áãÔÇßá ÇáÊÓÌíá æÏÎæá ÇáãäÊÏì íÑÌì ãÑÇÓáÊäÇ Úáì ÇáÇíãíá liilasvb3@gmail.com






ÇáÚæÏÉ   ãäÊÏíÇÊ áíáÇÓ > ÇáÞÕÕ æÇáÑæÇíÇÊ > ÑæÇíÇÊ ãäæÚÉ > ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÇÌäÈíÉ > ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ
ÇáÊÓÌíá

ÈÍË ÈÔÈßÉ áíáÇÓ ÇáËÞÇÝíÉ

ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ Romantic Novels Fourm¡ ÑæÇíÇÊ ÑæãÇäÓíÉ ÇÌäÈíÉ


Rencontre surprise aux urgences, de Kate Hardy

Rencontre surprise aux urgences de Kate Hardy Depuis douze ans, le Dr David Neave a tout fait pour oublier Holly Jones... et c'est

ÅÖÇÝÉ ÑÏ
äÓÎ ÇáÑÇÈØ
äÓÎ ááãäÊÏíÇÊ
 
LinkBack ÃÏæÇÊ ÇáãæÖæÚ ÇäæÇÚ ÚÑÖ ÇáãæÖæÚ
ÞÏíã 22-05-10, 12:29 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 1
ÇáãÚáæãÇÊ
ÇáßÇÊÈ:
ÇááÞÈ:
ÚÖæ ÑÇÞí


ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
ÇáÚÖæíÉ: 62940
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 1,517
ÇáÌäÓ ÃäËì
ãÚÏá ÇáÊÞííã: **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ
äÞÇØ ÇáÊÞííã: 247

ÇÇáÏæáÉ
ÇáÈáÏItaly
 
ãÏæäÊí

 

ÇáÅÊÕÇáÇÊ
ÇáÍÇáÉ:
**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÛíÑ ãÊæÇÌÏ ÍÇáíÇð
æÓÇÆá ÇáÅÊÕÇá:

ÇáãäÊÏì : ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ
Newsuae Rencontre surprise aux urgences, de Kate Hardy

 

Rencontre surprise aux urgences
de Kate Hardy



Rencontre surprise urgences, Kate Hardy



Depuis douze ans, le Dr David Neave a tout fait pour oublier Holly Jones... et c'est la première personne qu'il croise le jour de son arrivée aux urgences du London City General. Doit-il se réjouir que Holly soit son chef de clinique? Il en doute : La jeune femme, froide et distante, ne ressemble en rien à la jeune fille adorable qu'il a aimée... avant qu'elle ne le quitte sans l'ombre d'un remords, et sans explications! 0

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ**   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ

ÞÏíã 22-05-10, 12:32 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 2
ÇáãÚáæãÇÊ
ÇáßÇÊÈ:
ÇááÞÈ:
ÚÖæ ÑÇÞí


ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
ÇáÚÖæíÉ: 62940
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 1,517
ÇáÌäÓ ÃäËì
ãÚÏá ÇáÊÞííã: **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ
äÞÇØ ÇáÊÞííã: 247

ÇÇáÏæáÉ
ÇáÈáÏItaly
 
ãÏæäÊí

 

ÇáÅÊÕÇáÇÊ
ÇáÍÇáÉ:
**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÛíÑ ãÊæÇÌÏ ÍÇáíÇð
æÓÇÆá ÇáÅÊÕÇá:

ßÇÊÈ ÇáãæÖæÚ : **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÇáãäÊÏì : ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ
ÇÝÊÑÇÖí

 

chapitre 1


Comme elle pénétrait dans le service des urgences, Holly marqua un arrêt et retint son souffle.
L’homme qui longeait le couloir dans sa direction, en compagnie de Sue, la chef de service, ce n’était tout de même pas… Non, bien sûr que non ! Comment aurait il pu s’agir de David Neave ? Il n’était pas le seul brun sur terre et puis elle n’avait fait qu’entrapercevoir son profil. Seule une vague ressemblance avec le dessin de la mâchoire et du nez lui avait rappelé David.
De toute façon, il était très improbable qu’elle croise David ici, au service des urgences du London City General.
Pourquoi songeait elle à lui, tout à coup ? David faisait partie du passé et elle avait tourné cette page pour de bon. Il y avait même des années qu’elle n’avait pas pensé à lui ! Enfin, disons, des mois… Certes, elle avait fait ce rêve étrange la semaine précédente, un rêve dans lequel David l’embrassait, un rêve si intense qu’au sortir du sommeil, elle avait machinalement cherché à se pelotonner contre un corps d’homme, au lieu de quoi elle avait trouvé une place vide et un oreiller froid.
David avait été le grand amour de sa vie, mais également sa plus cuisante déception sentimentale. Entrapercevoir de loin un inconnu, qui ne lui ressemblait que vaguement et ne pouvait pas être lui, n’aurait pas dû la plonger dans un tel état de malaise. Elle avait surmonté cet échec depuis des lustres, non ?
Avec un soupir, elle entra dans le box où l’attendait son patient — un adolescent qui avait fait une chute en skate-board et dont la plaie profonde au genou avait besoin d’être désinfectée, nettoyée des gravillons qui s’y étaient logés, et suturée — puis se rendit ensuite dans la salle de repos dans l’intention de s’octroyer une pause-café.
Au moment précis où elle franchit le seuil de la pièce, elle s’immobilisa.
L’homme qu’elle avait aperçu un peu plus tôt avec Sue se trouvait là en compagnie d’une infirmière et, cette fois, elle le voyait parfaitement.
C’était bien lui… David.
Mais pourquoi ici, pourquoi maintenant, pourquoi ? Elle ne l’avait pas revu depuis douze longues années. Quelques fils argentés striaient ses cheveux noir corbeau, il avait à présent les rides d’expression d’un trentenaire, une silhouette puissante et virile, et surtout, il possédait toujours le même charmant sourire. Celui qui l’avait fait fondre à la minute où il était venu s’asseoir près d’elle au lycée, le jour de la rentrée en classe de terminale. Et cette bouche sensuelle dont les lèvres avaient couvert de baisers chaque parcelle de son corps, murmuré des mots d’amour passionnés, et des promesses enflammées qu’il n’avait jamais tenues…
Oh mon Dieu, non ! soupira-t elle en silence. Il avait suffi d’un sourire pour la ramener en un éclair à ses dix-huit ans, époque où elle avait été assez naïve pour croire qu’amour rimait avec toujours et, surtout, que les mots de David étaient sincères, quand en réalité, il ne les avait prononcés qu’à seule fin d’obtenir d’elle ce qu’il voulait…
Quoi qu’il en soit, tout avait changé. Aujourd’hui, elle n’avait plus dix-huit ans mais trente, elle était chef de clinique dans un service d’urgences, sa spécialité, et surtout, Holly la réaliste avait chassé depuis longtemps Holly la rêveuse.
Mais qu’est-ce que David pouvait bien faire ici, dans la salle de repos du service, à bavarder avec Anna, la surveillante, devant une tasse de café ?
Un mauvais pressentiment s’insinua en elle. Le nouveau médecin chef devait entrer en fonctions aujourd’hui même. Et David, tout comme elle, avait toujours eu envie d’embrasser la carrière de médecin. Par ailleurs, il se trouvait dans la salle de repos du personnel, pas dans la salle d’attente… Une seule conclusion s’imposait : le nouveau médecin chef, son supérieur, c’était lui !
Pourvu qu’il ne la reconnaisse pas ! Elle avait énormément changé en douze ans, et tout particulièrement au cours des six premiers mois qui avaient suivi leur rupture. Non qu’il s’en soit soucié, car il avait mis un soin tout particulier à la fuir au moment où elle avait eu le plus besoin de lui…
Mais qui essayait elle de leurrer ? Evidemment que David la reconnaîtrait. Malgré les années écoulées, il lui avait suffi d’un coup d’œil pour le reconnaître, lui, et elle pouvait parier que la réciproque serait vraie. Toutefois, pas question de raser les murs. Au London City General, elle était chez elle, sur son territoire. David, en revanche, était celui qui devrait faire ses preuves et s’adapter. Elle allait donc entrer dans la salle de repos la tête haute, d’une démarche sûre et déterminée, et elle ne lui donnerait pas le plaisir de constater que cette rencontre inattendue la troublait. Tout le monde ici savait qui était Holly Jones : une jeune femme dotée d’un caractère bien trempé. L’heure était venue d’en faire la démonstration.
— Bonjour ! lança-t elle d’une voix claire en souriant à Anna.0



Puis elle avança tout droit sur le distributeur, y glissa une pièce, choisit le numéro qui correspondait à la barre chocolatée qu’elle avait choisie et appuya sur le bouton. La pièce tomba dans la machine avec le cliquetis habituel, toutefois, la barre chocolatée, elle, resta coincée dans son compartiment.
Holly retint un juron. Comme par hasard, il fallait que quelque chose se détraque au moment où tout aurait dû marcher comme sur des roulettes ! Sans compter qu’elle était privée de son plus précieux atout : une barre de chocolat. Du chocolat, et elle était capable d’affronter le monde entier ! Y compris David Neave…
— Cette satanée machine fait encore des siennes ? s’enquit Anna. Je vais demander à Siobhan de prévenir la maintenance.
— Pas la peine. Siobhan va passer une heure à faire les yeux doux à Mitchell et elle en oubliera complètement de lui demander de réparer la machine. Je vais me débrouiller… Bien, à nous deux, ajouta-t elle d’un ton calme en se concentrant sur le distributeur.
De son index replié, elle donna deux coups secs et brefs sur la vitre de la machine, face à la barre de chocolat récalcitrante qui — ô miracle ! — tomba aussitôt dans le compartiment du bas où Holly put la récupérer.
— J’aime mieux ça, commenta-t elle avec satisfaction.
Elle déchira l’emballage et croqua un morceau. Le goût délicieux du chocolat dans sa bouche la galvanisa, et elle sentit aussitôt son courage se décupler.
A présent, elle aurait pu affronter un dragon, s’il l’avait fallu…
David n’en croyait pas ses yeux, ou plutôt, il se demandait ce qu’il y avait de plus effarant dans la situation : voir le distributeur récalcitrant céder à Holly avec la docilité d’un agneau ou se retrouver dans la même pièce que la jeune femme qui lui avait brisé le cœur douze ans plus tôt.
Mais, après tout, cette jeune femme était peut-être le sosie de Holly Jones…
— Holly, j’aimerais vous présenter David Neave, notre nouveau médecin chef, intervint Anna, réduisant son espoir à néant. Il est entré en fonctions ce matin. Sue devait lui faire visiter le service, mais elle a été appelée en urgence et m’a demandé de jouer les guides à sa place. David, je vous présente la seule jeune femme de tout l’hôpital à être capable de soumettre ce distributeur, notre chef de clinique…
— Holly Jones, compléta-t il.
Ainsi, c’était bien elle… Elle n’avait pas changé, excepté que la masse soyeuse et brune qu’elle avait l’habitude d’attacher en une longue torsade avait disparu au profit d’une coupe de cheveux plus classique et que ses immenses yeux gris étaient plus durs, beaucoup plus durs. Ou peut-être avait il refusé de le voir, à l’époque…
— Vous vous connaissez ? demanda Anna, surprise.
— Nous étions au lycée ensemble, répondit Holly. Il y a très, très longtemps…
Avait-il l’imagination qui lui jouait des tours ou bien un éclair de culpabilité avait il bien traversé le regard gris de Holly l’espace d’un instant ? En tout cas, elle avait brusquement détourné les yeux, comme si elle se sentait mal à l’aise.
Eh bien, si elle avait un soudain accès de remords, tant mieux ou tant pis pour elle, mais il était un peu tard ! Elle aurait dû réfléchir à sa conduite et aux conséquences de ses actes bien des années plus tôt.
Enfin, tout ça, c’était du passé… Le problème qui se posait à lui maintenant — et non des moindres ! — c’était qu’à l’évidence, ils allaient travailler ensemble. Holly Jones refaisait donc irruption dans sa vie au moment où il s’y attendait le moins.
Bon sang, elle portait le même parfum qu’à l’époque du lycée ! Comment de simples effluves avaient ils le pouvoir de le ramener en une fraction de seconde douze ans en arrière ? A l’époque bénie, où il avait tenu Holly dans ses bras, où elle l’embrassait en lui murmurant des « je t’aime » passionnés… Trois mots simples qui représentaient tout pour lui et n’avaient jamais eu le moindre sens pour elle.
— Nous nous sommes perdus de vue, précisa-t il.
Façon de parler qui reflétait très mal la réalité… Car à la vérité, l’amour de sa vie l’avait quitté du jour au lendemain, poussant la cruauté jusqu’à le laisser tomber une semaine avant le début des épreuves du baccalauréat.
Holly n’en croyait pas ses oreilles… Ainsi, selon David, ils s’étaient « perdus de vue » ? Non, elle n’y était pour strictement rien, c’était David qui avait décidé de rompre, délibérément. Dès l’apparition du premier problème, il avait quitté le navire… Et il n’avait ensuite jamais daigné répondre à ses coups de fil ni à aucune des innombrables lettres qu’elle lui avait envoyées. Et lorsque, enfin, elle avait réussi à rassembler assez de courage pour aller le voir chez lui et obtenir une explication, dans un face-à-face qu’elle espérait franc et sincère, elle avait appris qu’il était parti en vacances. Avec une autre…
A l’époque, il avait refusé d’assumer ses responsabilités, mais avec le recul, elle pouvait encore lui concéder l’excuse de son jeune âge. Aujourd’hui, elle pouvait constater que l’homme qu’il était devenu était resté fidèle à l’adolescent qu’il avait été : veule, froid et lâche. Quel sale type ! Eh bien, cela la confortait au moins sur un point : elle n’avait rien perdu, au contraire…



