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ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


Le bonheur au rendez-vous de Karen ROSE SMITH

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Flowers Le bonheur au rendez-vous de Karen ROSE SMITH

 

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Commencer sa nouvelle vie n’était pas simple et pourtant, au moment de se présenter chez Cooper Murphy, le père de la fillette qui serait désormais son élève, Meredith ne regrettait rien. Après son douloureux divorce en effet, au lieu de continuer à mener l’existence dorée que lui autorisait sa fortune personnelle, elle avait décidé de reprendre ses études d’institutrice qui son ex-mari l’avait contrainte d’abandonner – pour se prouver qu’elle était capable de mener à bien un projet personnel mais aussi dans l’espoir que le contact avec les enfants atténuait sa douleur de ne pouvoir devenir mère. Maintenant, songea-t-elle avec une pointe d’angoisse, il restait à souhaiter que Cooper Murphy, qui lui avait fait confiance sans rien savoir de son passé, ne se montrerait pas trop curieux à son égard…
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Chapitre

1

Les assiettes sales empilées sur le comptoir rappelèrent à Cooper Murphy que sa journée était loin d’être terminée. D’un geste las, il se massa la nuque pour tenter de soulager la tension de ses muscles noués.
— Papa ! Je suis prête à aller me coucher !
Cooper traversa la cuisine et s’immobilisa au pied de l’escalier.
— Tu t’es brossé les dents ?
Sa fille de huit ans apparut en haut des marches.
— J’ai oublié…
— Alors, vas-y et choisis un livre. Je dois passer un coup de téléphone. Je te rejoins tout de suite après.
— D’accord.
Sa queue-de-cheval balaya son épaule tandis qu’elle se détournait et s’éloignait en boitant.
Le cœur de Cooper se serra à cette vue, et il ne put s’empêcher de maudire son ex-femme. Elle était entièrement responsable de l’accident, mais il avait commis une erreur en acceptant d’envoyer Holly à New York. Une erreur qui ne se reproduirait pas car il savait à quoi s’en tenir, désormais. Tina lui avait prouvé le peu de cas qu’elle faisait de sa fille, et à l’avenir Holly resterait avec lui à Harmony Hollow. De façon permanente.
Il retourna dans la cuisine, et détacha la lettre fixée par un aimant à la porte du réfrigérateur. Durant ces deux dernières années, ils s’étaient parfaitement débrouillés, Holly et lui. Mais c’était avant l’accident. Il gardait à la mémoire tous les détails de cette horrible nuit : le coup de téléphone de Tina lui annonçant d’une voix hystérique qu’elles avaient eu un accident, et que Holly souffrait de lésions internes ainsi que d’une fracture ouverte au genou, son départ précipité pour New York…
A son arrivée à l’hôpital, Holly avait déjà été opérée. On avait procédé à l’ablation de la vésicule, réduit la fracture de sa jambe et elle était en salle de réveil.
Cooper prit une profonde inspiration, et revint au présent. Entre les séances de rééducation de Holly, son retard scolaire, les commandes de meubles qu’il ne parvenait plus à honorer, et le départ en congé de maternité pour deux mois de sa meilleure vendeuse, il ne savait plus où donner de la tête. Sa voisine gardait Holly, mais ce n’était pas une solution et il ne pouvait pas abuser de sa gentillesse.
Il avait lu avec attention la lettre de Meredith Preston. Apparemment, elle avait repris ses études après une longue interruption et obtenu brillamment son diplôme d’institutrice. Il avait appelé le collège de Pennsylvanie où elle avait achevé sa préparation : ses professeurs n’avaient pas tari d’éloges à son sujet. Mais surtout, il s’était fié à Luke Hobbart, un ami du Connecticut et beau-frère de Meredith Preston. Luke l’avait vivement encouragé à l’engager, lui vantant sa compétence et son contact excellent avec les enfants.
Cooper composa le numéro inscrit sur la lettre.
— Oui ?
— Pourrais-je parler à Meredith Preston, je vous prie ?
— C’est elle-même. A qui ai-je l’honneur ?
Il ne put s’empêcher de sourire en entendant cette formule de moins en moins employée. Pas de doute, c’était bien une institutrice. Elle portait probablement un chignon et des bésicles. D’après Luke, il s’agissait de la sœur aînée de sa femme, et ses professeurs avaient souligné sa maturité, son sérieux.
— Cooper Murphy à l’appareil. Etes-vous toujours intéressée par ce poste de gouvernante ?
— Oui, monsieur.
— Vos références sont excellentes, mais j’aimerais savoir pourquoi vous êtes prête à tout quitter pour venir vous installer plusieurs mois dans le New Hampshire.
Il y eut un silence. Si elle ne lui répondait pas franchement, il ne l’engagerait pas, décida Cooper.
— Je viens juste d’obtenir mon diplôme, monsieur Murphy, et je suis impatiente d’exercer, murmura-t elle enfin. J’ai posé ma candidature dans plusieurs écoles, mais il n’y a aucun poste à pourvoir dans la région. Par ailleurs, la perspective d’enseigner à une enfant de huit ans me plaît beaucoup.
Il jugea sa réponse satisfaisante.
— Très bien. Vous logerez chez moi pendant toute la durée de votre contrat. Cette perspective ne vous effraie pas ?
— Tout comme vous avez vérifié mes références, j’ai vérifié les vôtres. J’ai confiance en Luke. Et Becca m’a assuré que vous étiez un homme digne de confiance.
— Becca ne me connaît que depuis deux ans, murmura Cooper avec embarras.
— Mais Luke vous connaît depuis beaucoup plus longtemps. Essaieriez-vous de me dissuader d’accepter ce poste, monsieur Murphy ?
Une note d’amusement vibrait dans sa voix. Il éclata de rire. Au moins, elle n’était pas dépourvue d’humour.
— Non. Quand pouvez-vous commencer ?
— Quand avez-vous besoin de moi ?
Cooper effleura du regard la pile d’assiettes sales, la corbeille débordant de linge à repasser, la liste de courses fixée sur la porte du réfrigérateur.
— Mais… tout de suite.
— Le délai me paraît un peu court.
— Je plaisantais.
— Je peux partir dès demain, et me présenter chez vous mardi. Cela vous convient-il ?
Meredith Preston semblait compétente et décidée. Il poussa un soupir.
— C’est parfait.
Tout en lui indiquant le chemin de la ferme, Cooper sentit la tension de sa nuque se relâcher un peu. Les secours n’allaient pas tarder à arriver

 
 

 

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ÞÏíã 22-11-07, 03:53 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 3
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Chapitre : 2

