chapitre 4
La pluie dégoulinait du chapeau bien trop grand que son hôte lui avait prêté, tandis qu’elle le suivait pas à pas. Sam, lui, semblait insensible à la pluie.
Ce lendemain matin, alors que le temps était exécrable et que Sam lui ouvrait grand la barrière de la grange, elle commençait à se dire que son plan, venir ici récupérer le journal de sa grand-mère, n’était peut-être pas une si bonne idée qu’elle l’avait cru. Elle se glissa à l’intérieur et fut assaillie par une odeur de foin et de chevaux. Ses narines frémirent et elle perçut également une odeur de terre qui éveilla en elle des souvenirs chers à son cœur.
C’était l’odeur du printemps, lorsque les tulipes commençaient à éclore, suivies des azalées et des rosiers de grand-mère. Elle se souvenait des jours anciens où elle s’asseyait dans le jardin, tout près de son aïeule, et l’observait tailler ses rosiers. La vieille dame se coiffait d’un grand chapeau de paille. Toujours aussi sophistiquée, même lorsqu’elle travaillait au jardin…
Les images lui firent fermer les yeux.
— Hé ! Tu as besoin d’une autre tasse de café ? demanda Sam.
Elle tressaillit et constata qu’il la regardait, amusé. Il était à peine 6 heures, ce matin, lorsqu’il avait frappé à sa porte, l’invitant à se lever et à s’habiller. Selon lui, rien ne valait l’aube, pour mieux apprécier la vie au ranch. Ce dont Môssieur le Cow-Boy ne se doutait pas, c’était qu’elle se levait toujours à cette heure-là, elle aussi, pour jouer du violon. Elle faisait ses gammes pendant une heure avant le petit déjeuner, et cela la mettait de belle humeur pour la journée.
— Non, je te remercie. En fait, l’odeur ici m’évoque le printemps, lorsque je regardais ma grand-mère jardiner.
— Oh, désolé. Moi aussi, parfois, les odeurs me plongent dans mes souvenirs. C’est fou, le nombre de choses dont on peut se rappeler, non ?
— Oui, c’est vrai.
Il lui tendit une pelle.
— Tu peux leur donner à chacun une pleine ration. Moi, je vais remplir les seaux.
— D’accord, chef.
— C’est toi qui as voulu participer.
— Pas de problème. Et je ne vais pas courir me réfugier dans un hôtel, si c’est ce que tu crois.
— Pourquoi penserais-je cela ? demanda-t‑il, faussement innocent.
— Peut-être parce que tu m’as tirée de mon lit à l’aube pour m’amener ici, sous la pluie, et me faire remplir les seaux de grains.
— Tu parles d’une pluie ! C’est juste une petite bruine, qui d’ailleurs sera bonne pour l’herbe. Tu n’es quand même pas une mauviette qui redoute l’eau ?
Elle sourit. Sam était irrésistible.
— Grands dieux, je ne voudrais surtout pas que l’on me colle cette étiquette.
Il lui sourit. Vêtu comme il l’était, avec son grand manteau cache-poussière, et son Stetson sur la tête, il avait l’air d’une publicité vivante de cow-boy. Elle le regarda se débarrasser de son manteau et s’emparer de deux énormes crochets qu’il planta dans des balles de foin pour les transporter. Déposant celles-ci à ses pieds, il prit une fourche qu’il planta dans le foin et commença à le distribuer dans la première stalle.
Jenna le regardait travailler, détaillant chacun de ses gestes. Il n’y en avait pas un de trop. Elle avait rencontré nombre d’hommes bien plus sophistiqués que Sam Winchester, mais aucun d’eux ne l’avait fascinée à ce point. Pourtant, Sam ne faisait rien d’autre qu’accomplir un travail manuel très ordinaire !
— Alors, pourquoi ne veux-tu pas de moi ici ?
Elle s’empara d’une fourche. Sam cessa un instant de travailler et la contempla. Puis, il secoua la tête et se remit à l’œuvre.
— Je n’ai jamais dit que je ne voulais pas de toi.
— C’était inutile de toute façon. Je ne reste pas plus de deux semaines.
— Je te suis reconnaissant pour ce que tu fais, Jenna. Je crois simplement que l’idée de tirer une jeune citadine de son lit si tôt le matin, pour lui montrer ce qu’est vraiment la vie dans un ranch me plaisait assez.
— Cela t’étonnerait sans doute d’apprendre que je me lève à cette heure-ci tous les jours.
Il s’interrompit.
— Effectivement, cela me surprend.
— Je m’en doutais. Sache, pour ta gouverne, que j’aime m’exercer au violon dès que je me lève.
— Quel idiot ! Bon sang ! Dire que je t’ai traînée ici, sous la pluie, et que j’ai interrompu le cours de ton emploi du temps habituel.
— Ce n’est pas grave, vraiment.
Il la regarda, visiblement peiné.
— Si. Je l’admets. C’était nul.
Il se détourna et reprit sa fourche.
— Préviens-moi, la prochaine fois, si tu as envie de faire tes gammes.
— Je le ferai, ne t’inquiète pas.
Quelques heures plus tard, ils terminaient enfin leur besogne. Fatiguée, Jenna fit rouler ses épaules, sentant une tension entre ses omoplates. Sam la contempla. Il avait hâte qu’elle s’en aille, mais ne voulait pas qu’elle parte en moins bonne forme qu’elle n’était arrivée. Il s’approcha, posa ses mains sur ses épaules, et commença à lui masser la nuque du bout des doigts.