— Alors, si je comprends bien, vous êtes également originaire de Liverpool ? poursuivit Anna.
— J’ai quitté Liverpool il y a de nombreuses années, répondit David. J’ai fait toutes mes études à Southampton.
Détail dont Holly n’ignorait rien, dans la mesure où il avait reçu, le même jour qu’elle d’ailleurs, le courrier de la faculté de médecine de Southampton les informant que leurs candidatures étaient acceptées, sous réserve bien sûr de l’obtention de leur baccalauréat. On leur avait aussi offert la possibilité de suivre le même cursus et ils avaient donc projeté de faire leurs études ensemble. Sauf qu’elle n’avait pas pu passer son examen… Et l’année suivante, lorsqu’elle avait obtenu le bac avec mention « très bien », elle avait préféré Londres, parce que David était étudiant à la faculté de Southampton.
— J’ai exercé à Newcastle pendant quelques années, et puis je suis venu m’installer ici, reprit David.
Elle savait qu’il la dévisageait, qu’il attendait qu’elle réponde. Tout comme Anna d’ailleurs, que son mutisme avait l’air de troubler. Or, si elle avait eu le choix, Holly aurait pris ses jambes à son cou. Mais si la surveillante n’aimait guère donner dans les commérages, les autres membres du personnel adoraient cancaner, et la rumeur, vraie ou fausse, ne tarderait pas à se répandre comme une traînée de poudre, les gens inventant ce qui manquait pour remplir les blancs ! En conséquence, elle devait à tout prix sauver les apparences et se prêter bon gré mal gré au jeu de la conversation banale entre collègues.
— Moi, j’ai fait mes études ici, à Londres, dit elle du bout des lèvres.
A l’instant où elle prononça ces mots, son regard croisa celui de David, et elle le regretta. Car elle avait lu dans les yeux bleus un éclair de désir et de regret mêlés qui trouvèrent un écho immédiat dans son cœur.
Non, non et non, interdiction absolue de s’engager sur ce terrain-là ! Maintenant, il était impossible de revenir en arrière. Travailler aux côtés de David serait difficile, mais elle n’avait pas le choix, au risque de se retrouver, pour une période interminable, la cible de tous les ragots qui ne manqueraient pas de circuler.
— Vous devez avoir plein de choses à vous raconter pour rattraper tout ce temps ! lança Anna.
Plutôt mourir ! songea Holly. Pourtant, malgré elle, son regard chercha celui de David et, à son grand étonnement, elle y lut le doute et l’interrogation. S’attendait il qu’elle lui fournisse des précisions au sujet de l’année durant laquelle elle s’était littéralement évaporée, et lui explique ce qui s’était réellement passé ? A l’époque où il aurait dû l’aimer assez pour tenter de le découvrir, et il ne l’avait pas fait. Alors pourquoi chercher à savoir, maintenant qu’il était trop tard ?
— Qui se compte en années, dit David en réponse au commentaire d’Anna.
— Puisque vous connaissez déjà Holly, vous ne mettrez pas longtemps à vous familiariser avec les lieux et à trouver vos marques parmi nous, enchaîna la surveillante. Sue vous a mis dans la même équipe, tous les deux.
Holly sentit le sang se retirer de ses joues et elle dut fournir un effort pour lutter contre le vertige.
David allait intégrer son équipe ? En clair, cela signifiait qu’elle devrait passer chaque minute de son temps à l’hôpital avec lui, quarante heures par semaine au minimum, sans compter les gardes, les astreintes, les réunions de service…
S’obligeant à conserver l’expression la plus neutre possible, elle se concentra sur les mains du médecin, dans l’espoir dérisoire de trouver rapidement une réponse qui couperait court au déluge de questions sous lequel Anna s’apprêtait à les noyer. Mal lui en prit car, à la vue des mains qui lui avaient fait découvrir ses premiers émois, d’étranges frissons la parcoururent.
— Holly ? interrogea Anna d’un ton inquiet. Vous n’avez pas l’air dans votre assiette tout à coup…
— Si, si, ça va, bredouilla-t elle. J’ai… Je me suis retrouvée coincée dans les embouteillages hier soir en revenant de Liverpool et je… Je suis rentrée tard. Je dois manquer de sommeil, conclut elle en feignant d’étouffer un bâillement qu’elle espéra naturel.
Elle avait besoin de temps pour se ressaisir et réfléchir. Pour assimiler le choc. Par miracle, la sonnerie de son bipeur retentit à cette minute.
Sauvée par le gong, songea-t elle, soulagée.
— Désolée, je dois y aller. A plus tard !
Elle gratifia Anna et David de son plus radieux sourire et tourna les talons en toute hâte.
*
* *
— Quelle incroyable coïncidence ! s’exclama Anna en souriant dès que Holly eut quitté la pièce. Remarquez, c’est une bonne chose. Inutile que je vous explique que, sous ses airs de grand méchant loup, Holly est en réalité un cœur tendre, car vous le savez déjà !
Intrigué, David fronça les sourcils. Holly — sa Holly — un grand méchant loup ? Anna et lui ne devaient pas parler de la même personne. Dans son souvenir, Holly était l’incarnation de l’adolescente romantique et timide. Et il avait vite découvert son incroyable sens de l’humour, son enthousiasme et sa joie de vivre…


— Elle ne mâche pas ses mots, poursuivit Anna, et vous avez tout intérêt à vous trouver hors de son chemin si vous avez commis un oubli ou une petite erreur, même sans conséquence… Pour autant, si vous vous trouvez en difficulté, elle sera la première à vous offrir son aide. Enfin, rien que vous ne sachiez déjà, encore une fois…
— En effet, mentit David.
Peut-être l’amour fou qu’il avait éprouvé pour Holly l’avait il empêché de voir qui elle était vraiment. Si quiconque lui avait dit, à l’époque, que Holly le quitterait du jour au lendemain sans explications, il lui aurait ri au nez. Holly et lui ne s’étaient rien caché, s’avouant leurs rêves les plus secrets, tout ce que ni l’un ni l’autre n’avaient jamais confié à personne.
Mais, à l’évidence, il n’avait jamais véritablement connu la jeune femme qu’il aimait. Car la Holly Jones dont il gardait le souvenir avait l’intention de devenir généraliste, de sorte à suivre ses patients du berceau jusqu’au crépuscule de leur vie. De son côté, il envisageait la médecine exactement de la même façon. Ils avaient même rêvé de créer leur cabinet ensemble.
Bien qu’il ait choisi sa spécialité des années après leur rupture, il avait d’emblée fait une croix sur une carrière de généraliste et opté pour la médecine d’urgence, qui permettait de moins s’impliquer émotionnellement.
— Bien, puisque vous avez terminé votre café, je vais vous faire visiter le reste du service, reprit Anna, le ramenant à l’instant présent.
Il remercia la surveillante d’un sourire distrait et lui emboîta le pas, replongeant aussitôt dans ses pensées.
Somme toute, quelle importance que Holly refasse irruption dans sa vie ? Après toutes ces années, elle était sans doute mariée — à quelqu’un que sa famille considérait cette fois assez bien pour elle — et devait exercer sous son nom de jeune fille pour des raisons professionnelles. Et quand bien même elle ne serait pas mariée, lui-même n’était plus un adolescent romantique : il avait mûri et gagné en sagesse. Il saurait se tenir à distance d’elle. Inutile de s’inquiéter au sujet de l’étrange frisson qui l’avait parcouru lorsqu’elle avait souri tout à l’heure : c’était un réflexe, rien de plus. Cela faisait des années qu’il n’avait pas pensé à Holly. Enfin presque… Le week-end dernier, en emménageant dans son minuscule appartement situé tout près de l’hôpital, il était tombé par hasard sur une photo qui les représentait enlacés et souriants. Une photo qu’il aurait dû jeter depuis des années… A la vue du sourire heureux et un peu timide de Holly, il s’était demandé ce qu’elle était devenue : exerçait elle aujourd’hui comme généraliste, ainsi qu’elle l’avait souhaité ? Avait elle épousé un généraliste avec qui elle avait fondé un foyer et monté un cabinet médical ? En bref, menait elle avec un autre la vie dont ils avaient rêvé ensemble ?
A présent, il disposait d’au moins une réponse à toutes ces questions : Holly était devenue médecin, spécialiste des urgences. Quant au reste… Eh bien, ils allaient devoir travailler ensemble au sein de la même équipe et apprendre à laisser le passé derrière eux, une bonne fois pour toutes.
— C’est mon estomac, haleta Lucy, secouée d’un nouveau spasme. Oh, j’ai tellement mal !
— Allongez-vous et essayez de vous détendre en inspirant et expirant. Je vais vous ausculter…
Holly attendit une minute que Lucy se calme, puis elle dénuda l’abdomen de sa patiente et procéda à une palpation.
— Dites-moi où ça vous fait le plus mal…
Partout à l’évidence, puisque Lucy grimaçait de douleur à chacun de ses gestes. Des douleurs aiguës dans le ventre pouvant être les symptômes d’innombrables maladies, il fallait affiner l’examen pour pouvoir poser le diagnostic.
— Souffrez-vous d’autres symptômes ? demanda-t elle.
— Oui, mais rien de très alarmant… Un peu de fièvre, une légère migraine, une fatigue générale et de soudains accès de transpiration. Un peu comme lorsqu’on couve un bon rhume, vous voyez ? D’ailleurs, j’ai eu des quintes de toux incroyables, à m’en couper le souffle. J’ai dû attraper le fameux virus ressemblant à la grippe qui a touché pas mal de gens cet été.
— Peut-être…
— Oh, mon Dieu, il fait une chaleur ici !
Holly sourit.
— Ah ça, personne dans le service ne serait contre l’installation de la climatisation.
— Comme ça ne passait pas, j’avais décidé d’aller voir mon généraliste. Je commençais même à penser que c’était peut-être le début de la ménopause, bien que je n’aie pas encore tout à fait quarante ans.
— A cause des suées nocturnes ?
— Oui. Il faut dire aussi que pendant mes règles, je ne perds quasiment plus de sang. Et puis, ces derniers temps, je suis très irritable. Le pauvre Oliver vous le confirmera, ajouta-t elle en souriant à son mari qui assistait à la consultation. Une vraie mégère ! Mais quand ces douleurs abdominales ont commencé…
— J’ai cru à une crise d’appendicite, compléta Oliver. C’est pourquoi j’ai amené Lucy ici, aux urgences…
— Avez-vous eu des nausées ou des vomissements ? s’enquit Holly.


