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milliardaire incognito de grace green

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ÇáÊÓÌíá: Jun 2006
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Tiggart Smith s'éloigna en direction de la plage. Fascinée, Capri le suivit du regard. Que lui arrivait-il? Elle, l'héritière de l'empire Jones, attirée par un simple gardien de bungalows, bronzé comme un champion de surf californien... Voilà de quoi faire la manchette de tous les journaux à sensations! Etait-ce parce que Tiggart n'avait rien d'un homme d'affaires sophistiqué qu'il lui plaisait? Ou bien était-ce son assurance qui frisait l'arrogance? Ou encore cette aura de mystère qui l'entourait et donnait envie à la jeune femme d'en découvrir plus à son sujet?

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desolé pour le retard .voici la premiere chapitre:



Encore ! Avec un soupir d’exaspération, Capri Jones jeta un coup d’œil courroucé au contenu de l’enveloppe livrée par porteur spécial. Son père ne comprendrait donc jamais ?
Rejetant les trois brochures sur son bureau, la jeune femme fit pivoter son fauteuil de cuir et contempla l’horizon. Tout de verre et en acier, le gratte-ciel de la Jones Oil Company dominait les nombreuses tours de Houston. Et dans son bureau de directeur adjoint, Capri avait une vue imprenable.
Songeuse, elle passa les doigts dans la masse soyeuse de sa chevelure châtain. Cette situation avait trop duré ! Son père n’allait pas lui dicter sa conduite toute sa vie !
La sonnerie familière de l’Interphone interrompit ses réflexions.
— Oui, Gabby ? demanda-t-elle.
— Vous avez un appel du Venezuela, mademoiselle. Votre père, sur la ligne un.
— Merci.
Otant ses somptueuses chaussures de chez Bruno Magli, Capri s’enfonça davantage dans son fauteuil. Autant se mettre à son aise, car la conversation risquait de se prolonger.
— Allô ?
— Bonjour, Jake !
Depuis sa plus tendre enfance, Capri appelait ses parents par leur prénom. Une habitude qui facilitait souvent les choses maintenant qu’elle secondait son père à la tête de la compagnie pétrolière.
— Comment ça se passe, là-bas ? questionna-t-elle.
— Dieu merci, les trois puits sont éteints. Garson a fait du bon travail. Il a réussi à fermer les valves des huit puits assurant la production. Un exploit, si tu considères qu’il a dû entrer lui-même dans le feu, sous la protection de lances à incendie.
— En effet !
Anxieuse, Capri se hâta de changer de sujet. Chaque fois qu’on mentionnait l’incendie d’un puits de pétrole, son cœur battait la chamade. Et Dieu sait que cela se produisait souvent !
A son entrée dans la compagnie, peu après l’obtention de son diplôme à l’université, Capri avait tout juste vingt et un ans. Et depuis cette date, chaque puits en feu ramenait à sa mémoire le souvenir insoutenable d’un autre incendie.
— Quand pars-tu en Australie ? demanda-t-elle.
— Demain... Dis-moi, ma chérie, as-tu reçu la ********ation du Club Stars Vacances ?
— Oui, j’allais t’en parler.
S’efforçant de ne pas perdre son calme, Capri enveloppa du regard les trois brochures de luxe, vantant les mérites de trois séjours différents : dans un château en Ecosse, dans une somptueuse hacienda espagnole, ou dans un ranch de rêve en Californie.
— Parfait ! Alors choisis l’endroit qui te plaît, et pars te reposer une quinzaine de jours.
— Merci, Jake, mais...
— Non, non, ne me remercie pas !
Un froissement caractéristique à l’autre bout du fil avertit Capri que son père allumait un cigare. Ainsi, pour lui, le sujet était clos ? Au fil des ans, la jeune femme avait en effet appris à déchiffrer les gestes de Jake Jones.
Et le rituel du cigare ne variait jamais : quelle que soit l’importance du débat, Jake concluait sans appel en allumant son havane.
— Je vais te laisser, maintenant, ma Caprinette. Nous nous verrons à mon retour, le 3 septembre, juste à temps pour la réunion du conseil d’administration. Je t’embrasse fort. Tu ne pourras pas me joindre pendant mon trekking dans la brousse.
— Attends !
N’y tenant plus, Capri se mit debout, comme si cette position allait rendre plus facile la confrontation avec son père.
— Ces brochures ne m’intéressent pas, Jake. Jusqu’ici, je t’ai toujours laissé choisir le lieu de mes vacances, mais maintenant, c’est terminé. Cette année, je déciderai toute seule. Tu sais, j’ai très bien compris pourquoi tu faisais ça et...
Un cliquetis, suivi d’un bip lancinant, lui signalèrent que la ligne était coupée. Incrédule, Capri regarda l’appareil avant de se rendre à l’évidence. « Oh ! Non ! s’exclama-t-elle. Il a raccroché ! »
S’emparant des brochures, elle les lança à toute volée à travers la pièce. Son père oubliait-il qu’elle avait vingt-cinq ans, à présent ? Pourquoi continuait-il à la traiter comme une gamine ? Furieuse, elle se mit à arpenter la pièce de long en large.
Décidément, Jake abusait de son influence ! Sachant que sa fille ferait tout pour lui faire plaisir, il n’hésitait pas à lui imposer sa volonté. Enfin, du moins en ce qui concernait ses lieux de villégiature.
Chaque année, il la poussait à se rendre dans des clubs très sélects, fréquentés par de richissimes et jeunes célibataires, tout comme Capri. Dans l’espoir, évidemment, que la jeune femme trouve un époux !
Eh bien, elle, elle ne voulait pas se marier ! C’était leur seul sujet de discorde, et cependant, Capri tenait bon. Se marier, après ce qu’elle avait vécu ? Non, elle ne voulait même pas en parler ! Le souvenir de sa mère et de Jamie, son frère jumeau, réveillait des souffrances bien trop insupportables.
Pourtant, Jake ne cessait de la harceler. Il aurait tant aimé être grand-père ! Et plus les années passaient, moins Capri avait le courage de lui expliquer les raisons de son refus. A quoi bon rouvrir de vieilles blessures ? N’avait-il pas assez souffert, lui aussi ?
Soudain, la jeune femme s’immobilisa, attirée par une tache insolite sur la moquette. Que faisait cette photo en noir et blanc dans ces brochures en couleur ? Intriguée, elle détacha la photo, accrochée à l’une des pages par un simple trombone.
Un bungalow en rondins ? Et d’une modestie confinant à la pauvreté... Il ne pouvait s’agir que d’une erreur. Ce n’était pas du tout le style du Club Stars Vacances ! Au dos, quelqu’un avait griffonné un mot à la hâte :
« Je doute qu’un tel endroit intéresse nos clients (une. petite île sur la côte canadienne, au large de la Colombie-Britannique). Merci de téléphoner à Bill à Vacances Pour Tous : inutile envoyer autre ********ation. » Suivait un numéro de téléphone et une brève signature : Anton.
Serait-ce un signe de la providence ? Cet Anton avait raison. Aucun des milliardaires fréquentant le Club Stars Vacances ne voudrait s’isoler dans un endroit aussi sauvage. Au contraire, ils recherchaient des lieux très animés, où l’on veillait à satisfaire le moindre de leurs caprices.
Lentement, un plan se formait dans l’esprit de la jeune femme. Jake, sans le vouloir, venait de régler la question des vacances de sa fille. Quelle aubaine ! Elle n’aurait plus à fuir ces ennuyeux prétendants qui la courtisaient lors de dîners raffinés, l’escortaient au théâtre, à l’opéra, au casino...
En outre, elle respectait en tout point les souhaits de son père. Ne lui avait-il pas dit de choisir le lieu qui lui plairait ? Pour une fois, elle le prenait au mot !
S’emparant de son téléphone, Capri composa le numéro indiqué au dos de la photo.
— Bonjour, ici Vacances Pour Tous, répondit une aimable voix fémimine. Lynette à l’appareil, que puis-je pour vous ?
— Bonjour, Lynette. Pourrais-je parler à Bill, s’il vous plaît ? De la part de Capri Jones...
— Vous voilà arrivée au port de Blueberry Island, mademoiselle !
Médusée, Capri contempla la crique où trois petits bateaux se balançaient au mouvement des vagues. Enfin, elle s’était montrée plus maligne que son père ! Ici, tout était calme et sauvage, sans le moindre célibataire en smoking pour troubler sa quiétude.
Et toutefois, elle respectait les instructions de Jake à la lettre ! N’était-ce pas merveilleux ? Pendant deux longues semaines, elle pourrait se consacrer totalement à son projet. Capri enveloppa d’un regard enthousiaste l’ordinateur portable posé près de sa valise.
Si elle travaillait comme elle le souhaitait, elle ferait une belle surprise à son père lors du prochain conseil d’administration. En effet, Jake s’était montré préoccupé par le haut taux d’absentéisme dans ses bureaux de Houston. Et Capri, vigilante, avait demandé un rapport complet au service du personnel, dans la plus grande discrétion :
Ce rapport, il était là, dans sa valise, attendant que la jeune femme l’étudie. A la fin de son séjour à Blueberry Island, elle espérait bien que les statistiques auraient livré leur secret.
— ... et là, c’est le bungalow de la gardienne. Vous êtes dans le bungalow numéro un, face à la plage.
La voix du jeune garçon assurant la navette avec le continent la tira de ses pensées.
— Oh ! Pardon ! Vous disiez ? Où dois-je m’adresser...
— Là, derrière les arbres. Vous ne pouvez pas le manquer. S’il n’y a personne, installez-vous et faites comme chez vous.
Quelques minutes plus tard, Capri se débarrassait de son gilet de sauvetage et débarquait sur la jetée de bois. Le jeune matelot lui adressa un bref signe d’adieu, puis remit son moteur en marche.
Quel paysage admirable ! Depuis le ponton ? Capri admira la longue plage de sable fin, délimitée au loin par une prairie. Par-delà le bungalow de rondins qu’elle allait occuper s’étendait une colline boisée, d’un vert dense. Çà et là, une tache plus claire signalait l’emplacement des autres bungalows.
Eh bien ! C’était parfait ! Son ordinateur portable en bandoulière, Capri souleva sa valise et marcha jusqu’à sa nouvelle demeure. Le clapotis des vagues, la brise agréable venant du large, tout concourait à donner l’image du paradis... Un geai aux splendides plumes bleues vint même jacasser près de sa porte, lorsqu’elle monta les trois marches du seuil.
Ravie, Capri fit tourner la clé dans la vieille serrure de cuivre, et pénétra dans une minuscule cuisine. Une table de bois, deux chaises paillées, une antique cuisinière et un non moins vieux réfrigérateur constituaient le seul mobilier. De là, on passait dans un charmant living, meublé dans le style colonial.
L’unique fenêtre donnait sur l’océan, tout comme celle de la chambre. Une fois son ordinateur installé sur la table de la cuisine, Capri posa sa valise dans la chambre.
La pièce sentait le pin et l’océan, et son extrême simplicité enchanta la jeune femme. Bien sûr, cela n’avait rien du luxe auquel elle était accoutumée. Le couvre-lit était en imprimé de coton, la commode semblait bancale, et il y avait des marques de brûlures de cigarettes sur le bord de la table de nuit !
Cependant, sa tranquillité valait bien de petits sacrifices. Deux semaines sans rien ni personne pour la déranger, c’était inestimable ! Jetant sa valise sur le lit, Capri ouvrit la fermeture Eclair, et, brusquement, sentit son cœur se serrer.
Sur sa chemise de nuit de soie blanche, soigneusement pliée, la photo de Jamie lui souriait dans son cadre d’argent poli. Cher Jamie, avec ses cheveux blonds ébouriffés, ses yeux bleus pleins de joie de vivre et cet air décidé et volontaire qui lui faisait défier le danger !
Les yeux pleins de larmes, Capri caressa du doigt l’inscription tracée sur la photo : « A la moitié de moi-même ». Ces mots tendres, son frère jumeau les avait écrits pour elle la veille de son départ pour l’Europe. La veille de la course automobile qui lui avait coûté la vie.
Pourquoi, depuis quatre ans, emportait-elle cette photo partout où elle allait ? Dès qu’elle la regardait, le chagrin la submergeait comme une lame de fond. Cependant, c’était le seul moyen de ne pas oublier son terrible vœu.