Jenna sentit chacune des cellules de son corps se mettre à vibrer à l’unisson des mains de Sam. Son cœur battait de plus en plus vite. Elle avait la sensation que Sam la caressait, plus qu’il ne la massait. Dans la grange, le silence s’intensifia. Il était palpable. Soudain, il fut comme une sorte de lien entre eux deux, un lien au parfum de cuir et de bois, qui mettait un frein à leur désir.
— Hé boss ! Tu es là ?
Sam retira aussitôt ses mains et s’éclaircit la voix.
— Oui, à l’intérieur, Tooter.
Jenna et Sam se tenaient à présent à une distance res-pectable l’un de l’autre. Tooter entra et toucha le bord de son chapeau.
— Mademoiselle Sinclair.
Tooter hocha la tête et se tourna vers Sam.
— Silver Shadow est prête à mettre bas, mais je me fais du souci pour elle. Les choses n’ont pas l’air de se présenter normalement.
— Je vais aller voir ça.
Tooter salua de nouveau Jenna d’un « m’dame », et partit. Elle regarda Sam.
— Je vois que tu es très demandé.
— C’est le cas. Si tu préfères rentrer à la maison pour t’entraîner, vas-y. Moi, je vais aller voir la future maman.
— Non, ça va.
— J’ai déjà perturbé ton emploi du temps ; et il me semble bien que tu dois donner ce soir ton premier concert.
Jenna ne discuta pas. Même si elle mourait d’envie de voir la jument, Sam venait de lui rappeler que la musique avait toujours été sa priorité ; d’ailleurs, elle était plus à l’aise dans ce domaine qu’elle maîtrisait que lorsqu’elle était la proie de ces curieuses sensations qui s’emparaient d’elle dès qu’il la touchait.
Elle avait encore en mémoire l’image de son père blessé, lorsque sa mère avait fait de l’opéra le centre de sa vie. Depuis lors, il n’avait jamais réussi à panser son cœur brisé. Aujourd’hui encore, Jenna n’avait aucune idée de l’endroit où son père vivait. Jamais elle ne ferait à quelqu’un le mal que sa mère avait fait. Et certainement pas un homme aussi fier que Sam. C’était une promesse qu’elle s’était faite depuis de nombreuses années, et qu’elle n’avait aucune intention de rompre.
La musique était toute sa vie.
Ce soir-là, Jenna se tenait en coulisses et observait son public. Un peu plus tôt dans la soirée, elle avait tenté de localiser le fameux bureau, mais elle avait dû venir s’exercer avec l’académie de musique de Savannah, ce qui ne lui avait guère laissé de temps pour prospecter.
Elle sentait naître une certaine appréhension, mais savait pertinemment que cela n’avait rien à voir avec le public. Jamais elle n’avait déçu une salle. Non, ce trac provenait du fait qu’elle souhaitait ardemment que Sam apprécie sa musique. Cela comptait plus que tout. Ce serait comme une réponse aux plaisirs qu’elle prenait à leurs travaux matinaux.
Outre les morceaux habituels de son répertoire, elle comptait en jouer un qu’elle avait ajouté spécialement à son intention, intitulé Tempête. C’était un air magnifique et elle espérait sincèrement qu’il lui plairait. Soudain, une pensée terrifiante lui traversa l’esprit. Sam l’avait traînée sous la pluie pour prendre soin des chevaux et du bétail. Pour quelle raison s’intéresserait‑il à sa musique ? Et pourquoi cela avait‑il tant d’importance pour elle ?
— La salle est pleine, mademoiselle Sinclair, lui annonça le directeur de l’académie de musique, en lui posant une main sur l’épaule.
Il lui rendit le sourire qu’elle lui fit.
— Je vous ai entendue vous entraîner. C’était magnifique.
— Merci beaucoup, c’est très aimable.
— Non, ce n’est pas de la gentillesse, mais de l’admiration. Et c’est la stricte vérité.
— Alors, merci pour l’admiration.
L’homme était beau, élégant, et elle aimait son accent texan. Oui, il lui plaisait bien, mais pas comme Sam, dont la voix rauque résonnait encore à ses oreilles et semblait s’insinuer dans tout son être.
Elle s’enjoignit de se ressaisir. Bon sang ! La seule et unique raison de sa présence ici était de respecter les ultimes vœux de sa grand-mère et de retrouver son journal intime.
Le hall continuait à se remplir de gens qui se saluaient, puis cherchaient leurs sièges. Chacun était vêtu avec élégance et la lumière des lustres faisait briller les bijoux des femmes.
Soudain, les lumières se tamisèrent et le directeur de l’orchestre chuchota :
— Plus que deux minutes, mademoiselle.
Jenna prit son violon et, impatiemment, lissa sa robe noire. Sam avait été retenu dans la grange et elle ne l’avait pas vu avant de quitter le ranch ; c’était d’ailleurs un de ses employés qui l’avait conduite à l’académie.
Elle entendit son nom et retint son souffle. Puis elle quitta les coulisses et entra sur scène. Elle ne tenait guère à regarder Sam, qui se tenait au premier rang, assis à côté du maire et de sa femme. Au contraire, elle se força à regarder droit devant elle et salua le public qui applaudissait son entrée. Puis, elle porta son regard sur les sièges juste devant elle, et faillit en lâcher son instrument.
Au beau milieu d’une rangée de costumes sombres, il était assis là, vêtu d’une redingote noire, sous laquelle il portait un gilet rayé noir et gris et une chemise blanche.
Ses yeux croisèrent le regard bleu perçant de Sam. Il la dévorait des yeux. Jamais aucun homme n’avait provoqué en elle un tel émoi. En fait, tous les hommes qu’elle avait connus semblaient fades et inconsistants à côté de lui.