Lucy acquiesça d’un signe de tête.
— Je suis un peu écœurée ces temps-ci, c’est vrai. J’ai dû manger quelque chose qui n’était pas frais…
— En tout cas, elle ne manque pas d’appétit ! intervint Oliver. Elle dévore comme un ogre !
— A mon avis, il ne s’agit pas d’une crise d’appendicite, commenta Holly.
Elle prit la température de Lucy, puis son pouls. Un pouls rapide et trop élevé, par rapport à ce qu’on pouvait attendre si l’on se fiait à la température…
— Et récemment, vous avez eu mal ailleurs qu’au ventre ?
— Elle se ferait tuer sur place plutôt que de l’admettre, mais elle a aussi ressenti des douleurs dans la poitrine, intervint Oliver avant que Lucy ait eu le temps d’ouvrir la bouche.
Cette dernière leva les yeux au ciel en soupirant.
— Oh, Oliver, arrête un peu… Ce n’est pas un infarctus ! D’ailleurs, je surveille si bien mon alimentation que mon cœur ne risque rien du tout. Je suis un nouveau régime très équilibré et, franchement, il a des effets miraculeux !
Sauf que, comme l’avait précisé son mari, elle mangeait trois fois plus que d’ordinaire, songea Holly.
— Vous avez perdu beaucoup de poids ?
— Au moins une tonne ! plaisanta Lucy. Je fonds littéralement… C’est la première fois de ma vie.
— C’est peut-être parce que tu n’arrêtes pas une seconde, commenta Oliver d’un ton sec. Elle fait toujours mille choses à la fois. Et ça ne risque pas de s’arranger, car elle vient d’être nommée proviseur.
— Et alors ? répliqua Lucy, sur la défensive. J’adore être très occupée.
— Vous m’excusez un instant ? les interrompit Holly en souriant. Je reviens…
Elle quitta le box, et comme elle sortait dans le couloir, elle croisa Michelle, une infirmière.
— Ah vous tombez bien ! Pouvez-vous m’aider à prélever des échantillons sanguins et les envoyer au labo ? Ma patiente s’appelle Lucy Smith, elle se trouve dans le box 8. Je veux un bilan complet, calcium ionisé, comptage des globules blancs, NFS, vérification des hormones T3, T4 et du taux de TSH.
L’analyse du taux sanguin d’hormones thyroïdiennes — thyréostimuline, triiodothyronine et thyroxine — l’aiderait à déterminer si Lucy souffrait d’une maladie endocrinienne et, le cas échéant, lui permettrait de lui prescrire le dosage adéquat de médicaments qui rétabliraient l’équilibre hormonal.
— De quoi s’agit il ? demanda à cet instant une voix masculine derrière elle. Une patiente qui a des problèmes de thyroïde ?
Holly serra les mâchoires. Dommage qu’elle ne soit pas équipée d’un sixième sens la prévenant de l’arrivée impromptue de David quand elle ne se tenait pas sur ses gardes.
— Je n’en suis pas encore certaine, répondit elle d’un ton neutre. C’est pourquoi je vais demander un bilan sanguin et hormonal complet.
Puis elle se tourna de nouveau vers Michelle.
— J’aurais également besoin de sa glycémie et d’un test à la bandelette urinaire. Ah, j’oubliais… Demandez aussi au labo une mise en culture. Lucy semble souffrir d’une légère infection respiratoire, il faut que nous sachions d’où ça vient. Ce sera tout. Merci d’avance.
— Quels sont ses symptômes ? s’enquit David tandis que Michelle s’éloignait vers l’office afin de récupérer le matériel dont elle aurait besoin pour les prélèvements.
— Douleurs abdominales aiguës, perte de poids malgré une alimentation normale, équilibrée et conséquente, douleurs poitrinaires, rythme cardiaque trop rapide, suées, fatigue générale, hyperactivité, irritabilité et instabilité émotionnelle.
— Est-ce qu’elle cligne beaucoup des yeux ? Les tissus cutanés autour des paupières sont ils enflés ?
Holly le dévisagea et eut toutes les peines du monde à conserver son sang-froid. Dans son rôle de médecin, David se révélait exactement tel qu’elle l’avait imaginé : attentionné, soucieux de ne rien laisser au hasard… Si seulement il avait eu la même attitude vis-à-vis d’elle !
— J’ai demandé des examens sanguins afin de déterminer si le problème est d’origine thyroïdienne, dit elle un peu sèchement.
— Il se trouve que j’ai failli me spécialiser en endocrinologie avant de m’orienter sur la médecine d’urgence. Si tu veux, je peux passer voir ta patiente.
Oh non, surtout pas ! Elle n’avait déjà aucune envie de travailler avec lui, et encore moins qu’il vienne fourrer son nez dans ses consultations !
D’un autre côté, elle avait prêté le serment d’Hippocrate. Cela signifiait en clair qu’elle avait le choix entre laisser David ausculter Lucy, ou faire appel à Fabian, l’endocrinologue, qui répondait une fois sur trois quand on le bipait… Le bien de sa patiente passait avant tout.
— Je veux bien, merci. Viens, je vais te la présenter.
A son grand soulagement, David n’émit aucun commentaire et se *******a de la suivre au chevet de Lucy.


— Lucy, Oliver, je vous présente le Dr David Neave, notre nouveau médecin chef. Je lui ai parlé de votre cas et il se fera un plaisir de répondre à toutes vos questions. Michelle, l’infirmière, va venir faire vos prises de sang d’une minute à l’autre.
Une chance, d’ailleurs, qu’elle ait demandé à Michelle de s’en charger, car sans doute se serait elle montrée moins habile et précise dans ses gestes en présence de David.
— Vous permettez que j’examine l’une de vos mains, Lucy ? demanda David.
Il pinça doucement la peau entre son pouce et son index. Quand il écarta les doigts, la peau resta ramassée en un petit bourrelet. Un signe de déshydratation…
— Des membres de votre famille ont ils déjà eu des maladies de la glande thyroïde ? poursuivit David.
— Pas que je sache… Pourquoi ?
— Holly m’a décrit vos symptômes et j’ai l’impression que votre glande thyroïde est hyperactive. Vous souffrez de ce que l’on appelle dans notre jargon une « tempête thyroïdienne », ou crise thyréotoxique.
— Et c’est grave ? s’enquit Oliver d’un ton anxieux.
Très, songea Holly. Si l’on ne traitait pas la maladie, un patient sur dix en mourait.
— Nous avons les moyens de réagir, répondit David. Le Dr Jones a déjà ordonné un bilan sanguin et hormonal complet. En attendant les résultats, nous allons vous administrer du paracétamol afin de faire baisser votre température et vous placer sous perfusion pour éviter que vous vous déshydratiez. Nous allons également traiter l’excès d’hormones thyroïdiennes et vous donner des bêtabloquants qui aideront votre cœur à retrouver un rythme normal.
— Mon cœur ? répéta Lucy avec effroi. Mais pourquoi, mon cœur est atteint ?
— En réalité, la vraie responsable, c’est votre glande thyroïde. Elle produit trop d’hormones, ce qui entraîne un dérèglement d’autres fonctions de l’organisme. La glande se situe juste ici, ajouta-t il en désignant la gorge de Holly.
Il l’avait à peine effleurée, mais Holly sentit son cœur s’emballer. Pourvu qu’il n’ait rien remarqué de son trouble !
— Cette surproduction d’hormones explique notamment que vous mangiez plus que d’habitude, précisa-t elle d’une voix légèrement altérée. Votre métabolisme est trop sollicité. Par conséquent, vous avez tout le temps faim et vous mangez beaucoup tout en maigrissant quand même.
— C’est aussi à cause de ce dérèglement hormonal que les battements de votre cœur s’emballent, renchérit David.
— Mais je croyais que les problèmes de thyroïde se déclaraient surtout chez les personnes âgées, commenta Lucy, perplexe.
— Pas forcément, dit Holly. Ils sont plus fréquents chez les femmes et surviennent en général entre trente et cinquante ans.
— Si votre glande est hyperactive et que le problème n’est pas traité, la moindre petite infection virale ou encore un accès de stress peuvent déclencher un épisode de tempête thyroïdienne. Voilà en gros de quoi il s’agit… Nous allons devoir vous hospitaliser afin que vous subissiez un bilan d’examens complet. Il faut aussi que nous sachions quel est le virus ou le microbe responsable de votre toux afin de vous administrer un traitement adapté.
David se tourna vers Holly.
— Pourrais-tu demander à un aide-soignant d’apporter un ventilateur dans la chambre afin que Lucy soit plus à l’aise ? Un peu d’air frais, du paracétamol et un gant mouillé d’eau tiède devraient aider à faire baisser rapidement votre température, ajouta-t il en souriant à Lucy.
— Comme pour les bébés, soupira celle-ci avec un air navré. Je suis idiote… J’aurais dû aller consulter mon généraliste dès les premiers symptômes. Mais j’étais très occupée et je ne voulais pas lui faire perdre son temps.
— Cela vous aurait peut-être épargné le détour par l’hôpital, en effet, conclut Holly en souriant, mais si ça peut vous rassurer, je crois qu’à votre place, j’aurais réagi comme vous.
Aucun doute là-dessus, elle n’en aurait fait qu’à sa tête ! songea David en la regardant disparaître dans le couloir. Holly n’en avait toujours fait qu’à sa tête sans se soucier des conséquences. Et en cette minute, il sut qu’ils ne pourraient indéfiniment s’épargner une explication franche, quitte à rouvrir d’anciennes blessures…
Une heure et demie plus tard, après avoir successivement ôté une perle du nez d’un enfant en bas âge, remis en place un coude déboîté, ôté des bris de verre d’une plaie qu’elle avait ensuite suturée, Holly ressentit le besoin urgent de s’octroyer une bonne dose de caféine.
— Je prends cinq minutes de pause, annonça-t elle à Michelle avant d’emprunter la direction de la salle de repos.
Elle venait de retirer son gobelet fumant de la machine à café pour le compléter avec de l’eau froide du robinet lorsque David pénétra dans la pièce.
— Tu le coupes avec de l’eau parce qu’il est trop fort ? demanda-t il en désignant du menton le gobelet de café.
— Non, c’est pour l’amener à bonne température et pouvoir l’avaler très vite, comme ça…
Aussitôt, elle vida son gobelet et le jeta dans la corbeille.
— Ah, j’en avais besoin ! commenta-t elle.


— Holly…
A contrecœur, elle se tourna vers le médecin et plongea son regard dans le sien.
Cette étrange lueur qui dansait au fond des yeux bleus, était-ce… du regret ?
— Oui ? dit elle d’un ton aussi détaché que possible.
— Je n’avais pas la moindre idée que tu exerçais ici.
Elle haussa les épaules.
— Comment aurais-tu pu le savoir ?
Un bref silence plana, puis David exhala un profond soupir.
— Je crois qu’il faudrait que… nous parlions.
Surtout pas, c’était bien trop dangereux… Dans le cadre de l’hôpital, à la rigueur, elle pouvait encore supporter de côtoyer David, mais en tête à tête dans un pub, comme au bon vieux temps… Non, elle n’en aurait pas la force.
— Il n’y a rien à dire.
— A mon avis, si. Il faut absolument que nous crevions l’abcès.
— Il n’y a rien à dire, répéta-t elle, plus déterminée.
A quoi cela rimerait il ? Rien de ce qu’ils pourraient dire maintenant ne changerait quoi que ce soit à ce qui s’était passé.
David passa une main fébrile dans ses cheveux de jais et, malgré elle, le souvenir du contact des doigts du médecin glissant dans sa propre chevelure la fit frissonner. Mais elle avait coupé ses cheveux à la minute où elle s’était enfin rendue à l’évidence, en une dérisoire tentative pour effacer les traces du passé.
— De nombreuses années se sont écoulées depuis…
David laissa sa phrase en suspens.
Etait-ce sa façon de s’excuser ? Eh bien, ce n’était pas la sienne !
— Au sein du service, nous allons devoir faire équipe et travailler le plus efficacement possible.
Il avait formulé ces mots sur un ton prudent, comme s’il les avait choisis avec soin. Et c’était tant mieux pour lui, parce que s’il avait osé parler de confiance mutuelle, elle lui aurait arraché les yeux !
— En effet, dit elle simplement.
— Et à ce titre, pour le bien de tout le monde, il vaudrait mieux que nous puissions collaborer… sans problème.
Il n’avait pas tort, néanmoins s’il comptait qu’elle éclate en sanglots et lui demande pourquoi il l’avait lâchement abandonnée, il pouvait toujours attendre ! Elle avait déjà touché le fond du ridicule quand elle avait dix-huit ans, et ce n’était pas pour recommencer maintenant. Elle avait mûri et s’était fort heureusement endurcie. Aujourd’hui, elle pouvait se considérer comme très chanceuse d’avoir échappé malgré elle à David Neave. Et peu importait la vague attirance physique qui subsistait. Ce n’était rien d’autre qu’une réminiscence du passé qui aurait tôt fait de disparaître.
— Je suis d’accord.
Au moins, il avait eu la décence de ne pas lui proposer de devenir amis. De toute façon, elle en aurait été incapable.
Toutefois, au cas où il aurait eu une vague arrière-pensée, elle préféra tirer les choses au clair tout de suite.
— Nous sommes assez grands pour pouvoir travailler en bonne entente. A ce propos, tu as des nouvelles de Lucy ?
— Le labo vient de me renvoyer ses résultats d’analyse. Ils confirment notre diagnostic. J’ai donc immédiatement prescrit le protocole de soins approprié. Tout de même, ajouta-t il après un bref instant de réflexion, je ne comprends pas que tous ces symptômes ne l’aient pas alarmée plus que ça et ne l’aient pas poussée à consulter plus tôt…
— Elle vient d’être nommée proviseur de son lycée, elle est débordée… En outre, elle a cru qu’elle avait attrapé un simple rhume — il y a une sorte d’épidémie de grippe en ce moment… Elle s’est aussi dit qu’elle souffrait peut-être d’une ménopause précoce. Sa négligence s’explique très bien, et puis les patients ne sont pas médecins… En tout cas, merci de l’avoir auscultée.
— Je t’en prie.
— Bien, il faut que j’y retourne. J’ai dit à Michelle que je ne prenais que cinq minutes de pause.
— Entendu.
Elle esquissa un bref sourire contraint et s’éclipsa.
Il ne lui avait pas dit « à tout à l’heure », comme elle s’y attendait un peu. Mais c’était parfait ainsi. Elle n’avait pas envie de le croiser plus que nécessaire.0