nuit noire et épaisse fit presque regretter à Meredith son impulsivité. Elle avait annoncé son arrivée pour le lendemain mais, une fois sur la route, tandis que la voiture dévorait les kilomètres, elle avait brusquement décidé de commencer sa nouvelle vie dès aujourd’hui.
Un petit frisson d’anxiété la parcourut à cette pensée. Elle n’avait pas peur d’enseigner à une fillette de huit ans, loin de là. Elle adorait les enfants. Mais elle n’avait aucun don pour les tâches domestiques. Ayant grandi dans une certaine aisance, elle n’avait appris ni à cuisiner, ni à tenir une maison. Son mariage n’avait rien changé : Brian ne voulait pas qu’elle perde son temps à de telles futilités. Comme elle avait toujours montré de l’intérêt pour les œuvres caritatives, il l’avait encouragée à poursuivre dans cette voie, tout au moins jusqu’à la naissance de leur premier enfant.
Mais elle n’avait jamais connu les joies de la maternité, et après sa deuxième fausse couche…
Meredith s’interdit de penser au passé, et concentra toute son attention sur la bâtisse en pierre que venait d’illuminer la lumière des phares. Tout en priant pour ne pas s’être trompée d’adresse, elle descendit de voiture et suivit la petite allée dallée, puis elle actionna la sonnette et attendit.
Un hibou hulula dans le lointain, la faisant sursauter. Elle sonna de nouveau.
La lumière du porche s’alluma puis la porte s’ouvrit. Une petite fille apparut, vêtue d’une chemise de nuit sur laquelle étaient imprimés des ours multicolores. Meredith lui sourit.
— Bonsoir. Je suis Meredith Preston. Ton papa est-il là ?
La fillette devait connaître son nom car elle s’écria :
— Vous êtes mon professeur !
— En effet.
— Papa travaille dans son atelier. Venez, je vous accompagne.
Tout en la suivant à l’intérieur de la maison, Meredith remarqua immédiatement sa démarche claudicante. Luke lui avait vaguement parlé d’un accident qui lui avait fait manquer l’école pendant trois mois, mais il n’était pas entré dans les détails, estimant sans doute que Cooper s’en chargerait lui-même.
Elles longèrent un couloir étroit puis pénétrèrent dans une cuisine rustique, où trônait une énorme cuisinière en fonte terriblement intimidante. Depuis son divorce, Meredith se nourrissait presque exclusivement de salades, de yaourts et de plats surgelés. Les appareils tout neufs de son studio ne lui avaient guère servi, mais elle avait néanmoins appris à se familiariser avec le micro-ondes et le lave-vaisselle. Heureusement, elle s’était arrêtée en chemin dans une librairie pour acheter trois livres de cuisine proposant des recettes simples et rapides. Avec un peu de chance, elle réussirait à concocter quelques plats de base.
Holly se dirigea vers la porte de service.
— Par ici.
Une lumière brillait derrière les fenêtres d’une petite annexe située à une cinquantaine de mètres de la maison. Meredith régla son pas sur celui de la fillette qui ne cessait de bavarder tout en marchant.
— Papa a pris du retard dans son travail parce qu’il s’occupe beaucoup de moi, fit-elle remarquer, avec une maturité surprenante pour une enfant de huit ans.
— Vraiment ?
— Oui, mais il dit que ce n’est pas grave parce que je suis beaucoup plus importante que ses clients.
Holly ouvrit la porte. Cooper Murphy travaillait devant un établi, le visage protégé par un masque anti-poussière.
— Papa ?
Holly éleva la voix pour couvrir le bruit de la ponceuse.
— Papa ?
Il les aperçut et remonta le masque sur son front, ébouriffant ses cheveux bruns. Ses yeux étaient presque noirs. Il devait mesurer un bon mètre quatre-vingt-dix et, à en croire ses larges épaules et l’allure générale de sa silhouette revêtue d’une chemise en denim et d’un jean usé, il était solidement charpenté. Les minuscules sillons qui étoilaient le coin de ses yeux et la ligne carrée de sa mâchoire accentuaient son apparence rude et autoritaire.
Il arrêta la ponceuse et s’avança.
— Je suis arrivée plus tôt que prévu, expliqua Meredith d’une voix étrangement oppressée.
Pour ne pas laisser paraître son trouble, elle lui tendit la main, qu’il serra brièvement dans la sienne.
— Je vous imaginais plus âgée, déclara-t il d’une voix aussi réservée que son regard.
La jeune femme redressa les épaules.
— J’ai trente et un ans.
Les yeux de Cooper se posèrent sur ses cheveux blonds mi-longs, puis effleurèrent son pull bleu marine et son jean blanc. Meredith se surprit à se demander s’il la trouvait à son goût et s’en voulut aussitôt. L’échec de son mariage et les infidélités de Brian avaient ébranlé toutes ses convictions. Si elle avait repris ses études, c’était aussi pour se prouver qu’elle était capable de réussir par elle-même, et non en raison de sa beauté ou de sa fortune.
— Luke m’avait laissé entendre que vous étiez la sœur aînée de Becca.
— J’ai deux ans de plus qu’elle. Et Becca est ma demi-
sœur, rectifia-t elle machinalement. Holly la tira par la manche.
— Vous savez monter à cheval ?
— Holly…, l’avertit Cooper.
— Papa ne veut plus que je monte Gypsy depuis l’accident. Meredith s’accroupit pour être à sa hauteur.
— Tu t’es blessée en tombant de cheval ?
Holly secoua la tête.
— Non. C’était en voiture, à New York, avec maman.
Cooper rejoignit sa fille et la souleva dans ses bras comme si elle était un bébé.
— Ne devrais-tu pas être au lit, jeune fille ?
Holly enroula les bras autour du cou de son père.
— Tu me portes jusqu’à l’escalier ?
— Bien sûr. Ensuite, je m’occuperai des bagages de Mlle Preston.
— Meredith, rectifia-t elle d’une voix douce.
Holly lui sourit.
— Vous savez monter à cheval ou pas ? chuchota-t elle.
Meredith lui rendit son sourire et répondit sur le même ton :
— Oui.
Cooper fronça les sourcils et emmena sa fille jusqu’à la maison.
Tandis que la fillette regagnait sa chambre, Meredith suivit Cooper pour décharger la voiture. Elle avait vendu sa BMW pour acheter une petite berline d’occasion quand elle avait repris ses études, bien décidée à se défaire de tout signe extérieur de richesse.
Cooper souleva la grosse valise rangée dans le coffre pendant qu’elle rassemblait les livres et le sac de toile posés sur la banquette arrière.
— Je reviendrai les chercher, lui proposa-t il.
— Inutile, j’y arriverai très bien toute seule.
Meredith appréciait son offre, mais préférait lui montrer d’emblée qu’elle n’avait besoin de personne. Elle ignorait pourquoi il s’était imaginé qu’elle était plus âgée, mais elle était décidée à lui prouver qu’il ne perdrait pas au change.
Elle le suivit à l’étage, jusqu’à une chambre située tout au bout du couloir. Le grand lit bateau en pin était recouvert d’une courtepointe ancienne en patchwork. La coiffeuse et la table de nuit, doucement patinées par le temps, prenaient des reflets ambrés dans la lumière.
— J’ai vu les meubles de salle à manger que vous avez créés pour Luke et Becca. Ils sont magnifiques. Est-ce vous qui avez fait ce mobilier ?
Il posa la valise sur le lit.
— Non. C’est mon grand-père. Il m’a appris tout ce que je sais.
Meredith leva les yeux vers lui, étonnée par la tendresse qui perçait dans sa voix.
— Vous étiez très liés ?
— Je suis venu m’installer ici quand j’avais seize ans, et je ne suis jamais reparti. Vous avez faim ?
Elle n’eut pas le courage de nier. Son estomac se creusait à la seule idée de manger.
— Je ne voudrais surtout pas vous déranger.
— Aucun problème. Il reste une moitié de pizza au réfrigérateur. Nous la réchaufferons dans le micro-ondes.
Leurs yeux se rencontrèrent et la gorge de Meredith lui parut soudain affreusement sèche. Le regard de Cooper semblait vouloir la transpercer jusqu’à l’âme.
— Vous avez conduit d’une seule traite ?
— Vous m’aviez demandé de venir aussi rapidement que possible, et… Elle s’interrompit.
— Et ?
— Et il y a bien longtemps que personne n’a plus besoin de moi, avoua-t elle lentement.
Le silence les enveloppa, chargé d’intensité. Finalement, Cooper haussa un sourcil.
— Vous êtes toujours aussi franche ?
— J’essaie, en tout cas.
Il quitta la pièce sans un mot, ne lui laissant pas d’autre choix que de le suivre. Meredith aurait aimé savoir ce qu’il attendait d’elle. Pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas, elle n’avait pas envie de le décevoir.
Elle avait déçu Brian et il s’était consolé ailleurs.
« N’y pense plus, s’encouragea-t elle. Tu n’as pas besoin d’un homme pour exister. »
Tout en priant mentalement pour que ce soit vrai, elle rejoignit Cooper dans la cuisine.
Cooper entendit le pas de Meredith Preston résonner derrière lui et se dirigea vers le réfrigérateur. Il achetait une pizza au moins une fois par semaine. C’était le plat préféré de Holly. Mais, tout en déposant les deux parts dans un plat, il ne put empêcher son esprit de vagabonder, distrait par un trouble dont il n’avait pas ressenti les effets depuis son divorce. Meredith Preston semblait avoir réveillé ses instincts les plus primaires. Cette chevelure blonde aux reflets de soie, cette silhouette de rêve… Il avait l’impression de recevoir un direct du droit à l’estomac chaque fois qu’il croisait son regard. Dire qu’il l’avait imaginée affublée d’un chignon et de lunettes ! Pourquoi n’avait-il pas demandé davantage de détails à Luke ? Et pourquoi Luke ne l’avait-il pas averti que Meredith Preston avait davantage le physique d’un top model que d’une gouvernante ?
Dès demain matin, il la prierait de plier bagages. Il trouverait quelqu’un d’autre. Il placerait une petite annonce dans le journal et…
— Vous avez une maison ravissante, déclara Meredith quelque part derrière son épaule.
Même sa voix glissait sur lui comme un gant de satin. Une voix excitante, torturante, voluptueuse.
— C’était celle de mon grand-père, répondit-il, laconique.
Il déposa la pizza dans le micro-ondes, régla la minuterie et se détourna pour prendre deux verres dans le placard.
— Vous êtes de Lancaster ?
Il se souvenait de l’adresse mentionnée sur sa lettre.
Ses cheveux effleurèrent sa joue quand elle hocha la tête, et Cooper dut se retenir d’y enfouir ses mains. Qu’y avait-il donc de si spécial chez cette femme ? Pourquoi réagissait-il aussi violemment à sa présence ?
— Soda ou jus de fruits ?
— Jus de fruits. Il aurait dû se douter qu’elle choisirait une boisson naturelle. Il n’y avait rien d’artificiel en elle.
Le micro-ondes sonna. Leurs doigts se rencontrèrent sur la poignée, et la douceur de sa peau le troubla. Elle se dégagea aussi rapidement que lui, mais leurs regards se croisèrent et il vit des paillettes d’or scintiller au fond de ses prunelles vertes, profondes comme une forêt mystérieuse.
La sonnerie du téléphone les fit sursauter.
Cooper décrocha d’un geste brusque le combiné mural.
— J’écoute.