Elle se rappela le regard déterminé qu’il avait eu la veille, lorsqu’il avait essayé de dompter l’étalon, et elle se souvint de la force qui émanait de lui.
Il soutint son regard et inclina légèrement la tête pour la saluer, une petite lueur amusée au fond des yeux.
Elle observa sa bouche, si provocante, si sensuelle, se demandant soudain quel effet produiraient ses lèvres sur les siennes…
Il lui sourit — la narguait‑il ? Elle détourna enfin son regard.
— Mesdames et messieurs, bonsoir. C’est un véritable plaisir, et un honneur pour moi, d’être parmi vous ce soir. Je suis fière d’être accompagnée par l’excellent orchestre de l’académie de musique de Savannah, et son brillant chef, Martin Slade.
Elle tendit la main en direction de l’orchestre, et de nouveau, la foule applaudit
Puis, elle hocha la tête en direction de Martin Slade, qui leva sa baguette, attendant son commandement. Alors, portant le violon contre son menton, elle commença à jouer.
Les morceaux s’enchaînèrent. L’orchestre était parfait, la musique magnifiquement interprétée et le public visiblement sous le charme. Sam non plus, ne la quittait pas des yeux.
Lorsque le concert prit fin, elle s’avança vers le micro pour parler au public :
— Cela faisait longtemps que j’avais envie de visiter le Texas, et je voudrais profiter de l’occasion pour remercier Sam Winchester de m’accueillir chez lui.
Elle baissa les yeux vers lui et sourit.
— Sam, ce soir, je voudrais jouer un air spécialement pour toi. J’espère qu’il te plaira. Il s’appelle Tempête.
Les lumières s’éteignirent, laissant la salle dans l’obscurité totale.
Puis, soudain, un bref éclair illumina la scène, relayé par une lumière stroboscopique. Ensuite, un bruit résonna dans le théâtre, comme le grondement du tonnerre, habilement interprété par un roulement des tambours.
De nouveau, Jenna porta son violon sur son épaule. Elle en fit vibrer les cordes, et une note profonde, douce, descendit de la scène vers l’auditoire. Elle tint la note, longtemps, puis la laissa doucement décliner, pour terminer par un étourdissant silence. Lorsqu’un nouveau flash de lumière emplit le théâtre, suivi du roulement de tonnerre des tambours, elle reprit sa mélodie et tint la même note fascinante. Puis ses doigts se courbèrent et l’archer fit résonner un son d’une pureté éclatante. Ses doigts volaient au-dessus des cordes, tandis que Sam fermait les yeux, laissant la musique l’enivrer.
Elle joua une nappe d’accords stridents, en staccato, qui donnèrent à Sam la chair de poule. La musique semblait chargée d’orage, et sa plainte évoquait des prairies inondées, chuchotait le gémissement du vent, la brume et l’ombre des grands cèdres au-dessus du Rio Grande. Elle imitait les gouttes de pluie et tout l’auditoire retenait son souffle pour mieux savourer chaque mesure.
Sam avait l’impression que chaque corde vibrait et pénétrait en lui, jusqu’à un endroit demeuré si secret qu’il en avait à peine conscience. Il ignorait pourquoi, mais tout en le faisant rêver, la musique l’excitait, faisait battre son pouls de plus en plus vite. Puis, soudain, il se rendit compte que tout son corps brûlait de désir.
Il était rivé à son siège, fixant le visage de Jenna, tandis que les notes de musique résonnaient dans l’air. Il était comme hypnotisé. Lorsque leurs regards se croisèrent, il sut que s’il ne possédait pas cette femme, son désir le rendrait fou.
Il aurait voulu la toucher tout de suite ; la serrer contre lui, l’embrasser passionnément, et la faire sienne dans l’instant.
Pour se calmer, il inspira profondément. Bon sang, il en transpirait presque. Habituellement, les femmes ne le mettaient pas dans un tel état, mais celle-ci, avec son regard si fier, avait réussi à le subjuguer.
Délicieuse, charmante, séduisante : tous ces termes lui convenaient, mais aucun ne parvenait à décrire la force de l’attraction qu’elle exerçait sur lui.
La foudre crépita, le tonnerre gronda, puis Jenna joua la dernière note et attendit l’ultime halo du projecteur.
Alors, la foule se rompit en applaudissements. Sam les entendit à peine et se précipita dans les coulisses. Lorsqu’il y parvint, Jenna avait déjà quitté la scène, et il faillit se heurter à elle. Il la prit par les épaules.
— Jenna, je…
Jamais Sam n’avait ressenti autant d’émotion en pré-sence d’une femme. Jenna Sinclair avait vraiment quelque chose de particulier. Elle avait un corps sublime et sentait divinement bon. Même dans l’obscurité des coulisses, il discernait les voluptueuses courbes de son corps. Et il savait d’avance qu’elles s’harmoniseraient parfaitement avec celles de son propre corps.
— Sam… il faut que je me change. Je ne veux pas être en retard pour la réception qui a lieu à l’hôtel, je crois.
Elle le fixait de ses grands yeux bruns fascinants. La sentir si proche le troublait intensément. Un instant s’écoula, et Sam gonfla ses poumons pour reprendre contenance… et respirer une fois encore son parfum si suave.
— Très bien, je vais t’accompagner.
— Merci.
Il la laissa passer devant et la suivit jusqu’à sa loge.
— Préfères-tu que je t’attende dehors ?
— Non. J’ai besoin d’aide avec ma fermeture Eclair.
Il la suivit à l’intérieur et Jenna lui présenta son dos. Il baissa la fermeture, ses mains tremblant légèrement au contact de sa peau soyeuse. Puis elle s’écarta de lui et disparut derrière un paravent.