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ**   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 23-05-10, 07:51 AM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 3
ÇáãÚáæãÇÊ
ÇáßÇÊÈ:
ÇááÞÈ:
ÚÖæ ÑÇÞí


ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Oct 2007
ÇáÚÖæíÉ: 45117
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 8,329
ÇáÌäÓ ÃäËì
ãÚÏá ÇáÊÞííã: cocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííãcocubasha ÚÖæ ÌæåÑÉ ÇáÊÞííã
äÞÇØ ÇáÊÞííã: 1435

ÇÇáÏæáÉ
ÇáÈáÏEgypt
 
ãÏæäÊí

 

ÇáÅÊÕÇáÇÊ
ÇáÍÇáÉ:
cocubasha ÛíÑ ãÊæÇÌÏ ÍÇáíÇð
æÓÇÆá ÇáÅÊÕÇá:

ßÇÊÈ ÇáãæÖæÚ : **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÇáãäÊÏì : ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ
ÇÝÊÑÇÖí

 



ÊÚíÔí æ ÊÌíÈí ÍÈíÈÊí


 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ cocubasha   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 09-07-10, 08:01 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 4
ÇáãÚáæãÇÊ
ÇáßÇÊÈ:
ÇááÞÈ:
ÚÖæ ÑÇÞí


ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
ÇáÚÖæíÉ: 62940
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 1,517
ÇáÌäÓ ÃäËì
ãÚÏá ÇáÊÞííã: **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ
äÞÇØ ÇáÊÞííã: 247

ÇÇáÏæáÉ
ÇáÈáÏItaly
 
ãÏæäÊí

 

ÇáÅÊÕÇáÇÊ
ÇáÍÇáÉ:
**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÛíÑ ãÊæÇÌÏ ÍÇáíÇð
æÓÇÆá ÇáÅÊÕÇá:

ßÇÊÈ ÇáãæÖæÚ : **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÇáãäÊÏì : ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ
ÇÝÊÑÇÖí

 

2



De guerre lasse, Holly stoppa le tapis roulant sur lequel elle courait comme une forcenée au son d’une musique tonitruante depuis une demi-heure, éteignit également la chaîne hi-fi et se laissa tomber rageusement sur le canapé. Elle avait espéré chasser ainsi David de son esprit, mais en vain : l’image du médecin la hantait.
Bon sang, elle avait pourtant tourné cette page de son passé douloureux depuis des années ! Aujourd’hui, elle avait trente ans, elle était un médecin compétent et respecté qui jouissait d’une solide réputation au London City General. Plus rien à voir en somme avec l’adolescente éperdue, folle de douleur et de désespoir, dont l’univers s’était effondré lorsqu’elle avait dix-huit ans.
Malheureusement, rien n’y faisait. Les souvenirs l’emportaient sur ses résolutions d’enterrer le passé pour de bon. C’était idiot, stupide, puéril et pourtant… Elle voyait se dérouler comme dans un film la même scène, encore et encore, ce moment d’infinie douceur où David et elle avaient fait l’amour pour la première fois… Les yeux de David, d’un bleu resplendissant comme celui d’un ciel d’été, le sourire qui illuminait son visage, ses lèvres qui s’étaient approchées lentement des siennes, puis très vite, leurs peaux nues l’une contre l’autre, leur étreinte enfiévrée dans la clairière baignée d’un rayon de soleil printanier, où ils s’étaient retrouvés pour réviser leurs examens ensemble…
Cela faisait des années qu’elle n’y avait plus songé, alors pourquoi maintenant ?
Non, inutile de se mentir. La même douleur lui nouait la gorge chaque fois qu’un cas d’obstétrique se présentait aux urgences. Une douleur qu’elle avait appris à chasser très vite, parce qu’elle était médecin d’abord et avant tout, et se devait à ses patients. Malgré tout, souvent, ses mains se posaient d’elles-mêmes sur son ventre, en un geste inconscient, celui de toutes les femmes qui portent la vie. Mais cette petite vie n’avait eu droit qu’à une très courte existence. Juste assez longtemps pour décevoir ses parents — M. et Mme Jones dans leur coquet pavillon d’un quartier huppé de Liverpool, avec leurs deux belles voitures, leurs deux beaux et gentils enfants, Holly et Daniel.
Mais, à l’âge de dix-huit ans, elle leur avait causé leur première grande déception. Son frère avait attendu ses dix-neuf printemps pour déraper, gravement puisqu’il était devenu toxicomane, et n’en était pas encore sorti. Quant à Holly, ses études et sa brillante carrière n’avaient jamais suffi à racheter sa « faute » aux yeux de ses parents. Et le fait qu’elle exerce dans un hôpital de l’est londonien plutôt que dans les quartiers chic de la capitale les confortait un peu plus dans la piètre opinion qu’ils avaient d’elle.
« Mon Dieu, Holly, mais comment as-tu pu être aussi stupide ? »…
Des années après, les mots cruels de sa mère, prononcés d’un ton froid, résonnaient encore à ses oreilles.
Mais elle avait été stupide. Car il fallait être stupide pour croire que David resterait à ses côtés, et tiendrait ses promesses de l’aimer toujours. Bien sûr, l’arrivée inattendue d’un bébé aurait bouleversé leurs projets et leur existence, leur parcours aurait été plus cahoteux que prévu, semé d’embûches, mais peut-être qu’aujourd’hui ils auraient accompli leur rêve : fonder une famille et monter un cabinet de médecine générale dans une petite ville rurale ou, pourquoi pas, en pleine campagne. L’aîné des quatre enfants dont ils avaient rêvé aurait simplement eu une certaine différence d’âge avec ses trois cadets…
Mais à quoi bon ressasser toutes ces idées ? se demanda-t elle, luttant pour contenir ses larmes. Elle avait déjà assez pleuré le jour où elle avait téléphoné à David pour lui apprendre la nouvelle, et maintenant, elle avait le cœur sec.
La veille de ce fameux jour où sa vie avait basculé, elle s’était rendue dans le centre-ville de Liverpool afin d’acheter un test de grossesse dans une pharmacie où personne ne risquait de la reconnaître et donc de rapporter ses faits et gestes à sa mère. Le lendemain matin, enfermée à double tour dans la salle de bains, elle avait fait le test et attendu le résultat pendant les deux ou trois minutes les plus longues de sa vie. Ensuite, elle avait compris que son absence de règles les deux mois précédents ainsi que les vagues nausées qu’elle ressentait n’avaient rien à voir avec le stress dû à l’approche des examens. Aussitôt, elle s’était précipitée sur le téléphone pour prévenir David, la personne dont elle avait le plus besoin et qui ne la laisserait pas tomber.
Mais il n’avait jamais pris la peine de rappeler. Alors, elle avait réessayé des dizaines de fois, en vain, et fini par conclure que David avait donné pour consigne à sa mère de dire qu’il était sorti. Etant lycéen dans une section scientifique option biologie, et sachant qu’elle n’avait pas eu ses règles depuis deux mois, il avait dû deviner la vérité. Et il avait choisi la solution de facilité : s’il ne la contactait plus jamais, Holly finirait bien par comprendre que c’était fini entre eux.


Ensuite, Laura Jones avait tout planifié pour éviter les commérages : l’interruption « volontaire » de grossesse dans une clinique privée hors de Liverpool et la convalescence de quelques mois pour « raison de santé », qui expliquerait au passage pourquoi sa fille ne s’était pas présentée aux épreuves du baccalauréat. « Tu le repasseras l’année prochaine, ma chérie. Ce n’est pas si dramatique. »
Holly, qui voulait garder le bébé, avait refusé d’avorter, espérant secrètement que sa mère changerait d’attitude lorsque l’enfant serait là. Et si ce n’avait pas été le cas, elle se serait débrouillée seule…
Mais les choses ne s’étaient pas passées ainsi.
Quelques heures avant le début des épreuves du bac, elle avait fait une fausse couche.
Furieuse contre elle-même, Holly sécha ses larmes d’un revers de main rageur.
Après tout, de quoi se plaignait elle ? Elle était quand même devenue médecin, elle exerçait un métier passionnant dans un hôpital qu’elle aimait, et étudier à Londres lui avait permis de rencontrer ses deux meilleures amies. Zoé et Jude étaient à présent toutes les deux mariées et très heureuses en ménage, d’ici un ou deux ans, elles auraient des enfants dont elle serait sans doute la marraine, et alors ? Ça ne changeait rien à sa vie à elle, et le retour inopiné de David ne devrait rien changer lui non plus ! Une certaine attirance physique demeurait intacte, c’était un fait, mais rien dont elle ne puisse venir à bout en très peu de temps. Il lui suffirait de se tenir à la ligne de conduite qu’ils s’étaient fixée : courtoisie à l’hôpital, aucun contact en dehors, point à la ligne.
De toute façon, David était certainement marié et père de famille ! Et quand bien même il ne le serait pas, il lui avait déjà prouvé qu’elle ne pouvait pas compter sur lui. Mieux valait l’oublier !
Qui était la véritable Holly Jones ?
Une question qui n’avait cessé de tourmenter David toute la journée… Même l’heure de natation intensive qu’il s’était infligée n’était pas parvenue à l’en débarrasser.
Qui était elle vraiment, au fond ? Tout d’abord, un médecin compétent et attentionné avec ses patients. Il avait appris qu’elle avait prêté son propre ventilateur à Lucy, leur patiente atteinte d’hyperthyroïdie, un geste généreux bien dans la veine de ceux qu’aurait accomplis la Holly d’autrefois, toute de gentillesse et de chaleur humaine… Excepté qu’aujourd’hui elle avait la réputation d’être d’un abord froid et inaccessible. Elle pouvait même apparemment être aussi terrifiante que le grand méchant loup à ses heures. En tout cas, des années plus tôt, elle avait été assez ambitieuse, voire arriviste, pour le quitter juste avant le début des épreuves du bac, sans aucun doute dans l’unique but de concentrer tous ses efforts et toute son attention sur la réussite de ses examens et de ne pas se laisser distraire par sa vie sentimentale. Il ignorait comment elle s’y était prise, mais elle s’était même débrouillée pour passer ses épreuves dans un autre centre d’examens. A la rentrée universitaire suivante, lorsqu’il s’était rendu compte qu’elle ne figurait pas parmi la liste des étudiants de première année de médecine de la faculté de Southampton, il avait enfin admis l’évidence, non sans douleur : Holly n’avait tout simplement jamais eu l’intention de devenir généraliste dans un cabinet rural qu’ils auraient créé ensemble, et encore moins celle de faire sa vie avec lui. Elle s’était tout simplement *******ée de prendre un peu de bon temps avec lui et, au moment de passer aux choses sérieuses, elle s’était lancée à la conquête du monde et de son avenir en l’abandonnant derrière elle sans l’ombre d’un remords. D’ailleurs, sa mère le lui avait annoncé sans ambages : « Désolé, chéri, elle a téléphoné en ton absence et elle ne veut plus te voir. »
Il n’avait pas voulu la croire. Tout d’abord, sa mère n’avait jamais apprécié Holly dont elle pensait qu’elle s’amusait avec lui, pour passer le temps. Il repoussait encore cette idée, en allant téléphoner à la mère de Holly. Mme Jones avait confirmé les propos de sa propre mère et avait même ajouté, devant son insistance, que Holly refusait de lui parler. Mû par l’énergie du désespoir, il avait persisté dans son aveuglement : s’il parvenait à parler à Holly, tout s’arrangerait, il le savait !
Il s’était alors mis à rôder dans son quartier, et il l’avait aperçue, en effet… Et elle aussi l’avait vu. Sauf qu’elle avait sciemment détourné le regard et s’était empressée de monter dans la voiture de sa mère. A cet instant-là, il avait cru que la terre allait s’ouvrir sous lui et l’engloutir.
Puis, passé le premier choc, il avait bien été forcé de se rendre à l’évidence : Holly avait fini par se lasser de lui, et elle n’avait même pas eu le courage ou la décence de le lui dire en face. Au final, sa mère avait vu juste dès le début, et ce qu’il avait pris pour d’injustes préjugés était en fait le témoignage d’une étonnante lucidité…
Ses mâchoires se crispèrent et, d’un geste rageur, il ouvrit le robinet de la douche, dans les vestiaires de la piscine. Une pluie de gouttelettes brûlantes inonda son corps, mais il ne sentait absolument rien.
Parce que Holly avait resurgi dans sa vie. Holly, la cause de tous ses maux… La femme dont le souvenir l’avait hanté douze longues années, planant comme une ombre sur son mariage qu’elle avait anéanti, ainsi que son ex-femme le lui avait lancé au visage le jour où elle lui avait annoncé qu’elle demandait le divorce. Après cet échec, il avait fait une croix définitive sur toute relation sentimentale pour ne plus se consacrer qu’à son métier. Et, aujourd’hui, il était devenu ce qu’il avait toujours rêvé d’être : un médecin dévoué et compétent. Qui serait parfaitement capable de traiter Holly Jones comme une consœur parmi d’autres, ni plus ni moins…