— Cooper ? C’est moi.
Sa voix se glaça.
— Bonsoir, Tina.
— Comment va Holly ?
— Elle boite toujours. Et elle continue à se lever au milieu de la nuit à cause de ses cauchemars.
— Elle a laissé un message sur mon répondeur, cet après-midi.
— Tu es sa mère. Il est normal qu’elle ait envie de te parler.
Meredith lui toucha le bras, lui montra le salon et quitta la pièce. Elle ne se *******ait pas d’être belle, elle était également intuitive et discrète.
— Evidemment, s’il ne tenait qu’à toi, elle ne m’appellerait jamais, n’est-ce pas ?
L’accusation de Tina ramena l’attention de Cooper sur la conversation. Il passa la main sur son visage et essaya de maîtriser sa colère.
— Effectivement. Mais il se trouve qu’elle t’aime. J’ignore pourquoi, d’ailleurs. Déjà avant de nous abandonner, tu la négligeais. Tu préférais te consacrer à ce maudit bouquin…
— Je n’ai jamais négligé Holly ! J’écrivais uniquement quand elle était à l’école, ou dans son lit. Tu ne supportes pas mon succès, voilà la vérité !
Ils ne se disputaient pas ainsi à l’époque de leur mariage. Mais depuis le divorce, ils n’étaient d’accord sur rien. Leurs conversations tournaient invariablement au règlement de comptes.
— Tu as ce que tu voulais, n’est-ce pas ? De l’argent, des limousines, de jolies robes, un superbe appartement à New York… Mais ne compte pas sur moi pour autoriser Holly à revenir te voir. Ton comportement irresponsable a failli la tuer !
— Ce n’est pas ma faute si la voiture a dérapé sur une plaque de verglas !
— C’est ta faute si Holly dormait sur la banquette arrière, sans sa ceinture de sécurité, parce que tu l’avais traînée à une réception où elle n’avait pas sa place, alors qu’elle aurait dû être au lit depuis longtemps !
— Je ne vois pas pourquoi je perds mon temps à parler avec toi, tu ne comprends rien. Dis à Holly que je la rappellerai.
Un claquement sec résonna dans l’oreille de Cooper. Tina avait toujours refusé de faire face à ses responsabilités. Ils auraient pu venir à bout de leurs problèmes si elle avait accepté d’en discuter. Mais elle avait préféré satisfaire son ambition et, à la première occasion, elle était partie.
C’était à lui de veiller au bonheur et à la sécurité de Holly, désormais. Et il s’y consacrerait corps et âme. Tout comme il était resté à son chevet après l’accident, quand il ignorait encore si sa fille reviendrait un jour vivre avec lui.
Il raccrocha le combiné, et se dirigea lentement vers le salon. Il n’y avait pas de place dans sa vie pour un séduisant professeur. Il avait suffisamment de problèmes comme ça. Mais, par correction, il attendrait demain pour demander à Meredith de partir. Elle était probablement fatiguée. Elle avait mérité une bonne nuit de sommeil.
Cooper s’immobilisa sur le seuil pour observer la jeune femme, tandis qu’elle examinait les livres rangés dans la bibliothèque près de la cheminée. Elle tourna la tête, et il décela une certaine gêne dans son regard. Peut-être avait-elle entendu une partie de la conversation.
— Je vous cède ma part de pizza, je n’ai plus faim. Je retourne travailler.
Il était conscient de sa brusquerie, mais il valait mieux pour eux deux qu’il prenne le large.
— Il y a des serviettes de toilette dans le placard de la salle de bains. A demain.
Il pivota sur ses talons avant d’avoir eu le temps de se noyer dans ses yeux verts, et s’éloigna d’un pas rapide.
Meredith rinça son assiette dans l’évier, et dirigea son regard vers la lumière qui continuait à briller derrière la fenêtre de l’atelier. Elle n’avait pas entendu la conversation téléphonique de Cooper, mais le ton cinglant de sa voix l’avait frappée. Apparemment, il tenait son ex-femme pour responsable de l’accident de leur fille.
De toute façon, cela ne la regardait pas.
Elle posa l’assiette dans l’égouttoir, s’assura que rien ne traînait et monta à l’étage. Une douche prolongée la relaxa, puis elle se brossa les cheveux sans parvenir à réprimer un bâillement. Elle s’asseyait sur son lit pour allumer la lampe de chevet quand il lui sembla entendre du bruit dans le couloir. Intriguée, elle s’approcha de la porte et l’entrebâilla.
Holly était assise en haut de l’escalier, un cheval en peluche dans les bras. Elle se leva précipitamment quand Meredith sortit dans le couloir.
— Je… euh… je croyais que vous dormiez.
Meredith serra la ceinture de sa robe de chambre et s’approcha.
— J’allais me mettre au lit. Il est tard.
— Je sais, murmura Holly.
— Tu n’arrives pas à dormir ?
La petite fille secoua la tête.
— Tu attendais que ton papa rentre ?
Elle acquiesça et serra plus étroitement sa peluche contre elle. Meredith lui tendit la main.
— Tu ne veux pas te recoucher ? Je te raconterai une histoire.
— Vous en connaissez une qui parle d’un cheval ?
Manifestement, Holly avait une passion pour ces animaux.
— Je peux certainement en trouver une.
Le dessus-de-lit rose et blanc était assorti au tissu des rideaux. Des photos de chevaux découpées dans des magazines et collées sur les portes des placards avec du ruban adhésif indiquaient que la fille de Cooper préférait la compagnie des équidés à celle des poupées.
Meredith tira une chaise près du lit puis, comme Holly se glissait sous les draps et levait vers elle un regard plein d’attente, elle commença à lui raconter une histoire.
Tandis qu’elle lui narrait les aventures d’une petite fille et d’un cheval perdus dans une forêt enchantée, les paupières de la fillette s’alourdirent. Elle lutta quelques instants pour ne pas s’endormir, puis ses yeux se fermèrent et sa respiration se ralentit. Meredith tendit doucement la main vers la lampe de chevet.
Elle venait d’éteindre quand Holly chuchota :
— Vous voulez bien rester près de moi jusqu’à ce que papa revienne ?
Malgré sa fatigue, Meredith n’eut pas le courage de refuser.
— D’accord. Ferme les yeux et imagine que tu galopes avec Gypsy.
Quand Holly lui sourit et serra sa main dans la sienne, la gorge de Meredith se noua et elle sut qu’elle avait pris la bonne décision en venant dans le New Hampshire.
Il était presque minuit quand Cooper gravit l’escalier. En parvenant sur le palier, il s’aperçut que la porte de sa fille n’était pas fermée, en poussa doucement le battant et retint son souffle. Meredith dormait sur une chaise, la main de Holly serrée dans la sienne.
Il lui effleura l’épaule, les sourcils froncés.
— Que faites-vous ici ?
Les paupières de la jeune femme se soulevèrent. Elle leva vers lui un regard un peu égaré et se redressa.
— Holly a fait un cauchemar ? demanda-il d’une voix tendue.
Parfaitement réveillée à présent, Meredith secoua lentement la tête et se pencha vers la petite fille.
— Ton papa est là. Je retourne me coucher.
Holly ouvrit les yeux, aperçut son père et sourit.
— Bonne nuit, papa.
Elle se tourna sur le côté et se rendormit aussitôt.
Meredith se leva et quitta la pièce, suivie de Cooper.
— Quel est le fin mot de l’histoire ? demanda-t il, en s’efforçant de ne pas remarquer la façon dont le tissu vert pâle de son peignoir soulignait les courbes de sa silhouette.
— J’allais me coucher quand j’ai entendu du bruit dans le couloir. Holly s’était installée en haut de l’escalier pour vous attendre, lui expliqua Meredith.
— Que voulez-vous dire ?
Elle resserra la ceinture de son peignoir, attirant involontairement l’attention de Cooper sur la finesse de sa taille, et planta son regard dans le sien.
— Holly dort-elle quand vous rentrez ?
— Naturellement. Je la mets au lit à 8 h 30 et je ne rentre jamais avant 11 heures ou minuit. Pourquoi ?
— Elle était assise sur cette marche, comme si elle en avait l’habitude.
— Vous devez vous tromper.
— Vous aimeriez que je me trompe, n’est-ce pas ? Dans quelles circonstances a-t elle été blessée ?
— Un accident de voiture.
Le mauvais temps avait sévi toute la journée sur la côte Est, se souvint-il. Tina aurait dû rester à la maison avec Holly au lieu de l’emmener à cette soirée où elle n’avait que faire. Mais Tina ne s’était préoccupée que d’elle-même, comme d’habitude. Elle n’avait jamais eu l’instinct maternel. C’était plus drôle de voyager, de signer des autographes, de côtoyer des célébrités…
— Lui arrive-t il de revivre l’accident dans ses cauchemars ? insista Meredith.
— De temps à autre.
— En ce cas, elle a probablement peur de s’endormir tant que vous n’êtes pas là.
— Ecoutez, mademoiselle Preston, vous avez obtenu votre diplôme d’institutrice, parfait. Mais cela ne fait pas de vous une experte en psychologie infantile !
— Je m’appelle Meredith. Et je ne prétends nullement être une experte. Mais je me souviens de mon désarroi à la mort de ma mère. J’étais terrifiée à l’idée que mon père disparaisse à son tour. Toutes les nuits, je me levais pour vérifier qu’il était bien dans son lit. Je ne parvenais pas à m’endormir avant de m’en être assurée. Et malgré tout, je continuais à avoir peur.
Cooper se rappela ses propres angoisses nocturnes lorsqu’il entendait ses parents se disputer dans la pièce voisine. Il était étonné que Meredith ait cette expérience en commun avec lui.
— Holly sait que, contrairement à sa mère, je ne l’abandonnerai jamais, et que je serai toujours là pour la protéger.
Meredith n’essaya ni de défendre son point de vue, ni de marquer un point, mais une expression soucieuse passa dans son regard. Le dessin de ses lèvres était incroyablement parfait, sa peau avait la douceur et la finesse d’une porcelaine.
Plus Cooper la regardait, plus son désir de l’embrasser grandissait, et moins il avait envie de l’envoyer faire ses bagages.
— Holly a beaucoup de chance d’avoir un père comme vous, déclara-t elle d’une voix douce.
Il garda le silence, faute de trouver une réponse.
— Que prenez-vous au petit déjeuner ? demanda-t elle après un temps.
Il s’éclaircit la gorge.
— Holly prend des céréales. Personnellement, je me *******e d’une tasse de café noir.
Comme si elle avait déjà réfléchi à sa première journée de travail, Meredith poursuivit :
— Demain, je me *******erai d’observer les habitudes de Holly et de feuilleter ses cahiers. J’aimerais établir un climat de confiance avant de commencer mes cours.
C’était le moment ou jamais de lui annoncer la mauvaise nouvelle mais, étrangement, il n’en eut pas le courage.
— Nous en reparlerons demain, trancha-t il d’un ton sec.
Meredith parut décontenancée par sa rudesse, mais acquiesça d’un petit signe du menton.
— Très bien. A demain.
Cooper s’éloigna de la tentation à grandes enjambées. Quand Tina l’avait quitté, il s’était juré de ne plus jamais se laisser attendrir par une femme.
Il n’allait certainement pas revenir sur sa promesse à cause d’un troublant regard vert, capable de voir au-delà des apparences.