En voyant son frère mourir, d’une mort atroce, Capri s’était en effet juré de ne plus jamais aimer. Afin de ne plus revivre pareille souffrance... Une souffrance qui demeurait toujours aussi vive, quatre ans plus tard.
Posant le cadre sur la table de nuit, elle renouvela son serment et, un peu rassérénée, entreprit de ranger ses affaires.
— Bonté divine, pourrai-je avoir de l’eau, oui ou non ?
Autant espérer un miracle ! Capri s’acharna une nouvelle fois sur les deux robinets de l’évier. En vain ! Malgré tous ses efforts, pas une seule goutte d’eau ne daignait apparaître.
Jetant un coup d’œil à sa montre, elle prit une rapide décision. A quoi bon perdre son temps ? Après tout, les problèmes de plomberie étaient du domaine du gardien. Et il aurait au moins pu s’assurer du bon état du bungalow !
Furieuse, Capri referma le couvercle du bocal de café en poudre, et marcha au pas de course vers la porte. Dehors le soleil tomba sur elle comme une chape de plomb, brûlant ses épaules nues. Cependant, elle n’y prit pas garde.
Derrière le rideau de pins, le bungalow du gardien paraissait désert, avec sa porte entrouverte. S’arrêtant un instant sur le seuil, Capri frappa puis attendit. Aucune réponse. Poussant le linteau de bois, elle entendit une sorte de bourdonnement.
— Il y a quelqu’un ? lança-t-elle.
Le bourdonnement continua, ininterrompu, et Capri frappa de nouveau, avec plus de force. L’air était comme immobile, à peine troublé par un petit vent salé venant du large. Intriguée, Capri pénétra dans la cuisine.
Elle était vide, tout comme le living. Instinctivement la jeune femme s’avança jusqu’à la chambre, poussa la porte... et chancela, victime d’une hallucination. Etait-ce Jamie, cet homme blond et athlétique couché en travers du lit ?
Il lui fallut quelques secondes pour dissiper l’illusion. L’homme avait enfoui son visage dans l’oreiller, et il ronflait, profondément endormi. Mais il était beaucoup plus grand que son frère jumeau, et plus musclé aussi. Quel âge pouvait-il avoir ? Trente ans ? Trente-cinq ?
Troublée, Capri contempla le corps de l’inconnu, portant pour tout vêtement un short de toile kaki. Ses cheveux d’un blond clair contrastaient avec sa peau bronzée, et son attitude abandonnée accentuait la sensualité se dégageant de tout son être.
Suivant du regard la ligne puissante de ses épaules, Capri eut soudain une expression horrifiée. Non ******* de dormir en plein après-midi, le gardien tenait une canette de bière à la main, comme si le sommeil l’avait saisi en pleine ivresse.
— Hé ! Monsieur ! Ça ne vous dérangerait pas de vous réveiller ? s’écria-t-elle, scandalisée.
L’homme ne bougea pas. Etait-il sourd, ou bien trop imbibé d’alcool pour réagir ?
— Ecoutez ! Si vous ne répondez pas immédiatement, je... je...
De quoi pouvait-elle bien le menacer, au juste ? Il n’y avait aucun objet à fracasser dans la pièce. D’ailleurs, hormis une paire de baskets et une chemise kaki, gisant au pied du lit, la chambre était entièrement vide.
Les poings sur les hanches, Capri se retourna vers le gardien endormi. Ou du moins l’était-il quelques secondes auparavant... Maintenant, il fixait sur la jeune femme un regard d’un bleu lumineux, englobant la silhouette fine, moulée dans un bustier de soie bleue, et les longues jambes révélées par un short de coton blanc.
— Dieu soit loué, murmura-t-il. Je suis arrivé au paradis.
Impossible de se méprendre sur ce commentaire... Le gardien de Blueberry Island avait l’air d’apprécier le physique de sa visiteuse. Et celle-ci, hypnotisée, s’efforçait de lutter contre l’incroyable attrait qu’elle ressentait.
Car l’homme étendu devant elle était d’une beauté à couper le souffle ! Ses traits réguliers, sa bouche charnue aux lèvres sensuelles, l’expression intelligente et moqueuse de ses yeux clairs en faisaient un véritable Adonis.
Paniquée, Capri prit une attitude digne.
— Eh bien ? On a décidé de passer la journée au lit ? persifla-t-elle.
Réalisant l’ambiguïté de ses paroles, Capri se mordit la lèvre. Trop tard ! Le gardien souriait déjà aux anges.
— A vos ordres, ma beauté ! J’avais l’intention de me lever, mais si vous préférez...
Capri sentit la moutarde lui monter au nez. Ce paresseux allait-il continuer à se moquer d’elle en toute impunité ? Elle le toisa avec tout le mépris dont elle était capable.
— Auriez-vous l’obligeance, monsieur, de répondre à cette simple question : comment peut-on faire du café sans eau ?
La canette de bière roula sur le parquet et alla cogner la plinthe de bois, tandis que l’homme prenait une expression faussement déconfite.
— Là, vous m’avez eu ! s’exclama-t-il. Remarquez, je n’ai jamais été très brillant au Trivial Pursuit.
Au bord de la crise de nerfs, Capri se retint d’aller donner une bonne gifle à cet insolent. Une gifle ? Ou une caresse ? La pose lascive du gardien à demi nu avait de quoi troubler n’importe quelle femme normalement constituée.
— Je n’ai pas d’eau dans mon bungalow ! lança-t-elle d’une voix un peu aiguë. Si vous n’êtes pas dans ma cuisine dans les cinq minutes qui suivent, je vous fais renvoyer ! Et je vous jure que vous ne serez plus jamais gardien nulle part, sur toute l’étendue du continent américain !
Triomphante, Capri quitta la pièce sans se retourner. Il y avait une limite à tout, et on verrait bien si cet irresponsable prendrait le risque de perdre son emploi !
Cependant, au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de son bungalow, la colère de Capri décroissait. Et une étrange langueur l’envahissait, mêlée de frissons..., un fait surprenant par cette chaleur.
Jamais au cours de ses vingt-cinq années de vie elle n’avait rencontré un homme aussi attirant. Et jamais elle n’avait été aussi près de céder à une impulsion totalement irraisonnée. Que se serait-il passé si elle avait laissé paraître son trouble ?
L’aurait-il entraînée dans son lit ? L’aurait-il serrée dans ses bras puissants, contre son torse doré, magnifique, avant de poser les lèvres sur les siennes... Stop !
Capri s’arrêta net devant l’entrée de son bungalow. Perdait-elle la tête ? Il fallait tout de suite arrêter de rêver. Elle avait affaire à un bon à rien. Séduisant, certes, mais bon à rien. Alors, si dans cinq minutes il n’était pas au rendez-vous, il pouvait dire adieu à son île et à la dolce vita !
Déterminée, Capri s’adossa à l’ombre du linteau de bois et détacha sa montre de son poignet. Il lui restait exactement quatre minutes et trente-trois secondes...
Sept, six, cinq... Le compte à rebours allait se terminer quand un bruit de pas sur le sentier lui fit lever la tête. Il était temps ! Rentrant précipitamment dans sa cuisine, Capri jeta un coup d’œil par la fenêtre.
Quelle démarche assurée ! Il ne manquait pas d’aisance, pour un homme traînant au lit en plein après-midi ! On aurait dit qu’il était le maître et seigneur de ces lieux.
Serrant les lèvres, Capri regarda l’élégante silhouette s’avancer dans sa direction. S’il croyait l’impressionner avec son allure de prince, il se trompait ! Une femme comme elle avait dû s’imposer plus d’une fois dans sa profession, et face à des hommes autrement intimidants !
Lorsqu’elle se retourna, il avait déjà pénétré dans la cuisine et la fixait d’un regard insolent, adossé au chambranle de la porte.
— A vos ordres, madame, lança-t-il d’une voix exagérément traînante. Que puis-je faire pour vous ?
— Comment vous appelez-vous ?
— Smith. Tiggart Smith.
Les mains dans les poches de son jean, il la dévisageait d’un air énigmatique et, malgré elle, Capri recula. Pourquoi était-il aussi séduisant habillé qu’à demi nu ? A moins qu’elle ait mal évalué sa grande taille, tout à l’heure, et la puissance de sa carrure...
En tout cas, il était en train de se moquer d’elle. Pourquoi cette attitude servile, tout à coup ? Cherchait-il à la décourager, afin qu’elle ne vienne plus le déranger par la suite ?
— Et vous ? demanda-t-il.
Interloquée, Capri cacha mal son irritation. Quelle familiarité ! Décidément, ce gardien avait besoin qu’on lui apprenne les bonnes manières.
— Jones ! répliqua-t-elle.
— Jones ? Vous voulez-dire Joans peut-être ? Ou bien serait-ce un diminutif pour Justine ?
— Non, Mlle Jones !
— Oh...
Les paupières mi-closes, Tiggart Smith parut méditer cette information, puis, au bout de quelques secondes, secoua la tête d’un air désapprobateur.
— Je préfère Jones tout court, ça a un certain charme.
Il s’avança vers elle et, l’espace d’un instant, Capri crut qu’il allait la prendre dans ses bras. Tremblante, et un peu déçue, elle ne souffla mot alors qu’il la frôlait pour accéder à l’évier.
Quel parfum grisant ! Il sentait l’océan, le sable, les mille parfums des herbes sauvages... Attirée comme par un aimant, Capri fit un suprême effort pour se contrôler. A aucun prix Tiggart Smith ne devait se rendre compte de son pouvoir sur elle !
Dieu merci, pour l’instant, il était absorbé dans la manipulation d’un appareil de métal, installé sous la fenêtre. Et peu à peu, l’eau commença à jaillir du robinet, jusqu’à ce qu’elle atteigne un débit régulier.
Mortifiée, Capri regarda Tiggart fermer le robinet. Pourquoi n’avait-elle pas regardé autour d’elle, avant d’aller chercher de l’aide ? N’importe qui doué de bon sens aurait compris que l’eau était acheminée par la pompe.
— Désolé, Jones. Normalement, il y a une note au-dessus de l’évier. Je me demande qui l’a enlevée. Je la ferai... Je veux dire, je la remettrai dès que possible.
— Merci.
Malgré ses mauvaises manières, Tiggart n’était pas rancunier ! Soulagée, Capri lui adressa un sourire poli. Pourquoi ne paratait-il pas, à présent ? Le gardien allait et venait dans la cuisine, ouvrait les placards, cognait son poing contre le mur.
— Les termites, murmura-t-il, l’air préoccupé. Les termites du Pacifique... L’agence n’aurait pas dû louer ce bungalow tout de suite. Je suis désolé, Jones, il va falloir que je fasse des petits travaux ici.
— Oh ! Non ! protesta Capri. Je... je ne voudrais pas être dérangée. J’ai un travail à faire.
— Vraiment ? Et quelle sorte de travail ?
— Eh bien...
Que répondre ? Qu’elle était la directrice adjointe d’une des plus grandes compagnies pétrolières du pays ? Tiggart risquait de ne pas apprécier. Sans doute la traiterait-il en enfant gâtée, parvenue à son poste grâce à la situation de son père. Et pourtant, Capri avait travaillé dur pour justifier ses responsabilités.
En outre, elle n’avait rien emporté qui puisse trahir sa fabuleuse richesse. Ses vêtements — essentiellement des shorts, des jeans et des T-shirts de coton — n’avaient rien d’ostentatoire, et ses bijoux étaient tous enfermés dans le coffre de sa villa.
Seul son ordinateur portable, bien visible au milieu de la table de la cuisine, témoignait d’une certaine aisance. Désemparée, Capri le désigna en silence, incapable de donner une explication à son gardien.
— Vous êtes écrivain ? demanda Tiggart Smith.
— Oui ! Oui, c’est cela, répliqua-t-elle, soulagée.
— Et quelle sorte de livres écrivez-vous ?
Vite, une inspiration, n’importe laquelle... Plus Tiggart scrutait son visage, attentif à toutes ses paroles, plus elle sentait fondre sa résistance. Elle aurait dû éprouver de l’indifférence, du mépris à l’égard d’un homme qui exerçait si mal son métier.
Cependant, à sa grande honte, elle ne ressentait rien de tout cela. Elle, l’héritière de l’empire Jones, attirée par un simple gardien de bungalow, bronzé comme un champion de surf californien... Cela ferait la manchette de tous les journaux à sensation.
Ou encore le sujet d’un roman ! La voilà enfin, son inspiration ! Radieuse, Capri plongea son regard dans celui de Tiggart Smith.
— J’écris des romans d’amour, lança-t-elle avec aplomb.
Si elle avait voulu l’étonner, elle n’aurait pas mieux réussi ! Parfait ! Le stratagème la protégerait des assiduités de cet Apollon. Sans le moindre remords d’avoir si bien menti, Capri lui décocha son plus beau sourire, et lui claqua aussitôt la porte au nez.