Pour d’obscures raisons, la direction du personnel bouleversa les emplois du temps de tous les membres du service, et il se trouva que le sien, ainsi que toutes ses gardes et toutes ses astreintes coïncidèrent avec ceux de Holly. Bien sûr, l’idée de demander à intervertir ses tours de garde avec un autre médecin lui traversa l’esprit, mais il se ravisa de peur d’éveiller les soupçons. Tout le monde savait désormais que Holly et lui s’étaient rencontrés à l’époque du lycée et il aurait paru étrange qu’il insiste pour ne pas travailler avec elle. Jamais il n’avait connu, ni à Southampton ni plus tard à Newcastle, de service où les gens aimaient à ce point colporter des ragots, et il était hors de question qu’il se retrouve la cible de commérages, ce que Holly, il en était certain, n’apprécierait pas non plus.
Au terme d’une semaine de ce nouvel aménagement de leur emploi du temps, son appréhension et ses doutes initiaux finirent par s’atténuer. Holly se comportait avec lui comme avec n’importe quel autre confrère. Soucieuse avant tout de la bonne marche du service, elle se montrait très professionnelle, lui transmettait toutes les informations nécessaires, et ne se permettait aucune allusion intime ou personnelle, ce qui lui convenait à merveille.
Un statu quo qui se rompit le vendredi soir suivant à cause d’une garde plus que mouvementée durant laquelle Holly se retrouva aux prises avec six jeunes hommes complètement ivres. Ils s’étaient bagarrés à la sortie d’un pub et deux d’entre eux avaient été blessés pendant la rixe : l’un avait un œil au beurre noir, le second, le plus agressif de tous, avait eu l’avant-bras tailladé par un couteau vraisemblablement. Une blessure qui ne présentait pas de caractère d’urgence absolue, comme Holly l’expliqua au petit groupe en les priant, avec douceur et fermeté, de bien vouloir attendre leur tour et, surtout, de cesser de hurler sur Siobhan, la secrétaire d’accueil qui orientait les nouveaux venus en fonction de la gravité de leurs blessures. Mais, échauffés par l’alcool, les jeunes hommes crièrent de plus belle, au point que Siobhan dut appeler la sécurité.
David se trouvait dans un box au chevet d’un patient quand un incroyable chahut lui parvint de l’accueil. Inquiet, il s’excusa auprès de son patient et sortit dans le couloir. Il arriva à l’accueil en même temps que deux agents de sécurité et assista à une scène presque surréaliste : Holly toisait avec un calme olympien six jeunes hommes très éméchés et qui étaient manifestement à l’origine du remue-ménage qui avait attiré son attention.
— Un problème, docteur ? demanda l’un des agents de sécurité.
— Non, plus maintenant, répondit Holly. N’est-ce pas, messieurs ? ajouta-t elle en se tournant vers la bande.
L’un d’eux, celui qui avait un œil au beurre noir, acquiesça dans un marmonnement à peine audible.
— Parfait ! conclut Holly. Siobhan, quel est mon patient suivant ?
Cette scène avait sidéré David. La frêle Holly, issue d’un milieu bourgeois et qui n’avait sans doute jamais eu affaire de sa vie entière à ce genre d’individus — quand lui, en revanche, en avait fréquenté de très près, parce que ses parents, d’origine modeste, vivaient dans un quartier défavorisé de Liverpool —, avait réussi à dompter cette horde braillarde et hostile en un tournemain. Décidément, elle avait énormément changé et son surnom de « grand méchant loup » n’était peut-être pas usurpé, après tout. Pire, avec les années, il se pouvait fort bien qu’elle soit devenue la réplique exacte de sa mère, la redoutée et redoutable Laura Jones, un monstre de froideur et d’assurance. Ainsi, il venait de découvrir Holly sous son vrai jour…
Une pensée sur laquelle il n’eut pas le temps de s’attarder car d’autres patients l’attendaient. Mais, dès qu’il put bénéficier d’un court moment de répit, il se précipita dans la salle de repos afin d’avaler un café.
Holly s’y trouvait déjà, tenant un gobelet fumant d’une main, et dans l’autre, un brownie au chocolat des plus appétissants.
— Où as-tu trouvé cette merveille ? demanda-t il en jetant un regard d’envie au gâteau.
— C’est mon amie Zoé, du service de pédiatrie, qui me l’a apporté. Je suis son cobaye, elle teste sur moi ses nouvelles recettes.
Il hocha lentement la tête. Certes, il mourait de faim, mais pas question de lui en demander une bouchée.
— Tu en veux un morceau ? demanda Holly.
Sans attendre de réponse, elle partagea le brownie en deux et lui tendit une part.
— Merci, dit il en la prenant machinalement.
Il n’en revenait pas… Etait-ce bien là la jeune femme qui avait transformé tout à l’heure une meute de loups en agneaux doux et dociles ?
— Alors, cette première semaine ? poursuivit elle.
— Très bien, répondit il, évasif.
Oui, une fois surmonté le choc de revoir Holly et à condition qu’il parvienne à maintenir le cap — ignorer le trouble qu’elle faisait naître en lui, par exemple —, il pouvait considérer qu’il avait passé une excellente semaine et se plaisait beaucoup au London City General.
— Il faut simplement que je m’habitue à cet étrange emploi du temps, ajouta-t il, soucieux de ne pas laisser le silence s’installer.
— Je te parie que, dans moins de six mois, les illustres têtes pensantes du service des ressources humaines nous sortiront une nouvelle idée de génie qui bouleversera tout de nouveau.
— Tant de cynisme chez une aussi jeune femme, quel dommage ! la taquina-t il en riant.
Une remarque qu’il regretta à la minute même en voyant les traits de Holly se durcir et son expression se rembrunir. Sans doute avait il touché un point sensible… Pourtant, il n’avait rien dit d’extraordinaire. Enfin, mieux valait battre en retraite et revenir à un sujet plus neutre.
— J’ai été très impressionné par la façon dont tu as affronté la bande de jeunes types éméchés, tout à l’heure.
Elle haussa les épaules.
— Question d’habitude… Les vendredis et samedis soir, on reçoit souvent des excités qui ont trop bu. Il faut juste maîtriser la situation avant qu’elle ne t’échappe. Et pour ça, il existe un truc infaillible : leur donner l’illusion que tu leur laisses le choix. Comme ça, ils n’ont pas l’impression de perdre la face et, en général, ils se tiennent tranquilles.
— Ceux-là avaient l’air particulièrement excités. Ils auraient pu te frapper.
— Siobhan avait prévenu la sécurité.
— N’empêche… C’était tout de même assez risqué.
— Je vais t’expliquer une petite astuce que m’a apprise un chef de clinique à l’époque où j’étais interne…
Tout en parlant, elle tira de la poche de sa blouse une grosse seringue que l’on utilisait pour pratiquer les péridurales.
— Imagine…, poursuivit elle. Tu es ivre, tu es blessé, et le médecin t’explique qu’il va se servir de ça pour t’injecter une dose de vaccin antitétanique avant de te soigner… Parce que tout le monde sait bien que lorsqu’on est ivre, on a besoin d’une double dose de vaccin, ajouta-t elle avec un clin d’œil. Alors que si tu attends gentiment ton tour, ton taux d’alcool dans le sang baissera, le médecin pensera également que tu n’es pas aussi soûl que tu en as l’air, et se servira donc d’une petite seringue, beaucoup moins impressionnante. Qu’est-ce que tu choisis ? Tu frappes le médecin en question ou tu t’assieds et attends patiemment ton tour ?
David la dévisagea avec stupéfaction.
— Mais c’est une seringue à péridurale et il n’y a même pas d’aiguille au bout ! Et puis, d’ailleurs, ces histoires de double dose de vaccin liées à l’alcoolémie, c’est n’importe quoi !
Un large sourire se dessina sur les lèvres de Holly.
— C’est mentir pour la bonne causse… Et ça marche !
Sur ces mots, elle vida son café d’un trait et se leva.
— J’y retourne. A plus tard.
Médusé, David la regarda gagner la porte, puis disparaître dans le couloir.
Ce sourire… Rien que pour ce sourire, il serait tellement facile de retomber amoureux. Holly était courageuse, drôle… et ravissante. Oui, Holly Jones était d’une beauté à couper le souffle… Mais il ne la laisserait pas lui briser le cœur une seconde fois.

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ**   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÞÏíã 09-07-10, 08:05 PM   ÇáãÔÇÑßÉ ÑÞã: 5
ÇáãÚáæãÇÊ
ÇáßÇÊÈ:
ÇááÞÈ:
ÚÖæ ÑÇÞí


ÇáÈíÇäÇÊ
ÇáÊÓÌíá: Feb 2008
ÇáÚÖæíÉ: 62940
ÇáãÔÇÑßÇÊ: 1,517
ÇáÌäÓ ÃäËì
ãÚÏá ÇáÊÞííã: **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÚÖæ Úáì ØÑíÞ ÇáÇÈÏÇÚ
äÞÇØ ÇáÊÞííã: 247

ÇÇáÏæáÉ
ÇáÈáÏItaly
 
ãÏæäÊí

 

ÇáÅÊÕÇáÇÊ
ÇáÍÇáÉ:
**ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÛíÑ ãÊæÇÌÏ ÍÇáíÇð
æÓÇÆá ÇáÅÊÕÇá:

ßÇÊÈ ÇáãæÖæÚ : **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ** ÇáãäÊÏì : ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ
ÇÝÊÑÇÖí

 