 
 

 

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Chapitre : 3

Lorsque Cooper eut fini de s’occuper des chevaux, le lendemain matin, le sort de Meredith Preston était scellé.
Puisqu’elle semblait prendre à cœur les intérêts de Holly, il la garderait à l’essai pendant une semaine, le temps de voir si elle s’entendait bien avec l’enfant, et si elle venait à bout de ces maudites tâches ménagères qui lui faisaient perdre un temps fou.
Pour le reste…
Il lui suffirait de penser à son mariage avec Tina et à leur divorce pour retomber sur terre. Il avait passé l’âge des toquades, décida-t il en décrochant le téléphone de sa chambre pour informer sa voisine, Mme Macavee, que Holly avait une gouvernante. Du moins pour le moment.
L’odeur du café fraîchement moulu l’accueillit sur le palier. Il descendit l’escalier, un sourire satisfait aux lèvres. Pour une fois, il n’aurait pas à se soucier de ce qu’il y aurait dans leurs assiettes.
Meredith était assise derrière la table, le visage incliné sur un livre. Elle leva les yeux en le voyant entrer et sourit.
Ce sourire faillit balayer ses bonnes résolutions. Au lieu de s’astreindre à garder ses distances, il n’eut plus qu’une envie : faire plus ample connaissance. Tout en se répétant qu’il avait besoin d’une gouvernante et de rien d’autre, Cooper la salua d’un petit signe du menton et se dirigea vers la cafetière.
— Vous ne voulez pas manger quelque chose ? Je peux vous préparer des toasts, des œufs brouillés, ou…
— Non, merci.
Il se servit rapidement une tasse de café, puis lui montra une feuille de papier fixée sur la porte du réfrigérateur.
— J’y ai inscrit tous les numéros importants, à commencer par celui du magasin et du pédiatre de Holly.
Meredith se leva, prit la liste et l’examina.
— C’est un sept ou un quatre ? demanda-t elle en s’approchant de Cooper.
L’odeur de son shampooing effleura ses narines. Sa gorge se contracta.
— Un quatre.
Il se força à avaler une gorgée de café, et reposa la tasse sur le comptoir.
— Je suis en retard.
Il pivota sur ses talons avant qu’elle ait l’occasion de lui sourire de nouveau, et marcha vers la porte.
— Monsieur Murphy ?
Il se retourna avec un soupir.
— Cooper.
— A quelle heure souhaitez-vous dîner ?
— Sauf imprévu, je serai à la maison vers 18 heures. Veillez à ce que Holly se repose cet après-midi. A ce soir.
Il eut vaguement l’impression qu’elle lui souhaitait une bonne journée, mais ne s’attarda pas pour s’en assurer.
Meredith consacra la matinée à consulter les cahiers de Holly, afin de déterminer ses points faibles et les matières dans lesquelles la petite avait pris du retard. Elle avait l’intention de rencontrer son institutrice, mais souhaitait d’abord en discuter avec Cooper. A supposer qu’il soit capable de rester dans la même pièce qu’elle plus de trente secondes. Il régnait entre eux une tension aussi troublante qu’exaspérante. Elle était venue ici parce que le poste répondait à son attente, pas pour autre chose. Mais quand Cooper la regardait…
Depuis son divorce, elle avait oublié le plaisir d’être désirée. Le mariage lui était apparu comme une aventure merveilleuse. Elle avait adoré vivre en couple, jusqu’à ce que Brian décide de la remplacer par une partenaire plus conforme à ses souhaits. L’infidélité de son mari, ajoutée à son angoisse de ne jamais pouvoir donner naissance à un enfant, avaient créé en elle un sentiment d’insécurité dont elle ne parvenait pas à se relever.
La peur de souffrir de nouveau l’avait dissuadée de nouer une relation avec un homme, même si l’union de Becca et de Luke lui avait prouvé que tous les mariages n’étaient pas forcément voués à l’échec. Mais la trahison de Brian était encore cuisante dans son esprit, et elle n’était pas certaine d’avoir un jour le courage de refaire confiance à un homme.
Holly lui montra le premier chapitre de son livre de sciences naturelles.
— J’en étais là quand je suis partie à New York voir maman. On mange bientôt ? Je meurs de faim !
Il y avait du jambon et du fromage au réfrigérateur. Meredith pouvait aisément préparer des sandwichs et râper des carottes. Le dîner serait une autre affaire. Elle avait choisi, pour ses débuts, une recette des plus simples, mais encore fallait-il se procurer les ingrédients.
— Nous pouvons déjeuner maintenant, si tu veux. Mais ensuite, il faudra que j’aille faire quelques courses.
— Chouette ! Je vous montrerai… Holly s’interrompit brusquement et secoua la tête.
— Oh, c’est impossible.
— Pourquoi, chérie ?
— Papa ne veut pas que je monte dans une autre voiture que la sienne. S’il l’apprend, il sera très en colère.
— En ce cas, nous allons l’appeler et lui demander la permission.
Meredith saisit la feuille épinglée sur la porte du réfrigérateur, et composa le numéro du magasin. Une femme la mit en attente quelques instants, puis Cooper fut en ligne.
— Il y a un problème ?
— Non, non, tout va bien. Simplement, j’aimerais me rendre en ville cet après-midi pour effectuer quelques achats, et Holly a l’air de penser que vous ne serez pas d’accord pour qu’elle m’accompagne. Si vous ne me faites pas confiance, autant que je rentre chez moi.
Ses paroles se heurtèrent à un long silence, au point que Meredith se demanda si elle n’avait pas abordé le problème trop brutalement. Mais Cooper semblait homme à aimer la franchise.
— Passez-moi Holly.
Meredith tendit le combiné à la petite fille.
— Ton papa veut te parler.
Manifestement, Cooper lui demanda si elle avait envie de l’accompagner.

— Oh oui. Comme ça je pourrai lui montrer mes plats préférés, et les tiens aussi. J’attacherai ma ceinture de sécurité, oui. Promis.
Holly leva les yeux vers Meredith et sourit.
— D’accord. Et je me reposerai en rentrant.
Elle rendit le combiné à Meredith.
— Elle a effectivement très envie d’y aller, murmura Cooper. Ce n’est qu’à quelques kilomètres, mais…
— Je serai prudente, Cooper. Vous avez ma parole. Il y eut un nouveau silence, puis il conclut :
— Achetez tout ce dont vous avez besoin. Vous trouverez une enveloppe contenant de l’argent dans ma chambre, sur la table. A ce soir.
Meredith raccrocha, croisa le regard malicieux de Holly et sourit. Cooper Murphy avait remis la vie de sa fille entre ses mains. Sans enthousiasme, mais il l’avait fait. Elle en était flattée, et un peu effrayée. Peut-être était-ce ce que l’on ressentait quand on était parent.
L’après-midi passa aussi rapidement que la matinée. En rentrant des courses, Holly monta se reposer dans sa chambre, et Meredith en profita pour sortir tous les ingrédients dont elle aurait besoin pour préparer son bœuf Stroganov.
Un peu plus tard, alors que Meredith se débattait avec les casseroles et les saladiers, la fillette redescendit et prit une carotte pour son cheval. Par la fenêtre, la jeune femme la vit se diriger vers le paddock, où elle resta un long moment, le bras passé autour de l’encolure de l’animal, la joue appuyée contre sa tête.
Meredith avait suivi à la lettre toutes les étapes de la recette, et pourtant le dîner n’était toujours pas prêt quand Cooper rentra du travail. La farine dans laquelle elle avait roulé ses morceaux de viande s’était répandue sur le comptoir. Le riz avait bouilli et rebouilli, mais il n’était toujours pas cuit et, malgré une surveillance constante, la viande était dure comme du bois. Meredith ajouta néanmoins la crème aigre, et sentit au même instant une odeur suspecte. Les petits pois étaient calcinés ! Elle avait ouvert le brûleur en grand, et oublié de les retourner.
Cooper pénétra au milieu de ce chaos, s’immobilisa et plissa le nez.
Meredith se força à sourire et s’affaira comme si tout était normal.
— C’est presque prêt, annonça-t elle d’un ton enjoué. Vous avez le temps de monter vous rafraîchir, je me charge d’appeler Holly.
Le regard de Cooper balaya la cuisine dévastée, s’arrêta brièvement sur la table dressée pour trois qu’égayait un bouquet de fleurs, avant de venir se poser sur Meredith. Ses joues étaient cramoisies, et son jean maculé de taches.
— Où est ma fille ? demanda-t il enfin.
Il la dévisageait avec une telle intensité qu’elle finit par se demander si elle n’avait pas de la farine sur le nez.
— Avec Gypsy. Elle m’a promis de ne pas entrer dans le paddock, s’empressa-t elle de préciser en le voyant froncer les sourcils.
— J’ai failli vous appeler cet après-midi pour m’assurer que tout allait bien.
— Mais vous ne l’avez pas fait.
— Comme vous l’avez souligné, je dois apprendre à vous faire confiance. Mais autant vous prévenir, ce n’est pas gagné d’avance.
— Je comprends.
Cooper s’approcha.
— Vraiment ?
Meredith hocha la tête.
— Je suis divorcée, moi aussi, vous savez. Cela m’a obligée à remettre pas mal de choses en question.
— Vos relations avec les hommes, entre autres ? demanda-t il à voix basse.
— En effet, admit-elle en plongeant son regard au fond du sien.
— Vous vouliez ce divorce ?
— Etant donné les circonstances… oui.
Elle n’avait pas l’intention d’entrer dans les détails. Pas devant un étranger.
— Eh bien, moi j’étais contre, riposta-t il. Du moins, à l’époque. Maintenant, je me rends compte que nous n’aurions jamais dû nous marier, Tina et moi. Malheureusement, c’est Holly qui paye nos erreurs aujourd’hui.
— Mais vous n’auriez pas eu Holly si vous ne vous étiez pas mariés.
Le pli amer de sa bouche s’adoucit et une lueur amusée pétilla au fond de ses yeux.
— Votre sagesse vous honore.
Le couvercle du fait-tout clapotait. Meredith le souleva et réalisa avec consternation que la viande était collée au fond du récipient.
La voix grave de Cooper retentit derrière elle.
— Je monte me changer. J’en ai pour cinq minutes.
Meredith se mordit la lèvre. Encore cinq minutes, et elle servirait le premier repas qu’elle ait jamais cuisiné de toute sa vie !
Le dîner fut immangeable mais, pour une raison mystérieuse, ni Cooper ni Holly ne lui en firent la remarque. La viande était dure, le riz trop cuit, et les petits pois avaient un horrible goût de brûlé. Quant au soufflé au citron qui devait clore le festin, il n’avait jamais monté. Elle avait bien envisagé de fouetter une mousse au chocolat, mais…
Cooper contempla la bouillie informe qui tapissait son assiette à dessert, et reposa sa petite cuillère.
— Tu viens t’occuper des chevaux avec moi, Holly ? La petite fille secoua la tête.
— Je préfère aider Meredith à ranger un peu. Je te rejoindrai dès que j’aurai fini, ajouta-t elle, comme son père la dévisageait avec stupéfaction.
Meredith vit Cooper poser un regard dubitatif sur la cuisinière et le plan de travail, mais il s’abstint de tout commentaire, ébouriffa affectueusement les cheveux de sa fille et quitta la pièce.
Meredith empila les assiettes et les déposa dans l’évier.
— Vous ne savez pas faire la cuisine, n’est-ce pas ? demanda Holly.
Meredith envisagea un instant de mentir, mais à quoi bon ?
— Je ne dirai rien à papa si vous le persuadez de me laisser monter Gypsy.