 
 

 

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chapitre 2

Ouf ! Avec un peu de chance, elle ne reverrait plus cet énergumène avant le lendemain, songea Capri en remplissant d’eau la bouilloire de métal.
Il était un peu tard dans l’après-midi pour se mettre à chasser les termites. Et sûrement trop tard pour un paresseux comme Tiggart Smith. Il devait s’être recouché, épuisé par la perspective des travaux à faire...
Ayant allumé le gaz sous la bouilloire, Capri s’installa sur la table de bois brut. Qu’aurait dit Jake s’il avait pu la voir en ce moment, perchée sur une table dans la cuisine d’un bungalow de rondins ? Qu’elle jouait à Robinson Crusoé ?
Capri contempla le linoléum bleu et rose aux motifs fanés, les placards de bois brut — rongés, au dire de Tiggart, par les termites du Pacifique –, la vieille cuisinière de fonte... Tiens, pourquoi avait-on placé un poêle entre la cuisine et la chambre ?
Faisait-il si froid, la nuit, dans le bungalow ? Inutile de s’inquiéter, cependant. La pile de bûches entassées dans le recoin du mur devait suffire pour toute la saison.
Soudain, un petit grattement contre la porte d’entrée attira son attention. Oh ! Non ! Le gardien n’allait pas l’importuner, maintenant ! Furieuse, Capri ouvrit la porte d’un coup sec.
Avait-elle rêvé ? Il n’y avait personne... Enfin, du moins, il n’y avait qu’une toute petite personne, une petite fille encore vacillante sur ses jambes. Surprise, Capri contempla sa minuscule visiteuse, vêtue d’un Bikini bleu clair.
Qui était cette ravissante petite rousse au visage couvert de taches de rousseur ? S’accroupissant à sa hauteur, Capri lui décocha un sourire aimable.
— Bonjour ! lança-t-elle. Comment tu t’appelles ?
— Appelles.
Amusée, Capri caressa les longues boucles rousses qui entouraient le visage de l’enfant.
— Où est ta maman ? demanda-t-elle.
— Miranda ! Chérie, je t’ai déjà dit que ce n’est pas notre bungalow... Oh ! Pardon !
Une jeune femme apparut sur le sentier, et sa chevelure flamboyante indiquait clairement sa parenté avec l’enfant. Se redressant, Capri s’aperçut également que la mère de Miranda n’allait pas tarder à lui donner un petit frère, ou une petite sœur.
— J’espère que ma fille ne vous a pas dérangée, lança la visiteuse. Tous les bungalows de l’île se ressemblent, et elle se croit chez elle partout... Nous allions à la plage.
D’un geste comique, elle agita un grand cabas d’où débordaient une pelle de plastique jaune, un râteau, des serviettes et divers objets non identifiables.
— Je m’appelle Ellen Walter, dit-elle. Nous logeons dans le bungalow au sommet de la colline. Nous, c’est-à-dire Sam, mon mari, Miranda et moi.
— Ravie de faire votre connaissance. Mon nom est Capri Jones. Je viens d’arriver.
— Et... vous n’êtes pas seule, je présume ?
— Si.
— Voulez-vous venir vous baigner avec nous ? Je serai heureuse d’avoir une compagnie féminine. Nous sommes là depuis une semaine, et la conversation de Miranda est plutôt limitée !
Capri regarda l’océan scintillant sous le soleil, et les vagues fraîches déferlant sur la plage. Pourquoi pas ? Un bon bain lui ferait du bien avant de se mettre au travail.
— Je..., commença-t-elle.
— Tigre !
L’exclamation émerveillée de Miranda l’interrompit, au moment même où elle allait accepter l’invitation d’Ellen. La fillette descendit les marches à quatre pattes, et se mit à trottiner sur le sentier.
Tournant la tête, Capri aperçut alors la haute silhouette de Tiggart Smith, plus bronzé que jamais dans un maillot de bain d’un blanc éclatant. Manifestement, lui aussi allait à la plage.
— Euh, non merci, Ellen, balbutia Capri. Je n’ai pas le temps, ce soir.
Reculant en toute hâte, elle entra chez elle. Pas assez vite, cependant, pour ne pas remarquer l’expression peinée d’Ellen Walter. Seigneur ! Elle n’avait pas voulu offenser la jeune femme.
Néanmoins, elle n’avait pas d’autre solution. Se montrer en Bikini devant Tiggart Smith ? Jamais ! Elle sentait déjà peser sur elle son regard moqueur, ardent, un peu comme celui d’un chat jouant avec une souris.
Quel charme exerçait-il sur elle pour la rendre ainsi vulnérable ? Elle avait pourtant l’habitude de fréquenter des collègues masculins, dans son métier. Souvent comblée d’hommages, Capri n’avait cependant jamais frémi à ce point sous un regard masculin.
Etait-ce parce que Tiggart n’avait rien d’un homme d’affaires sophistiqué ? A vrai dire, ils finissaient par tous se ressembler, avec leurs costumes élégants, leurs bonnes manières, et leurs eaux de toilette discrètes et de bon goût.
Aucun d’entre eux ne sentait ce mélange inouï de terre et d’océan. Aucun ne marchait avec l’élégance féline du gardien de Blueberry Island... Malgré elle, Capri écarta les rideaux décorant la fenêtre de la cuisine. Elle éprouvait un besoin impérieux de le regarder de nouveau, encore une fois.
A quelques pas de là, Tiggart avait rejoint Ellen, et tous deux s’amusaient à balancer Miranda au-dessus de l’eau. L’enfant riait à gorge déployée, témoignant d’une gaieté qui résonnait comme un glas dans le cœur de Capri.
Comme elle se sentait seule, tout à coup ! Aurait-elle fait une erreur en venant dans cette île merveilleuse et sauvage ? Seul le sifflement aigu de la bouilloire lui répondit, et Capri se précipita pour éteindre le brûleur. Pour un peu, on aurait dit un signal d’alarme...
Le soleil se coucha brusquement vers 9 heures. Levant les yeux de l’écran de son ordinateur, Capri s’étonna de voir l’horizon, rose et brillant quelques minutes auparavant, devenu d’un bleu sombre, presque noir.
Avait-elle perdu la notion du temps en travaillant ? Il lui fallait trouver une lampe, et préparer à dîner. Une brève manipulation lui permit de sauvegarder ses notes, puis la jeune femme éteignit l’ordinateur.
Assez pour aujourd’hui... Frissonnant, Capri s’empara d’une boîte d’allumettes et ouvrit le poêle. Grâce à Dieu, il était déjà plein de petit bois et de papier journal ! La flamme embrasa tout de suite la gueule de fonte et, au bout de cinq minutes, une douce chaleur envahit le bungalow.
Restait à résoudre le problème de l’éclairage. Se dirigeant à tâtons dans la demi-pénombre, Capri ouvrit un à un les placards de la cuisine. Il devait bien y avoir une lampe quelque part ! L’électricité n’était pas installée dans l’île, et l’agence l’avait bien avertie des conditions de vie proches du camping. C’était d’ailleurs pour cela que la jeune femme avait emporté son petit ordinateur qui fonctionnait avec des piles assez puissantes.
— Hé ! Jones !
Un coup sur la porte, une exclamation impérieuse. Inutile de se demander qui était là ! Avant qu’elle ait eu le temps de répondre, Capri vit la poignée de cuivre tourner dans le vide. Heureusement, elle avait eu la bonne idée de fermer à clé !
— Jones ! insista Tiggart.
— Oui, monsieur Smith. Que voulez-vous ?
— J’ai remarqué que vous n’aviez pas de lumière. Alors j’en ai déduit que vous n’aviez pas trouvé la lampe...
— C’est exact !
— Elle doit être près du tas de bois, par terre.
Capri se guida à l’aide de la table pour rebrousser chemin. Puis elle agita les bras dans l’ombre, tâtant le sol du bout du pied : Soudain, elle sentit un objet métallique contre sa jambe.
— Merci ! s’écria-t-elle avec froideur. Je l’ai trouvée.
— Vous savez la faire marcher ?
Que faire ? Mentir, et passer la nuit à tâtonner dans l’obscurité ? Elle n’avait guère le choix !
— Non, balbutia-t-elle. Je ne sais pas.
— Comment ?
Et par-dessus le marché, il se moquait d’elle !
— Non ! s’écria-t-elle. Je n’ai jamais allumé ce genre d’engin !
Elle tourna la clé dans la serrure et recula pour le laisser passer.
— Entrez, je vous en prie ! lança-t-elle d’un ton renfrogné.
— Merci, Jones. Ah, vous avez quand même réussi à allumer le poêle. N’oubliez pas de le remplir de bûches avant d’aller vous coucher. Il fait parfois froid, à l’aube, en cette saison.
Il craqua une allumette et, quelques secondes plus tard, la flamme haute de la lampe à pétrole éclaira la cuisine. Comme Tiggart était séduisant dans cette lumière dorée ! L’éclairage indirect accentuait les volumes harmonieux de son visage, jetait des lueurs chaudes sur ses cheveux soyeux.
— Voilà, murmura-t-il. Vous avez vu comment j’ai fait ? Et quand vous voudrez aller vous coucher...
Il se retourna si vivement que Capri n’eut pas le temps de s’éloigner. Prise de court, elle l’interrogea du regard, incapable de bouger. Comment résister à ces yeux d’un bleu si clair, si pur ?
— Quand vous voudrez vous coucher, reprit-il d’une voix rauque, vous tournerez cette valve. Vous voyez ?
Se penchant en avant pour masquer son trouble, Capri laissa sa longue chevelure glisser vers la lampe. Un rideau de mèches brunes dangereusement proches de la flamme... En une fraction de seconde, Tiggart avait réagi.
— Attention ! s’écria-t-il tout en repoussant ses cheveux en arrière.
Capri, à son contact, recula vivement. Comment avait-elle pu se montrer si inconsciente du danger ? Elle qui craignait le feu comme le pire des fléaux ? Cet homme l’avait-il ensorcelée ?
— Merci, balbutia-t-elle d’une voix tremblante.
Pendant quelques secondes, ils restèrent ainsi face à face, dans un silence que seuls venaient troubler les craquements du feu dans le poêle, et le grondement assourdi des vagues déferlant sur la plage.
Quelle étrange intimité partageait-elle avec ce gardien presque inconnu, dans cette atmosphère romantique ? Tiggart portait un jean délavé moulant ses cuisses musclées, et une chemise en flanelle bleu marine, largement ouverte sur son torse hâlé. Un torse où bien des femmes auraient aimé se blottir...
— Alors ? Suis-je à votre goût ?
Le mufle ! Il n’y allait pas par quatre chemins ! En outre, il paraissait s’amuser, à en croire son expression railleuse, comme s’il connaissait d’avance la réponse à sa question.
— Vous ne manquez pas d’audace ! s’exclama-t-elle. Qu’est-ce que cela peut bien vous faire ?
— Vous le savez bien.
— Non. Pourriez-vous m’expliquer ?
Son ton moqueur la piquait au vif. Et puis, pourquoi la regardait-il avec un sourire si sensuel, comme si chacun de ses mots était une caresse sur ses sens exacerbés ?
— Vous n’êtes peut-être pas encore prête à admettre la vérité, Jones... Aucune importance, nous avons deux longues semaines pour faire connaissance.
Prise de vertige, Capri concentra toute son attention sur le mur derrière Tiggart. De quelle vérité parlait-il ? Et pourquoi persistait-il à la fixer avec autant d’intensité ?
— Et votre histoire, ça avance ? demanda-t-il.
De plus en plus déconcertée, Capri tentait de retrouver ses esprits. Son histoire ? Par chance, elle saisit l’imperceptible mouvement de Tiggart, enveloppant du regard l’ordinateur posé sur la table. Bien sûr, il la prenait pour un écrivain !
— Comme ci, comme ça, répondit-elle, laconique.
— Que se passe-t-il ? Vous avez l’angoisse de la page blanche ?
Tiggart s’assit nonchalamment sur la table, comme s’il avait l’intention d’entamer une longue conversation
— Ça vous aiderait d’en parler, reprit-il. Quelquefois, les personnages ont besoin d’un autre éclairage...
— Vous semblez bien connaître la question ! Vous avez des amis écrivains ?
— Oui, un ou deux. Allons, Jones, racontez-moi un peu le sujet.
— Eh bien, il s’agit d’une femme d’affaires, qui décide de passer ses vacances dans un bungalow isolé, pour terminer un travail qui lui tient à cœur. Mais là, les ennuis commencent.
— Aaah... Intéressant. Dites-moi, Jones, ces ennuis, quel nom leur donnez-vous ?
Tiggart avait du mal à retenir son rire. Prise au jeu, Capri décida de lui livrer le fond de sa pensée.
— Je ne sais pas encore, déclara-t-elle. J’avais pensé à Mike, ou Chris, ou bien Andrew, mais ce sont des noms charmants, alors que mon héros n’a rien de sympathique. Il est cynique, agressif, paresseux et plein de suffisance. Un vrai raseur, en somme. Je cherche un nom qui puisse donner toutes ces informations aux lecteurs...
— Je vous en prie, prenez le mien. Croyez-vous que Tiggart fasse assez diabolique ?
Cette fois, sa gaieté éclata franchement, et son rire emplit le bungalow. Qu’il rie ! Rira bien qui rira le dernier ! songea Capri.
— Diabolique me paraît encore trop flatteur, répliqua-t-elle. Disons que ce nom convient parfaitement à un anti-héros.
En deux enjambées, elle était à la porte, prête à l’ouvrir toute grande pour ce prétentieux. A son grand étonnement, il ne bougea pas d’un pouce.
— Je parie, dit-il, que l’héroïne est jeune — disons vingt-cinq, vingt-six ans — très jolie, dotée de longs cheveux bruns aux reflets auburn, et d’un regard vert inoubliable. Elle a aussi un corps parfait, le corps auquel devait rêver l’inventeur du Bikini... Voyons, comment s’appelle-t-elle... Prudence— ? Non. Violette ? Encore moins. Agnès ? Trop innocent.
— Elle s’appelle Capri !
Capri tourna la poignée, et laissa l’air marin s’engouffrer aussitôt dans la pièce.
— Et son physique n’a rien qui puisse vous intéresser, lança-t-elle d’un ton glacial.
— Bon ! Maintenant que vous les avez baptisés, vous devriez mieux cerner les personnages. Je les trouve intéressants, chacun dans leur genre. A mon avis, il va y avoir des étincelles... Je crois que vous en faites trop, Jones. Vous devriez laisser les événements décider pour vous. Le résultat devrait être étonnant.
Agrippée au montant de la porte, Capri regarda Tiggart s’avancer vers elle, partagée entre le désir de fuir et celui de s’abandonner. Que ne donnerait-elle pas pour céder à la caresse veloutée de ces prunelles ! Jamais encore elle n’avait rencontré un homme l’invitant à faire l’amour d’un seul regard...
— Bonne nuit, monsieur Smith, murmura-t-elle.
— Voulez-vous venir avec moi sur la plage ? Regarder les étoiles, écouter les vagues...
— Non, merci.
Les sourcils froncés, Tiggart dévisagea la jeune femme d’un air préoccupé.
— Vous n’êtes pas sortie de la journée, n’est-ce pas ? Le travail, c’est bien gentil, mais il n’y a pas que ça dans la vie.
Impossible de tergiverser. Tiggart avait tout à fait raison. Pourquoi être venue dans un lieu où la nature était si splendide, si c’était pour s’enfermer comme dans son bureau de Houston ? Cependant, marcher sous les étoiles en compagnie de Tiggart Smith, c’était se comporter comme l’héroïne d’un roman d’amour.
— Bonne nuit, monsieur Smith, répéta-t-elle.
— Vous ne savez pas ce que vous perdez.
Capri sentit une vague de chaleur monter du plus profond de son être. Heureusement, l’obscurité empêchait Tiggart de remarquer son trouble.
