky, qu’il prit avec lui, cette fois, en retournant auprès de Jenna. L’ayant rejointe, il lui tendit le verre de vin blanc. Elle lui sourit, et effleura sa main en saisissant le verre. Sam eut le temps de voir la petite flamme briller dans ses yeux avant qu’elle ne se raidisse. Alors, soudain, il comprit. Elle ne voulait pas le toucher, parce qu’elle était attirée par lui. Voilà pourquoi elle refusait de prendre son bras.

Il saisit quelques bribes de la conversation.
— Vos concerts vous amènent‑ils à voyager dans des contrées exotiques ? demanda une femme vêtue d’une élégante robe noire, tout en sirotant son champagne.
Jenna se tourna vers elle en lui souriant. Il aimait la façon dont son visage s’éclairait, tandis qu’elle répondait.
— En fait, je voyage presque toute l’année. Je suis allée à Rome, à Saint-Pétersbourg et à Budapest. J’ai donné des concerts pour Noël à Londres, et pour le nouvel an à Milan. Toutes ces villes sont magnifiques.
— Combien de temps devez-vous vous exercer chaque jour ? demanda un homme vêtu d’un costume bleu nuit, et d’un Stetson flambant neuf.
— Cela dépend, répondit Jenna. Si j’apprends un nouveau morceau, environ quatre heures. Sinon, deux ou trois suffisent.
D’autres questions suivirent, auxquelles elle répondit avec la même patience et la même gentillesse. Soudain, Sam songea qu’elle en avait assez fait.
— Ecoutez, dit‑il aux personnes qui entouraient Jenna. Mlle Sinclair n’a encore rien avalé de la soirée. Laissons-la aller se restaurer un peu.
Il lui tendit la main, et Jenna l’accepta. Une véritable décharge électrique le parcourut lorsqu’il sentit sa paume dans la sienne, mais il se refusa à la lâcher, et l’attira vers lui. Peut-être danser avec elle l’aiderait‑il à se reprendre. Ce fut pire.
— Est-ce que tu prends toujours ainsi tout en charge ? demanda Jenna.
— Eh bien, lorsque je vois une personne, supposée être mon invitée, se faire bombarder de questions alors qu’elle a l’air exténuée, que veux-tu, c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de voler à son secours.
Elle le fixait, et de nouveau ses yeux glissèrent jusqu’à ses lèvres.
— Est-ce que c’est vrai, demanda-t‑il, que tu voyages presque tout le temps ?
Elle releva les yeux vers les siens, et il se sentit soulagé.
— Oui, je voyage une bonne partie de l’année, et le reste du temps, je pratique mon instrument. Cela me convient tout à fait.
— Et quand est-ce que tu t’amuses ?
— Que je m’amuse ?
— Oui, tu sais, les choses que l’on fait, et qui nous font plaisir, ou nous permettent de nous relaxer. Tu te souviens ?
— Hm, oui. J’en ai un vague souvenir.
— Eh bien, pourquoi ne profiterions-nous pas de ton séjour ici pour te créer d’autres souvenirs de ce genre ?
Elle cligna des yeux et regarda au loin, alors qu’une rougeur lui montait aux joues.
— Tu danses très bien la valse, dit‑elle en continuant à éviter son regard.
Soudain, Sam se souvint de Tiffany lui apprenant la valse. Que diable était‑il en train de faire ? Les voyages que Jenna venait de mentionner ne lui rappelaient que trop la précipitation de son ex-femme pour s’éloigner du ranch dès qu’elle en avait l’occasion. La vie là-bas lui pesait et elle s’y ennuyait fermement. Quant à lui, il n’avait pas l’intention d’entamer une quelconque liaison avec une femme qui serait absente en permanence. Leur baiser n’était rien d’autre qu’une erreur, à mettre sur le compte de sa libido et d’un excès d’hormones. Il valait bien mieux pour lui comme pour elle qu’il garde ses distances.
— Que dirais-tu d’aller manger quelque chose ? demanda-t‑il.
Elle leva les yeux vers lui et eut l’air intriguée. Ap-paremment, elle avait perçu un changement en lui. Bon sang, il n’y pouvait rien ! Son ex-femme lui avait brisé le cœur, en le laissant seul dans une maison et un lit vide.
Il avait envie de remplir les deux avec une femme qui resterait à ses côtés. Mais c’était là la seule chose que Jenna ne pouvait lui offrir.