Il entendit le bruissement du tissu lorsqu’elle retira sa robe, et ferma les yeux.
Lorsqu’elle alluma la petite lampe située à côté d’elle, derrière le paravent, il perçut les ombres de sa silhouette et frissonna de désir. Il ne pouvait plus détacher son regard d’elle et sentait son pouls battre de plus en plus vite. Combien de promesses de volupté se trouvaient là, juste à portée de main !
Le souffle coupé, il la regarda lever les bras au-dessus de sa tête et vit un tissu léger descendre sur son corps. Il l’imagina en train de glisser de sa voluptueuse poitrine, jusqu’à ses cuisses qu’il devinait fermes. Fasciné, excité, il se dirigea vers le paravent. De nouveau, il ferma les yeux, essayant de maîtriser son désir. Jenna était une femme sophistiquée et avait le même mode de vie que celui qu’avait abandonné son ex-femme, pour mieux le regretter, une fois qu’elle s’était trouvée isolée au ranch. Cependant, Jenna, elle, serait partie d’ici peu, alors pourquoi ne pas laisser son désir s’exprimer librement ? Le seul danger à courir était de s’impliquer au-delà d’une simple liaison avec elle. Jenna était habituée à voyager, c’était une musicienne célèbre, et la gloire faisait partie de sa vie, une vie à laquelle elle ne renon-cerait certainement jamais. Mais après tout, n’était-ce pas ce qu’il souhaitait réellement ? Une liaison sans attaches. Cela la rendait encore plus désirable à ses yeux.
Il se tenait encore tout près du paravent, les mains posées dessus, lorsqu’elle en sortit et le regarda, interloquée. Ses yeux passèrent du paravent à la lampe, puis se fixèrent sur les vêtements qu’elle venait d’ôter. Elle lui lança un regard interrogateur. Sam sentit alors le sang affluer dans ses veines. La pensée de sa peau veloutée et son regard brûlant eurent raison de ses bonnes résolutions. Le désir qu’il avait vainement essayé de contrôler fut plus fort que tout, et il l’attira tout contre lui.
Sa bouche rugueuse fondit sur la sienne, plus douce que du velours.
Jenna retint son souffle. Elle s’était attendue à lire une certaine moquerie dans ses yeux, ou peut-être une invite, lorsqu’elle avait réalisé qu’il l’avait peut-être observée, nue à travers le paravent. Mais ce qu’elle découvrait était plus profond, plus fort, plus violent. Ce qu’elle devinait dans ses yeux bleus si intenses était le même désir qui brûlait en elle. Ainsi que la même envie de garder ses distances et d’éviter les erreurs. Les mêmes barrières que les siennes.
Elle posa ses mains sur ses épaules musclées, puis caressa son torse.
— Chérie, dit‑il, tu es absolument délicieuse.
Il continua à l’embrasser passionnément, tandis qu’elle se sentait fondre de plaisir.
Jenna retint son souffle lorsque les mains viriles commencèrent à explorer son corps et vinrent se poser sur ses fesses.
— Oui… gémit‑elle d’une voix sourde, tout en sentant, à travers son pantalon, son sexe dur se presser contre elle.
Il la serra plus fort encore, frottant son sexe contre le sien. Elle avait le souffle court et haletait sous la pression de sa bouche.
Un coup violent frappé à la porte brisa son élan, la forçant à ouvrir les yeux et à réaliser où elle était et ce qu’elle faisait. Elle repoussa Sam des deux mains, se demandant comment elle avait pu se laisser ainsi aller.
Sam la lâcha et s’écarta d’elle.
— Un moment, cria-t‑elle. J’arrive tout de suite.
Elle jeta un coup d’œil dans le miroir, rectifia son rouge à lèvres et tenta de passer devant Sam pour ouvrir la porte. Mais il l’attrapa par la taille et ses lèvres chaudes se glissèrent dans sa nuque où il déposa un langoureux baiser.
Se sentant de nouveau excitée, elle s’écarta néanmoins de lui.
— Sam ! Il faut que j’aille ouvrir la porte.
— Je sais, répondit‑il en la laissant passer.
Lorsque Jenna ouvrit pour accueillir les élèves de l’académie, impatients de la retrouver, elle s’aperçut qu’elle venait d’entrevoir ce que pouvait signifier la passion que sa grand-mère décrivait si bien dans son journal intime.
Mais elle n’était pas ici pour vivre une liaison passionnée.
Elle avait d’autres objectifs.
Même si la passion venait de se révéler à elle, avec son cortège de promesses sensuelles
chapitre 5
Ils roulèrent en silence, mais Jenna ne parvenait pas à ôter de son esprit le souvenir de leur baiser. Elle n’osait pas regarder Sam. Même dans l’obscurité de la cabine, elle savait qu’elle n’aurait pas pu échapper à l’attrait de ses lèvres… si charnelles. Elle se tourna sur le côté, et soupira.
Il rompit le silence, la ramenant à la réalité.
— Je ne savais vraiment plus ce que je faisais.
Il avait prononcé ces paroles sans même la regarder.
— Soyons honnêtes, nous sommes tous les deux aussi coupables l’un que l’autre. Tout cela était très… spontané. Dès que nous sommes côte à côte, il y a une sorte d’électricité entre nous.
Sam soupira.
— Je sais. Mais tu es mon invitée.
— Et si tu traites toujours tes invitées de la sorte, je te préviens, je reviens !
Il s’esclaffa et se tourna vers elle, tout sourire. Jenna observa une nouvelle fois sa bouche. Quel effet cela lui ferait‑il de sentir ses lèvres sur son corps, sur ses seins… entre ses cuisses ? Elle frissonna en imaginant la scène et pria silencieusement pour qu’ils arrivent bientôt à la réception.