Avec un sourire malicieux, il joua un instant avec la poignée de la porte. Fascinée, Capri contempla ses longues mains aux ongles soignés, aux doigts puissants. Tiggart n’avait rien d’un manuel. Pourquoi avait-il pris cet emploi qu’il exerçait si mal ? N’avait-il aucune fierté ?
— Nous nous verrons demain, reprit Tiggart. Il faut que je m’occupe de vos termites... 10 heures, ce n’est pas trop tôt ?
Pour qui se prenait-il ? Croyait-il par hasard qu’elle resterait assise à sa table de cuisine, à le regarder travailler ? A 10 heures, elle serait le plus loin possible du bungalow. Inutile, donc, de le contredire.
— Entendu ! répliqua-t-elle avec un sourire figé.
Un sourire qui s’effaça peu à peu de son visage, au fur et à mesure que les pas de Tiggart s’éloignaient dans la nuit. Il fallait absolument qu’elle se reprenne ! Que possédait cet homme pour la mettre dans des états pareils ?
Tiggart Smith ne correspondait à rien de ce qu’elle aimait : arrogant, paresseux, dénué d’ambition, il n’aurait jamais dû retenir son attention plus d’une seconde. Et pourtant, sa présence l’obsédait.
Par quel étrange phénomène parvenait-il à lui faire oublier ses principes les plus chers ? Près de lui, elle devenait nerveuse, frémissante. Elle en arrivait même à mentir !
Elle, si assurée, et habituée à diriger une multinationale ! Jamais Capri ne se serait crue capable d’une telle faiblesse. Car malgré son charme ravageur, Tiggart n’était qu’un être indolent et négligent.
Oh ! Il ferait fureur à son côté dans n’importe quelle réception huppée de Houston. A voir son élégance innée en simple maillot de bain, il était aisé d’imaginer la classe qu’il aurait en smoking ! Cependant, il avait choisi de paresser dans cette île isolée du monde. Parfait ! Il n’avait qu’à y rester pour le restant de ses jours ! Quant à elle, elle avait, Dieu merci, bien mieux à faire !
Quelle merveilleuse matinée ! Debout sur le seuil de son bungalow, Capri regardait l’océan déferler comme un ruban d’argent sur le sable fin. 9 h 30... Il était temps d’ajuster son sac à dos et de prendre la poudre d’escampette.
Un rapide coup d’œil vers le sentier désert lui assura que la voix était libre. Tant mieux ! La dernière personne qu’elle voulait voir aujourd’hui était bien ce bon à rien de Tiggart Smith.
Quand il viendrait, elle serait loin depuis longtemps. Laissant la porte entrouverte, Capri se mit joyeusement en marche. Pour commencer, elle devait une petite visite de politesse à Ellen Walter. Pourvu que la jeune femme accepte son offre de bon voisinage !
Les doutes de Capri s’envolèrent une fois devant la porte du bungalow. L’ayant vue arriver, Ellen l’attendait, radieuse.
— Bonjour ! lança-t-elle, tandis que Miranda venait se blottir contre sa robe.
— Bonjour... Je passais par ici, et je me demandais... Une voix d’homme interrompit Capri dans ses explications.
— Qui est là, chérie ?
— C’est la dame du bungalow de la plage, Sam.
— Eh bien, fais-la entrer, voyons ! Elle prendra bien une tasse de café ?
Le visage d’Ellen s’assombrit de façon imperceptible, tandis qu’elle interrogeait Capri du regard. Bien sûr, après la rebuffade de la veille, elle redoutait de voir la nouvelle arrivante refuser cette offre.
— Ça me ferait vraiment plaisir, déclara Capri.
Tant pis pour son travail ! Cela attendrait bien quelques minutes de plus. Et puis, refuser maintenant serait grossier.
— A nous aussi ! répliqua Ellen. Entrez, je vous en prie. Nous avons une autre visite, ce matin.
Saisie d’un sombre pressentiment, Capri tourna la tête vers le living. Quelle malchance ! Installé avec nonchalance dans le vieux canapé près de la fenêtre, se trouvait justement la personne qu’elle souhaitait éviter. Un dénommé Tiggart Smith...
Les deux hommes se levèrent en même temps pour l’accueillir. Comme le mari d’Ellen semblait petit à côté de Tiggart ! Mais sa poignée de main était aussi franche que vigoureuse.
— Ravi de vous connaître, lança-t-il. Je suis Sam Walters, mademoiselle...
— ... Jones, interrompit Tiggart, sans le moindre respect des convenances. Jones tout court. Comment ça va, ce matin ?
Furieuse, Capri ignora sa question.
— Capri Jones, lança-t-elle à l’attention de son hôte.
— Oh ! Vous connaissez Tiggart ?
Ellen venait de faire son entrée dans le living. D’un geste, elle invita Capri à s’asseoir sur le canapé, près de Tiggart, et lui tendit une tasse de café fumant. Impossible de refuser de s’asseoir... Et puis, il n’y avait pas d’autre place.
— J’ai rencontré M. Smith hier après-midi, marmonna Capri.
Tiggart se rassit aussitôt, manifestement ravi d’être si proche d’elle. Pourvu que ses hôtes ne se rendent pas compte de son embarras ! Malgré elle, le regard de Capri se porta sur les chevilles bronzées de son voisin. Il se promenait pieds nus dans des Reebok ? Décidément, Tiggart Smith était un vrai sauvage !
— Capri... C’est un prénom étrange, murmura-t-il. Vos parents vous ont-ils conçue lors d’un séjour dans cette île ?
— Pas exactement, non. Mes parents avaient en effet prévu de se rendre à Capri, mais lorsque ma mère s’est rendu compte qu’elle était enceinte, ils ont changé d’avis, pour des raisons financières. Et en fin de compte, en guise de vacances ils ont eu...
— ... un bébé ! s’exclama Ellen.
Capri avait hésité au moment de parler de son frère jumeau. N’allaient-ils pas la questionner sur Jamie ? Il faudrait alors leur révéler la triste vérité, et elle ne s’en sentait pas le courage.
Par chance, Ellen avait résolu son dilemme. Installée sur le bras du fauteuil où son mari était assis, la jeune femme posa une main sur son ventre arrondi.
— Je crois qu’un bébé vaut tous les voyages du monde, n’est-ce pas, Sam ?
Emu, Sam passa un bras autour de la taille de son épouse.
— Absolument, ma chérie ! Il n’y a rien de plus merveilleux qu’un petit bébé.
— Bébé ! Bébé ! s’écria Miranda en abandonnant ses cubes de couleur.
Elle s’avança vers Tiggart et lui décocha un adorable sourire, qui creusait des fossettes dans ses petites joues.
— Tigre ? Bébé ? questionna-t-elle.
— Non, petite curieuse ! Je n’ai pas de bébé.
Tiggart se pencha et passa la main dans les boucles rousses de la fillette. Cependant, Capri eut le temps de remarquer la pâleur subite de son visage. Pourquoi cette réaction ?
— Tiens ? Vous n’êtes pas marié ? demanda-t-elle.
Le trouble de Tiggart s’accentua, et Capri crut un instant qu’il allait briser la tasse qu’il serrait si fort entre ses doigts. Miranda avait donc touché une corde sensible ?
— Non, répondit-il enfin. Et vous ?
Quelle idiote ! Elle aurait mieux fait de se taire, au lieu de s’abandonner à sa curiosité. A quoi lui servait de savoir s’il y avait une femme dans la vie de Tiggart ? Maintenant, il lui faudrait parler de sa vie personnelle.
— Moi non plus, répliqua-t-elle. Et j’ai l’intention de rester célibataire. Mon métier me passionne.
Ellen lui jeta un regard étonné.
— Je n’arrive pas à comprendre les femmes qui ne veulent pas se marier ! s’exclama-t-elle. Sans doute suis-je très démodée, mais la vie sans Sam ni Miranda me paraîtrait un désert sans fin...
Sam déposa un baiser sur la joue de sa femme.
— Chérie, quand les gens décident de ne pas se marier, ils ont sûrement une bonne raison.
— Oh ! Capri, je suis navrée, déclara Ellen en rougissant. Je devrais réfléchir avant de parler. Quelle sotte je fais !
A son tour, Tiggart se leva et enfonça les poings dans les poches de son jean.
— Pas du tout, Ellen ! Vous êtes généreuse, vous voulez que tout le monde soit aussi heureux que Sam et vous... Seulement, la vie est parfois compliquée pour certains d’entre nous.
Souriant, il adressa un geste d’adieu à la cantonade. Mais Capri ne fut pas dupe de son attitude insouciante. Pourquoi cette douleur persistait-elle dans ses yeux bleus ? Tiggart aurait-il un secret ?
— Il faut que je m’en aille, déclara-t-il. Merci pour le café... A plus tard, Jones !
Capri garda le regard rivé sur sa tasse.
— Au revoir, balbutia-t-elle.
— Chérie, j’emmène Miranda faire un tour à la plage.
Sam avait emboîté le pas à Tiggart, et quelques secondes plus tard, il ne restait plus dans la pièce qu’Ellen et Capri. Dans le silence paisible, la jeune femme s’efforça d’oublier les sentiments contradictoires qui l’agitaient.
— Quel est le métier de Sam ? demanda-t-elle.
— Sammy ? C’est un ouvrier métallurgiste. Il travaille pour une grande société à l’échelon national, et il voyage très souvent. J’espère qu’il finira par trouver un poste stable à Vancouver.
— Vous devez vous sentir seule quand il s’en va.
Ellen éclata de rire, et s’installa confortablement dans le fauteuil laissé libre par son mari.
— Je n’ai guère le temps de m’ennuyer, vous savez ! Je travaille comme secrétaire, et, je me lève tous les matins à 5 h 30. Ma journée ne finit souvent pas avant 10 heures du soir, entre les courses, le ménage, Miranda... Ce bébé va me permettre de souffler un peu. Je vais être en congé jusqu’en novembre.
— Qui s’occupe de Miranda ? Votre famille ?
— Non, il y a une crèche dans mon entreprise, à la disposition des employées. C’est très pratique. Sans cela, je ne sais pas comment je ferais ! Nous avons acheté une maison, et il nous faut deux salaires pour boucler nos fins de mois.
Un peu honteuse, Capri évita le regard de son hôtesse. Que dirait Ellen si elle savait qu’elle s’adressait à une fille de milliardaire ? Mieux valait changer de sujet.
— Votre bébé va naître bientôt ? questionna-t-elle.
— Dans un mois, à peu près.
— Cela ne vous effraie pas d’être si loin de tout centre hospitalier ? Je veux dire, en cas de problème.
— Il n’y a pas de danger, vous savez. J’ai accouché de Miranda avec treize jours de retard... et quarante-huit heures de contractions ! Ce sera sûrement pareil, cette fois. De toute façon, nous rentrons à la maison la semaine prochaine.
— Vous vivez à Vancouver ?
— Oui, dans la banlieue nord. Et vous ?
— Dans le Texas, à Houston.
Ellen la dévisagea avec curiosité.
— Vous avez traversé toute l’Amérique pour venir en vacances à Blueberry Island ? Est-ce que...
La jeune femme s’interrompit abruptement, et arbora une expression contrite.
— Oui, Ellen ? Que vouliez-vous me demander ?
— Si Sam était ici, il me reprocherait mon indiscrétion. Pardonnez-moi, Capri, mais tout à l’heure j’ai senti une forte attirance entre vous et Tiggart. Vous... Vous le connaissiez avant de venir ici ?
— Lui ? Oh, non ! Il n’est pas du tout...
Capri s’arrêta à temps. « ... le genre d’hommes que je fréquente », voulait-elle dire. Ne passerait-elle pas pour une abominable snob aux yeux d’Ellen ?
— ... le genre d’hommes que vous avez l’habitude de rencontrer. Ça se voit tout de suite, conclut Ellen.
— Je ne comprends pas très bien.
Gênée, Capri s’agita sur son siège. La jeune femme avait-elle deviné l’écart social qui existait entre elle et Tiggart ?
— Vous êtes très élégante, Capri, tandis que Tiggart est... comment dire ? plutôt nature. Et puis, vous êtes aussi réservée et sérieuse qu’il est décontracté. Il aime être entouré d’amis. A propos, vous a-t-il invitée à son barbecue, demain soir ?
— Son barbecue ?
— Ne vous inquiétez pas, il va le faire. Il a invité tout le monde sur l’île, et ça promet d’être amusant.
« Sûrement pas pour moi », songea Capri. Et elle n’avait que faire des invitations de Tiggart Smith ! En tout cas, tant qu’il serait occupé à festoyer, il ne viendrait pas la déranger.
Après quelques instants, elle prit congé d’Ellen et grimpa le sentier en direction de la forêt. Là, personne ne la dérangerait ! Alors, pourquoi ne parvenait-elle pas à se débarrasser de ce sentiment de mélancolie ? Elle avait exactement ce qu’elle souhaitait : la solitude, l’air pur, la liberté... Avant de débarquer sur l’île, cela aurait suffi à son bonheur.
Que s’était-il donc passé, depuis ? Inutile de chercher bien loin. Dès qu’elle avait posé les yeux sur Tiggart Smith, ses ennuis avaient commencé. Au lieu de profiter de son séjour, elle passait son temps à le fuir.
S’installant à l’ombre d’un drôle d’arbre à l’écorce pourpre, Capri déballa ses affaires et regarda sans les voir les statistiques qu’elle voulait étudier.
Seigneur ! Elle avait oublié d’inviter les Walter à prendre un verre chez elle, ce soir. C’était pourtant la raison de sa visite chez eux ! La présence de Tiggart l’avait troublée plus que de raison.
Même Ellen l’avait remarqué. Si cette attirance était si visible, il n’y avait plus qu’une chose à faire : éviter tout contact avec le gardien de Blueberry Island. Car aucun homme ne devait jamais pénétrer dans sa vie, qu’il soit millionnaire ou pauvre !
A 16 heures, Capri jugea raisonnable de regagner son bungalow. Tiggart devait avoir fini de travailler depuis longtemps. Avec un peu de chance, ce paresseux faisait la sieste et elle pourrait circuler en paix.
Dans la cuisine, une surprise l’attendait. Les linteaux des placards avaient été remplacés avec soin et, au centre de la table, quelqu’un avait placé un gros bouquet de fleurs sauvages.
Sidérée, Capri effleura les pétales bleutés. D’où sortaient ce vase et ces fleurs disposées avec tant de goût ? Soudain, son attention fut attirée par une feuille de papier pliée en quatre sous le socle de verre.
Déposant son sac sur une chaise, Capri s’empara de la feuille et la lut avec avidité.
« Vous attends chez moi demain 6 heures pour barbecue. Grande fête locale avec musique très forte... Impossible de dormir avec pareil tapage. Vous feriez mieux de venir, Jones.
Suis parti chercher des provisions. Serai de retour demain après-midi. »
Le style était aussi laconique que son auteur ! Et la signature — de simples initiales : T.S. — témoignait du même flegme.
Depuis quand les gardiens invitaient-ils les clients ? Et avec tant d’aisance, en plus ! Le patron de Tiggart était-il au courant des pratiques de son employé ?
Et d’ailleurs, qui allait payer pour cette fête ? Pas elle, en tout cas ! Car elle ne s’y rendrait pas, quel que soit le vacarme qu’il ait décidé de créer pour gâcher le calme de l’île.
Furieuse, Capri ne put réprimer un geste vers le bouquet foisonnant de fleurs délicates, à demi ouvertes. Comme elles sentaient bon ! Prenant une tige pâle entre ses doigts, Capri appliqua les pétales contre sa joue.
Ils étaient aussi doux qu’une caresse, et aussi parfumés qu’une peau de bébé... Elle avait déjà reçu des fleurs dans sa vie, mais jamais un bouquet aussi étonnant que celui-ci. Une telle attention faisait fondre en elle une résistance qu’elle croyait inébranlable.
Allons ! Une fois de plus, elle se laissait aller au romantisme. C’était encore une fois de trop. Les lèvres pincées, Capri s’empara de la note de Tiggart et la déchira en mille morceaux.