3



La garde du samedi soir fut largement aussi mouvementée que celle de la veille. Holly eut, entre autres, à traiter le cas d’un jeune toxicomane, Gary, qui avait été amené en catastrophe par un ami, dans un état semi-comateux dû à une prise d’amphétamines mélangées à de l’alcool. Gary devait avoir à peu près le même âge que Daniel et, l’espace d’un instant, le visage de son frère s’imposa à elle.
Mais son frère ne prenait plus aucune substance depuis des mois. Peut-être même cette fois-ci s’en était il définitivement sorti.
Oui… Et un jour peut-être, les poules auraient des dents…
Dès qu’elle fut certaine que le jeune homme était tiré d’affaire, Holly se rendit en salle de repos afin de souffler une minute. Mais comme elle s’apprêtait à franchir le seuil, elle aperçut David et hésita à rebrousser chemin.
— Salut !
Trop tard, il l’avait vue lui aussi.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle entra dans la pièce.
— Je t’en dois la moitié, ajouta-t il en désignant la barre de chocolat qu’il venait de retirer du tiroir du distributeur.
Elle se servit un café, se laissa tomber dans un canapé avec un soupir et accepta les carrés de chocolat qu’il lui tendait.
— Merci.
— La soirée a été rude ?
— Je viens de traiter un toxico et ces cas-là me perturbent toujours beaucoup. C’est à cause de Dan, je suppose… J’imagine toujours qu’il pourrait se trouver à la place du patient que je suis en train de soigner… ou de perdre, selon les cas, ajouta-t elle avec gravité.
— Pourquoi ? s’étonna David.
— Dan a mal tourné à l’époque où il est entré à la fac. De mauvaises fréquentations en mauvaises fréquentations, il a fini par tomber dans la drogue. En ce moment, il vit chez mes parents, mais ma mère est sans arrêt sur son dos, et je dois souvent ramener la paix dans le foyer, ajouta-t elle avec un soupir ironique.
David paraissait incrédule.
— Le petit Danny est devenu toxicomane ?
— Il n’est plus si petit que ça. Il a vingt-cinq ans, et il est plus grand que moi. Plus grand que toi, aussi, je pense… Finalement, ta mère avait raison, enchaîna-t elle après une pause. Notre famille est snob et bêcheuse, et s’il nous arrive toutes ces histoires, nous ne l’avons pas volé. Les deux enfants sont la honte de la famille.
David fronça les sourcils avec perplexité.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
Comme s’il ne voyait pas à quoi elle faisait allusion ! songea-t elle.
Elle écarta sa question d’un haussement d’épaules désinvolte.
— Oh rien…
— Mais Holly…
— Rien, je te dis ! conclut elle d’un ton sec.
Puis elle quitta la pièce avant de prononcer des mots qu’elle aurait pu regretter.
Que se passait il dans sa tête ? pesta David en regardant la jeune femme disparaître dans le couloir. Elle était impossible ! En tant que médecin, irréprochable, oui. En revanche, avec lui, elle affichait un véritable caractère de cochon ! Et leur passé douloureux, s’il pouvait faire figure de circonstance atténuante, ne constituait toutefois pas une excuse pour qu’elle se comporte ainsi ! A qui la faute s’ils avaient rompu, après tout ? Alors, qu’elle ne vienne pas se décharger sur lui de sa culpabilité, à supposer qu’elle en éprouve ! Peut-être, dès lundi, il demanderait à Sue de changer d’équipe. Et au diable les commérages !
— Appelez David, vite ! ordonna Holly à Michelle.
Peter Kirby, le patient que l’on venait de lui amener, avait été passé à tabac à la sortie d’un club gay par une bande de voyous homophobes. Peter avait des côtes cassées et souffrait d’un volet thoracique. Les côtes avaient peut-être perforé les poumons et Peter risquait donc d’être atteint d’un pneumothorax — un épanchement de gaz dans la cavité pleurale due à une perforation de la plèvre —, un diagnostic très alarmant. Toutefois, comme il n’y avait nulle trace des autres symptômes ordinairement associés à ce traumatisme — impossibilité d’entendre la respiration d’un côté de la cage thoracique, déviation trachéale et veines du cou distendues —, Holly ne pouvait se *******er de la tension artérielle et du taux sanguin de saturation en oxygène bas pour conclure avec certitude qu’il s’agissait d’un pneumothorax. Ces deux derniers symptômes pouvaient très bien être liés à une atteinte d’autres organes vitaux, une hémorragie interne par exemple. Seule une laparotomie permettrait de poser le diagnostic de façon certaine avant de transférer Peter au bloc de toute urgence. Et pour cette délicate intervention, elle avait besoin de l’aide de David, qui la rejoignit à peine une minute plus tard.
— Tu as prévenu le bloc ? s’enquit il après qu’elle lui eut résumé la situation.


— Oui, l’anesthésiste sait que le patient présente un risque de pneumothorax.
— Bien, allons-y.
A partir de cet instant, ils ne prononcèrent plus un mot, œuvrant de concert avec une efficacité rare qui surprit Holly. Mais, après tout, des années plus tôt, ils fonctionnaient déjà de cette manière, se comprenant et se complétant à la perfection. Raison pour laquelle l’abandon de David l’avait plongée dans un tel désespoir : ils se connaissaient si bien, savaient si bien lire dans les pensées de l’autre, qu’elle ne s’était pas attendue une seconde à une telle trahison.
A peine eurent ils achevé l’intervention destinée à préparer leur patient pour le bloc — incision de l’abdomen et de la cage thoracique afin d’opérer une décompression et de poser un drain — qu’ils le firent transférer au bloc. A présent, le sort de Peter Kirby reposait entre les mains du chirurgien qui allait l’opérer.
— Merci de ton aide, dit Holly. C’est bon de savoir que je peux compter sur toi…
David s’immobilisa et fronça les sourcils.
Avait il rêvé ou bien avait elle ajouté « pour une fois » dans un murmure à peine audible ?
— Comment ça « pour une fois » ? lança-t il.
Un bref sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme.
— Tu sais très bien ce que je veux dire.
— Ecoute, Holly, il faut que nous ayons une discussion parce que…
— C’est trop tard, coupa-t elle sèchement. Cette fameuse discussion, nous aurions dû l’avoir il y a douze ans. Mais, à l’époque, ça ne présentait pas le moindre intérêt à tes yeux. Et, aujourd’hui, c’est moi qui n’en ai plus envie.
— Quoi ? Attends un peu… Il y a douze ans, tu m’as laissé tomber du jour au lendemain.
— C’est toi qui m’as laissée tomber ! Pile au moment où j’avais le plus besoin de toi !
— Mais de quoi parles-tu ? Ecoute, enchaîna-t il après avoir jeté un bref coup d’œil à sa montre, c’est la fin de notre garde, nous sommes tous les deux épuisés… Viens prendre le petit déjeuner avec moi. Nous pourrons discuter dans le calme et…
— Sûrement pas ! Et puis je ne pense pas que ta femme apprécierait…
— D’abord, je suis divorcé, ensuite… Je ne te demande que de prendre le petit déjeuner avec moi et de bien vouloir me parler. Mais peut-être que quelqu’un t’attend chez toi ?
— Non.
— Alors nous ne pouvons pas rester sur un malentendu… Ou alors je vais finir par être obligé de demander à changer d’équipe. Tu ne crois pas qu’il vaudrait mieux tirer les choses au clair avant d’en arriver là ?
Holly marqua une hésitation, puis elle capitula avec un soupir.
— D’accord. Rendez-vous dans dix minutes dans le hall de l’hôpital. Je connais un café pas loin qui sert d’excellents petits déjeuners.
Ils ne prononcèrent pas un mot pendant tout le court trajet menant au café et un pesant silence régna entre eux jusqu’au moment où le garçon leur apporta leur commande.
— Ecoute, je suis bien trop fatigué pour user de précautions oratoires, dit David, alors vas-y, dis-moi ce que tu as sur le cœur… Et, d’abord, pourquoi prétends-tu que c’est moi qui t’ai laissée tomber ?
— Oh, tu sais, avec le recul, je peux presque comprendre ton attitude… La plupart des garçons de ton âge en auraient fait autant. On n’aime plus sa petite amie, mais on n’a pas le courage de le lui dire en face, alors on s’évapore dans la nature, on ne répond à aucun coup de fil, et pour peu que la petite amie en question se montre insistante, on demande à sa maman de prendre tous les appels téléphoniques. Rien que de très banal en somme…
David laissa échapper un reniflement dédaigneux.
— Moi, je dirais plutôt que la jeune fille des beaux quartiers en a brusquement eu assez du jeune homme issu d’un milieu plus modeste, et que c’est elle qui a demandé à sa maman de filtrer tous les appels téléphoniques, parce qu’elle n’avait pas le courage d’assumer sa décision. Ne mens pas, s’il te plaît, Holly… C’est toi qui n’as répondu à aucun de mes coups de fil.
— Quels coups de fil ?
— Oh, je t’en prie, ne fais pas l’innocente… J’ai téléphoné chez toi des dizaines et des dizaines de fois, et comme par hasard, tu étais toujours sortie au moment où j’appelais. Le jour de la première épreuve du bac, quand j’ai vu que tu ne t’étais pas présentée, j’ai demandé à Mme Smith où tu étais… Elle m’a répondu que tu passais tes épreuves dans un autre centre d’examens. Ce qui démontre au passage que cette trahison de dernière minute était en réalité prévue de longue date, ajouta-t il avec colère. Parce que je ne pense pas qu’on puisse changer de centre d’examens en fin d’année scolaire sur un simple claquement de doigts. Il faut s’y prendre un peu à l’avance, si tu veux mon avis.
Complètement abasourdie, Holly fronça les sourcils.
— Et pourtant si, tout a été arrangé à la dernière minute, murmura-t elle.
— Je ne te crois pas.


— C’est la vérité ! s’indigna-t elle. Et, en outre, j’avais une excellente raison !
— Ah oui ? On peut savoir laquelle ?
— Puisque tu te souviens de tout au détail près, tu dois également te rappeler que, outre l’approche des examens, quelque chose d’autre m’inquiétait…
— C’est vrai, tu étais très stressée.
Elle poussa un soupir exaspéré.
— Bon sang, faut il vraiment que je te fasse un dessin ?
— Eh bien oui, figure-toi ! Je ne vois pas où tu veux en venir !
— Je n’avais pas eu mes règles depuis deux mois.
— Et tu m’as expliqué que c’était sans doute à cause du stress, parce qu’il t’était arrivé la même chose au moment de passer le brevet des collèges. Et puis tu étais vier…
Sous le choc, il laissa sa phrase en suspens. Il eut l’impression d’avoir reçu un direct dans l’estomac.
C’était avec lui que Holly avait perdu sa virginité, à lui qu’elle s’était donnée pour la première fois. Ils s’étaient montrés responsables et avaient utilisé des préservatifs, mais, bien que très efficace, ce moyen de contraception n’était pas sûr à cent pour cent.
Soudain, il fut saisi d’un horrible vertige.
Holly était elle en train de lui annoncer que… ?
— Oh, mon Dieu, murmura-t il, effaré. Tu veux dire que… nous avons eu un bébé ? Je suis le père d’un enfant qui a… environ onze ans ?
Comment avait elle pu mettre au monde leur enfant et lui cacher son existence ?
Elle secoua lentement la tête.
— Non, David, tu n’as pas d’enfant.
— Parce que tu ne m’as pas désigné comme le père, mais…
Il se tut et réfléchit. Holly ne pouvait avoir porté l’enfant d’un autre que lui, il en était certain. Elle avait beau l’avoir quitté sans même prendre la peine de le prévenir, il savait d’instinct qu’elle lui était restée fidèle tout le temps de leur liaison. Une certitude qui ne résolvait pas son problème du moment. Il fallait absolument qu’il sache la vérité !
— Je reformule la question : as-tu un enfant âgé d’un peu plus d’une dizaine d’années ?
— Non.
— Alors quoi ? Tu as confié le bébé à l’adoption ?
— Non.
— Mais alors… Tu as avorté ?
— J’ai fait une fausse couche, répondit elle posément. C’est arrivé juste avant le début des épreuves et j’ai dû être hospitalisée deux jours. Du coup, je n’ai pas pu passer mon bac cette année-là, mais la suivante.
— Une fausse couche…, répéta David, qui avait l’impression de vivre un cauchemar éveillé.
Tout dans le regard de Holly lui ordonnait de se tenir à distance, et pourtant il éprouvait l’irrésistible besoin de la toucher, de la réconforter et d’être réconforté par elle. Ils avaient perdu un bébé et il l’ignorait. Quel gâchis…
— Je t’assure que je n’en savais rien, dit il en s’emparant de la main de la jeune femme. Si j’avais deviné… Je serais resté à tes côtés, tu le sais. Quitte à rater mes examens…
Elle retira sa main.
— Oh oui, bien sûr, ironisa-t elle. J’oubliais que tu m’aimais tellement…
— Oui, je t’aimais. Bien plus qu’aucune autre personne…
« Avant et après toi », compléta-t il en silence. Inutile qu’elle apprenne quel désert sentimental il avait traversé après son départ.
— Quand ta mère m’a répondu que tu refusais de me parler, enchaîna-t il, je n’ai pas voulu la croire. Alors je me suis posté près de chez toi dans l’espoir de t’apercevoir et d’avoir une chance de t’approcher. Et, un jour, je t’ai enfin vue. Toi aussi, tu m’as vu, mais tu m’as ignoré. Délibérément…
— Enfin, David, à quoi t’attendais-tu ? Je venais de subir une fausse couche, je ne pouvais pas passer mon bac, je perdais donc du même coup une année et ma place à l’université de Southampton, je n’avais plus le moindre espoir auquel me raccrocher. Sans compter que mon soi-disant petit ami faisait le mort…
— Je te répète que je t’ai appelée plusieurs fois.
— Ah oui ? Et c’est pour cette raison que tu es parti en vacances avec une autre ?
— Pardon ?
En proie à une évidente émotion, Holly ne répondit pas tout de suite. Le cœur serré, David se rendit compte alors seulement à quel point leur histoire l’avait blessée. Peut-être cela expliquait il pourquoi la douce Holly Jones d’autrefois était devenue aussi froide et dure. Elle s’était forgé une carapace parce qu’elle avait cru qu’il l’avait trahie et avait en plus perdu l’enfant qu’elle portait. Leur enfant…
— Quand j’ai pensé être en mesure de te parler sans éclater en sanglots, dit elle enfin, je suis allée chez toi. Ta mère m’a ouvert la porte, et elle m’a dit que tu étais parti en vacances avec une autre jeune fille.
— Non, ma mère n’aurait jamais fait une chose pareille, répliqua-t il en secouant la tête.
Et pourtant, au fur et à mesure qu’il prononçait ces mots, un doute terrible s’insinuait en lui.