Lorsqu’ils parvinrent à l’hôtel où devait se dérouler la soirée, elle se débrouilla pour descendre seule du 4x4. Si jamais Sam posait de nouveau les mains sur elle, elle ne répondait plus de rien.
Il l’observa et lui tendit le bras. Se rappelant que se retrouver en contact aussi étroit avec lui n’était pas une bonne idée, elle fit mine de n’avoir rien vu et avança seule. Lorsqu’elle parvint dans l’immense hall, Sam était encore deux pas derrière elle. Pourtant, elle ne ralentit pas son allure, pas même pour admirer l’élégance du lieu.
Sur un piédestal s’affichait une immense photo d’elle, ainsi que les indications pour se rendre à la réception. Jenna s’enfonça dans l’épais tapis bleu. Elle était presque parvenue au seuil de la grande salle, lorsqu’elle sentit la main de Sam sur son bras.
— Hé bébé ! Il n’y a pas le feu !
S’il savait ! C’était sûrement le feu qui courait préci-sément dans ses veines, parce que jamais elle ne s’était sentie dans un tel état. Elle serra les dents, inspira pro-fondément et se tourna vers lui.
— Je ne voulais pas faire attendre les invités.
Il lui désigna un tableau accroché au mur.
— Je voulais te montrer le portrait de mon arrière arrière-grand-mère. Comme je te l’ai déjà dit, la ville porte son nom.
Jenna se tourna vers la peinture, trop heureuse de dé-tacher son regard de Sam. Etonnée, elle constata que l’aïeule de Sam avait de nombreux traits physiques en commun avec lui : la même mâchoire ferme, les mêmes yeux d’un bleu si profond, et les mêmes lèvres sensuelles.
Sam regardait le portait d’un air grave.
— C’était vraiment une lady. Elle a aidé mon arrière arrière-grand-père à édifier une vie stable, elle a amené la médecine dans cette ville et a fondé le journal local. Et jusqu’à son décès, elle a toujours pris soin des autres.
Visiblement, Sam était fier de son héritage, et c’était tout à son honneur. Ses aïeux avaient construit une ville agréable, et aujourd’hui, il poursuivait leur œuvre.
— Et toi, tu marches sur leurs traces en essayant de moderniser l’hôpital.
— J’aurais tant aimé la connaître lorsqu’elle était jeune.
Il rit.
— Ce qui est tout à fait impossible, évidemment.
Soudain, Jenna sentit des larmes lui brûler les yeux, elle se tourna pour les dissimuler, mais il était déjà trop tard.
— Je suis désolé, dit Sam. Je ravive le souvenir de ta grand-mère.
— Ne t’inquiète pas. C’est juste que tout ceci est tellement récent ; et lorsque je me rends compte qu’elle est vraiment partie, cela me fait mal.
— Je comprends. A une époque, il m’arrivait souvent de vouloir discuter de certains sujets avec mon père. J’avais envie de prendre le téléphone et de parler avec lui, mais c’était impossible parce que, déjà, il n’était plus là.
— Dis-moi qu’avec le temps, les choses deviennent plus faciles.
— C’est le cas.
Elle s’essuya les yeux avec le mouchoir qu’il lui tendit.
— Tu es un bon menteur.
Sa présence, sa douceur : c’était tout ce dont elle avait besoin. De nouveau, ses yeux se posèrent sur sa bouche.
— Continue comme ça, et nous n’irons jamais à cette réception.
— Continuer… quoi ?
— A fixer mes lèvres ainsi. Ça me rend fou.
Ça le rendait fou. Tout comme elle. Il la rendait folle de désir.
Tandis qu’ils marchaient le long du corridor, ils en-tendirent des notes de musique. Ils pénétrèrent dans une vaste salle où un magnifique buffet avait été dressé. Trois superbes lustres descendaient du plafond et de nombreux couples dansaient sur le parquet ciré.
Les applaudissements fusèrent dans un coin, et con-tinuèrent jusqu’à ce que toute la salle fût en train de frapper dans ses mains. Jenna était stupéfaite de découvrir autant de chaleur dans leurs regards. Tandis qu’elle s’avançait, chacun la félicitait.
Elle hocha gracieusement la tête à chaque compliment, saluant et remerciant chacun. A côté d’elle, Sam se sentait complètement inutile et vexé qu’elle n’ait toujours pas pris son bras.
Ils s’avancèrent un peu plus dans la salle. Une femme entre deux âges, aux longs cheveux blonds, entama une conversation avec Jenna.
— Vous jouez superbement bien. Où avez-vous appris ?
Sam s’éloigna et se dirigea vers le bar, où il commanda un whisky qu’il but d’un trait. Puis il demanda au garçon un verre de vin blanc, et un autre whisky, qu’il prit avec lui, cette fois, en retournant auprès de Jenna. L’ayant rejointe, il lui tendit le verre de vin blanc. Elle lui sourit, et effleura sa main en saisissant le verre. Sam eut le temps de voir la petite flamme briller dans ses yeux avant qu’elle ne se raidisse. Alors, soudain, il comprit. Elle ne voulait pas le toucher, parce qu’elle était attirée par lui. Voilà pourquoi elle refusait de prendre son bras.
Il saisit quelques bribes de la conversation.
— Vos concerts vous amènent‑ils à voyager dans des contrées exotiques ? demanda une femme vêtue d’une élégante robe noire, tout en sirotant son champagne.
Jenna se tourna vers elle en lui souriant. Il aimait la façon dont son visage s’éclairait, tandis qu’elle répondait.