Ce petit ange aux grands yeux bruns savait comment retourner une situation à son avantage.
— Pas de chantage avec moi, Holly. Si tu veux révéler à ton papa que je ne sais pas cuisiner, libre à toi. De toute façon, si je n’ai pas trouvé une solution avant demain soir, je passerai moi-même aux aveux.
— Vous êtes sérieuse ?
Meredith hocha la tête.
— Et s’il se met en colère ?
— Je ferai front.
— Maman n’aime pas le mettre en colère.
Autrement dit, son ex-femme évitait soigneusement les confrontations, traduisit Meredith.
— La seule façon de régler un problème, c’est souvent de l’aborder franchement, quitte à en supporter les conséquences.
Holly réfléchit quelques instants.
— Alors vous ne demanderez pas à papa de me laisser monter Gypsy.
Meredith ouvrit le robinet d’eau chaude, et se tourna vers la petite fille.
— Ta santé passe d’abord. Je parlerai à ton papa le moment venu, mais pas avant. D’accord ?
— Bientôt ? demanda Holly d’une voix pleine d’espoir.
Meredith lui sourit.
— Bientôt.
— Vous allez vraiment apprendre à cuisiner d’ici à demain soir ?
— On verra bien.
Meredith lui décocha un clin d’œil et lava les assiettes.
Cooper souleva Holly dans ses bras pour lui permettre d’atteindre la crinière de Gypsy avec la brosse. Elle avait fait irruption dans l’écurie, déclarant que Meredith avait finalement décliné son aide.
Le dîner avait été… intéressant. De toute évidence, Meredith n’avait pas l’habitude d’utiliser une cuisinière en fonte. Mais les repas s’amélioreraient certainement au fil des jours. En tout cas, il fallait l’espérer.
Il reposa sa fille sur le sol, tourna la tête en entendant un pas et vit Meredith s’avancer vers eux. Il flottait autour d’elle une sorte d’aura lumineuse… L’odeur de paille, de terre mouillée et d’écurie se dissipa à son approche, remplacée par une sensation grisante, impossible à définir, mais pleine de promesses.
— Il est presque 20 h 30. Voulez-vous que j’emmène Holly se coucher ?
Ils n’avaient pas encore défini en quoi consisteraient ses fonctions. Engager une gouvernante était une chose ; vivre cette situation au quotidien en était une autre… La vision de Meredith, assise dans le noir au chevet de sa fille, ne l’avait pas quitté de la journée. Et il n’avait pas oublié non plus ses allégations au sujet de la petite. Il devait tirer cette affaire au clair.
Cooper s’accroupit devant la fillette et posa la main sur son épaule.
— D’après Meredith, tu attends mon retour pour t’endormir. Est-ce exact ?
Holly remua la paille du bout du pied, les yeux baissés.
— Ben… ça m’arrive, murmura-t elle.
— Souvent ?
Elle hocha la tête.
Cooper prit son menton dans sa main, et attendit qu’elle croise son regard.
— Tu peux m’expliquer pourquoi ?
— Parce que… j’ai peur de faire un vilain rêve quand tu n’es pas là.
Il la serra très fort dans ses bras, pour tenter de la convaincre qu’il serait toujours là. Meredith s’approcha.
— Et si je restais avec toi jusqu’à ce que ton père rentre, tu dormirais ?
Cooper fronça les sourcils.
— Il est hors de question que…
— Vous m’avez engagée pour m’occuper de Holly. Et j’adore lire. Pourquoi ne pas essayer ?
— Qu’en penses-tu, poussin ?
Holly acquiesça, les yeux brillants.
— Oh oui, alors !
— Retourne à la maison. Je monte te border dans quelques minutes.
La fillette caressa Gypsy une dernière fois, puis quitta l’écurie.
— Elle vous a adoptée, constata Cooper, un peu étonné par la rapidité avec laquelle sa fille s’était attachée à une inconnue.
— C’est réciproque. J’ai vu sur le calendrier qu’elle avait rendez-vous demain chez sa kinésithérapeute. Voulez-vous que je l’emmène ?
Cooper hésita.
— Je ne sais pas pourquoi il m’est si difficile de vous laisser faire le travail pour lequel je vous ai engagée, grommela-t il enfin.
— Peut-être n’êtes-vous pas prêt psychologiquement à partager Holly avec quelqu’un d’autre, même quelques heures par jour.
— Vous me trouvez trop possessif ? J’ai toutes les raisons de l’être, croyez-moi. J’ai fait confiance une fois à sa mère, et c’était une erreur. Je ne suis pas près de recommencer.
— Vous avez la garde conjointe ?
Même le souvenir de sa séparation avec Tina ne réussit pas à détourner son attention des lèvres de Meredith.
— Tina a un droit de visite permanent. Mais si elle veut voir sa fille, elle devra venir ici.
Gypsy frotta son nez contre l’épaule de Meredith, qui la caressa pensivement.
— Holly parle-t elle parfois de l’accident ?
— Seulement quand elle fait un cauchemar.
— Voyez-vous un inconvénient à ce que j’évoque le sujet avec elle ?
— Pas si ça doit l’aider à mieux dormir la nuit.
— J’aimerais également m’entretenir avec son institutrice.
De toute évidence, Meredith prenait son rôle très au sérieux.
— Aucune objection. Mais ne tardez pas trop : elle part en vacances la semaine prochaine. Chaque été, elle rend visite à sa sœur, au Canada.
— Pourquoi Holly n’a-t elle pas essayé de rattraper son retard scolaire ?
Cooper s’empara de la brosse que la fillette avait posée sur le rebord du box avant de répondre :
— Elle a été grièvement blessée dans l’accident, Meredith. Elle est restée un mois à l’hôpital avant de pouvoir revenir ici. A son retour, sa convalescence était ma seule priorité. Ses études me paraissaient très secondaires.
— Vous avez traversé l’un comme l’autre une période très difficile. La voix de Meredith était douce et compréhensive, comme si elle devinait qu’il avait failli perdre sa fille. Cooper éprouva tout à coup le besoin de la convaincre, tout comme il avait besoin de…

Ses cheveux blonds avaient des reflets nacrés dans la semi-pénombre, et ses prunelles vertes la teinte d’un sous-bois au cœur de l’été. Il lui aurait suffi de tendre le bras pour la toucher. Il eut envie de connaître le goût de sa bouche et ne put s’empêcher de se demander comment elle réagirait s’il l’embrassait.
Il inclina lentement son visage vers le sien. Au même instant, Gypsy hennit doucement. Cooper se ressaisit aussitôt et recula d’un pas. Sa vie était suffisamment compliquée comme ça. Inutile d’en rajouter en embrassant le professeur de sa fille.
Les joues de Meredith s’étaient empourprées.
— Je… je ferais mieux d’aller rejoindre Holly.
Elle pivota sur ses talons et s’éloigna.
— Meredith ?
Elle lui lança un regard par-dessus son épaule.
— Oui ?
— Vous me rendriez service en conduisant Holly à sa séance de rééducation, demain.
— Très bien. Cooper la suivit des yeux, conscient d’avoir été à deux doigts de commettre une monumentale erreur.
Car il n’aurait jamais pu se *******er d’un seul baiser avec Meredith Preston.
Meredith entendit Cooper gravir l’escalier et retint son souffle. Tout à l’heure, dans l’écurie, elle n’avait pas rêvé : il avait bel et bien failli l’embrasser. Loin de l’effrayer, cette certitude avait suscité en elle un tel trouble qu’elle n’avait pas réfléchi une seule seconde aux conséquences. Lui, si, apparemment.
Que lui arrivait-il ? Pas une seule fois depuis son divorce, elle n’avait posé les yeux sur un homme. La trahison de Brian lui avait laissé des cicatrices trop profondes pour qu’elle songe à renouer une relation amoureuse avec qui que ce soit. Alors comment avait-elle pu envisager de tomber dans les bras de son employeur ?
Le pas de Cooper s’arrêta devant la chambre de Holly, puis repartit en sens inverse. Meredith suivit sa progression, le cœur battant. Quand il frappa à sa porte, elle se leva du rocking-chair et traversa la pièce pour lui ouvrir.
La lumière tamisée du couloir accentuait la rudesse de ses traits virils. Sa chemise bleu pâle faisait ressortir son teint hâlé et ses cheveux bruns. Sa silhouette vigoureuse et altière l’attirait tout autant que la droiture de son caractère.
— Holly s’est-elle relevée après mon départ ? demanda-t il.
— Non. Je suis allée la voir deux fois. Elle dormait profondément.
Le regard sombre de Cooper effleura le visage de Meredith avant de s’arrêter sur ses lèvres.
— J’ai… préparé son sac pour sa séance de rééducation. Elle a besoin d’un maillot de bain pour la piscine.
— Tout se passera bien, Cooper. Voulez-vous que je vous appelle quand nous serons rentrées ?
— Non. Comme vous me l’avez fait remarquer, je dois apprendre à vous faire confiance… tout au moins en ce qui concerne Holly.
L’atmosphère entre eux se chargea d’électricité. Une lueur de désir s’alluma dans les yeux de Cooper tandis qu’il murmurait :
— J’ai eu envie de vous embrasser dans l’écurie.
— Je sais, souffla Meredith.
— J’espérais que ça me passerait.
— Et ce n’est pas le cas ?
Il secoua la tête.
— Malheureusement non.
Lentement, comme s’il lui laissait une chance de le repousser, Cooper inclina son visage vers le sien. Puis, comme elle n’esquissait pas le moindre mouvement de recul, ses lèvres effleurèrent doucement celles de la jeune femme.
— Bonne nuit, Meredith. A demain.
Elle s’appuya au chambranle, les jambes flageolantes, tandis qu’il regagnait sa chambre. Cela n’avait aucun sens. Elle ne le connaissait que depuis deux jours, et pourtant elle mourait d’envie de se blottir dans ses bras.
Pour tenter de se ressaisir, elle se remémora l’infidélité de Brian, sa lâcheté quand elle avait perdu ses bébés, le naufrage de leur mariage… Mais le visage de Cooper resta gravé dans son esprit.
Le lendemain matin, pendant que Holly allait dire bonjour à Gypsy, Meredith composa le numéro de téléphone de Becca.
Leurs rapports n’avaient pas toujours été chaleureux. Persuadée que la mère de Becca avait épousé son père uniquement pour son argent, Meredith leur avait battu froid pendant longtemps, jusqu’à ce que sa demi-sœur épouse Luke Hobbart. Meredith avait alors appris à la connaître vraiment, et une sincère affection les unissait désormais l’une à l’autre.
— Bonjour, Meredith, lança Becca d’une voix chaleureuse. Que deviens-tu ?
— Je suis dans le New Hampshire, chez Cooper Murphy. Il m’a engagée !
— C’est formidable. Tu es *******e ?
— Très. A un petit détail près : j’ai voulu tester mes talents de cuisinière hier soir… Un vrai désastre. Elle lui raconta ses exploits.
— Et tu voudrais que je te donne un cours accéléré par téléphone ? demanda Becca d’un ton rieur.
— Tu n’as pas quelques trucs faciles et sans risque ? Becca réfléchit.
— Si je comprends bien, il y a urgence. Dans ce cas, trouve un boucher aimable et compréhensif. Il y en a forcément un à Harmony Hollow. Il se fera un plaisir de t’indiquer la meilleure façon d’accommoder la viande. Et choisis des menus simples. La plupart des hommes sont comblés par un steak et des pommes de terre sautées.
Puis elle lui suggéra quelques idées d’entrées et de desserts.
— Tu me sauves la vie.
— Comment cela se passe-t il avec Cooper et Holly ?
— La petite est adorable. J’ai hâte de commencer mes cours. Quant à lui…
Quelque chose dans sa voix dut alerter Becca car elle murmura :
— Chérie, sois très prudente avec Cooper. Tina lui a fait beaucoup de mal, et depuis son divorce, il ne laisse aucune femme l’approcher.