Durant toute la soirée, elle alla de groupe en groupe, discutant avec chacun, évitant Sam soigneusement. Il l’observait de loin, ressentant toujours autant de désir pour elle. Son propre comportement l’agaçait. Il n’avait pas l’habitude de se retrouver dans une telle situation, à désirer ce qui n’était pas bon pour lui.
L’orchestre joua un air déchirant et il se sentit encore plus mal à l’aise. Les notes de musique intensifiaient la prémonition qui ne l’avait pas quittée de la soirée. Bon sang, il avait tout fichu en l’air en l’embrassant. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Jamais de sa vie il ne s’était comporté ainsi avec une femme.
Après avoir passé plus de vingt minutes à la contempler à distance, il observa quelques signes de fatigue sur son visage, même si elle faisait tout pour les cacher. Peut-être lui était‑il donné de les voir parce qu’il la connaissait un tout petit peu, après ces deux jours passés ensemble. Quoi qu’il en fût, jamais il n’admettrait l’idée qu’il aimerait apprendre à mieux la connaître encore, et sur un terrain plus intime. Lorsqu’il s’aperçut qu’elle venait de réprimer un bâillement, il sut que c’était à lui de jouer. Il s’approcha d’elle et l’attrapa par le coude.
— Allez, dis bonsoir.
Elle se tourna vers lui et le regarda.
— Ça va, il est encore tôt.
— Il est déjà plus de minuit, Jenna.
— Vraiment ?
— Oui, dis bonne nuit. Tu tombes de fatigue.
Un groupe d’étudiants s’approchait ; le même qui l’avait déjà monopolisée une bonne partie de la soirée.
— Dis-leur que tu t’en vas.
— Je ne voudrais pas les décevoir. Je peux rester encore une demi-heure.
Il soupira, regarda les étudiants et comprit pourquoi elle agissait ainsi. L’émotion se lisait sur leurs figures ; leurs craintes, leurs espoirs, leurs rêves. Le fait qu’elle y fût attentive l’étonna. Jamais il n’aurait cru qu’une femme comme elle pût se soucier de quelqu’un d’autre que d’elle-même ; de la même façon qu’il avait cru qu’elle était du genre à dormir jusqu’à 9 heures du matin et à réclamer toute l’attention des domestiques. Jusqu’à quel point s’était‑il trompé à son sujet ?
Il lui tapota le bras.
— Tu as encore un atelier et un autre concert pour répondre à toutes leurs questions. Et d’ailleurs, je suis fatigué moi aussi.
— Vraiment ? Oh, pardon, bien sûr que tu dois l’être, excuse-moi. Laisse-moi juste remercier le président de l’académie et nous y allons.
Confortablement installés dans son 4x4, enveloppés par la nuit noire, ils reprirent la route du ranch. Lorsque Sam jeta un coup d’œil à Jenna, il vit qu’elle avait les yeux fermés et la tête posée sur l’appuie-tête. Elle était épuisée, mais il leur avait fallu quinze bonnes minutes pour quitter la salle de bal. Puis ils avaient été retardés par diverses personnes qui avaient réclamé des autographes, ce qui leur avait encore pris un bon quart d’heure. A présent, il était plus de 1 heure du matin, et lui aussi commençait à ressentir sérieusement la fatigue.
Le pire était qu’il allait devoir se lever à l’aube pour les travaux quotidiens au ranch. Et s’il ne s’occupait pas rapidement de la pile de papiers qui encombrait son bureau, il risquait d’être bientôt submergé.
Jenna se réveilla en sursaut et se rendit compte que c’était uniquement parce que Sam avait ouvert sa portière.
— Allez, belle endormie, nous sommes arrivés.
Elle se leva et voulut descendre du véhicule, mais encore ensommeillée, elle perdit l’équilibre… et fut rattrapée par une paire de bras solides.
— On dirait bien que tu ne peux ni monter ni descendre de ce 4x4 sans aide, plaisanta Sam.
— Cet engin est bien trop haut, grogna-t‑elle.
— Plus haut qu’une limousine, ça c’est certain.
De quoi parlait‑il ? Des limousines ? Elle ne se déplaçait qu’en taxi. Bien sûr, il lui était déjà arrivé de monter dans une limousine, mais ce n’était nullement dans ses habitudes.
Elle le regarda au fond des yeux et perdit le fil de ses pensées, se noyant dans le bleu de ses yeux.