— Tu me traites de menteuse ? lança Holly sur un ton de défi. Je te répète que tu n’étais pas là. Je me suis rendue chez toi une semaine après la fin des examens.
Malgré la confusion qui brouillait son esprit, il s’efforça de se souvenir.
— Oui, c’est vrai, j’étais parti en vacances…
— Avec une autre.
— Non, pas avec une autre ! Dès que le bac a été terminé, mon parrain, David, le frère de ma mère, m’a emmené en vacances avec lui, ma tante et ma cousine Jeannie, pour me changer les idées. Tu as dû mal interpréter les propos de ma mère…
— Oh non, elle s’est montrée très claire, répliqua Holly avec froideur. Elle m’a dit que tu étais parti en vacances avec, je cite, ta « nouvelle petite copine ». Ouvre les yeux… Ta mère m’a menti. Rien d’étonnant à cela, d’ailleurs, elle n’a jamais pu me supporter. T’a-t elle prévenu que j’étais venue sonner chez toi ?
— Non, admit il à contrecœur.
— Evidemment ! Elle voulait s’assurer que je ne chercherais plus à te revoir.
— Ecoute, elle a sans doute cru bien faire… Dans son esprit, c’était toi qui m’avais quitté en me brisant le cœur, Holly. Elle a certainement voulu me protéger.
Holly eut un petit rire sans joie.
— Ta loyauté filiale force le respect… Dommage que tu ne te sois pas montré aussi loyal envers moi quand il l’aurait fallu.
— Ne sois pas injuste. Je ne savais pas pour le bébé.
— Et ta mère avait tort… Je ne t’ai pas quitté, David… Je t’avais téléphoné pour t’annoncer que j’avais fait un test de grossesse, mais sans préciser à ta mère pourquoi je voulais te parler. J’ai simplement dit que c’était très important et elle m’a répondu que tu étais sorti.
— C’était sans doute vrai.
— Et pourquoi tu n’as pas rappelé alors ?
— Parce que je n’ai pas eu le message.
— Comme par hasard.
— Elle a dû oublier…
— Non, elle l’a fait exprès, objecta Holly avec fermeté.
— Et ta mère, à toi ? Elle m’a répondu que tu étais là, mais que tu refusais de me parler. « Elle en a assez que vous la poursuiviez comme ça », ce sont ses propres termes.
— Tu plaisantes ? Elle savait que je t’aimais, elle était au courant pour le bébé… Pourquoi t’aurait elle menti ?
— Parce qu’elle ne pouvait pas me voir en peinture, tu le sais très bien. Evidemment, elle s’est montrée très gentille et très courtoise, le jour où nous nous sommes rencontrés, mais, curieusement, son attitude a changé à la minute où elle a appris que je n’avais pas de père et que j’habitais dans une HLM. Je n’étais pas du même monde que vous et elle ne tenait certainement pas à ce que sa fille ait un enfant d’un garçon qui ne savait pas faire la différence entre un bordeaux et un chablis, voilà la vérité !
Il se tut et Holly prononça un mot qui aurait, à n’en pas douter, choqué l’élégante et distinguée Laura Jones. A cette idée, David se mit à rire.
— Qu’y a-t il de si drôle ? demanda Holly, sur la défensive.
— Rien… J’étais juste en train d’imaginer la tête de ta mère si elle avait entendu le mot que tu viens de prononcer.
— Elle n’en est plus là… Entre une fille enceinte à dix-huit ans et un fils toxicomane qui n’arrive pas à décrocher pour de bon… Aujourd’hui, je crois que je pourrais égrener devant elle un chapelet de jurons tous plus grossiers les uns que les autres sans que ça la fasse sourciller.
— Holly, murmura David, redevenant soudain grave, je ne t’ai pas abandonnée.
Un silence plana, puis Holly soupira.
— Et si tu avais su la vérité ?
A l’évidence, elle n’osait encore baisser la garde. Son regard exprimait la défiance, la mélancolie et aussi… Oui, peut-être le regret de ce qui aurait pu être.
— Je serais resté auprès de toi, Holly, parce que je t’aimais…
De nouveau, un silence plana, chargé de tristesse, de déception et d’amers regrets.
Leurs parents avaient profité de l’occasion qui s’offrait à eux de mettre un terme à une histoire d’amour qu’ils désapprouvaient. Comment deux adolescents à peine sortis de l’enfance auraient ils pu lutter ? Ils n’avaient pas eu la moindre chance.
— Et maintenant ? demanda David, que tout appétit avait brutalement déserté.
Holly haussa les épaules.
— Je ne sais pas…
— Veux-tu que je demande à Sue de me changer d’équipe ?
— Oui… Non, enfin… Ecoute, David, je suis très fatiguée. La nuit a été longue…
Et tous deux venaient de recevoir un gros choc émotionnel.
— Je crois que nous avons besoin de repos et de temps pour réfléchir, dit il, même s’il doutait de parvenir à trouver le sommeil. Allez, viens, je te raccompagne chez toi, ajouta-t il en se levant. Nous pourrons peut-être reparler de tout ça plus tard, quand nous aurons repris des forces.


— Tu n’es pas obligé de me raccompagner, répliqua-t elle avec une pointe de défi dans la voix.
— Je sais, mais ça me ferait plaisir.
Il crut qu’elle allait s’entêter à refuser, mais elle accepta.
Ils se rendirent donc à pied jusque chez Holly, qui habitait non loin de l’hôpital. Une fois parvenus devant la maison de la jeune femme, ils échangèrent un sourire triste et gêné.
— Je peux t’appeler plus tard ? hasarda David.
— Si tu veux. Tu as de quoi noter ?
Il sortit un stylo bille de sa poche et se tint prêt à écrire le numéro qu’elle allait lui dicter au creux de la paume de sa main gauche. Un geste qui fit rire Holly.
— Qu’y a-t il ?
— Rien… C’est drôle que tu continues à faire ça, gribouiller sur ta main parce que tu pourrais oublier le numéro de téléphone ou perdre le papier…
— Les mauvaises habitudes ont la vie dure. Alors ?
Après lui avoir donné son numéro de téléphone, elle lui adressa un bref sourire, puis introduisit sa clé dans la serrure.
— Holly ?
— Oui ?
— Je regrette… Je regrette d’avoir manqué de courage. J’aurais dû affronter ta mère et demander à te voir.
Elle haussa les épaules, l’air triste et désabusé.
— Tu étais très jeune… et ma mère sait être glaçante.
Sur un dernier sourire, elle entra chez elle et ferma la porte.
S’il en croyait certains de leurs collègues de l’hôpital, Holly était en passe de devenir glaçante comme Laura Jones. Lui seul connaissait le cœur d’or de Holly…
Et il fallait qu’il soit dans un état de fatigue extrême pour envisager, ne serait-ce qu’une demi-seconde, de le reconquérir

4


Vêtue d’un jogging informe et d’un vieux T-shirt, Holly achevait de lacer ses baskets lorsque le timbre de la porte d’entrée retentit.
Etonnée et agacée, elle fronça les sourcils. Elle n’attendait aucun visiteur… A moins qu’une énième querelle entre Dan et leurs parents ait poussé ce dernier à sauter dans le premier train pour Londres afin de venir se réfugier chez elle. Mais si c’était bien son frère, cette fois-ci, il serait très mal reçu, car elle n’était vraiment pas d’humeur à le consoler. Et s’il s’agissait d’un démarcheur, elle l’enverrait sur les roses ! songea-t elle en se précipitant dans l’entrée.
Elle ouvrit la porte à la volée, s’apprêtant déjà à rabrouer l’importun, et demeura clouée de surprise.
David se tenait devant elle, un énorme bouquet de gerberas d’un bel orange vif à la main.
Un bref instant, elle crut qu’il s’agissait d’un mirage et cligna des paupières. Mais l’image de David, l’air un peu penaud avec ses fleurs, refusa de disparaître.
— Pour enterrer la hache de guerre, commenta-t il en désignant le bouquet du menton.
— Je croyais que tu allais me téléphoner ?
— J’en avais l’intention, et puis je me suis dit que…
— Tu as vraiment mauvaise mine.
— Sans doute parce que j’ai très peu dormi. J’ai beaucoup réfléchi…
— Moi aussi, dit elle en reculant d’un pas pour le laisser entrer. Je t’offre un café ?
— Je veux bien… Si ça ne te dérange pas trop.
Brusquement, une vague de tristesse l’assaillit. Comment en étaient ils arrivés là ? Ils s’étaient aimés, à la folie. Ils s’étaient perdus… Et maintenant, ils se faisaient des politesses comme deux étrangers.
— Non, pas du tout, répondit elle.
David marqua encore une hésitation.
— Tu es sûre ?
— Oui, oui, entre.
Docilement, il la suivit dans la cuisine, son bouquet de fleurs à la main.
— Je n’aurais jamais pensé que tu donnerais dans le monochrome ! s’exclama-t il en promenant son regard sur la pièce.
Holly observa à son tour les murs immaculés, le plan de travail anthracite et les meubles laqués de blanc.
— A quoi t’attendais-tu ? demanda-t elle.
Il haussa les épaules.
— Je ne sais pas… A des rideaux à fleurs, un style rustique ou des dorures un peu partout…
— Ne confonds pas les goûts de ma mère et les miens, s’il te plaît.
— Non, pardon.
Un bref silence s’installa et, ne sachant visiblement quelle contenance adopter, David lui tendit le bouquet.
— Tiens…
Holly ôta la Cellophane et disposa les fleurs dans un vase bleu.
— Merci, elles sont ravissantes.
— Un dimanche après-midi, je n’avais pas tellement le choix. C’est ce que j’ai trouvé de mieux.
— Eh bien, elles sont ravissantes quand même. Des lignes claires, une grande sobriété et une couleur éclatante qui égaie ma cuisine, c’est parfait !
Tout en parlant, elle avait mis en route la cafetière et déposé le vase sur le rebord d’une fenêtre. Dès que le café fut prêt, elle en remplit deux tasses et invita David à la suivre dans le salon.
Là aussi, constata David, ce n’était que lignes épurées, design sobre et moderne : des murs blancs, un parquet blond, deux canapés grenat qui se faisaient face, une chaîne hi-fi et un home-cinéma dernier cri, et une impressionnante collection de CD soigneusement rangés dans une colonne qui atteignait presque le plafond. Le seul et unique tableau qui décorait la pièce était une toile contemporaine abstraite. Rien à voir avec les cadres aux dorures éclatantes des tableaux qu’affectionnait Mme Jones mère, natures mortes ou paysages de campagne…
Il prit place sur l’un des canapés, et Holly veilla à s’asseoir non pas à côté de lui, mais face à lui. Il comprenait. Ils étaient encore, d’abord et avant tout, des collègues…
— Délicieux, dit il après avoir bu une gorgée de café.
— C’est du café italien, répondit Holly en l’observant avec circonspection. Alors, qu’est-ce que tu voulais ?
— Rien de spécial… Parler, c’est tout.
Il y avait pensé toute la journée, se perdant en divagations infinies sur ce qui avait failli exister…
— Je n’arrive toujours pas à croire que nous ayons eu un bébé.
Les mots avaient franchi ses lèvres malgré lui et la réponse fusa, nette et tranchante comme un couperet.
— Remets-toi, David. Je m’en suis bien remise, moi…
— Vraiment ?
Holly garda le silence.