Il l’avait pourtant fait, hier soir, songea Meredith. Elle sentait encore la caresse de ses lèvres sur les siennes, son souffle sur son visage…
— Aucun homme non plus ne m’a approchée depuis Brian, répondit-elle lentement. Mais Cooper est… différent.
— Aïe. Mon avertissement viendrait-il trop tard ?
— Pas du tout. C’est juste que… Aucune importance. Je suis ici pour m’occuper de Holly, et j’ai l’intention de m’y consacrer corps et âme, même si papa me prend pour une folle. Il ne comprend toujours pas pourquoi je ne me *******e pas d’organiser des rencontres de bridge !
— Tu ne le changeras pas.
Meredith secoua la tête.
— Je sais. Embrasse Todd et Luke pour moi. Et si je ne m’en sors pas, je n’hésiterai pas à t’appeler à l’aide.
— Pour la cuisine ?
— Evidemment, quelle question !
Becca éclata de rire.
— Bonne chance. N’hésite pas à me téléphoner.
Meredith raccrocha, puis jeta un coup d’œil à sa montre. Il était temps d’emmener Holly à sa séance de rééducation.
Tout en se dirigeant vers l’écurie, elle respira l’air tiède et parfumé, et sut qu’elle avait eu raison de venir ici. Elle était prête à commencer une nouvelle vie.
En rentrant chez lui, ce soir-là, Cooper fut accueilli par une délicieuse odeur de viande grillée. Meredith disposait d’épaisses tranches de rosbif dans un plat. Avant qu’il ait eu le temps d’ouvrir la bouche, Holly se jeta dans ses bras.
Il la serra contre lui en souriant.
— Bonsoir. Alors, cette séance de rééducation ?
— J’ai vraiment travaillé très dur. Nancy m’a félicitée. Même que Meredith lui a demandé si je pouvais monter Gypsy et qu’elle a dit oui !
Cooper la reposa sur le sol, les sourcils froncés.
— Une minute. Ce n’est pas à Nancy de prendre ce genre de décision, mais à moi.
Son regard se fixa sur Meredith.
— Et vous, vous n’aviez pas à vous en mêler !
— Je n’y suis pour rien. Holly a évoqué le sujet à plusieurs reprises et…
— Il est hors de question qu’elle monte Gypsy, vous m’entendez ? Il est beaucoup trop tôt.
— Papa…, supplia Holly.
— Non. Ta jambe n’est pas assez solide.
— Je vous avais bien dit qu’il se mettrait en colère, chuchota la petite fille à l’adresse de Meredith.
— Je ne suis pas en colère, Holly. Du moins pas contre toi. Meredith aurait dû m’en parler avant de te donner de faux espoirs. Maintenant, passons à table. Le dîner va être froid.
— J’ai pas faim, répondit Holly d’une toute petite voix. Je préfère monter dans ma chambre.
Cooper tira une chaise.
— Assieds-toi, Holly. Et cesse de bouder.
La fillette hésita puis finit par obéir.
Le dîner fut excellent, mais silencieux. Cooper sentit plusieurs fois le regard de Meredith se poser sur lui. Elle n’avait pas l’air contrit le moins du monde. La dernière bouchée avalée, Holly reposa ses couverts.
— Je peux monter, maintenant ?
Cooper serra les lèvres.
— Je te rejoins dans un instant.
La petite fille quitta la table, et le bruit de son pas claudicant résonna bientôt dans l’escalier.
Meredith attendit quelques instants, puis foudroya Cooper des yeux.
— Je comprends à présent pourquoi cette pauvre enfant a peur de vous parler ! Vous passez votre temps à donner des ordres ou à vous mettre en colère. Combien de temps encore avez-vous l’intention de vous comporter comme un despote ?
Ses joues empourprées et la réprobation qu’il lisait dans ses prunelles vertes donnèrent à la réponse de Cooper le tranchant de l’acier.
— Et vous, combien de temps encore croyez-vous pouvoir rester sous mon toit, si vous vous obstinez à monter ma fille contre moi ?

 
 

 

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ÞÏíã 23-11-07, 02:35 AM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 5
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ÇáÊÓÌíá: Jun 2006
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Chapitre 4

— Je ne monte pas Holly contre vous, riposta Meredith, sans se laisser désarçonner par son expression furibonde. Je me *******e de signaler un problème relationnel entre votre fille et vous.
— Il n’y a aucun problème entre ma fille et moi !
Meredith avait conscience d’outrepasser ses droits, mais elle avait à cœur les intérêts de Cooper autant que ceux de Holly.
— Vous ne pouvez pas l’empêcher de vivre sous prétexte que vous avez continuellement peur d’un accident. Si vous persistez, elle sera malheureuse et, pour finir, elle vous défiera.
— Vous êtes voyante, sans doute ? Désolé, je n’avais pas vu votre boule de cristal dans vos bagages.
Ignorant le sarcasme, Meredith tenta de discuter avec lui de façon raisonnable.
— Acceptez de regarder les choses en face, Cooper. Holly adore Gypsy, et elle adore l’équitation. Si vous lui interdisez de monter sans aucune raison valable, elle se braquera et…
Cooper jeta sa serviette sur la table et repoussa sa chaise d’un mouvement brusque.
— Il y a encore deux semaines, sa jambe était plâtrée.
Elle boitera peut-être toute sa vie ! Meredith se leva à son tour afin d’être sur une position d’égalité avec lui. Enfin presque : il la dominait toujours d’une bonne tête.
— Nancy est très optimiste. D’après elle, Holly n’aura plus de séquelles d’ici à quelques semaines. Vous n’en avez pas parlé avec elle ?
Il serra les lèvres.
— Bien sûr que si. Mais je suis réaliste.
— Non. Vous l’empêchez seulement de progresser en limitant ses mouvements. Conclusion : vous retardez sa guérison.
— Si je ne lui impose pas des limites, elle se blessera de nouveau, riposta-t il d’une voix glaciale. Maintenant, si vous n’êtes pas d’accord avec ma façon d’élever ma fille, vous pouvez toujours faire vos bagages et retourner en Pennsylvanie.
Meredith hocha la tête, très pâle.
A quoi bon rester, en effet, si elle n’était pas en mesure d’aider Holly ? D’ailleurs, ce serait une erreur de laisser se développer son attirance pour Cooper. Elle avait toutes les raisons de partir maintenant.
— Ce serait peut-être mieux, en effet. Je vais y réfléchir, et je vous donnerai ma réponse demain matin.
Une expression stupéfaite passa sur le visage de Cooper, puis une lueur de colère étincela dans ses yeux et sa voix se durcit.
— Parfait. Au cas où Holly me réclamerait, je suis dans l’atelier.
La porte claqua derrière lui.
Meredith relâcha son souffle, et la tension qui l’envahissait chaque fois qu’elle était en présence de Cooper se dissipa un peu. Son regard tomba sur le rosbif. Grâce aux conseils éclairés du boucher, son dîner avait été une réussite. Malheureusement, elle ne pouvait pas en dire autant de sa démarche en faveur de Holly. Tout lui avait paru si simple, pourtant. Demander l’avis d’un expert, s’assurer qu’il n’y avait aucun risque, puis convaincre Cooper.
Mais il devenait obtus dès qu’il s’agissait de sa fille. Son inquiétude altérait son jugement et le rendait inflexible.
Devait-elle se plier à ses règles et se taire, ou partir avant d’avoir l’opportunité de le connaître mieux ?
Quand elle eut rangé la cuisine, Meredith réussit à convaincre Holly de descendre disputer une partie de dames avec elle. Puis ce fut l’heure du coucher et, comme la veille, Cooper borda la fillette dans son lit. Puis il souhaita poliment bonne nuit à Meredith avant de regagner l’atelier.
Après avoir pris sa douche, la jeune femme se coucha, et tenta de faire le point. Si elle restait, elle s’attacherait inévitablement à Holly, et son départ n’en serait que plus douloureux à la fin de l’été. En partant maintenant, elle s’épargnerait sans aucun doute bien des souffrances. Mais si elle fermait son cœur aux émotions, ne risquait-elle pas également de le fermer au bonheur ?
La pluie se mit à crépiter sur le toit, accompagnée de violentes rafales de vent. Meredith écoutait les branches cogner contre les volets, quand on frappa doucement à sa porte.
Le visage de Holly apparut dans l’embrasure.
— Je n’arrive pas à dormir à cause de la tempête. Je peux venir dans votre lit ?
Meredith ignorait ce que Cooper en penserait, mais Holly semblait effrayée et elle n’eut pas le cœur de la renvoyer. Ecartant les couvertures, elle tapota le matelas.
— Viens vite.
Holly se pelotonna entre les draps et sourit.
— Maman me laissait souvent dormir avec elle.
— Elle te manque, n’est-ce pas ?
Meredith se souvenait de sa propre détresse à la mort de sa mère, et combien elle lui manquait encore aujourd’hui.
Holly secoua la tête.
— Papa est très en colère contre elle parce qu’elle veut tout le temps écrire des livres. Elle n’a plus envie de vivre avec nous.
Divorcer était une chose, mais abandonner son enfant ! Meredith ne parvenait pas à concevoir comment une mère pouvait en arriver là. Si elle avait eu la chance d’avoir un bébé…
Cooper avait tort de trop couver sa fille, mais elle comprenait mieux ses raisons. Son cœur lui criait de rester, et elle n’avait plus envie de résister à son appel. Parce que Holly avait besoin d’elle… Et son père aussi.
La pluie giflait toujours les vitres quand Cooper gravit l’escalier, fourbu mais satisfait. La salle à manger qu’on lui avait commandée serait bientôt terminée. Il poussa la porte de Holly, paniqua un instant à la vue du lit vide, puis se raisonna et se dirigea vers la chambre de Meredith.
La lumière de la lampe de chevet nimbait ses cheveux d’un halo doré. Le sommeil avait dû la surprendre car son livre était encore ouvert sur ses genoux, et son visage tourné vers Holly. La fillette avait-elle eu peur de la tempête ? Il pleuvait le jour de l’accident. En avait-elle parlé à Meredith ? Lui avait-elle confié ses craintes et ses angoisses ?