Puis, elle regarda le ciel et soupira. Les étoiles brillaient, nombreuses dans la nuit noire. Vivant dans une métropole, elle n’avait encore jamais prêté attention à leur intensité. Elle faillit se cogner la tête en essayant de regarder le ciel dans toute sa largeur.
— Descends donc de là avant de te faire mal ou de tomber, dit Sam.
— Droit dans tes bras ? demanda-t‑elle en sentant des étincelles de passion fourmiller dans son corps.
Il lui tendit la main pour l’aider.
— Cela ne serait pas pour me déplaire, répondit‑il en lui souriant.
— A moi non plus, chuchota-t‑elle.
— C’est vrai ?
— Pourquoi pas ? Du moins, juste pour quelque temps.
— Ça me va.
— Il faudra bien. Parce que ma vie, c’est la musique.
— Est-ce un avertissement ?
Elle se rendit compte que c’était le cas. Oui, la musique passerait toujours avant tout, elle en avait pris conscience dès son plus jeune âge, dès qu’il lui avait fallu fixer ses priorités. Sa grand-mère avait choisi l’amour, mais sa mère avait préféré la musique. C’était son cas à elle aussi, et elle frissonna en comprenant à quel point elle ressemblait à sa mère. Mais la différence, c’était qu’elle ne manipulerait jamais qui que ce soit. Sa mère, elle, utilisait les gens. Elle les cajolait et se jouait d’eux. Elle, elle préférait être franche et aller droit au but. Même si cela comportait quelques risques.
— Lorsque je couche avec un homme, j’aime qu’il comprenne mon mode de vie.
— Parce que nous allons coucher ensemble ?
— Sam, chaque fois que tu me regardes, je me sens dans tous mes états.
Il poussa un soupir et la tint un peu plus serrée contre lui. Il baissa la tête. Elle leva le menton. Et leurs bouches se scellèrent, aussi avides l’une que l’autre.
Elle n’avait pas vraiment souhaité ce baiser. Tout du moins pas en cet instant, où elle se sentait trop fatiguée et excitée par le concert. Elle savait pertinemment qu’elle était en train de baisser sa garde, et que le désir qu’elle éprouvait pour lui était particulièrement violent.
Elle lui rendit néanmoins son baiser. Il l’embrassait, la dévorait presque, écartant ses lèvres de sa langue, la plongeant en elle pour la caresser le plus intimement possible.
S’offrant à lui, elle le laissa posséder sa bouche autant qu’il en avait envie et se mit à gémir. Se pressant contre lui, ils ondulèrent au rythme du désir qui les dévorait, et elle comprit, qu’après tout, seule l’urgence de satisfaire son envie lui importait. Oui, tout ce qu’elle souhaitait c’était que Sam Winchester la possède et attise le feu qu’il avait allumé en elle.
Elle glissa ses mains dans la ceinture de son pantalon et en sortit sa chemise, puis commença à le caresser. Elle soupira de plaisir tandis que Sam glissait ses mains sous ses vêtements, caressait ses seins, puis déboutonnait le bustier de sa robe et en écartait les pans.
Il la poussa contre le 4x4, et, de sa main libre, souleva le bas de sa robe jusqu’au haut de ses cuisses avant de se presser contre son aine. Il ondula contre elle tandis que sa bouche suçait son téton et qu’il l’excitait de plus belle. Jenna le caressait, elle aussi, et il sentit le désir les gagner tous deux de plus en plus fort.
— Oh mon Dieu, Jenna, j’ai tellement envie de toi…
Prenant sa tête entre ses mains, il se mit à l’embrasser encore plus passionnément. Avec fébrilité, Jenna laissa glisser ses mains de son torse jusqu’à son entrejambe. Lorsqu’elle toucha son sexe à travers son pantalon, elle sentit que l’excitation de Sam s’était encore accrue. Ainsi, lui aussi avait du mal à se contrôler en sa présence… C’était aussi bien : de cette façon, aucun d’eux n’avait l’avantage sur l’autre. Pourtant, elle devait s’assurer que tout était clair entre eux. Elle prit son souffle et le regarda droit dans les yeux.
— Tu as bien compris de quoi il s’agissait, n’est-ce pas ?
Il la regarda, surpris, les yeux écarquillés. Bien sûr, elle n’avait aucune intention de le faire souffrir, mais les mots devaient être prononcés. Impossible de le laisser croire quoi que ce soit d’autre.
— Du sexe, ma belle. Seulement du sexe. C’est cela que tu veux entendre ?
Il s’écarta d’elle et remit sa tenue en ordre, l’air énervé.