— En fait, je voyage presque toute l’année. Je suis allée à Rome, à Saint-Pétersbourg et à Budapest. J’ai donné des concerts pour Noël à Londres, et pour le nouvel an à Milan. Toutes ces villes sont magnifiques.
— Combien de temps devez-vous vous exercer chaque jour ? demanda un homme vêtu d’un costume bleu nuit, et d’un Stetson flambant neuf.
— Cela dépend, répondit Jenna. Si j’apprends un nouveau morceau, environ quatre heures. Sinon, deux ou trois suffisent.
D’autres questions suivirent, auxquelles elle répondit avec la même patience et la même gentillesse. Soudain, Sam songea qu’elle en avait assez fait.
— Ecoutez, dit‑il aux personnes qui entouraient Jenna. Mlle Sinclair n’a encore rien avalé de la soirée. Laissons-la aller se restaurer un peu.
Il lui tendit la main, et Jenna l’accepta. Une véritable décharge électrique le parcourut lorsqu’il sentit sa paume dans la sienne, mais il se refusa à la lâcher, et l’attira vers lui. Peut-être danser avec elle l’aiderait‑il à se reprendre. Ce fut pire.
— Est-ce que tu prends toujours ainsi tout en charge ? demanda Jenna.
— Eh bien, lorsque je vois une personne, supposée être mon invitée, se faire bombarder de questions alors qu’elle a l’air exténuée, que veux-tu, c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de voler à son secours.
Elle le fixait, et de nouveau ses yeux glissèrent jusqu’à ses lèvres.
— Est-ce que c’est vrai, demanda-t‑il, que tu voyages presque tout le temps ?
Elle releva les yeux vers les siens, et il se sentit soulagé.
— Oui, je voyage une bonne partie de l’année, et le reste du temps, je pratique mon instrument. Cela me convient tout à fait.
— Et quand est-ce que tu t’amuses ?
— Que je m’amuse ?
— Oui, tu sais, les choses que l’on fait, et qui nous font plaisir, ou nous permettent de nous relaxer. Tu te souviens ?
— Hm, oui. J’en ai un vague souvenir.
— Eh bien, pourquoi ne profiterions-nous pas de ton séjour ici pour te créer d’autres souvenirs de ce genre ?
Elle cligna des yeux et regarda au loin, alors qu’une rougeur lui montait aux joues.
— Tu danses très bien la valse, dit‑elle en continuant à éviter son regard.
Soudain, Sam se souvint de Tiffany lui apprenant la valse. Que diable était‑il en train de faire ? Les voyages que Jenna venait de mentionner ne lui rappelaient que trop la précipitation de son ex-femme pour s’éloigner du ranch dès qu’elle en avait l’occasion. La vie là-bas lui pesait et elle s’y ennuyait fermement. Quant à lui, il n’avait pas l’intention d’entamer une quelconque liaison avec une femme qui serait absente en permanence. Leur baiser n’était rien d’autre qu’une erreur, à mettre sur le compte de sa libido et d’un excès d’hormones. Il valait bien mieux pour lui comme pour elle qu’il garde ses distances.
— Que dirais-tu d’aller manger quelque chose ? demanda-t‑il.
Elle leva les yeux vers lui et eut l’air intriguée. Ap-paremment, elle avait perçu un changement en lui. Bon sang, il n’y pouvait rien ! Son ex-femme lui avait brisé le cœur, en le laissant seul dans une maison et un lit vide.
Il avait envie de remplir les deux avec une femme qui resterait à ses côtés. Mais c’était là la seule chose que Jenna ne pouvait lui offrir.
Durant toute la soirée, elle alla de groupe en groupe, discutant avec chacun, évitant Sam soigneusement. Il l’observait de loin, ressentant toujours autant de désir pour elle. Son propre comportement l’agaçait. Il n’avait pas l’habitude de se retrouver dans une telle situation, à désirer ce qui n’était pas bon pour lui.
L’orchestre joua un air déchirant et il se sentit encore plus mal à l’aise. Les notes de musique intensifiaient la prémonition qui ne l’avait pas quittée de la soirée. Bon sang, il avait tout fichu en l’air en l’embrassant. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Jamais de sa vie il ne s’était comporté ainsi avec une femme.
Après avoir passé plus de vingt minutes à la contempler à distance, il observa quelques signes de fatigue sur son visage, même si elle faisait tout pour les cacher. Peut-être lui était‑il donné de les voir parce qu’il la connaissait un tout petit peu, après ces deux jours passés ensemble. Quoi qu’il en fût, jamais il n’admettrait l’idée qu’il aimerait apprendre à mieux la connaître encore, et sur un terrain plus intime. Lorsqu’il s’aperçut qu’elle venait de réprimer un bâillement, il sut que c’était à lui de jouer. Il s’approcha d’elle et l’attrapa par le coude.
— Allez, dis bonsoir.
Elle se tourna vers lui et le regarda.
— Ça va, il est encore tôt.
— Il est déjà plus de minuit, Jenna.
— Vraiment ?
— Oui, dis bonne nuit. Tu tombes de fatigue.
Un groupe d’étudiants s’approchait ; le même qui l’avait déjà monopolisée une bonne partie de la soirée.
— Dis-leur que tu t’en vas.
— Je ne voudrais pas les décevoir. Je peux rester encore une demi-heure.
Il soupira, regarda les étudiants et comprit pourquoi elle agissait ainsi. L’émotion se lisait sur leurs figures ; leurs craintes, leurs espoirs, leurs rêves. Le fait qu’elle y fût attentive l’étonna. Jamais il n’aurait cru qu’une femme comme elle pût se soucier de quelqu’un d’autre que d’elle-même ; de la même façon qu’il avait cru qu’elle était du genre à dormir jusqu’à 9 heures du matin et à réclamer toute l’attention des domestiques. Jusqu’à quel point s’était‑il trompé à son sujet ?