Il avait vu rouge quand Meredith lui avait tenu tête, mais ses accusations l’avaient fait réfléchir. Et si elle avait raison ? S’il empêchait sa fille de s’épanouir par excès de prudence ?
Contournant silencieusement le lit, il se pencha sur la fillette. Il s’apprêtait à la soulever dans ses bras quand elle ouvrit les yeux.
— Je te ramène dans ta chambre, murmura-t il.
— Je ne peux pas dormir avec Meredith ?
Le regard de Cooper pivota vers la jeune femme. Ses prunelles vertes le fixaient, encore embrumées de sommeil.
Elle se hissa sur un coude.
— Cela ne me dérange pas.
Cooper capitula avec un soupir.
— D’accord.
Il remonta les couvertures et se détourna, terriblement conscient de la façon dont le déshabillé de la jeune femme glissait sur son épaule.
— Cooper ?
La voix de la jeune femme l’arrêta.
— Je ne pars pas.
Le soulagement envahit Cooper.
— Nous en reparlerons demain.
Tout en s’éloignant, il tenta vainement de chasser de son esprit la vision de son corps alangui sous les couvertures, et secoua la tête avec agacement. Une bonne nuit de sommeil et tout rentrerait dans l’ordre.
Du moins, il fallait l’espérer.
Meredith prenait son petit déjeuner en compagnie de Holly quand Cooper entra dans la cuisine. Au moment où il tendait la main vers la cafetière, la sonnerie du téléphone retentit. Aussitôt, il se détourna pour répondre.
— C’est la maman de Marsha, annonça-t il au bout de quelques instants. Elle t’invite chez elle pour la journée. Tu veux y aller ?
Holly jaillit de sa chaise.
— Je vais préparer mes affaires ! Cooper remercia sa voisine, raccrocha, et porta sa tasse de café sur la table.
Meredith se souvenait vaguement qu’il était entré dans sa chambre la nuit dernière, et qu’il s’était penché pour parler à Holly. Elle ne se rappelait rien d’autre.
— Holly a eu peur de la tempête, lui expliqua-t elle. La main puissante de Cooper se crispa sur sa tasse.
— Il pleuvait le jour de l’accident.
— Elle m’en a parlé avant de s’endormir. Elle m’a raconté ce qui s’était passé, son voyage en ambulance…
— Ainsi, elle était consciente, murmura-t il d’une voix sourde. Je l’ignorais.
— Sauf objection de votre part, je suis d’accord pour rester, reprit Meredith après un silence. Mais à une condition…
Cooper haussa un sourcil.
— Même si vous êtes en désaccord avec moi au sujet de Holly, j’aimerais que vous preniez la peine d’écouter mes arguments avant de dire non.
— Depuis quand les employés dictent-ils leurs conditions ? demanda-t il sèchement.
Elle esquissa un sourire.
— Les négociations sont à la base de toute relation harmonieuse au sein d’une entreprise.
Le regard sombre de Cooper effleura son chemisier bleu pâle, et s’arrêta brièvement sur son décolleté.
— Vous auriez dû être avocate.
— C’est une petite concession, Cooper, mais j’y tiens. Libre à vous d’engager quelqu’un d’autre.
Elle retint son souffle, dans l’attente de sa réponse.
Cooper plissa les paupières, puis ses épaules se détendirent.
— Ma fille semble s’être attachée à vous, sinon elle ne se serait pas réfugiée dans votre chambre cette nuit. J’accepte donc vos conditions… pour le bien de Holly.
Elle lui tendit la main d’un geste à la fois neutre et professionnel.
— Marché conclu.
Mais lorsque les doigts de Cooper se refermèrent sur les siens et que leurs regards se rencontrèrent, ses pensées furent tout sauf neutres et professionnelles. Cooper réveillait en elle une féminité qu’elle croyait perdue. Cela tenait peut-être à sa stature imposante ou à la rudesse de ses traits. Ou plus simplement à sa personnalité. On devinait en lui un homme solide, fort, sur lequel on pouvait compter… Un homme qui croyait certainement à la fidélité.
Lorsqu’il relâcha sa main, la chaleur de sa paume perdura un moment sur la peau de la jeune femme.
— Vous allez au magasin aujourd’hui ? demanda-t elle.
— Non, le samedi, je préfère travailler à l’atelier.
— Je dois passer chez le boucher. Si vous voulez, je peux déposer Holly chez son amie.
Cooper but une gorgée de café, puis plongea son regard dans le sien.
— Vous me mettez à l’épreuve, ou vous essayez seulement de me simplifier la vie ?
Il y avait une note d’ironie dans sa voix.
— Les deux, je suppose.
Il se leva et posa sa tasse dans l’évier.
— Je vous laisse conduire Holly chez Marsha. Mais n’abusez pas trop de votre avantage, sinon vous pourriez subir un sévère retour de bâton.
Ses paroles se voulaient un avertissement, mais elle ne les prit pas ainsi. Elle les considéra comme un défi à relever et attendit avec impatience le prochain affrontement.
Meredith déposa Holly chez son amie, et s’arrêta à la boucherie avant de rentrer. Tout en enveloppant la viande pour la congeler, elle remercia mentalement Becca pour ses conseils avisés. A chacune de ses visites, le boucher lui donnait des recettes simples et succulentes, qu’elle notait scrupuleusement sur un petit carnet.
Elle rangea les précieuses instructions dans un tiroir, puis jeta un coup d’œil à sa montre. Elle avait le temps de faire un peu de ménage avant de préparer des sandwichs pour le déjeuner.
La jeune femme époussetait les rayons de la bibliothèque quand une voiture s’arrêta sur la route, juste devant la maison. Elle vit le véhicule s’éloigner à vive allure et aperçut une forme blanche, près du portail. Pendant un instant, elle envisagea de ne pas y prêter attention, puis…
Laissant la porte d’entrée ouverte, Meredith remonta l’allée pavée et remarqua un sac en plastique. Des miaulements aigus s’en échappaient. Deux minuscules chatons étaient enfermés à l’intérieur. Ils ne devaient pas avoir plus de deux ou trois semaines. Par chance, ils étaient vivants.