— Ça aurait un peu bouleversé nos projets, continua-t il, mais je suis certain que nous aurions réussi malgré tout à les mener à bien. Simplement, nous aurions mis plus de temps et cela aurait été un peu plus compliqué que prévu. En tout, nous aurions perdu… quoi ? Une année, tout au plus. J’aurais pu trouver un petit job en attendant la naissance du bébé et, à la rentrée suivante, nous nous serions débrouillés en faisant appel à l’aide sociale. Etudier et élever un enfant en même temps n’aurait pas été de tout repos, mais je suis sûr que nous aurions réussi… Tous les deux, ensemble.
Il avait parlé en fixant sa tasse de café, et lorsqu’il se tut, le silence presque assourdissant qui plana l’obligea à lever les yeux. Sa gorge se noua.
Holly avait le visage inondé de larmes. Ni cris ni sanglots hystériques… Rien que des larmes silencieuses qu’elle laissait couler sans chercher à les retenir.
— Holly ?
Elle s’essuya les yeux d’un revers de main.
— C’est justement ce que j’avais…, commença-t elle d’une voix tremblante.
Quoi ? Imaginé, envisagé, espéré de tout son cœur ?
Il n’en sut rien.
— Ecoute, tout ça, c’est de l’histoire ancienne, reprit elle. J’ai fait une fausse couche et, donc, nous n’avons pas eu de bébé. Notre bébé n’a jamais existé vraiment… Alors il est inutile de perdre du temps à spéculer sur ce qui aurait pu être.
— Oui, mais que va-t il se passer maintenant ?
Elle haussa les épaules avec lassitude.
— Rien. Nous sommes collègues.
— Et tu crois pouvoir travailler au quotidien avec moi ? hasarda-t il avec précaution.
— Et toi ?
— Je crois que oui… Ecoute, je ne suis pas venu dans l’intention de te harceler. C’est juste que… Une page de mon existence que je croyais définitivement tournée ne l’est pas et…
— Si, elle l’est, coupa Holly.
— Non, tu n’as pas le droit de dire ça. J’ai passé douze années à croire dur comme fer à un mensonge, et toi aussi… Aujourd’hui, je nage dans la confusion la plus totale.
— Cela ne change rien à rien…
En était elle aussi certaine qu’elle voulait bien le laisser croire ? Ou bien avait elle peur d’envisager les perspectives que cela leur ouvrait peut-être ?
Une question qu’il ne poserait pas. Ce n’était pas pour rien que Holly s’était forgé la réputation d’une femme qui n’avait peur de rien ni personne. Mieux valait donc changer de tactique…
— Tu veux bien me raconter ce qui t’est arrivé, après ce fameux été ?
Elle sembla se détendre un peu.
— Il n’y a pas grand-chose à dire… Je me suis inscrite dans un autre lycée, j’ai passé le bac l’année suivante, je suis venue étudier à Londres, ensuite, j’ai fait mon internat au London City General et j’ai postulé au service des urgences. Sue m’a promue chef de clinique l’année dernière. Voilà…
— Tu t’es bien débrouillée… Jamais je n’aurais cru te retrouver dans un grand hôpital londonien. Je pensais que tu devais exercer comme généraliste dans un joli coin de campagne, dans le Cheshire ou ailleurs… Tu te destinais initialement à devenir médecin généraliste.
— Toi aussi, souligna-t elle.
— Disons qu’au moment de choisir ma spécialité, je n’avais plus le cœur à… Enfin, je voulais exercer une discipline qui me permettrait de ne pas trop…
— T’impliquer ? compléta Holly avec un pâle sourire.
Il acquiesça d’un signe de tête.
— C’est ce qui t’est arrivé à toi aussi, n’est-ce pas ?
— Oui. Et ça a marché d’ailleurs… Objectif atteint.
— Pour moi aussi… Du moins jusqu’à lundi dernier, quand je t’ai vue entrer dans la salle de repos où je bavardais avec Anna. Bref… Et ta vie privée ? Tu n’es pas mariée.
— Et toi, tu es divorcé. Tu as quelqu’un en ce moment ? Je veux dire, une relation sérieuse ?
Il secoua la tête.
— Et toi ?
— Non plus.
— Il y a une raison particulière à cela ?
— Ma carrière et mon métier absorbent l’essentiel de mon temps. A terme, j’aimerais bien comme toi devenir médecin chef. L’année prochaine peut-être, et de préférence au London City General car je m’y plais beaucoup…
Elle se tut, et un silence plana. David était passé voir Holly pour une raison bien précise, et l’heure était venue d’aborder la question. Il posa sa tasse de café vide, se leva et alla s’asseoir près de la jeune femme, conscient qu’elle se raidissait.
— J’ai téléphoné à ma mère aujourd’hui, Holly.
— Et ?
Sa main s’empara de celle de Holly.
— Je lui ai demandé de m’expliquer pourquoi elle m’avait menti… Pourquoi elle nous avait menti.
— J’avais donc raison ? demanda Holly.
— Oui.


De nouveau, le silence… Au moins, Holly n’avait pas retiré sa main et, le plus étrange, c’était que ce contact lui semblait parfaitement naturel. Tenir la main de Holly lui donnait l’impression de rentrer enfin au port après une longue et terrible tourmente. Un bien-être qu’il n’avait jamais ressenti au cours de ses trois années de mariage avec Alyson.
Et pourtant, il aurait été idiot d’accorder plus de valeur à cette sensation qu’elle n’en avait réellement. Holly et lui ne pourraient jamais effacer le passé ou reprendre leur relation là où elle s’était brutalement interrompue. Aujourd’hui, ils étaient très différents de ce qu’ils avaient été, plus mûrs, plus sages aussi. Et leurs envies et leurs projets n’avaient certainement plus rien de commun avec ceux qu’ils avaient formés adolescents…
La voix de Holly le ramena à la réalité.
— Tu sais quoi ?
— Toi aussi, tu as téléphoné à ta mère ?
— Oui… Mais elle était sortie assister à une vente de charité quelconque et je suis tombée sur mon père.
— Qui a confirmé mes dires ?
— Oui.
Il eut un petit rire ironique.
— Quelle belle réussite ! A elles deux, et sans se consulter, nos mères ont privé le pays de deux nouveaux généralistes, alors qu’il y a un déficit cruel de cabinets de médecine générale.
— Peut-être qu’une fois notre projet accompli, nous nous serions rendu compte que nous nous étions trompés, hasarda Holly. J’aime la médecine d’urgence parce qu’on est toujours sur la brèche… Et puis j’adore vivre à Londres.
— Sans doute… A la réflexion, la campagne m’angoisse un peu. La nuit y est beaucoup trop noire et profonde.
— Donc, si j’ai bien suivi, de ton côté tu es passé par Southampton et Newcastle avant d’arriver à Londres ?
— J’ai fait mon internat à Southampton. Ensuite, à l’époque où j’ai divorcé, on m’a proposé un poste de chef de clinique à Newcastle et j’ai sauté sur l’occasion. Je me suis beaucoup plu là-bas, j’en garde un excellent souvenir.
— Ta femme, comment était elle ?
— Alyson ? Grande, blonde, les yeux marron…
L’exacte opposée de Holly, et sans doute n’était-ce pas un hasard. Car, s’il se montrait honnête, il n’était jamais parvenu à oublier son premier grand amour — le seul.
— Elle travaillait dans les relations publiques, enchaîna-t il. A l’époque où nous nous sommes rencontrés, nous étions tous les deux étudiants. Elle avait quelques années de moins que moi. Nous nous sommes mariés dès que nous avons obtenu nos diplômes l’un et l’autre. Mais la vie sociale d’un jeune médecin est difficilement compatible avec celle de quelqu’un qui n’appartient pas au corps médical. Je n’avais aucune envie de passer la moitié de la nuit à faire la fête quand je devais être de garde à 6 heures du matin. Lorsque j’étais de service de nuit, Alyson restait toute seule et je ne te parle pas des week-ends d’astreinte. L’enfer… Nos horaires ne correspondaient que très rarement. Alyson aurait bien voulu que je devienne une sorte de médecin-conseil dans les pages d’un magazine féminin ou médical afin que nous ayons un rythme de vie plus classique. Ce qui aurait pu se faire car elle possédait un carnet d’adresses bien fourni. Mais j’ai choisi la médecine pour être au contact des patients, pas pour répondre à leurs questions dans les colonnes d’un journal. Enfin, bref, assez vite, nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas faits l’un pour l’autre et que nous n’avions aucun avenir ensemble, et nous avons divorcé. Et toi ? ajouta-t il après une courte pause.
— Comme tu viens de le souligner, les horaires d’un médecin, surtout s’il est praticien hospitalier, sont rarement compatibles avec ceux du commun des mortels.
Joli façon de ne pas répondre à sa question… Y avait il eu quelqu’un de sérieux, ou avait elle volé d’aventure en amourette sans lendemain ? Mais une lueur sombre au fond du regard de la jeune femme lui conseillait de ne pas trop insister, et de lâcher sa main… Ce qu’il fit.
Ses yeux se posèrent alors sur le tapis de jogging posté dans un coin de la pièce.
— Tu ne préférerais pas courir dans un parc ? questionna-t il.
— Si, mais j’ai arrêté le jour où je me suis fait agresser.
— Tu t’es fait agresser ? répéta-t il avec effroi.
— Ne t’inquiète pas, il y a eu plus de peur que de mal… Il se trouve que Rick, l’un des auxiliaires médicaux, m’avait enseigné les rudiments d’un sport de défense. Je les ai mis en pratique et j’ai envoyé mon agresseur au tapis. Le pauvre, il m’a presque fait pitié… Tu te rends compte qu’il s’est fêlé le coccyx en tombant ? Et devine qui a dû appeler les secours et le soigner ? ajouta-t elle avec un sourire malicieux.
— Non, tu n’as pas… ?
— Hé si ! Je t’assure que je ne me suis pas privée de lui faire le coup de la seringue.
— Quelle humiliation…, commenta David en secouant la tête.


— Au moins, ça lui aura donné une bonne leçon. C’était une première pour lui et, franchement, je ne pense pas qu’il ait envie de recommencer de sitôt. En tout cas, quand Zoé et Jude ont appris la nouvelle, elles m’ont mis le marché en main : soit je m’inscrivais séance tenante dans un club de gym, soit j’achetais un tapis de jogging. Sinon, elles iraient tout rapporter à ma mère… J’ai donc dû acheter le fameux tapis. Je n’avais aucune envie de devoir me soumettre aux horaires d’un club de gym ou d’être obligée de faire la queue devant les appareils.
Un sourire se dessina sur les lèvres de David.
— Elles t’ont menacée de tout dire à ta mère ? s’esclaffa-t il. Les gens le savent à l’hôpital ?
— Bien sûr que non. Mais si, par malheur, ils l’apprenaient, il se pourrait fort bien que je te confonde avec un agresseur la prochaine fois que je te croiserai…
— Je tiens bien trop à l’intégrité de mon coccyx pour commettre la moindre indiscrétion, répondit il en riant.
L’idée le traversa soudain qu’ils avaient retrouvé naturellement leur complicité rieuse d’antan, qu’il avait retrouvé la Holly d’autrefois. Et peut-être que…
— Qu’y a-t il ? demanda la jeune femme avec une soudaine gravité.
Oh non ! Avait elle lu dans ses pensées ?
— Pardon ?
— Tu avais un drôle d’air tout à coup.
— Ah oui ?
— A quoi pensais-tu ?
Il avait dû sous-estimer son manque de sommeil et son état d’extrême fatigue nerveuse, car les mots franchirent ses lèvres sans qu’il puisse les retenir.
— J’étais en train de me dire que j’avais envie de t’embrasser.

 
 

 

ÚÑÖ ÇáÈæã ÕæÑ **ÃãíÑÉ ÇáÍÈ**   ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
ÅÖÇÝÉ ÑÏ

ãæÇÞÚ ÇáäÔÑ (ÇáãÝÖáÉ)

ÇáßáãÇÊ ÇáÏáÇáíÉ (Tags)
de kate hardy, rencontre surprise aux urgences
facebook




ÌÏíÏ ãæÇÖíÚ ÞÓã ÇáÑæÇíÇÊ ÇáÑæãÇäÓíÉ ÇáÇÌäÈíÉ
ÃÏæÇÊ ÇáãæÖæÚ
ãÔÇåÏÉ ÕÝÍÉ ØÈÇÚÉ ÇáãæÖæÚ ãÔÇåÏÉ ÕÝÍÉ ØÈÇÚÉ ÇáãæÖæÚ
ÊÚáíãÇÊ ÇáãÔÇÑßÉ
áÇ ÊÓÊØíÚ ÅÖÇÝÉ ãæÇÖíÚ ÌÏíÏÉ
áÇ ÊÓÊØíÚ ÇáÑÏ Úáì ÇáãæÇÖíÚ
áÇ ÊÓÊØíÚ ÅÑÝÇÞ ãáÝÇÊ
áÇ ÊÓÊØíÚ ÊÚÏíá ãÔÇÑßÇÊß

BB code is ãÊÇÍÉ
ßæÏ [IMG] ãÊÇÍÉ
ßæÏ HTML ãÚØáÉ
Trackbacks are ãÊÇÍÉ
Pingbacks are ãÊÇÍÉ
Refbacks are ãÊÇÍÉ



ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 11:07 AM.


 



Powered by vBulletin® Version 3.8.11
Copyright ©2000 - 2024, Jelsoft Enterprises Ltd.
SEO by vBSEO 3.3.0 ©2009, Crawlability, Inc.
ÔÈßÉ áíáÇÓ ÇáËÞÇÝíÉ