Il lui tapota le bras.
— Tu as encore un atelier et un autre concert pour répondre à toutes leurs questions. Et d’ailleurs, je suis fatigué moi aussi.
— Vraiment ? Oh, pardon, bien sûr que tu dois l’être, excuse-moi. Laisse-moi juste remercier le président de l’académie et nous y allons.
Confortablement installés dans son 4x4, enveloppés par la nuit noire, ils reprirent la route du ranch. Lorsque Sam jeta un coup d’œil à Jenna, il vit qu’elle avait les yeux fermés et la tête posée sur l’appuie-tête. Elle était épuisée, mais il leur avait fallu quinze bonnes minutes pour quitter la salle de bal. Puis ils avaient été retardés par diverses personnes qui avaient réclamé des autographes, ce qui leur avait encore pris un bon quart d’heure. A présent, il était plus de 1 heure du matin, et lui aussi commençait à ressentir sérieusement la fatigue.
Le pire était qu’il allait devoir se lever à l’aube pour les travaux quotidiens au ranch. Et s’il ne s’occupait pas rapidement de la pile de papiers qui encombrait son bureau, il risquait d’être bientôt submergé.
Jenna se réveilla en sursaut et se rendit compte que c’était uniquement parce que Sam avait ouvert sa portière.
— Allez, belle endormie, nous sommes arrivés.
Elle se leva et voulut descendre du véhicule, mais encore ensommeillée, elle perdit l’équilibre… et fut rattrapée par une paire de bras solides.
— On dirait bien que tu ne peux ni monter ni descendre de ce 4x4 sans aide, plaisanta Sam.
— Cet engin est bien trop haut, grogna-t‑elle.
— Plus haut qu’une limousine, ça c’est certain.
De quoi parlait‑il ? Des limousines ? Elle ne se déplaçait qu’en taxi. Bien sûr, il lui était déjà arrivé de monter dans une limousine, mais ce n’était nullement dans ses habitudes.
Elle le regarda au fond des yeux et perdit le fil de ses pensées, se noyant dans le bleu de ses yeux.
Puis, elle regarda le ciel et soupira. Les étoiles brillaient, nombreuses dans la nuit noire. Vivant dans une métropole, elle n’avait encore jamais prêté attention à leur intensité. Elle faillit se cogner la tête en essayant de regarder le ciel dans toute sa largeur.
— Descends donc de là avant de te faire mal ou de tomber, dit Sam.
— Droit dans tes bras ? demanda-t‑elle en sentant des étincelles de passion fourmiller dans son corps.
Il lui tendit la main pour l’aider.
— Cela ne serait pas pour me déplaire, répondit‑il en lui souriant.
— A moi non plus, chuchota-t‑elle.
— C’est vrai ?
— Pourquoi pas ? Du moins, juste pour quelque temps.
— Ça me va.
— Il faudra bien. Parce que ma vie, c’est la musique.
— Est-ce un avertissement ?
Elle se rendit compte que c’était le cas. Oui, la musique passerait toujours avant tout, elle en avait pris conscience dès son plus jeune âge, dès qu’il lui avait fallu fixer ses priorités. Sa grand-mère avait choisi l’amour, mais sa mère avait préféré la musique. C’était son cas à elle aussi, et elle frissonna en comprenant à quel point elle ressemblait à sa mère. Mais la différence, c’était qu’elle ne manipulerait jamais qui que ce soit. Sa mère, elle, utilisait les gens. Elle les cajolait et se jouait d’eux. Elle, elle préférait être franche et aller droit au but. Même si cela comportait quelques risques.
— Lorsque je couche avec un homme, j’aime qu’il comprenne mon mode de vie.
— Parce que nous allons coucher ensemble ?
— Sam, chaque fois que tu me regardes, je me sens dans tous mes états.
Il poussa un soupir et la tint un peu plus serrée contre lui. Il baissa la tête. Elle leva le menton. Et leurs bouches se scellèrent, aussi avides l’une que l’autre.
Elle n’avait pas vraiment souhaité ce baiser. Tout du moins pas en cet instant, où elle se sentait trop fatiguée et excitée par le concert. Elle savait pertinemment qu’elle était en train de baisser sa garde, et que le désir qu’elle éprouvait pour lui était particulièrement violent.
Elle lui rendit néanmoins son baiser. Il l’embrassait, la dévorait presque, écartant ses lèvres de sa langue, la plongeant en elle pour la caresser le plus intimement possible.
S’offrant à lui, elle le laissa posséder sa bouche autant qu’il en avait envie et se mit à gémir. Se pressant contre lui, ils ondulèrent au rythme du désir qui les dévorait, et elle comprit, qu’après tout, seule l’urgence de satisfaire son envie lui importait. Oui, tout ce qu’elle souhaitait c’était que Sam Winchester la possède et attise le feu qu’il avait allumé en elle.
Elle glissa ses mains dans la ceinture de son pantalon et en sortit sa chemise, puis commença à le caresser. Elle soupira de plaisir tandis que Sam glissait ses mains sous ses vêtements, caressait ses seins, puis déboutonnait le bustier de sa robe et en écartait les pans.
Il la poussa contre le 4x4, et, de sa main libre, souleva le bas de sa robe jusqu’au haut de ses cuisses avant de se presser contre son aine. Il ondula contre elle tandis que sa bouche suçait son téton et qu’il l’excitait de plus belle. Jenna le caressait, elle aussi, et il sentit le désir les gagner tous deux de plus en plus fort.