 
 

 

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chapitre 3

Capri cligna des yeux dans le soleil matinal. L’eau était délicieuse. Après une bonne demi-heure de crawl dans la crique crénelée d’écume, la jeune femme se laissa dériver vers la jetée.
Quel plaisir de faire la planche, de sentir sa chevelure flotter autour d’elle... En l’absence de Tiggart Smith, elle pouvait enfin se détendre complètement. Capri ferma les paupières, indifférente au grondement lointain qu’elle prit pour des vagues se fracassant contre les rochers.
Une mouette cria, puis, de nouveau, ce fut le silence de la mer.
— Bonjour, Jones ! L’eau est bonne ?
De surprise, Capri faillit couler à pic. Se tournant sur le côté d’un vigoureux coup de reins, elle fut tout d’abord aveuglée par le scintillement du soleil. Puis elle distingua, au bout de la jetée, la haute silhouette de Tiggart, en train d’amarrer une vedette blanche.
Capri sentit son cœur bondir de joie. Que lui arrivait-il ? Elle aurait dû, au contraire, être furieuse de voir sa tranquillité menacée.
Comme sa vue s’adaptait à la lumière éclatante, elle surprit l’expression captivée de Tiggart. Pourquoi la fixait-il ainsi ? Seigneur ! Elle avait mis son Bikini noir, le plus succinct de tous ses maillots de bain.
Inutile, dans ces conditions, de le provoquer par quelque remarque acerbe.
— Bonjour, monsieur Smith, répondit-elle en s’éloignant insensiblement de la jetée.
Entre ses cils baissés, Capri vit le gardien se débarrasser de son gilet de sauvetage. Puis il déchargea à quai une immense glacière rouge, ainsi que deux gros cartons. Parfait... Dans quelques secondes, il allait s’éloigner, emportant ses provisions vers son bungalow.
A sa grande stupéfaction, Tiggart descendit de bateau, ôta son T-shirt, ses tennis, et plongea dans l’eau bleue. En jean ? Rêvait-elle ? Non, apparemment ! Tiggart s’avançait vers elle en barbotant comme un jeune chiot...
Savait-il à quel point il était ridicule ? Capri pouffa, incapable de retenir le rire qui lui montait aux lèvres. Cependant, Tiggart s’approchait à une vitesse surprenante !
Lorsqu’il fut devant elle, ruisselant, splendide, sa gaieté la quitta comme par enchantement.
— Donnez-moi la main, ordonna-t-il.
Sans attendre, il l’attira à lui, et Capri perdit un instant l’équilibre. Le temps de reprendre pied, de rejeter en arrière sa chevelure trempée, et le bras de Tiggart avait glissé autour de sa taille.
Combien de fois avait-elle porté ce Bikini, à Houston, sans y attacher la moindre importance ? Loin des luxueuses piscines texanes, et sous le regard brûlant de Tiggart, son maillot de Lycra noir lui parut soudain d’une indécence outrageante.
Jamais un homme ne l’avait observée avec tant de sensualité. Bouleversée, Capri chercha en vain ce qui pourrait bien rompre le charme. Son cœur battait, battait... Comment parvenir à contrôler les émotions qui la submergeaient ?
Involontairement, Tiggart lui donna la solution à son problème. L’air grave, il la serra un peu plus contre lui.
— Vous vous êtes moquée de moi, lança-t-il.
— Comment ?
— Oui, tout à l’heure, vous vous moquiez de ma façon de nager.
— Mais non, pas du tout...
— Ça ne fait rien.
De sa main libre, Tiggart enleva un minuscule débris d’algue sur la gorge de la jeune femme. Capri frissonna, tendue vers lui de tout son être.
— Vous n’êtes pas la première à me trouver ridicule parce que je ne sais pas nager, reprit Tiggart.
— Vous ? Je n’arrive pas à le croire... Vos parents ne vous avaient pas inscrit à des cours de natation, quand vous étiez enfant ?
— Mes parents m’ont mis à la porte quand j’avais onze ans.
Avait-elle bien entendu ? Aucun parent ne pouvait renvoyer un enfant aussi jeune ! Pourtant, que connaissait-elle de la vie, elle qui avait toujours vécu dans un univers protégé ? Et n’y avait-il pas dans le regard de Tiggart la trace d’une ancienne blessure ?
— Oh ! Tiggart ! murmura-t-elle.
— Mon histoire vous émeut, Jones ?
La gorge serrée, Capri ne put répondre. A onze ans, elle menait l’existence dorée des millionnaires du Texas, entourée de l’amour de sa famille. Comment aurait-elle protesté, lorsque Tiggart la serra plus fort contre lui ?
Devait-elle lui refuser ce réconfort, après la confidence qu’il venait de lui témoigner ? Une vague de compassion la submergea pour le petit garçon mal aimé que cet homme avait été. Une compassion qui se changea bientôt, sous les caresses de Tiggart, en un désir fulgurant.
— Savez-vous que c’est dangereux de rester dans l’eau pendant un coup de foudre ? murmura-t-il à son oreille.
— Nous ferions mieux de sortir, dans ce cas...
Avec l’énergie du désespoir, Capri tenta de se dégager de ses bras. Mal lui en prit ! Tiggart l’étreignit avec une ardeur renouvelée.
— Il n’y a rien à craindre tant que nous restons en contact, répliqua-t-il.
Les lèvres de Tiggart s’emparèrent des siennes sans que Capri ait eu le courage de résister. S’abandonnant aux sensations vertigineuses que ce baiser suscitait en elle, elle ferma les paupières.
Un frisson délicieux la parcourut. Jamais auparavant, elle n’avait été embrassée de la sorte. La barbe naissante de Tiggart la chatouillait agréablement, soulignant la puissance virile de son baiser. Vibrant de tout son corps, Capri se mit à caresser la nuque de Tiggart, ses épaules.
Voilà pourquoi il avait paru tellement triste lorsqu’on évoquait le sujet des enfants devant lui. Pauvre Tiggart ! Il avait eu si peu d’amour... Capri aurait voulu l’embrasser jusqu’à la nuit des temps, pour compenser cette enfance malheureuse.
D’instinct, elle s’abandonnait aux mains expertes qui caressaient son dos, la plaquaient contre ce corps viril jusqu’à ne former qu’un seul être.
Soudain, il fut loin d’elle. Chancelante, Capri le regarda sans comprendre. Pourquoi l’avait-il repoussée ? Et en plus, avec cet air moqueur totalement hors de propos avec l’ardeur de leur baiser ?
— Ça marche à tous les coups, déclara-t-il avec un sourire étincelant.
A tous les coups ? Et qu’est-ce qui marchait ? Interdite, Capri chercha une réponse dans les yeux bleus de Tiggart. En vain... On aurait dit que sa stupéfaction finissait de l’amuser.
En riant, il se laissa tomber en arrière et ressortit quelques mètres plus loin, pour rejoindre la jetée dans un crawl digne d’un champion olympique.
Médusée, Capri suivit sa silhouette ruisselante. La glacière dans une main, le carton sur l’épaule, Tiggart s’avançait vers le sentier menant à son bungalow, comme si rien ne s’était passé.
Des larmes de rage emplirent les yeux de la jeune femme, toujours debout au milieu des vagues déferlant sur la plage. Juste avant d’atteindre les arbres délimitant le chemin, Tiggart se retourna.
— Ah ! Jones ! J’oubliais... On se voit ce soir, au barbecue ! Je vous promets un festin. Et un beau concert. La première cassette que je mettrai sera pour vous.
Capri ne répondit pas. Immobile, glacée, elle ne repoussait même pas les mèches de cheveux trempées qui lui tombaient sur les yeux. Jamais elle n’avait été aussi humiliée. Et pour la première fois de sa vie, elle avait envie de tuer !
Elle passa la journée enfermée dans son bungalow, n’en sortant que pour utiliser les toilettes, situées à l’extérieur. C’est ainsi que, à 11 heures, elle s’immobilisa sur le seuil de la porte en apercevant la haute silhouette de Tiggart sur le sentier.
Dieu merci, il lui tournait le dos. Il se dirigeait donc vers le bungalow des Walter ? Sans doute pour leur raconter à quel point elle s’était ridiculisée ce matin. Comment avait-elle pu s’offrir ainsi, sans aucune pudeur ?
Eh bien, elle ne commettrait pas deux fois la même erreur ! Pour commencer, elle ne se rendrait pas à son invitation. Noyant son malaise dans le travail, Capri se replongea dans le report de ses statistiques. A 18 heures, harassée, elle éteignit l’ordinateur.
Elle n’était pas parvenue à grand-chose, à part la saisie de ses informations. Dès qu’elle essayait de réfléchir, le souvenir de Tiggart l’envahissait, ramenant avec lui les sensations vertigineuses de leur baiser.
Mieux valait s’absorber dans des tâches concrètes. Avec des gestes brusques, Capri sortit du réfrigérateur les ingrédients nécessaires à la préparation d’une salade. Puis elle ouvrit un des placards, et sélectionna une boîte de thon.
A ce moment précis, un délicieux fumet lui parvint par la fenêtre. Non loin de là, Tiggart commençait à griller des steaks pour son barbecue... Le parfum succulent lui mit l’eau à la bouche. Consternée, Capri se sentit soudain un féroce appétit.
« Non, murmura-t-elle, je n’irai pas. » Posant la boîte de thon sur la table, la jeune femme s’avança vers la fenêtre pour la fermer. Aussitôt, un flot de musique se déversa, emplissant l’air des premières mesures d’une chanson.
Eberluée, Capri reconnut Brenda Lee, une de ses chanteuses favorites. La voix basse et sensuelle murmurait le premier couplet de « Pardonne-moi », une de ses compositions les plus bouleversantes.
Capri ne put retenir un sourire. Ainsi, c’était la manière que choisissait Tiggart pour se faire pardonner ? Il témoignait d’un certain sens de l’humour... Pourquoi avait-elle accordé tant d’importance à sa petite farce de ce matin ?
Après tout, il lui avait tendu un piège, et elle était tombée dedans sans réfléchir. N’avait-elle pas eu ce qu’elle méritait, en se servant de la compassion pour assouvir son désir de l’embrasser ?
Plus elle écoutait la chanson, plus Capri sentait sa colère la quitter. Elle avait déjà gâché sa journée. Allait-elle aussi perdre une belle soirée ? Fredonnant les paroles qu’elle connaissait si bien, la jeune femme remit la boîte de thon dans le placard. Les légumes reprirent quant à eux le chemin du réfrigérateur.
Pourquoi ne pas se joindre à la fête qui se déroulait sous ses fenêtres ? Avec un peu de bonne volonté, elle parviendrait peut-être à s’amuser.
Il fallait reconnaître, en effet, que le gardien de Blueberry Island était d’un naturel enjoué. Et puisqu’elle avait décidé de ne plus subir son charme, que risquait-elle ? Il lui suffisait de ne pas oublier le gouffre qui les séparait.
Que devait-elle porter ? Songeuse, Capri passa sa garde-robe en revue. Finalement, elle opta pour un jean d’un bleu très clair et un chemisier mauve où ses initiales étaient brodées en lettres d’argent.
Après quelques hésitations, elle jeta sur ses épaules une veste de laine d’un délicat jaune pâle. Il faisait froid la nuit, et Tiggart n’avait-il pas dit que la fête durerait jusqu’à l’aube ?
Un coup de peigne, une touche de rouge à lèvres, et elle était prête. Prête ? Ou transformée ? Incrédule, Capri fixa son reflet dans le miroir. Jamais ses yeux verts n’avaient brillé avec autant d’éclat. Pourtant, elle avait assisté à bon nombre de fêtes, et autrement prestigieuses.
Serait-ce à cause de Tiggart ? De la façon dont il l’avait tenue dans ses bras, ce matin, sur la plage ? Ce souvenir lui fit monter le rouge aux joues. Jusqu’où serait-elle allée, si Tiggart ne l’avait pas repoussée ?
Cette seule pensée la pétrifia. Elle devait s’interdire d’y songer plus longtemps. Elle avait eu un moment d’égarement, soit. Quant à tomber amoureuse du séduisant gardien de Blueberry Island, il n’en était tout simplement pas question !