Meredith les nicha au creux de son bras et regagna la maison en courant.
Cooper se lavait les mains dans l’évier de la cuisine.
— Je vais aller acheter quelque chose à manger. Il n’y a aucune raison que vous vous chargiez du déjeuner quand Holly n’est pas là.
Il ferma le robinet, se retourna et s’immobilisa.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Des chatons. On les a abandonnés devant la porte.
J’ai besoin du numéro de téléphone de votre vétérinaire. Il s’essuya les mains et s’approcha.
— Ils sont minuscules. Les chances de les sauver sont très minces. Vous êtes sûre de… ?
— Ils vivront. Je ne veux même pas imaginer qu’il en soit autrement !
Des larmes lui montèrent aux yeux.
Ses deux fausses couches lui avaient appris combien la vie était précieuse. Tant qu’il y aurait une lueur d’espoir, elle refuserait de s’avouer vaincue. Cooper la prit aux épaules.
— Hé ! Que vous arrive-t il ?
— Nous pouvons les sauver, Cooper. J’en suis sûre !
Il la dévisagea pensivement, puis la relâcha.
— D’accord. Attendez-moi ici.
Meredith berça les chatons et les caressa jusqu’à ce que Cooper revienne avec une boîte à chaussures, une serviette-éponge et une paire de gants en caoutchouc.
— Comment peut-on être assez cruel pour se débarrasser de deux créatures aussi adorables ? murmura Meredith, après avoir installé les petits chats dans le carton.
Cooper sortit une boîte d’épingles d’un tiroir.
— Leur mère est peut-être morte.
— Ce n’est pas une excuse !
Il déploya l’un des gants et troua l’extrémité de l’un des doigts.
— Faites tiédir du lait et coupez-le avec un peu d’eau.
Meredith remplit une coupelle et la posa dans le micro-ondes. Après s’être assurée que le lait était à la bonne température, elle tendit la soucoupe à Cooper. Il versa le liquide dans l’un des doigts, puis présenta le biberon improvisé au premier chaton, qui se mit aussitôt à téter. Cooper remplit l’autre gant et le tendit à Meredith pour qu’elle fasse de même avec le deuxième petit chat.
Pendant qu’ils buvaient tous les deux, Meredith leva les yeux vers Cooper.
— Ils vont s’en sortir.
— Pourquoi y attachez-vous autant d’importance, Meredith ?
Les yeux bruns fixés sur elle ne lui laissaient aucune chance d’esquiver sa question ou de fuir.
— Parce que je… Sa détresse était si profondément enfouie tout au fond de son cœur qu’elle ne parvenait plus à l’extérioriser.
Comme s’il devinait qu’elle avait besoin d’être encouragée, Cooper effleura sa joue.
— Meredith ?
Les mots franchirent subitement ses lèvres.
— J’ai fait deux fausses couches. J’ai tout tenté pour ne pas perdre mes bébés, mais… Il devait être écrit que je n’aurais jamais d’enfant, je suppose. Je me suis sentie tellement impuissante…
Il l’enveloppa d’un regard compréhensif.
— Je suis désolé.
Des larmes montèrent aux yeux de la jeune femme. Quatre années s’étaient écoulées, et pourtant il lui semblait que c’était hier.
— Je croyais avoir surmonté ma peine.
— Et il n’en est rien, conclut-il gentiment.
Elle reprit convulsivement son souffle.
— Ce sentiment de perte m’habitera toujours. Je ne pourrai jamais oublier, même si je prétends le contraire.
Cooper lui caressa la joue. La douceur de son geste l’apaisa, et pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas elle-même, elle eut soudain l’impression de le connaître depuis toujours.
Tout à coup, il recula.
— Je dois avoir une bouillotte quelque part. Je vais la chercher.
Dès qu’ils étaient sur le point de se rapprocher, il battait en retraite. Si elle avait été raisonnable, elle aurait gardé ses distances, elle aussi. Mais la raison n’avait aucune place dans les émotions que Cooper éveillait en elle.
Le premier chaton cessa de téter et se roula en boule. Meredith le caressa doucement du bout du doigt. Son petit frère l’imita peu après et ils s’endormirent tous les deux en ronronnant doucement.
Tout en fouillant dans le placard du couloir, Cooper ne cessait de penser à sa conversation avec Meredith, et à son envie grandissante de l’embrasser. Jusqu’ici, il avait réussi à se dominer, mais son angoisse pour le sort de ces chatons, et la tristesse poignante qu’il avait lue dans ses yeux verts avaient failli le pousser à commettre une erreur.
Comme si sa vie n’était pas déjà assez compliquée !
Après avoir trouvé la bouillotte, il attrapa un réveil, deux autres serviettes et regagna la cuisine. Meredith caressait inlassablement les chatons, comme pour les convaincre de s’accrocher à la vie.
Elle leva les yeux vers lui.
— Ils sont si petits…
— Nous allons les aider à grandir, affirma-t il, déterminé à lui épargner un nouveau chagrin.
Après avoir rempli la bouillotte d’eau chaude, il l’enveloppa dans une serviette, la plaça près des chatons, puis glissa le réveil entre eux.
— Ce n’est qu’un piètre leurre, mais ils auront l’impression d’entendre battre le cœur de leur mère, expliqua-t il.
— Où allons-nous les installer ? Il faudra les nourrir toutes les heures et garder leur caisse propre. Si nous les mettions dans ma chambre ?
— Holly y trouvera certainement à redire quand elle rentrera, mais c’est d’accord.
Il allait soulever la boîte quand Meredith posa la main sur son bras.
— Merci.
Son contact le troubla au point de lui faire oublier la boîte et les chatons. Il se perdit au fond du lagon de ses yeux.
— Il n’y a vraiment pas de quoi, grommela-t il en se raidissant.
Il essaya de reculer pour rompre le charme, mais elle se tenait devant lui, si belle, si féminine, qu’il lui était impossible de l’ignorer.

— Vous êtes quelqu’un de bien, Cooper.
En ce cas, pourquoi Tina l’avait-elle quitté ? Pourquoi avait-il été incapable de sauver son couple et son mariage ?
— Vous ne savez rien de moi, articula-t il d’une voix sourde.
— Luke vous considère comme son meilleur ami. Votre fille vous adore, et je me sens en sécurité près de vous. Cela me suffit.
— Vous avez peut-être tort de me faire confiance, murmura-t il en fixant sa bouche.
— Cooper…
— Qu’espérez-vous, Meredith ? Satisfaire votre curiosité ? Donner un peu de piment à votre séjour ?
Il saisit brutalement son menton dans sa main.
— Alors finissons-en une bonne fois pour toutes !
Son baiser se voulait une punition, mais à l’instant où ses lèvres s’écrasèrent sur celles de Meredith, une tempête le secoua tout entier et il n’eut plus d’autre volonté que de la serrer dans ses bras pour ne plus jamais la relâcher.
Un feu brûlant coula dans ses veines et un désir brutal, instinctif, l’envahit. Il la sentit frissonner tandis qu’il explorait sa bouche avec passion. Jamais il n’avait désiré une femme avec une telle intensité. Ses mains se perdaient dans les cheveux soyeux de Meredith, caressaient ses épaules et son dos sans parvenir à être rassasiées.
Il sentit brusquement les paumes de la jeune femme se poser sur son torse pour le repousser. Le déclic se produisit dans son esprit et il la lâcha, atterré d’avoir cédé à ses pulsions.
— Votre curiosité est satisfaite ? demanda-t il d’une voix rauque.
— C’est vous qui avez parlé de curiosité, pas moi, murmura-t elle.
— Mais c’est ce que vous espériez, non ?
— Cooper…
Il leva la main pour couper court à des excuses auxquelles elle ne croyait probablement même pas, et souleva la boîte.
— Je la monte dans votre chambre. Inutile de me préparer à déjeuner, je resterai dans mon atelier jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’aller chercher Holly.
Sur ces mots, il quitta la cuisine, fermement décidé à chasser Meredith Preston de son esprit.
Assise en tailleur sur le tapis de sa chambre, Meredith regardait Holly nourrir les chatons. La fillette était rentrée à la maison dans un état de surexcitation totale. En chemin, Cooper s’était arrêté pour acheter de la litière, du lait, deux biberons de poupée, et des céréales pour bébé. Il avait déposé ses achats sur la table de la cuisine, après quoi il était retourné s’enfermer dans son atelier jusqu’au dîner.
Grâce au bavardage enthousiaste de Holly, le repas s’était déroulé dans une ambiance relativement détendue. Cooper avait repris deux fois de la viande, mais il n’avait pas adressé une seule fois la parole directement à Meredith. Il faudrait pourtant qu’ils aient une conversation, même si elle ne voyait pas comment aborder le sujet. Leur baiser avait été l’expérience la plus sensuelle de toute son existence. Mais comment le lui avouer ?
— Je vais téléphoner à maman pour lui parler des bébés chats, annonça Holly en se levant. Mais ne le dites pas à papa, d’accord ?
— Pourquoi ?
Holly secoua la tête avec une grimace.
— Il n’aime pas que je l’appelle.
— Bon, vas-y. Pendant ce temps, je fais couler ton bain.
Le monologue de Holly, rieuse et enthousiaste, parvenait par bribes à Meredith. Apparemment, la petite entretenait d’excellentes relations avec sa mère malgré la rancune de Cooper pour son ex-épouse. La jeune femme aurait bien aimé savoir si leur mésentente datait de l’accident ou si elle était née pendant leur mariage.
Après son bain, Holly s’assit sur le lit de Meredith, les chatons sur ses genoux, et les caressa pensivement.
— Les pauvres, ils sont tout seuls. C’est triste.
Meredith entendit le pas de Cooper dans l’escalier, et les battements de son cœur s’accélérèrent.
— Ils ne sont plus seuls, puisque tu es là.
— Tu crois que je peux les installer dans ma chambre ?
Meredith leva les yeux vers la porte. Cooper se tenait sur le seuil.
— Tu ferais mieux de demander à ton papa.
— S’il te plaît, papa, je peux ? Je les nourrirai et je m’occuperai d’eux.
— Tu as besoin de te reposer.
— Je t’en supplie. Je ferai une sieste plus longue l’après-midi. Dis oui !
Les traits de Cooper s’adoucirent. Il était loin d’être aussi sévère qu’il le prétendait.
— D’accord, concéda-t il en s’avançant. Si tu te réveilles quand Meredith ou moi viendrons les nourrir, tu pourras nous aider. Mais si tu dors, nous ne te réveillerons pas.
— Oh, je ne dormirai pas !
Meredith vit Cooper froncer les sourcils, et suggéra :
— Vous devriez vous mettre au lit, tous les trois. Elle souleva délicatement les chatons et les déposa dans la boîte.
Quand Cooper annonça son intention de border Holly et de lui lire une histoire, Meredith leur souhaita bonsoir et se prépara pour la nuit. Elle se brossait les cheveux quand on frappa à sa porte.
Cooper se tenait sur le seuil, le visage impénétrable.
— Je m’occuperai de Holly, demain. Vous pouvez disposer de votre journée.
— Bien. J’en profiterai pour visiter les alentours.
— Je nourrirai les chatons vers minuit, ajouta-t il.
— En ce cas, je prendrai la relève à 3 heures du matin. Il parut soulagé qu’elle ne cherche pas à discuter.
— Ne vous souciez pas du petit déjeuner, demain matin. Partez quand vous le voudrez.
Il semblait pressé de se débarrasser d’elle.
— Cooper, je crois que nous devrions évoquer ce qui s’est passé cet après-midi…
Il fronça les sourcils.
— Pour quoi faire ? Moi, je pense qu’il vaut mieux ne pas en parler du tout.

Meredith pâlit légèrement, à l’évidence, leur baiser n’avait suscité en lui aucune émotion, à part des regrets.
— Bonne nuit, Cooper. Passez un bon dimanche.
Sur ce, elle lui ferma la porte au nez.
Elle attendit une réaction, l’espéra même, mais rien ne vint.
Au bout de quelques instants, elle entendit son pas s’éloigner.
« Chasse-le de ton esprit », songea-t elle. Cela ne devait pas être très difficile. Pas plus, en tout cas, que de préparer un bœuf Stroganov.

 
 

 

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