— Oh mon Dieu, Jenna, j’ai tellement envie de toi…
Prenant sa tête entre ses mains, il se mit à l’embrasser encore plus passionnément. Avec fébrilité, Jenna laissa glisser ses mains de son torse jusqu’à son entrejambe. Lorsqu’elle toucha son sexe à travers son pantalon, elle sentit que l’excitation de Sam s’était encore accrue. Ainsi, lui aussi avait du mal à se contrôler en sa présence… C’était aussi bien : de cette façon, aucun d’eux n’avait l’avantage sur l’autre. Pourtant, elle devait s’assurer que tout était clair entre eux. Elle prit son souffle et le regarda droit dans les yeux.
— Tu as bien compris de quoi il s’agissait, n’est-ce pas ?
Il la regarda, surpris, les yeux écarquillés. Bien sûr, elle n’avait aucune intention de le faire souffrir, mais les mots devaient être prononcés. Impossible de le laisser croire quoi que ce soit d’autre.
— Du sexe, ma belle. Seulement du sexe. C’est cela que tu veux entendre ?
Il s’écarta d’elle et remit sa tenue en ordre, l’air énervé.
— Exactement. Ni amour, ni amitié. Une histoire de sexe, appelle cela comme tu voudras. Mais ce sera ça, et rien d’autre.
Elle le vit faire un pas en arrière et eut envie de pleurer, mais il fallait absolument qu’ils soient tous les deux sur la même longueur d’ondes. Sa grand-mère avait voulu qu’elle lise son journal, pour lui faire découvrir que ce genre de passion était possible. A présent, elle l’avait trouvée, ici, dans les bras de Sam, et elle voulait s’y abandonner, mais uniquement à certaines conditions : les siennes. Et il faudrait qu’il soit d’accord.
— Bon sang, Jenna, tu es douée pour rafraîchir l’ambiance.
Ils se sourirent.
— Mais bon, reprit‑il, ça me va. Ça me facilite même les choses. Après tout, qui refuserait de coucher avec une belle fille comme toi, qui ne réclame aucune attache ? Je te le demande, dit‑il froidement.
Ses mots étaient durs et elle savait que c’était uniquement un réflexe de défense, ce qu’elle comprenait et acceptait.
— C’est tout ce que je suis capable d’offrir, dit‑elle.
— Tu sais quoi, ma belle, puisque tu as l’air de tout vouloir décider, pourquoi ne choisis-tu pas aussi le lieu et le moment ? Tu n’auras qu’à me siffler.
Elle réajusta sa robe et soudain, entendit des pas sur le gravier.
— Sam, c’est toi ?
Sam recula prestement d’un pas, ramassa son Stetson et le remit sur sa tête.
— Ouais. Qu’y a-t‑il, Tooter ?
Jenna entendit la frustration dans sa voix.
— Je voulais juste te prévenir que la mise à bas a commencé. On dirait que Silver Shadow va nous offrir un beau poulain.
— Merci Tooter. Allons voir ça.
Il prit Jenna par le bras, et l’escorta, un peu rudement, vers la maison.
— Je pense que tu peux rentrer seule, à partir d’ici.
— Je le pense aussi.
Sam n’était pas du genre à rester au tapis bien longtemps. Et le sourire langoureux qu’il lui adressa signifiait bien que lui aussi, avait son mot à dire.
— Tout est clair entre nous, ma belle. Mais avant de poser ta ravissante tête sur l’oreiller, pourquoi ne réfléchirais-tu pas aux raisons qui te poussent à tout faire pour ne pas m’aimer ?
— Je ne fais rien de tel !
Il se mit à rire, et malgré elle, elle se rendit compte qu’elle avait encore envie de l’embrasser.
Ce qu’elle fit. Se haussant sur la pointe des pieds, elle l’attrapa par la nuque, l’attira vers elle et l’embrassa. Puis elle s’écarta de lui et le regarda droit dans les yeux, en passant sa langue sur ses lèvres.
— Hm, à présent, je sais que je vais passer une bonne nuit.
Elle se retourna, se dirigea vers la maison et sourit en entendant Sam étouffer un juron.
Elle pénétra dans le hall et, une fois arrivée dans sa chambre, s’approcha de la fenêtre afin de regarder Sam se diriger vers la grange avec Tooter. Elle soupira. Elle était complètement folle. Sam n’aurait pas dû l’accaparer autant. Sa priorité était le journal de sa grand-mère. Juste au moment où elle se disait qu’elle allait enfin avoir l’occasion d’explorer la maison, elle vit Sam quitter la grange et revenir vers celle-ci. Elle se réfugia dans l’ombre, remarquant au passage le coup d’œil qu’il avait lancé à sa fenêtre, tout en marchant. Dans sa chambre, elle se dirigea vers le lit, toujours habillée, et se sentit très seule. Elle allait s’allonger pour un petit moment et attendre que Sam ressorte pour aller chercher le carnet.
Un besoin soudain et désespéré de trouver le legs de son aïeule s’empara d’elle.
Sa grand-mère lui avait parlé de la passion et du temps qui passe. Pour elle, le temps commençait à s’enfuir dès qu’elle prenait son archer et le tendait sur les cordes de son violon.
Une musicienne de son niveau ne pouvait avoir à la fois une vie de famille heureuse et une carrière réussie. Sa propre famille en était une preuve manifeste.
Non, elle ne changerait rien à ses priorités. Surtout pas à cause de Sam.
Alors, pourquoi avait‑elle déjà l’impression qu’elle était en train de se noyer ?