Capri s’avança dans la clairière où Tiggart avait installé le barbecue. A la cassette de Brenda Lee succédaient « L’amour jusqu’à la fin des temps », chanté en duo par Placido Domingo et Maureen McGovern.
Combien de fois avait-elle écouté ce célèbre air d’opéra à Houston ? Elle le savait presque par cœur, fascinée par la beauté éphémère du chant, qui la laissait ensuite étrangement hantée par un sentiment de perfection.
Ce soir, la perfection semblait absolue. Les voix s’élevaient entre les pins, vers le ciel chatoyant du crépuscule, et semblaient mourir avec les vagues de l’océan. Cette île était-elle ensorcelée ?
Capri s’arrêta un instant pour écouter la fin du morceau. A l’ombre des arbres, elle distinguait la table de cèdre et les chaises où se pressaient les premiers invités. Tiggart avait vraiment bien fait les choses !
Verres et bouteilles étaient disposés le long de la table, entre des plats de hors-d’œuvres et de charcuterie. Non loin de là, derrière le gril fumant, Ellen tendait à Tiggart un plat pour qu’il y dispose les steaks déjà cuits.
Pourquoi demeurait-il aussi élégant et séduisant, malgré la toque de cuisinier dont il s’était affublé ? Tout de jean vêtu, il était aussi à l’aise derrière son barbecue que ce matin sur la jetée.
Cependant, quelque chose avait changé dans son visage. Le cœur battant, Capri scruta les traits virils. Serait-ce la lumière du crépuscule ? Ou bien... Mais oui, il s’était rasé ! Et ses joues lisses mettaient en valeur la courbe sensuelle de ses lèvres.
— Bonsoir, Jones !
Capri sursauta. Il l’avait donc aperçue ?
— Merci d’être venue, reprit Tiggart en l’enveloppant d’un regard éloquent.
— Bonsoir...
Emergeant du rideau d’arbres, Capri marcha nonchalamment vers la table chargée de victuailles.
— Quelle bonne odeur ! lança-t-elle. Ellen, qu’avez-vous fait de Miranda ? Ne me dites pas que vous avez trouvé une baby-sitter sur l’île !
— Un baby-sitter, corrigea Ellen en désignant Tiggart. Et il a été très bien... Grâce à lui, Miranda s’est endormie dans le lit de camp du salon en un clin d’œil. Il sait s’y prendre, avec, les enfants !
Et avec les femmes aussi ! songea Capri. Rougissante, elle se remémora la facilité avec laquelle elle avait succombé à son charme, ce matin.
— Ellen ! Viens ici une minute, ma chérie ! s’exclama Sam, installé au milieu d’un groupe de jeunes gens.
Avec un sourire, Ellen s’éloigna, et Capri faillit lui emboîter le pas. Allait-elle rester seule avec Tiggart ? Son regard sensuel ne la quittait pas, et, manifestement, il pensait lui aussi à leur baiser du matin. Paniquée, Capri dit la première chose qui lui vint à l’esprit :
— Quel dommage que vous n’ayez pas d’enfant, monsieur Smith ! Vous auriez été un père parfait.
Pourquoi le provoquait-elle ? Capri n’avait pas terminé sa tirade qu’elle la regrettait déjà. Cherchait-elle à se venger du tour que Tiggart lui avait joué sur la plage ? Il s’agisssait pourtant d’une plaisanterie bien innocente, dont elle était la première à rire, maintenant.
— En effet, répondit Tiggart en retournant un steak avec une grande fourchette. C’est fort dommage.
— Vous voulez en avoir ? demanda-t-elle.
— Disons que... j’y ai déjà pensé.
— Je suppose que ce n’est pas évident, avec votre genre de vie.
Tiggart plongea un pinceau dans un pot, et étala une sauce aux herbes sur le steak.
— Mon genre de vie ? répéta-t-il, étonné.
— Oui. Je ne veux pas vous vexer, mais Blueberry Island n’est pas l’endroit idéal pour élever un enfant. Il n’y a pas d’école, pas de magasin, pas le moindre hôpital.
— Ah ! Je vois ! Alors, si, par exemple, nous devions nous marier, vous et moi, vous voudriez que tout cela change. Vous voudriez aussi me faire changer..., ironisa-t-il.
— Dieu merci, nous n’aurons jamais à envisager cette éventualité ! riposta Capri. Et, de toute façon, l’amour ne peut-il pas changer les gens ? J’ai une amie à qui c’est arrivé, récemment. Elle ne jurait que par sa carrière, et puis, un beau jour, elle s’est mariée. Et elle a tout abandonné pour s’occuper de son bébé.
— Oui, je sais, répondit Tiggart sans sourire. Moi aussi, je pourrais changer par amour. Mais il faudrait d’abord que je rencontre une femme qui justifie un tel sacrifice.
D’un haussement d’épaules, il signifia clairement qu’une telle chose était impossible. Pourquoi avait-il une intonation si amère ? Et surtout, pourquoi ressentait-elle un tel malaise ?
Tiggart avait l’air d’englober Capri dans l’ensemble des femmes qu’il connaissait. Et ce n’était guère flatteur ! Mais après tout, que lui importait l’opinion de cette sorte de hippie, ce paresseux vivotant de quelques dollars au fin fond du Canada ?
— Vous semblez avoir une haute opinion de vous-même, monsieur Smith.
— On arrête, Jones.
Interloquée, Capri ne trouva plus de réplique. Comment la conversation avait-elle pris ce tour sarcastique, et pourquoi l’interrompait-il si brusquement ?
— Si vous voulez bien surveiller ce steak, je vous apporte un verre de vin. A moins que vous ne préfériez de la bière ?
— Non, du vin, c’est très bien, balbutia-t-elle.
En lui donnant sa fourchette, Tiggart avait frôlé sa main, et Capri ne put retenir un long et délicieux frisson. Pourquoi perdait-elle le contrôle d’elle-même, malgré ses bonnes résolutions ?
Soudain, une imperceptible caresse sur son front lui fit lever les yeux.
— Hé ! Jones ! C’est une fête, pas un enterrement !
Avait-il deviné sa confusion ? Rougissante, Jones prit le verre qu’il lui tendait.
— Pardon, je rêvais, murmura-t-elle.
— Je suppose que c’est normal, pour un écrivain, de rêver les yeux ouverts... L’inspiration, sans doute. A propos, où en êtes-vous ? Du moins, comment l’héroïne se tire-t-elle de ses ennuis ?
— Eh bien, on dirait qu’elle s’habitue à la situation. Au fait, merci pour les fleurs.
— De rien... Je trouvais qu’elles vous ressemblaient. Une idée, sans doute, car vous devez être habituée à recevoir des bouquets plus élaborés.
— Elles sont très belles. Evidemment, en ville, les hommes offrent plutôt des roses rouges, ou bien...
— Bon sang de bon sang !
Abasourdie, Capri regarda Tiggart se précipiter pour retourner les steaks, dont la surface commençait à brûler.
— Vous me distrayez de ma tâche, Jones. Si on parlait de tout cela plus tard ? D’accord ?
Son clin d’œil complice acheva de désarçonner la jeune femme. Où voulait-il en venir ? Tantôt arrogant, tantôt tendre, Tiggart la prenait toujours au dépourvu. Et maintenant, comme s’il avait oublié jusqu’à sa présence, Tiggart s’adressait joyeusement à la cantonade.
— A table, tout le monde ! Servez-vous... Ellen, voulez-vous sortir les sauces du réfrigérateur ? Jones, sans vous commander, il y a des petits pains dans le four...
N’y avait-il pas une nuance ironique dans sa voix ? Tiggart avait sans doute trouvé prétentieuse sa remarque sur les roses. Cependant, pourquoi l’avoir empêchée de terminer sa phrase ? Elle était sur le point de lui dire à quel point elle préférait ces fleurs sauvages.
Posant son verre sur le coin de la table, Capri suivit Ellen dans la cuisine, et plaça les pains tout chauds dans une corbeille. A quoi bon lui expliquer, à présent ? Le moment était passé. Pleine de regrets, elle jeta un coup d’œil par la fenêtre ouverte.
Comme s’il la guettait, Tiggart lui adressa aussitôt un signe de la main. Il n’était donc pas vexé ? Interdite, Capri hésita à quitter la pièce. Où était passé le gardien cynique et paresseux qui l’avait accueillie sur l’île ? Tiggart se révélait un être sensible et compréhensif. Il lui offrait des fleurs, ne lui gardait pas rancune pour ses piques ironiques.
Jamais elle n’aurait dû venir ! Tant qu’elle éprouvait du mépris pour Tiggart, elle demeurait à l’abri de son charme. Mais qu’adviendrait-il si elle se mettait à l’aimer ?
Capri se raidit et empoigna la corbeille de pain comme s’il s’agissait d’un bouclier. Elle ne devait pas s’attacher à cet homme, quelles que soient ses qualités. Elle ne devait s’attacher à personne, un point c’est tout...
Son assiette abondamment garnie, Capri s’avança au côté d’Ellen vers la longue table de cèdre. Quels mets appétissants ! Les steaks paraissaient juteux à point, près de leur garniture de hors-d’œuvre et des succulentes pommes de terre cuites dans les cendres brûlantes du barbecue.
La jeune femme mordait dans un petit pain tendre à souhait lorsque les autres convives s’installèrent à leur tour. Seul Tiggart était encore debout, faisant griller les dernières brochettes.
— Connaissez-vous les autres occupants de l’île ? lui demanda Sam.
— Pas encore...
— Dans ce cas, permettez-moi de vous présenter Gordon, Mike, Graham, et Judd. Ils habitent dans le bungalow à la pointe de l’île, et font partie de la même équipe de rugby. Et voici Joanna et son mari, Paul...
— Elle m’a dit que vous veniez de Houston, lança Joanna avec un sourire qui éclaira son visage un peu ridé. Comment vous sentez-vous, sous nos climats ?
— Très bien !
— Paul et moi venons ici chaque année.
Très animée, Joanna se mit à raconter des anecdotes sur leurs vacances précédentes. Bientôt, oubliant les rires des convives, Capri laissa son regard errer du côté du barbecue.
Tiggart avait terminé la cuisson et garnissait son assiette d’un air distrait. Fascinée, Capri suivait le moindre de ses gestes. D’où tenait-il une beauté si élégante ? Vibrante d’émotion, Capri se délectait de pouvoir l’observer à loisir. Plus tard, elle se souviendrait de ces instants.
— Bonsoir, tout le monde !
La voix d’une nouvelle arrivante arracha Capri à son émerveillement. Qui était cette femme ? Très jeune, ses longs cheveux blonds tressés en un longue natte tombant sur son épaule, elle apparut avec un air de conquérante.
Et quelle tenue ! Son caleçon de Lycra blanc moulait sa silhouette élancée, et son T-shirt de coton noir exposait sa gorge dans un vertigineux décolleté en V.
S’avançant vers Tiggart, la nouvelle venue ignora le groupe des invités. En fait, elle n’avait d’yeux que pour le gardien... D’un geste mutin, elle lui ôta sa toque et s’en coiffa en riant.
— Sers-moi une bière, Tiggart ! ordonna-t-elle en enlaçant son hôte.
Pétrifiée, Capri la regarda déposer ensuite un baiser sur la joue de Tiggart. Si elle avait voulu prouver ainsi leur degré d’intimité, elle avait réussi ! Où vivait-elle ? Dans le bungalow de Tiggart ?
— Qui est-ce ? demanda-t-elle à Ellen.
— Mais c’est Zoé ! Vous ne la connaissez pas ? Oh... Bien sûr. Elle était absente quand vous êtes arrivée. Vous verrez, elle est charmante ! Et très efficace, malgré son jeune âge.
— Efficace ? Que voulez-vous dire ?
— Zoé est la gardienne. Et elle s’occupe très bien de Blueberry Island.
Très pâle, Capri serra son verre entre ses doigts crispés.
— La gardienne ? répéta-t-elle. Vous voulez dire qu’elle vit avec Tiggart ?
— Bien sûr que non, voyons ! répondit Ellen en riant. Quelle idée...
— Pour l’amour du ciel, Ellen, qui est Tiggart Smith ? Et que fait-il sur cette île ?
Le rire joyeux d’Ellen fusa dans l’air du soir. Sortant un mouchoir en papier pour essuyer les larmes qui perlaient à ses jolis yeux verts, la jeune femme se décida enfin à répondre.
— Vous l’ignorez vraiment, Capri ? Mais c’est son île... Tiggart Smith est le propriétaire de Blueberry Island.