— Exactement. Ni amour, ni amitié. Une histoire de sexe, appelle cela comme tu voudras. Mais ce sera ça, et rien d’autre.
Elle le vit faire un pas en arrière et eut envie de pleurer, mais il fallait absolument qu’ils soient tous les deux sur la même longueur d’ondes. Sa grand-mère avait voulu qu’elle lise son journal, pour lui faire découvrir que ce genre de passion était possible. A présent, elle l’avait trouvée, ici, dans les bras de Sam, et elle voulait s’y abandonner, mais uniquement à certaines conditions : les siennes. Et il faudrait qu’il soit d’accord.
— Bon sang, Jenna, tu es douée pour rafraîchir l’ambiance.
Ils se sourirent.
— Mais bon, reprit‑il, ça me va. Ça me facilite même les choses. Après tout, qui refuserait de coucher avec une belle fille comme toi, qui ne réclame aucune attache ? Je te le demande, dit‑il froidement.
Ses mots étaient durs et elle savait que c’était uniquement un réflexe de défense, ce qu’elle comprenait et acceptait.
— C’est tout ce que je suis capable d’offrir, dit‑elle.
— Tu sais quoi, ma belle, puisque tu as l’air de tout vouloir décider, pourquoi ne choisis-tu pas aussi le lieu et le moment ? Tu n’auras qu’à me siffler.
Elle réajusta sa robe et soudain, entendit des pas sur le gravier.
— Sam, c’est toi ?
Sam recula prestement d’un pas, ramassa son Stetson et le remit sur sa tête.
— Ouais. Qu’y a-t‑il, Tooter ?
Jenna entendit la frustration dans sa voix.
— Je voulais juste te prévenir que la mise à bas a commencé. On dirait que Silver Shadow va nous offrir un beau poulain.
— Merci Tooter. Allons voir ça.
Il prit Jenna par le bras, et l’escorta, un peu rudement, vers la maison.
— Je pense que tu peux rentrer seule, à partir d’ici.
— Je le pense aussi.
Sam n’était pas du genre à rester au tapis bien longtemps. Et le sourire langoureux qu’il lui adressa signifiait bien que lui aussi, avait son mot à dire.
— Tout est clair entre nous, ma belle. Mais avant de poser ta ravissante tête sur l’oreiller, pourquoi ne réfléchirais-tu pas aux raisons qui te poussent à tout faire pour ne pas m’aimer ?
— Je ne fais rien de tel !
Il se mit à rire, et malgré elle, elle se rendit compte qu’elle avait encore envie de l’embrasser.
Ce qu’elle fit. Se haussant sur la pointe des pieds, elle l’attrapa par la nuque, l’attira vers elle et l’embrassa. Puis elle s’écarta de lui et le regarda droit dans les yeux, en passant sa langue sur ses lèvres.
— Hm, à présent, je sais que je vais passer une bonne nuit.
Elle se retourna, se dirigea vers la maison et sourit en entendant Sam étouffer un juron.
Elle pénétra dans le hall et, une fois arrivée dans sa chambre, s’approcha de la fenêtre afin de regarder Sam se diriger vers la grange avec Tooter. Elle soupira. Elle était complètement folle. Sam n’aurait pas dû l’accaparer autant. Sa priorité était le journal de sa grand-mère. Juste au moment où elle se disait qu’elle allait enfin avoir l’occasion d’explorer la maison, elle vit Sam quitter la grange et revenir vers celle-ci. Elle se réfugia dans l’ombre, remarquant au passage le coup d’œil qu’il avait lancé à sa fenêtre, tout en marchant. Dans sa chambre, elle se dirigea vers le lit, toujours habillée, et se sentit très seule. Elle allait s’allonger pour un petit moment et attendre que Sam ressorte pour aller chercher le carnet.
Un besoin soudain et désespéré de trouver le legs de son aïeule s’empara d’elle.
Sa grand-mère lui avait parlé de la passion et du temps qui passe. Pour elle, le temps commençait à s’enfuir dès qu’elle prenait son archer et le tendait sur les cordes de son violon.
Une musicienne de son niveau ne pouvait avoir à la fois une vie de famille heureuse et une carrière réussie. Sa propre famille en était une preuve manifeste.
Non, elle ne changerait rien à ses priorités. Surtout pas à cause de Sam.
Alors, pourquoi avait‑elle déjà l’impression qu’elle était en train de se noyer ?

 
 

 

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