 
 

 

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chapitre 4

Tiggart, le propriétaire ? Capri était en état de choc. Comment était-ce possible ? Cela paraissait tellement incongru... Pourtant, un souvenir revint à sa mémoire. Le jour de son arrivée, n’avait-elle pas remarqué à quel point Tiggart était sûr de lui, comme s’il possédait l’île entière ?
— Je ne comprends pas, murmura-t-elle. Le jeune homme qui m’a amenée jusqu’ici m’avait pourtant montré son bungalow comme celui du gardien.
— Oui, c’est ainsi qu’on le désigne, expliqua Ellen. Tiggart y garde toutes ses affaires et il aime y séjourner quand il vient sur l’île. Cependant, en son absence, c’est là que Zoé habite.
— Et où vit-elle en ce moment ?
— Dans un autre bungalow, près de la forêt.
Les joues en feu, Capri tentait de remettre de l’ordre dans ses pensées. Ah ! Il s’était bien moqué d’elle ! Quelle idiote ! Elle le haïssait, de toutes les fibres de son corps.
Soudain, une main se posa sur son épaule, et Capri se retourna comme si on l’avait frappée. Lui ! Ce traître ! Cet imposteur !
— On parlait de moi, j’ai l’impression, lança-t-il.
A son sourire amusé, Capri comprit qu’il avait tout entendu. Evidemment, il y avait de quoi se réjouir ! Il avait joué au plus malin avec elle !
Si au moins il avait eu un geste d’excuse, ou même de regret, elle lui aurait pardonné. Mais non ! Il la narguait encore, penché sur elle comme s’il attendait son approbation. Le monstre !
Se dégageant vivement, Capri se leva et se planta devant lui.
— Je m’en vais, monsieur Smith. De toute façon, je n’aurais pas dû venir !
Malgré sa colère, ses mots n’étaient pas aussi violents qu’elle l’aurait voulu. Pourquoi cette étrange sensation de chagrin ? Elle aurait dû être délivrée, au contraire. Tiggart ne venait-il pas de révéler sa vraie nature ?
Capri avait vaguement conscience du silence qui s’était installé autour de la table. Ellen et Sam la dévisageaient, stupéfaits, et les autres convives se regardaient d’un air interrogateur. Même la musique avait cessé.
On aurait dit un mauvais rêve... Fuyant cette vision, Capri s’élança sur le sentier. Les mots qu’elle venait d’entendre l’avaient blessée au plus profond d’elle-même, et elle marcha, marcha, jusqu’à ce qu’elle atteignît le bout de la jetée.
Là, elle regarda longtemps l’écume courir sur les crêtes argentées. Que s’était-il passé ? Ses vacancesile rêve s’étaient transformées en cauchemar. Et tout cela par la faute d’un homme !
Les tempes bourdonnantes, Capri tenta de remettre de l’ordre dans ses pensées.
— Comment a-t-il pu me faire ça... ? balbutia-t-elle. C’est impardonnable.
— Impardonnable, en effet, Jones.
Avait-elle confondu le murmure des vagues avec la voix de Tiggart ? Ou bien, absorbée dans ses pensées, n’avait-elle pas entendu son pas sur les planches de la jetée ? La main qui se posa sur son épaule répondit à ses questions. C’était bien lui !
Cependant, la jeune femme ne se retourna pas. Que lui voulait-il ? Ne lui avait-il pas fait assez de mal ? Des larmes d’impuissance perlèrent à ses paupières.
— Regardez-moi, Jones, ordonna-t-il.
— Laissez-moi tranquille !
Posant les deux mains sur ses épaules, il la força à faire volte-face.
— Cela compte vraiment, pour vous ?
— Quoi donc ?
— Jones, il y a quelque chose de magique entre nous. Vous le niez depuis le début... Etait-ce parce que vous me croyiez simple gardien ?
Il s’était emparé de sa main, et la caressait avec une bouleversante délicatesse. Pendant plusieurs secondes descendit sur la jeune femme une sensation de paix, qu’elle chassa, frissonnante.
— Non ! protesta-t-elle. Votre métier n’a rien à voir avec le fait que vous...
— Continuez, Jones.
« Que vous me plaisez », voulait-elle dire. Mais n’était-ce pas avouer sa faiblesse ? Fascinée, elle regarda Tiggart poser les lèvres à la naissance de son poignet.
— Pourquoi me posez-vous cette question ? lança-t-elle d’une voix rauque.
— Parce que les gens comme vous ne fréquentent pas de gardiens.
— Des gens comme moi ? Que voulez-vous dire ?
— Eh bien, c’est difficile à expliquer, mais vous avez une façon de parler, de vous mouvoir de vous habiller... Vous possédez une distinction innée, en quelque sorte, qui révèle un milieu social plus qu’aisé. Vous êtes née riche, Jones.
Capri baissa les yeux. Cela se voyait donc tant ? Ses parents venaient en effet des plus grandes familles de Boston, et Jake Jones avait bâti un empire grâce à ses puits de pétrole.
— Je ne porte pourtant que des vêtements très simples, remarqua-t-elle. Ce soir, par exemple, je suis en jean et mon chemisier de coton...
–... qui coûte probablement ce que Ellen gagne en une semaine de travail ! Que faites-vous ici, Jones ? Pourquoi avoir choisi Blueberry Island quand vous pouvez vous offrir un séjour dans un palace à la Jamaïque ?
— Vous avez la mémoire courte ! Je vous ai pourtant expliqué que je venais ici pour travailler. Que m’importe si vous êtes simple gardien ?
Il la prit contre lui si fort qu’elle en eut le souffle coupé.
— S’il en est ainsi, pourquoi me fuyez-vous ? demanda-t-il.
Affolée, elle voulut se dérober, mais il la tenait fermement.
— C’est mon droit le plus strict ! s’exclama-t-elle. Comment pouvez-vous être aussi vaniteux ? Vous ne supportez donc pas qu’une femme ne veuille pas de vous ?
Dans un sourire, les lèvres de Tiggart frôlèrent ses tempes, et Capri sentit une immense faiblesse lui couper les jambes.
— On peut toujours rêver, non ? questionna-t-il. Surtout lorsque deux êtres ressentent une aussi forte attirance l’un pour l’autre. Nous ne pouvons le nier, Jones. Regardez les choses en face.
— Justement ! Vous n’êtes qu’un inconnu pour moi. Et je n’ai rien à faire ici, en train de, de...
Elle bafouillait, incapable de résister au vertige que provoquaient en elle les caresses de Tiggart. Il avait maintenant glissé une main sur sa nuque, et la massait avec une douceur affolante.
— Nous pouvons apprendre à nous connaître, chuchota-t-il. Et j’ai l’impression que les discussions ne nous réussissent pas. Pourquoi ne pas trouver un autre moyen ?
Penchant la tête, il posa sur ses lèvres un baiser impatient tandis qu’il l’attirait plus encore contre ses hanches. Son baiser était passionné, d’une sensualité qui la faisait vibrer de plaisir, provoquant en elle un élan voluptueux.
Avec un gémissement, elle pressa ses lèvres contre celles de Tiggart. Incapable de résister, la tête vide de toute pensée, Capri s’abandonnait au désir qui montait en elle. S’abandonner ? Dans un effort surhumain, elle réagit.
— Lâchez-moi, Tiggart ! Et je vous promets de vous dire la vérité.
— Promis ?
Curieusement immobile, Tiggart fit glisser ses mains le long de la taille de la jeune femme. Tremblante, Capri s’efforça de ne pas succomber à la passion qui l’assaillait.
— Promis, déclara-t-elle.
Il la tenait à bout de bras, mais son regard brûlant l’enchaînait plus encore que l’étau de ses bras.
— Je ne vous évitais pas parce que vous étiez un simple gardien, mais parce que, en tant que tel, vous étiez paresseux et négligent. Si j’avais dû vous noter entre un et dix, vous auriez eu un zéro.
A peine avait-elle prononcé ces mots que Tiggart l’avait de nouveau attirée contre lui et lui mordillait l’oreille.
— Et si vous deviez me noter comme propriétaire jouant au gardien ? interrogea-t-il.
— Là, vous auriez probablement la moyenne, répondit-elle, ensorcelée par ses baisers.
Les lèvres de Tiggart descendaient vers sa gorge, s’aventuraient dans son cou, tandis que ses mains se glissaient sous son chemisier pour prendre possession de ses seins. La moyenne ? Il aurait battu tous les records, oui !
— Vous aviez promis, protesta-t-elle avec une parfaite mauvaise foi.
— Dites-moi d’abord que je vous plais aussi.
Pourquoi le nier ? Cela ne ferait que renforcer la volonté de Tiggart de la séduire...
— En effet, reconnut-elle. Mais...
— Mais ?
— Cela n’a rien à voir avec l’amour. Il s’agit simplement de désir, monsieur Smith.
— Et alors ? Il n’y a rien de mal à se désirer, Jones. Nous sommes des adultes.
— Justement ! Pourquoi devrions-nous céder à nos instincts ? Je refuse de me comporter comme...
— Ohé ! Tiggart !
La voix claire de Zoé fit tressaillir Capri comme si elle avait été brûlée. Elle s’arracha des bras de Tiggart et chercha des yeux la silhouette de la jeune femme.
Elle était là, en haut du sentier. Depuis combien de temps les observait-elle ? Déconcertée, Capri scruta les traits de Tiggart. Qu’y avait-il exactement entre lui et la belle gardienne de Blueberry Island ?
— Tu viens, Tiggart ? s’écria Zoé. J’ai besoin de toi !
— Oui, oui, j’arrive !
Il accourait donc dès qu’elle l’appelait ? Qu’il retourne près d’elle ! Furieuse, Capri considéra tour à tour Tiggart et cette femme qui surgissait comme une... comme une voleuse. D’où lui venait cette idée ? Après tout, elle n’avait que faire de la vie privée de Tiggart !
— Venez, Jones !
Capri recula d’un pas, au risque de tomber à l’eau.
— Vous m’en voulez encore ? s’enquit Tiggart.
Lui en vouloir ! Oh ! Non ! Il se trompait lourdement : en fait, il lui était totalement indifférent. Inutile cependant de lui avouer la vérité. Il prendrait cela pour un défi.
— Oui, je n’aime pas les imposteurs.
— Dans ce cas, pourquoi vous faire passer pour un écrivain ?
Capri en resta bouche bée. Comment avait-il deviné la vérité ? Tiggart l’observait, narquois.
— Vous êtes beaucoup trop raisonnable, Capri Jones, pour écrire des romans d’amour. Comment pourriez-vous dépeindre un monde plein d’émotions, vous qui faites preuve de tant de sens pratique ? C’est là où le bât blesse, Jones. Vous vous contrôlez trop... Quoique... J’admets que ce matin, dans l’eau, vous m’avez témoigné une certaine compassion. Mais dès que l’on vous met face à la réalité, vous battez en retraite. Quel dommage ! Vous êtes d’une beauté extraordinaire, et on ne peut vous approcher... Faites attention, la Vénus de Milo est splendide, elle aussi, mais on l’admire de loin.
— Je n’ai rien d’une statue !
— Alors, prouvez-le...
La gifle de Capri l’atteignit alors qu’il souriait encore. Elle allait lui apprendre, à ce goujat, à la traiter de statue !
— Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, j’ai des bras, moi ! s’exclama-t-elle.
A son grand étonnement, Tiggart ne se montra pas humilié le moins du monde. Ni même furieux.
— Tiens, tiens ! On dirait qu’on se dégèle, Jones ! Vous savez vous exprimer, quand vous êtes en colère... Si seulement vous étiez aussi franche avec vos autres émotions.
— Je vous déteste, Tiggart Smith ! Pour qui vous prenez-vous à la fin ? Si une femme vous résiste, vous la traitez toujours d’iceberg ? Vous n’avez jamais pensé que vous ne m’intéressiez pas ? Je ne veux pas faire l’amour avec vous.
— Ce serait pourtant plus qu’amusant.
Tiggart l’enveloppa d’un regard qui en disait long sur ses intentions.
— Amusant ? répéta Capri. De mieux en mieux ! Et après vous être amusé, que comptez-vous faire ?
A l’expression méfiante de Tiggart, Capri sut qu’elle ne s’était pas trompée.
— Désolée ! Je n’ai aucune envie de souffrir pour un petit moment d’amusement, déclara-t-elle.
— Vous ne prenez jamais aucun risque ?
— Jamais !
— C’est bien ce que je pensais... Quelqu’un vous a blessée, n’est-ce pas, Jones, et vous avez peur de l’amour, à présent.
Tremblante, Capri le laissa caresser sa joue. Jamais il n’avait été si proche de la vérité.
— Si vous changez d’avis, vous savez où se trouve mon bungalow, poursuivit-il. Vous pouvez passer quand vous voulez, même pour parler. A toute heure du jour ou de la nuit... D’accord ?
Sans rien ajouter, il lui tourna le dos. Capri fit un geste pour le retenir, puis se ravisa. Où était passée sa colère ? Tiggart l’avait percée à jour avec une perspicacité confondante. Et au lieu de lui en vouloir, elle aurait tellement aimé être encore dans ses bras !
Capri referma la porte des toilettes et s’avança sur le sentier baigné par le clair de lune. Les plis de sa chemise de nuit de soie blanche voltigeaient dans la brise nocturne, et la jeune femme veillait à les protéger des épines des buissons bordant le sentier.
A 1 heure, elle s’était enfin décidée à se coucher, peu après que la fête de Tiggart fut terminée. Cependant, le silence de la nuit lui avait paru pire que la musique ou les rires des invités...
Deux heures plus tard, elle ne dormait toujours pas. Et son estomac criait famine. Rejetant draps et couvertures, Capri alluma la lampe et se rendit dans la cuisine. Un sandwich serait le bienvenu... Bientôt l’odeur du bacon emplit le petit bungalow, et Capri termina avec appétit son repas improvisé.
Puis, au moment de regagner son lit, la jeune femme résolut d’utiliser les toilettes à l’ombre de la maison. Comme la nuit était belle, avec sa myriade d’étoiles perçant la voûte céleste ! L’air était tout imprégné du parfum des fleurs sauvages, de l’océan, des pins... et du bacon ! reconnut-elle en revenant vers le bungalow.
Là, elle s’immobilisa, pétrifiée. Rêvait-elle ? Ce pouvait être une ombre, une illusion d’optique. Son cœur bondit dans sa poitrine. Non, c’était bel et bien... un ours !
Il se tenait debout sur ses pattes postérieures, et se balançait, ses petits yeux scintillant dans la pénombre comme des braises.
Le cri de Capri mourut sur ses lèvres. La gorge sèche, terrorisée, elle regarda l’animal. Il l’avait vue, elle en était certaine ! Qu’attendait-il ?
Soudain, retrouvant ses esprits, elle détala à toute allure sur le sentier. Vite ! Il n’y avait pas un instant à perdre ! Suivant la tache claire du sentier entre les arbres, Capri courait, courait, se tordait les pieds sur les cailloux ou les racines d’arbres sans même s’en apercevoir. Au bout de quelques instants, elle se débarrassa même de ses sandales. Elle atteignit enfin le bungalow de Tiggart, haletante.
— Tiggart ! hurla-t-elle. Ouvrez-moi, vite !
Martelant la porte de ses poings, Capri cédait à la panique. Et s’il n’était pas là ? S’il se trouvait à l’autre bout de l’île, chez Zoé ? L’ours l’avait peut-être suivie.
Aucun bruit ne parvint du bungalow silencieux. Désespérée, Capri jeta un coup d’œil derrière elle. L’ours s’était-il rapproché ?
Enfin, elle perçut un craquement, un bruit de pas sur le plancher, et la lumière d’une lampe électrique inonda le seuil.
— Vous ? s’exclama Tiggart. Que se passe-t-il ? On dirait que vous avez le diable à vos trousses !
Il balaya le sentier du faisceau de sa torche, puis le braqua de nouveau sur la jeune femme. Inconsciente de la transparence de sa chemise de nuit, Capri se tordait les mains d’appréhension.
— Je suis... désolée, parvint-elle à articuler. Il y a un ours...
— Un ours ? Seigneur !
Il l’attira à lui, et la prit dans ses bras comme une enfant, verrouillant la porte derrière eux. Puis il l’entraîna dans la cuisine, et la déposa sur une chaise.
La torche inutile gisait, éteinte, tandis qu’il allumait la lampe à kérosène. Dans le silence paisible, Capri se sentit soudain très lasse et très faible.
— J’ignorais qu’il y avait des ours sur l’île, balbutia-t-elle.
— Ils ne sortent pratiquement jamais de la forêt. Racontez-moi ce qui s’est passé, Jones.
Tirant une chaise, il vint s’asseoir près d’elle. Capri s’aperçut qu’il était pieds nus. Qu’il était beau ainsi dépeigné, torse nu dans la pénombre ! Elle mourait d’envie de se pelotonner contre sa peau dorée, d’oublier le cauchemar qu’elle venait de vivre.
— Je... je n’arrivais pas à dormir, bredouilla-t-elle entre deux frissons. J’avais faim, alors je me suis préparé un en-cas ; avant d’aller dormir, je suis sortie un instant pour aller aux toilettes. Et quand...
Capri ferma les yeux, essayant de chasser l’image de sa mémoire. Malgré la tiédeur de la pièce, elle grelottait.
— Et quand je suis revenue, continua-t-elle, il était là, devant la porte !
— Calmez-vous, Jones. Qu’aviez-vous cuisiné ?
Interloquée, Capri le dévisagea avec stupeur. Pourquoi cette question ?
— Du bacon, répondit-elle.
— Tout s’explique, Jones ! Les ours adorent le bacon. Je suppose que l’odeur l’aura attiré hors des bois.
Il souriait ! Se rendait-il compte du danger qu’elle avait couru ? Cela n’avait pas dû lui arriver souvent, de voir un ours devant sa porte !
— Je vous préviens, je n’y retourne pas ! déclara-t-elle.
— Il est sûrement parti, Jones. Je vais vous raccompagner.
— Non !
Au bord de la crise de nerfs, Capri se recroquevilla sur sa chaise. Ses dents claquaient de terreur, mais elle eut encore la force de protester.
— Je ne veux pas y retourner ! lança-t-elle d’une voix brisée. Pas avant demain matin.
Tiggart l’obligea à le regarder, lui soulevant le menton du doigt. Aussitôt, il se leva, et tira une bouteille de Chivas du placard. Çapri regarda le liquide ambré couler dans un verre. Il n’avait pas l’intention de lui faire avaler ça ? Le geste de Tiggart la confirma pourtant dans ses soupçons.
— Je n’aime pas le scotch, balbutia-t-elle.
— Aucune importance, buvez ! Vous êtes en état de choc.
Etait-ce pour cela qu’elle tremblait comme une feuille ? Tiggart avait peut-être raison : l’acool l’aiderait à se détendre un peu. S’emparant du verre, elle le but d’un trait, comme un médicament, en renversant la tête.
— Pouah ! dit-elle, les larmes aux yeux. Comment peut-on aimer un pareil breuvage ? J’ai l’impression d’avoir avalé la flamme Olympique !
— On s’y fait, Jones. On s’y fait...
— Sans doute.
— Vous savez, reprit-il, si vous étiez revenue au barbecue, vous auriez mangé votre steak et vous n’auriez pas eu faim en pleine nuit, et...
— Et je ne serais pas venue vous déranger. Excusez-moi.
Capri baissa les paupières, tortillant l’ourlet de sa chemise de nuit entre ses doigts.
— Je n’aurais pas dû partir comme ça, murmura-t-elle. Je suppose que tout le monde s’est bien amusé.
— En effet.
— Et... Personne n’a demandé où j’étais passée ?
— Si, Ellen. Je lui ai dit la vérité.
— Quoi ? Elle sait que je vous ai giflé ?
Evidemment, avec sa curiosité naturelle, Ellen n’avait pas dû être dupe de la situation. Et puis, qu’importait, après tout... Ses paupières lui pesaient tellement, à présent. Capri réprima un bâillement. Etait-ce l’alcool qui lui faisait pareil effet ?
— Si vous ne vouliez pas que je le dise, il ne fallait pas me gifler, répliqua Tiggart.
Sa voix lui parvenait à travers un épais brouillard. Capri tenta de se redresser.
— Et vous, il ne fallait pas m’em... m’embrasser, bredouilla-t-elle.
— Allons donc, ce n’était pas un vrai baiser ! Vous m’aviez donné à peine la moyenne.
Capri éclata de rire, et rejeta la masse de ses cheveux en arrière. Etait-elle un peu ivre ? En tout cas, elle se sentait merveilleusement bien tout à coup. Et le souvenir de leur baiser n’y était pas étranger.
— J’ai menti, monsieur Smith, susurra-t-elle. Vous valez un dix sur dix...
— Vous vous sentez bien, Jones ?
Oh ! Oui ! Très, très bien... Ses paupières étaient seulement un peu lourdes, et sa tête tournait un peu. Elle allait l’appuyer un instant contre ses bras repliés, là, sur la table.
— Désolée... J’ai tellement... sommeil, chuchota-t-elle.
Elle glissait, glissait, incapable de se retenir, et ce fut Tiggart qui la recueillit dans ses bras. Capri se sentit soulevée dans les airs, et respira l’odeur de terre et d’océan émanant de l’épaule de Tiggart.
Que disait-il ? Elle entendait confusément des paroles apaisantes, puis sentit le froissement de draps qui se refermaient sur elle avec douceur. Hmm... Là aussi, il y avait l’odeur de Tiggart...
Et cette caresse sur son front, n’était-ce pas un baiser ? Avec un sourire d’extase, Capri sombra dans un sommeil si profond qu’elle n’entendit pas la porte de la chambre se refermer dans l’obscurité.

 
 

 

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